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Résolution 1671 (2009)
Situation au Bélarus
1. L’Assemblée
parlementaire suit attentivement la situation au Bélarus depuis
1992, date à laquelle elle a accordé le statut d’invité spécial
au Parlement du Bélarus. Ce statut a cependant été suspendu en 1997, faute
de progrès de la part de ce pays en matière de démocratie, de droits
de l’homme et de prééminence du droit, et sa demande d’adhésion
au Conseil de l’Europe a été gelée l’année suivante. L’Assemblée
ne perd pas l’espoir que le temps viendra où le Bélarus remplira
les conditions requises pour devenir membre du Conseil de l’Europe
et où ses autorités s’engageront fermement à respecter les normes
de l’Organisation et à adhérer à ses valeurs.
2. Ces derniers mois, des faits importants sont intervenus au
Bélarus: entre janvier et août 2008, neuf personnalités de l’opposition
considérées comme des prisonniers politiques ont été libérées, dont
l’ancien candidat à la présidence Alexandre Kozouline. De ce fait,
il n’y a plus au Bélarus de prisonniers politiques reconnus comme
tels par la communauté internationale. L’Assemblée se félicite de
ce progrès tangible et lance un appel pour qu’il soit rendu irréversible.
3. L’Assemblée salue aussi avec satisfaction l’enregistrement
du mouvement d’opposition «Pour la liberté!» ainsi que la possibilité
donnée à trois publications indépendantes – Narodnaya
Volya,Nashe Niva et Uzgorak – d’être publiées au Bélarus
et leur intégration dans le réseau de distribution étatique. Toutefois,
la liberté des médias est loin d’être respectée au Bélarus, en particulier
pour ce qui concerne la radiodiffusion.
4. Elle considère également comme un élément positif la mise
en place, sous l’égide de l’administration présidentielle et d’autres
organes de l’Etat, de plusieurs conseils consultatifs qui pourront
permettre aux autorités d’engager un dialogue constructif avec les
représentants des organisations non gouvernementales et de la société
civile. L’Assemblée espère que les résultats des discussions qui
se tiendront dans le cadre des conseils consultatifs se traduiront
par des mesures législatives et politiques.
5. S’agissant de la disparition de quatre opposants politiques
en 1999 et 2000, l’Assemblée se félicite qu’aucun des hauts fonctionnaires
cités dans la Résolution
1371 (2004) sur les personnes disparues au Bélarus comme étant fortement
suspectés d’être impliqués dans ces disparitions ou de les avoir
dissimulées n’occupe encore de poste à responsabilité. Elle déplore
toutefois qu’il n’ait pas été permis aux enquêtes sur ces crimes
de progresser malgré les éléments fournis dans le rapport de l’Assemblée.
6. Ces développements sont d’autant plus importants qu’ils répondent
à des exigences précises de la part des organisations européennes
et qu’ils interviennent dans le contexte de la reprise du dialogue
politique avec les dirigeants du Bélarus.
7. En effet, à la suite de la libération de tous les prisonniers
politiques au Bélarus, l’Union européenne a décidé, en octobre 2008,
de renouer les contacts avec ses dirigeants au plus haut niveau
et de suspendre, même si ce n’est que partiellement et provisoirement,
l’interdiction de visa à l’encontre d’un certain nombre de hauts
responsables du Bélarus, dont le Président Loukachenko. Cette suspension
a été prolongée de neuf mois en avril 2009. La volonté de l’Union
européenne de normaliser les relations avec le Bélarus a été illustrée par
la visite à Minsk du haut représentant de l’Union européenne pour
la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, et
sa rencontre avec le Président Loukachenko, le 19 février 2009.
8. Le Bélarus est l’un des six pays qui participeront au Partenariat
oriental, un nouvel instrument visant à renforcer la coopération
politique et économique entre l’Union européenne et ses voisins
d’Europe orientale et du Caucase, en vue de favoriser leur stabilité
et de soutenir leurs réformes en faveur de la démocratie et de l’économie
de marché. Le niveau de participation du Bélarus dépendra de l’évolution
générale de ses relations avec l’Union européenne. Dans ce contexte,
le Bélarus a participé au Sommet du Partenariat oriental qui s’est tenu
à Prague le 7 mai 2009. L’Union européenne a également l’intention
d’établir un dialogue sur les droits de l’homme avec le Bélarus.
9. Récemment, le Conseil de l’Europe a lui aussi intensifié ses
contacts avec les autorités du Bélarus: après la visite d’une délégation
de la commission des questions politiques de l’Assemblée en février
2009, le ministre Miguel Ángel Moratinos s’est rendu en visite officielle
à Minsk en mars 2009, en sa qualité de Président du Comité des Ministres.
Quelques semaines auparavant, les autorités du Bélarus avaient finalement
donné leur feu vert à l’ouverture d’un point d’information sur le
Conseil de l’Europe à Minsk, idée lancée par l’Assemblée, qui a
été développée par la présidence slovaque du Comité des Ministres.
La cérémonie d’ouverture du point d’information s’est déroulée en
juin 2009.
10. De plus, en décembre 2008, le Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe a décidé d’accorder le statut
d’observateur au Conseil de coopération des collectivités locales,
rattaché au Conseil de la République de l’Assemblée nationale de
la République du Bélarus.
11. Malgré les récents développements positifs et la reprise des
contacts avec les organisations européennes, la situation au Bélarus
demeure préoccupante.
12. Tout d’abord, les élections législatives de septembre 2008
ont été une occasion manquée de s’engager résolument sur la voie
du changement démocratique, n’ayant pas été conformes aux normes
européennes en matière de liberté et d’équité. Comme l’a souligné
le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme
de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH),
le processus électoral a laissé gravement à désirer, et ce à tous
les stades du processus, depuis l’absence d’information pluraliste des
électeurs jusqu’au manque de transparence du dépouillement du scrutin.
Ces insuffisances ont inévitablement jeté le doute sur la représentativité
de l’actuel parlement, aucun candidat de l’opposition n’étant parvenu
à obtenir un siège. Il est toutefois encourageant qu’à la suite
de l’évaluation finale de l’OSCE/BIDDH les autorités du Bélarus
aient accepté de travailler avec ce dernier sur la réforme du cadre
juridique électoral et de la pratique électorale du pays, afin de
les mettre en conformité avec les engagements pris par le Bélarus à
l’égard de l’OSCE.
13. En ce qui concerne le respect des libertés politiques, le
harcèlement et l’intimidation de militants de l’opposition, en particulier
de jeunes, se poursuivent par différents moyens tels que les perquisitions
injustifiées dans des domiciles privés, la confiscation illégale
d’équipements, les brutalités policières au cours des manifestations
et la conscription forcée de personnes précédemment déclarées inaptes
au service militaire. En outre, un certain nombre de militants politiques
sont assignés à domicile et le casier judiciaire des prisonniers
politiques libérés n’a pas été effacé, de sorte que ces personnes
ne peuvent exercer pleinement certains de leurs droits, y compris
celui de se présenter aux élections.
14. L’Assemblée note également que, à l’heure actuelle, trois
entrepreneurs, qui se trouvent en détention, ainsi que d’autres
personnes sujettes à des formes de privation de leur liberté personnelle,
sont considérés par l’opposition du Bélarus comme des prisonniers
politiques ou, tout au moins, comme des victimes de manipulation
du système judiciaire pénal pour des raisons politiques. L’Assemblée
demande qu’une enquête indépendante soit conduite sur ces affaires,
afin de savoir si ces personnes sont des prisonniers politiques
et, si c’est le cas, de faire le nécessaire pour qu’elles soient
libérées.
15. La situation de la liberté d’association est également un
motif de préoccupation: même si le mouvement d’opposition politique
«Pour la liberté!» a enfin été enregistré en décembre 2008, d’autres
organisations d’opposition et de défense des droits de l’homme continuent
de rencontrer des obstacles pour obtenir leur enregistrement auprès
du ministère de la Justice, le dernier exemple en date étant celui
de l’organisation de défense des droits de l’homme Nasha Viasna,
dont les membres, en vertu de l’article 193.1 du Code pénal, s’exposent
à des poursuites au motif qu’ils font partie d’une organisation
non enregistrée.
16. L’Assemblée regrette que, malgré l’intégration de trois publications
indépendantes dans le réseau de distribution étatique, les autres
publications indépendantes ne puissent bénéficier de ce dispositif,
ni même être imprimées au Bélarus. Le contrôle gouvernemental absolu
sur l’impression et la distribution de la presse ainsi que sur la
radiodiffusion est une violation flagrante de la liberté des médias.
De même, l’Assemblée est préoccupée par les difficultés que rencontrent
les journalistes étrangers pour obtenir une accréditation de presse
et par les médias étrangers, comme la chaîne par satellite Belsat,
pour obtenir leur enregistrement auprès du ministère des Affaires
étrangères. Elle prend note, cependant, des nombreuses déclarations émanant
de dirigeants du Bélarus quant à leur volonté de faire en sorte
que la nouvelle loi sur les médias ne soit pas appliquée d’une manière
qui restreigne la liberté d’expression. L’Assemblée souhaiterait
que l’on puisse en dire autant de la mise en œuvre de la loi sur
la lutte contre l’extrémisme, qui a conduit récemment à la suspension
de la publication du magazine Arche, laquelle
a été par la suite retirée à la suite de la pression internationale.
17. Elle regrette également qu’il soit toujours possible au Bélarus
de procéder à des exécutions capitales, bien que les catégories
de crimes passibles de la peine de mort aient été restreintes, que
le nombre de condamnations à mort ait reculé et qu’aucune exécution
n’ait eu lieu depuis octobre 2008 d’après les déclarations officielles.
L’Assemblée rappelle que, selon la Constitution en vigueur, la présence
d’une disposition sur la peine de mort est considérée comme une
mesure transitoire et qu’aucune contrainte juridique n’empêche le
Président ni le parlement d’instaurer un moratoire sur les exécutions.
En l’absence de statistiques publiques, l’Assemblée prend également
note d’informations fournies par les autorités, selon lesquelles
aucune condamnation à mort n’est actuellement en attente d’exécution.
18. Considérant que, même si le Bélarus est loin de respecter
les normes du Conseil de l’Europe en matière de démocratie, de prééminence
du droit et de droits de l’homme, ses autorités ont pris récemment
des mesures importantes qui vont dans le bon sens, l’Assemblée décide
d’encourager la poursuite de ce processus en engageant un dialogue
politique avec les autorités, tout en continuant à soutenir le renforcement
des forces démocratiques et de la société civile dans le pays.
19. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande à son Bureau:
19.1. de lever la suspension du statut
d’invité spécial du Parlement du Bélarus après qu’un moratoire sur
l’exécution de la peine de mort a été ordonné par les autorités
bélarussiennes compétentes;
19.2. en tenant compte également de l’avis de la commission
des questions politiques, de suivre la situation au Bélarus et,
dans un délai d’un an, ou plus tôt si la situation l’exige, d’évaluer
si ce pays a accompli des progrès tangibles et irréversibles vers
le respect des normes du Conseil de l’Europe. A cet égard, il conviendra
d’examiner particulièrement dans quelle mesure le Bélarus s’est
conformé aux recommandations formulées aux paragraphes 21 et 22
de la présente résolution et de prendre en considération l’esprit
de coopération dont auront fait preuve les autorités dans leurs
relations avec le Conseil de l’Europe;
19.3. dans le cadre du rétablissement du statut d’invité spécial
pour le Parlement du Bélarus, et en attendant que l’opposition y
soit convenablement représentée, de veiller à ce qu’une délégation
de l’opposition extraparlementaire du Bélarus soit invitée à participer
aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions, selon des modalités
qui seront établies par le Bureau lui-même;
19.4. d’inviter la commission des questions politiques à continuer
de suivre la situation au Bélarus, en s’appuyant également sur les
activités menées par sa sous-commission sur le Bélarus, et à faire
rapport à l’Assemblée si besoin est.
20. En outre, l’Assemblée appelle le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe à désigner un groupe d’experts indépendants pour enquêter
sur les nouveaux cas de prisonniers politiques présumés au Bélarus
et sur ceux qui pourraient surgir.
21. Convaincue que le dialogue ne peut être nourri que par des
progrès continus du Bélarus vers les normes du Conseil de l’Europe,
l’Assemblée appelle les autorités du Bélarus:
21.1. à assurer la libération immédiate de tous les prisonniers
politiques (tels que déterminés selon la procédure établie au paragraphe
20 ci-dessus) et à veiller à ce qu’il n’y ait pas de recul sur cette importante
question;
21.2. à lever immédiatement et sans condition les restrictions
imposées à 11 jeunes personnes condamnées à des peines restrictives
de liberté pour leur participation à une manifestation pacifique
en janvier 2008;
21.3. à coopérer pleinement avec le Conseil de l’Europe pour
établir si les allégations selon lesquelles il y aurait encore plusieurs
prisonniers politiques au Bélarus sont fondées;
21.4. à effacer le casier judiciaire des anciens prisonniers
politiques pour leur permettre d’exercer pleinement leurs droits
civils et politiques;
21.5. à s’abstenir de harceler et d’intimider les militants
de l’opposition;
21.6. à mettre un terme à la pratique de la conscription forcée
de militants de l’opposition précédemment déclarés inaptes au service
militaire;
21.7. à garantir le respect de la liberté d’association, en
particulier:
21.7.1. en éliminant tous
les obstacles pratiques et juridiques injustifiés à l’enregistrement
de partis politiques, de groupes et d’associations de défense des
droits de l’homme, et en leur donnant la possibilité d’avoir leur
siège dans des immeubles résidentiels;
21.7.2. en autorisant l’enregistrement de l’organisation de défense
des droits de l’homme Nasha Viasna;
21.7.3. en abrogeant l’article 193.1 du Code pénal;
21.8. à garantir le respect de la liberté de réunion, en particulier:
21.8.1. en permettant aux organisations
de l’opposition de tenir des manifestations dans des lieux où le
public peut les voir;
21.8.2. en veillant à ce que les forces de l’ordre ne fassent
pas excessivement usage de la force contre les manifestants;
21.9. à réformer la législation et la pratique électorales du
Bélarus en tenant compte des recommandations de l’OSCE/BIDDH et
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), afin de les mettre en conformité avec les normes européennes
et à demander formellement à la Commission de Venise, auprès de
laquelle il bénéficie du statut de membre associé, d’être impliquée
dans ce processus;
21.10. à garantir la liberté des médias et la diffusion d’une
information pluraliste, en particulier:
21.10.1. en autorisant l’impression au Bélarus et la distribution
par l’intermédiaire du réseau étatique des publications indépendantes;
21.10.2. en autorisant la création d’imprimeries indépendantes
et de distributeurs indépendants pour la presse écrite;
21.10.3. en abolissant l’actuel contrôle gouvernemental direct
sur le radiodiffuseur d’Etat et en veillant à ce que l’opposition
politique puisse avoir un accès équitable à la radiodiffusion, notamment
avant les élections;
21.10.4. en faisant en sorte que les médias basés sur internet
puissent fonctionner sans restrictions administratives;
21.10.5. en abrogeant les dispositions pénales excessivement restrictives
sur la diffamation, en particulier l’infraction consistant à formuler
des déclarations négatives mensongères au sujet de la République
du Bélarus et de ses organes d’Etat;
21.10.6. en éliminant les obstacles à l’octroi de visas d’entrée
et à l’accréditation des journalistes étrangers;
21.10.7. en enregistrant la chaîne par satellite Belsat et d’autres
chaînes diffusées par satellite qui en feraient la demande, sous
réserve de la disponibilité des ressources techniques;
21.10.8. en s’abstenant de prendre prétexte de la loi sur la lutte
contre l’extrémisme pour limiter ou pour faire cesser les activités
des médias indépendants;
21.10.9. en veillant à ce que la nouvelle loi sur les médias soit
appliquée de façon non restrictive, notamment en ce qui concerne
l’obligation de réenregistrement;
21.11. à garantir l’autonomie universitaire et la liberté de
l’enseignement, à permettre à l’Université européenne de lettres
(European Humanities University) de rouvrir ses portes au Bélarus
et à s’abstenir d’exclure, pour des motifs politiques, des étudiants
et des enseignants des établissements d’enseignement au Bélarus;
21.12. à veiller à ce que l’Institut d’études politiques d’Europe
orientale soit enregistré et à envisager la participation de jeunes
fonctionnaires;
21.13. à apporter leur plein appui au fonctionnement du point
d’information sur le Conseil de l’Europe à Minsk et à la mise en
œuvre de ses activités;
21.14. à utiliser pleinement les conventions du Conseil de l’Europe
auxquelles le Bélarus est partie, en participant aux activités qui
en découlent de façon active et constructive.
22. Enfin, l’Assemblée appelle le Parlement et les autres autorités
du Bélarus à déclarer immédiatement un moratoire officiel sur les
condamnations à mort et les exécutions en vue d’abolir la peine
de mort et à introduire les mesures législatives opportunes en tant
qu’étape suivante vers l’abolition complète de la peine de mort.