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Résolution 1696 (2009) Version finale

Engagement des diasporas européennes: le besoin de réponses gouvernementales et intergouvernementales

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 20 novembre 2009 (voir Doc. 12076, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: Mme Bilozir). Voir également la Recommandation 1890 (2009).

1. Les migrations en provenance des autres continents et de l’Europe de l’Est vers l’Europe de l’Ouest ont toujours existé et continueront à se développer tant que persisteront des différences entre les niveaux de vie, les revenus et les situations politiques. Toutefois, les politiques visant à répondre aux nombreux défis et à exploiter les nombreuses possibilités offertes par ces mouvements tardent à suivre les évolutions.
2. Cela fait quinze ans que l’Assemblée parlementaire travaille sur la question des Européens vivant à l’étranger et de leurs liens avec leurs pays d’origine. Elle regrette que la question particulière de l’établissement de liens avec les communautés des diasporas européennes n’ait pas fait l’objet d’une politique spécifique.
3. L’Europe a toutefois de plus en plus conscience que la mobilité de la main-d’œuvre, si elle est bien gérée, peut être profitable à la fois aux pays de destination et aux pays d’origine. La question de savoir comment gérer au mieux la mobilité, les identités multiples et la diversité d’une façon qui permette de maximiser l’engagement des diasporas à la fois dans les pays d’origine et dans les pays d’accueil, constitue un défi que les gouvernements doivent aujourd’hui relever.
4. L’Assemblée estime qu’il est essentiel d’établir et de maintenir un juste équilibre entre le processus d’intégration dans les sociétés d’accueil et les liens avec le pays d’origine. Elle est convaincue que, en considérant les migrants non pas uniquement comme des travailleurs ou des acteurs économiques, mais aussi comme des acteurs politiques, on sera mieux à même de reconnaître leur capacité à promouvoir et à diffuser les valeurs démocratiques. Le droit de voter et le droit de se présenter aux élections dans les pays d’accueil ainsi que la possibilité de participer aux organisations non gouvernementales européennes dirigées de manière démocratique permettront aux diasporas de soutenir l’instauration d’un système de gouvernance démocratique et responsable dans les pays d’origine. C’est pourquoi il convient d’encourager les politiques visant à accorder aux migrants les droits et les obligations en tant que citoyens ou résidents des deux pays.
5. L’Assemblée regrette que, malgré les appels qu’elle lance depuis de nombreuses années en faveur de la révision des modèles existants en matière de relations entre les expatriés et leurs pays d’origine, les relations entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et leurs diasporas soient encore loin d’être harmonisées. De nombreux Etats membres d’Europe centrale et orientale commencent seulement à reconnaître le potentiel de développement et les autres avantages inhérents à un engagement plus institutionnalisé de leurs diasporas, notamment dans le contexte de l’actuelle crise économique mondiale.
6. L’Assemblée réitère qu’il est dans l’intérêt des Etats membres de veiller à ce que leurs diasporas continuent d’exercer activement leurs droits liés à la nationalité et contribuent de diverses manières au développement politique, économique, social et culturel de leur pays d’origine. Elle est convaincue que la mondialisation et l’immigration croissante peuvent avoir de nombreux effets positifs dans les pays d’accueil en contribuant à la construction de sociétés diversifiées, tolérantes et pluriculturelles.
7. L’Assemblée reconnaît que les Etats sont investis d’une responsabilité particulière à l’égard de leurs communautés d’expatriés là où celles-ci représentent une minorité nationale significative dans un autre Etat. Toutefois, elle désapprouve toute forme de manipulation politique des diasporas, notamment en vue de promouvoir des politiques expansionnistes. L’Assemblée, par exemple, maintient que toute délivrance de passeports à grande échelle devrait être réglementée par des accords bilatéraux entre les Etats concernés et être conforme aux principes du droit international.
8. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe à se concentrer sur l’élaboration de politiques de migration complètes qui considèrent les diasporas comme des vecteurs de développement, à promouvoir le rôle institutionnel des diasporas par le biais d’un dialogue et d’une consultation régulière, et à offrir des incitations politiques aux diasporas ou à ceux d’entre leurs représentants qui souhaitent participer activement au développement de leur pays d’origine.
9. En particulier, l’Assemblée encourage les Etats membres, en tant que pays d’origine, à adopter les incitations stratégiques suivantes:
9.1. incitations politiques et civiles:
9.1.1. développer des institutions et élaborer des politiques en faveur d’une harmonisation maximale des droits politiques, économiques, sociaux et culturels des diasporas avec ceux de la population autochtone;
9.1.2. faciliter l’acquisition ou le maintien des droits de vote en offrant la possibilité de voter à l’étranger pour les élections nationales;
9.1.3. faire participer les diasporas à l’élaboration des politiques, notamment pour ce qui a trait aux questions de nationalité et de citoyenneté, ainsi que pour ce qui concerne les droits politiques, économiques, sociaux et culturels;
9.1.4. recueillir des informations sur leurs ressortissants expatriés et leur permettre de disposer de leur propre représentation sur la scène politique nationale grâce à la création de ministères pour la représentation de la diaspora;
9.1.5. charger les ambassades et les consulats à l’étranger de fournir aux diasporas des services spécifiques et des informations utiles en vue de renforcer la confiance;
9.1.6. promouvoir la création de réseaux et d’associations des diasporas en élaborant une feuille de route à cette fin, et rechercher le moyen de faire participer activement les pays d’origine et les pays d’accueil à ces réseaux;
9.2. encourager les retours:
9.2.1. mettre en place des politiques visant à encourager les retours permanents ou temporaires et promouvoir «l’afflux de cerveaux» (brain gain);
9.2.2. créer toutes les conditions permettant aux diasporas qui souhaitent retourner dans leurs pays d’origine d’encourager l’adaptation et de bénéficier pleinement de leurs avantages fiscaux et autres avantages économiques ainsi que de leurs droits à la retraite;
9.2.3. faciliter la circulation des diasporas (visas d’entrées multiples, permis de séjour de longue durée, droit d’entrée pour les diasporas possédant la nationalité du pays d’accueil);
9.3. encourager les transferts de fonds en mettant en place des législations et des réglementations proactives qui permettent d’éviter la double imposition et établissent les cadres juridiques et réglementaires autorisant un usage efficace des envois de fonds dans divers domaines d’investissement, en liant les envois de fonds à d’autres services financiers (comptes d’épargne, prêts, assurance sociale, etc.);
9.4. promouvoir la création d’entreprises par les diasporas en proposant des incitations transparentes dans les domaines des douanes et des importations, en facilitant l’accès à des espaces économiques spéciaux ainsi qu’à des comptes en devises et en les informant des possibilités d’investissement;
9.5. développer des politiques de reconnaissance effective des diplômes et autres certificats obtenus hors du pays d’origine.
10. L’Assemblée encourage les Etats membres, en tant que pays de destination:
10.1. à revoir leurs politiques de migration en vue d’accorder aux migrants davantage de droits et d’obligations, en harmonisant autant que faire se peut les droits des membres des diasporas non citoyens avec ceux des citoyens des pays d’accueil;
10.2. à envisager la possibilité d’accorder aux travailleurs migrants le droit de participer et de se présenter aux élections locales et régionales après avoir résidé dans le pays pendant une période de cinq ans;
10.3. à adopter un cadre juridique plus souple qui offre aux migrants en situation régulière la possibilité de circuler librement entre leurs pays d’origine et d’accueil, tout en conservant le statut d’immigrés dans le pays de destination;
10.4. à élaborer des politiques permettant aux migrants de participer au processus de développement dans le pays d’origine; à promouvoir les programmes de formation et de qualification de la main-d’œuvre, les transferts de compétences et de savoir-faire, les apports de capitaux étrangers et la mise en œuvre de projets de développement bénéficiant d’une aide;
10.5. à faire participer activement les membres des diasporas à l’élaboration de programmes d’intégration à l’intention des travailleurs migrants.
11. L’Assemblée encourage la communauté internationale et particulièrement l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’Organisation internationale du travail (OIT) à continuer de se pencher sur les questions liées aux diasporas et au développement. Elle invite notamment les organisations partenaires concernées:
11.1. à clarifier les différentes notions, classifications et définitions relatives aux diasporas en vue de les harmoniser à l’échelon européen, en tenant compte du caractère évolutif et dynamique de la notion de diaspora;
11.2. à faciliter la collaboration entre les organisations de diasporas, y compris les organisations professionnelles, et d’autres organisations non gouvernementales européennes travaillant dans le domaine du développement par le biais d’incitations telles que la création de fonds de partenariat qui pourraient permettre la coopération entre les principales organisations de développement et les diasporas;
11.3. à encourager la collaboration entre les institutions universitaires et à soutenir les projets de recherche internationaux liés aux diasporas et aux questions des liens entre migration et développement.