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Recommandation 1903 (2010) Version finale
Quinze ans après le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement
1. Lors de la Conférence internationale
de 1994 sur la population et le développement (CIPD) du Caire, 179 pays
ont admis que la population et le développement sont inextricablement
liés, et qu’il est nécessaire d’autonomiser les femmes et de répondre
aux besoins des couples et des individus en matière d’éducation
et de santé, notamment de santé génésique, à la fois pour l’épanouissement
personnel et pour le développement international. La conférence
a adopté un programme d’action sur vingt ans, axé sur les besoins
et les droits des individus plutôt que sur la réalisation d’objectifs
démographiques. Ce programme d’action a accepté les 15 grands principes
qui ont déjà été reconnus internationalement comme essentiels à
une conception du développement inclusive, fondée sur les droits.
2. Faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes,
éliminer la violence contre les femmes et garantir la capacité des
femmes à contrôler leur fécondité ont été reconnus comme les pierres
angulaires des politiques de population et de développement. Les
objectifs de la CIPD concernent essentiellement l’accès à une éducation
universelle; la réduction de la mortalité infantile, enfantine et
maternelle; l’accès universel d’ici à 2015 aux soins de santé génésique,
notamment aux services de planification familiale; l’aide à la naissance et
la prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST), y
compris le VIH/sida.
3. L’Assemblée parlementaire note que, si des progrès ont été
réalisés, les résultats restent toutefois mitigés pour ce qui concerne
la fréquentation scolaire, l’équité et l’égalité entre les sexes,
la mortalité et la morbidité infantiles, enfantines et maternelles,
et l’accès universel aux services de santé sexuelle et reproductive,
y compris la planification familiale et les services d’avortement
en toute sécurité. Actuellement, 113 pays n’ont pas atteint les
objectifs d’équité et d’égalité des sexes dans l’éducation primaire
et secondaire. En 2007, on estimait que 137 millions de femmes n’avaient
pas accès au planning familial et qu’elles étaient plus de 500 000
à mourir chaque année pour des raisons liées à la grossesse, dont
99 % dans les pays en développement.
4. De plus, la violence à l’égard des femmes – surtout la violence
domestique et le viol – est un phénomène courant. Des femmes en
nombre de plus en plus élevé risquent de contracter le sida et d’autres
MST en raison des comportements sexuels à haut risque de leur partenaire.
Dans beaucoup de pays, des pratiques préjudiciables destinées à
contrôler la sexualité des femmes causent de grandes souffrances.
Il en est ainsi de la pratique des mutilations sexuelles féminines,
une violation des droits fondamentaux qui met véritablement en danger
la santé des femmes tout au long de leur vie.
5. L’Assemblée attire l’attention sur le fait que l’Europe est
le plus grand donateur au monde d’aide publique au développement
(APD). En effet, l’APD des Etats européens représente près de 70 %
de l’aide mondiale totale destinée à la population. Il y a lieu
de s’inquiéter du déclin de l’APD mondiale en 2007 pour la deuxième
année consécutive.
6. En outre, l’Assemblée note avec inquiétude que, même dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe, une proportion importante
d’individus et de couples, en particulier dans les pays d’Europe
centrale et orientale, n’a pas accès à des informations complètes
sur la santé sexuelle et reproductive, ni à l’éducation et aux services
en la matière. Les Etats membres doivent préparer et/ou revoir et
mettre à jour les politiques et stratégies nationales et internationales
en matière de population et de développement pour garantir un accès universel
à des services complets de santé sexuelle et génésique, en particulier
l’accès à des méthodes de planning familial abordables, acceptables
et appropriées, à un personnel d’accouchement qualifié et à des soins
obstétriques d’urgence pour prévenir les grossesses non désirées,
les avortements, les MST, les problèmes de santé et la mortalité
maternels.
7. L’Assemblée invite instamment les Etats membres du Conseil
de l’Europe à comparer les progrès réalisés en matière de santé
et de droits sexuels et reproductifs, et en matière de financement
en amont du 15e anniversaire du Programme
d’action de la CIPD, et à convenir d’actions prioritaires pour assurer
la mise en œuvre intégrale de ce programme d’ici à 2015.
8. L’Assemblée invite le Comité des Ministres:
8.1. à examiner, à mettre à jour
et à comparer les politiques et stratégies nationales et internationales des
Etats membres du Conseil de l’Europe relatives à la population,
à la santé et aux droits sexuels et reproductifs;
8.2. à examiner et à comparer le financement pour assurer la
mise en œuvre intégrale du Programme d’action de la CIPD d’ici à
2015.
9. Plus particulièrement, l’Assemblée demande au Comité des Ministres
d’aborder les défis suivants:
9.1. la
mortalité et la morbidité maternelles, en veillant surtout à réduire
le nombre d’avortements à risques:
9.1.1. en garantissant un accès universel à l’information, à
l’éducation et à des services complets relatifs à la santé et aux
droits sexuels et reproductifs, mettant l’accent sur l’accès à des méthodes
modernes et variées de planning familial et de conseil, à un personnel d’accouchement
qualifié et à des soins gynécologiques et obstétriques d’urgence;
9.1.2. en s’assurant que les besoins spécifiques des populations
vulnérables, y compris des migrants, des minorités et des populations
rurales, sont satisfaits, notamment par la gratuité des services
de santé et des services concernant les droits sexuels et reproductifs;
9.2. l’éducation et l’information sexuelles et relationnelles
dans les écoles, en fonction de l’âge et du sexe des élèves, en
veillant à ce que tous les écoliers reçoivent ce type d’information
et d’éducation afin de prévenir la coercition sexuelle, les MST,
les grossesses imprévues et les avortements qui y font suite;
9.3. les questions liées à la démographie:
9.3.1. en améliorant l’accès à la médecine
reproductive, en veillant notamment à rendre accessibles les nombreuses
méthodes de planning familial adaptées à différentes populations;
9.3.2. en augmentant le montant des allocations de maternité
et en améliorant les conditions des congés de maternité, les services
de garde d’enfants, la flexibilité des horaires de travail accordée
aux parents qui reprennent le travail, en tant qu’éléments favorables
au développement des pays;
9.3.3. en améliorant l’accès aux traitements contre la stérilité,
qui présente aussi un intérêt pour la population et le développement
des pays concernés;
9.4. les migrations:
9.4.1. en
intégrant les migrations (et leurs aspects positifs) dans la politique
de développement et la législation nationale, et en veillant à ce
que les crédits nécessaires soient prévus pour garantir les droits
des femmes migrantes à l’éducation, à l’emploi, aux services de
santé et aux services sociaux;
9.4.2. en améliorant le dépistage des migrants en situation irrégulière
à leur arrivée, afin de recenser leurs besoins en matière de santé,
en particulier ceux des femmes enceintes, des jeunes et des personnes
âgées;
9.5. la pandémie du VIH/sida et des MST:
9.5.1. en développant et en améliorant les politiques sur les
MST, y compris sur le VIH/sida; les politiques doivent inclure des
stratégies globales de prévention axées sur l’information et l’éducation
sexuelles et relationnelles, les campagnes nationales d’information,
l’accès à des services de santé reproductive abordables et des services
neutres de conseil en matière de santé reproductive, de dépistage,
de traitement et de soins pour les personnes malades;
9.5.2. en améliorant le dépistage des cancers qui touchent les
organes reproducteurs pour réduire au minimum leur prévalence, en
particulier pour prévenir le cancer du col de l’utérus par le biais
d’un recours accessible aux vaccins contre le virus du papillome
humain (VPH);
9.5.3. en garantissant un accès gratuit et non discriminatoire
aux services de santé et de droits sexuels et reproductifs, ainsi
qu’aux autres services de santé, et à un environnement sain aux migrants
en situation irrégulière placés en rétention, aux personnes déplacées
dans leur propre pays, et en particulier à celles qui se trouvent
dans des centres collectifs, aux Roms et aux autres groupes, y compris
ceux qui vivent dans des campements;
9.5.4. en garantissant l’intégration réussie des migrants et
de leur famille, et en élaborant des politiques d’intégration globales
pour donner aux migrants la possibilité de participer et de contribuer
à la vie du pays qui les accueille;
9.6. l’égalité et les relations entre les femmes et les hommes:
9.6.1. en veillant à ce que des politiques
adaptées à des âges différents soient mises en œuvre afin d’assurer
l’accès des femmes et des hommes à l’information, à l’éducation
et aux services nécessaires pour bénéficier d’une bonne santé et
de l’égalité sexuelles, et pour exercer leurs droits et leurs responsabilités
reproductifs;
9.6.2. en favorisant des discussions actives et ouvertes sur
la nécessité de protéger les femmes, les jeunes et les enfants contre
tout abus, y compris les abus sexuels, l’exploitation, la traite,
le trafic et la violence, notamment les mutilations sexuelles féminines,
et en soutenant ces discussions par des programmes éducatifs aux
niveaux national et local. Il faut que les victimes signalent les
violations et que les gouvernements créent les conditions et les
procédures nécessaires pour encourager les victimes à dénoncer les
violations de leurs droits. Il faut adopter des textes de loi portant
sur ces préoccupations en cas de lacune juridique, les rendre explicites, les
renforcer et les appliquer, et offrir des services de réhabilitation
appropriés;
9.6.3. en veillant à ce que les dons faits aux pays en vue du
traitement et de la prévention du VIH/sida augmentent;
9.7. le financement du Programme d’action de la CIPD:
- dans les pays donateurs européens:
9.7.1. en s’assurant que les gouvernements
donateurs tiennent leur engagement d’affecter 0,7 % du produit intérieur
brut à l’APD, malgré la crise économique mondiale;
9.7.2. en s’assurant que les gouvernements donateurs affectent
10 % de l’APD aux programmes relatifs à la population/santé et aux
droits sexuels et reproductifs, conformément aux déclarations parlementaires
d’engagement faites à Ottawa en 2002, à Strasbourg en 2004 et à
Bangkok en 2006;
9.7.3. en s’assurant que l’APD est prévisible et de longue durée
pour mieux aider à consolider les systèmes de santé et de planification
sanitaire, avec une attention particulière sur les plans nationaux
et les dispositifs institutionnels en place pour sa distribution
adéquate et efficace;
- dans les pays donataires:
9.7.1. en s’assurant que le budget
santé des pays bénéficiaires respecte l’engagement établi, soit
15 % du budget national annuel, comme convenu par les dirigeants
africains lors du Sommet d’Abuja en 2001;
9.7.2. en s’assurant que deux tiers du budget population/santé
et droits sexuels et reproductifs des pays bénéficiaires émanent
du budget national et un tiers de l’ensemble de la communauté donatrice
internationale, en fonction des besoins nationaux et des capacités;
9.7.3. en mettant en place un système de «garde-fous», les gouvernements
bénéficiaires de l’APD étant de plus en plus autonomes en vertu
des nouvelles modalités décisionnelles relatives à cette aide. La
société civile et les parlements doivent occuper la place qui leur
revient dans les processus décisionnels;
9.7.4. en encourageant les pays à inclure dans leurs plans sanitaires
nationaux le nouvel objectif 5 des objectifs du Millénaire pour
le développement: «Rendre l’accès à la médecine reproductive universel
d’ici à 2015»;
9.7.5. en encourageant les pays à être parties prenantes, par
l’implication des fonctionnaires d’Etat, des parlementaires, de
la société civile, du secteur privé et des donateurs.
10. En fonction des progrès réalisés dans les domaines ci-dessus,
l’Assemblée encourage le Comité des Ministres:
10.1. à commencer l’élaboration d’une
convention européenne sur la santé sexuelle et reproductive;
10.2. à analyser les progrès de la mise en œuvre pleine et entière
du Programme d’action de la CIPD et à convenir d’actions prioritaires
pour rendre universel l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs
d’ici à 2015.