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Recommandation 1903 (2010) Version finale

Quinze ans après le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 janvier 2010 (9e séance) (voir Doc. 11992, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteuse: Mme McCafferty; et Doc. 12053, avis de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: M. Agius). Texte adopté par l’Assemblée le 29 janvier 2010 (9e séance).

1. Lors de la Conférence internationale de 1994 sur la population et le développement (CIPD) du Caire, 179 pays ont admis que la population et le développement sont inextricablement liés, et qu’il est nécessaire d’autonomiser les femmes et de répondre aux besoins des couples et des individus en matière d’éducation et de santé, notamment de santé génésique, à la fois pour l’épanouissement personnel et pour le développement international. La conférence a adopté un programme d’action sur vingt ans, axé sur les besoins et les droits des individus plutôt que sur la réalisation d’objectifs démographiques. Ce programme d’action a accepté les 15 grands principes qui ont déjà été reconnus internationalement comme essentiels à une conception du développement inclusive, fondée sur les droits.
2. Faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, éliminer la violence contre les femmes et garantir la capacité des femmes à contrôler leur fécondité ont été reconnus comme les pierres angulaires des politiques de population et de développement. Les objectifs de la CIPD concernent essentiellement l’accès à une éducation universelle; la réduction de la mortalité infantile, enfantine et maternelle; l’accès universel d’ici à 2015 aux soins de santé génésique, notamment aux services de planification familiale; l’aide à la naissance et la prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST), y compris le VIH/sida.
3. L’Assemblée parlementaire note que, si des progrès ont été réalisés, les résultats restent toutefois mitigés pour ce qui concerne la fréquentation scolaire, l’équité et l’égalité entre les sexes, la mortalité et la morbidité infantiles, enfantines et maternelles, et l’accès universel aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale et les services d’avortement en toute sécurité. Actuellement, 113 pays n’ont pas atteint les objectifs d’équité et d’égalité des sexes dans l’éducation primaire et secondaire. En 2007, on estimait que 137 millions de femmes n’avaient pas accès au planning familial et qu’elles étaient plus de 500 000 à mourir chaque année pour des raisons liées à la grossesse, dont 99 % dans les pays en développement.
4. De plus, la violence à l’égard des femmes – surtout la violence domestique et le viol – est un phénomène courant. Des femmes en nombre de plus en plus élevé risquent de contracter le sida et d’autres MST en raison des comportements sexuels à haut risque de leur partenaire. Dans beaucoup de pays, des pratiques préjudiciables destinées à contrôler la sexualité des femmes causent de grandes souffrances. Il en est ainsi de la pratique des mutilations sexuelles féminines, une violation des droits fondamentaux qui met véritablement en danger la santé des femmes tout au long de leur vie.
5. L’Assemblée attire l’attention sur le fait que l’Europe est le plus grand donateur au monde d’aide publique au développement (APD). En effet, l’APD des Etats européens représente près de 70 % de l’aide mondiale totale destinée à la population. Il y a lieu de s’inquiéter du déclin de l’APD mondiale en 2007 pour la deuxième année consécutive.
6. En outre, l’Assemblée note avec inquiétude que, même dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, une proportion importante d’individus et de couples, en particulier dans les pays d’Europe centrale et orientale, n’a pas accès à des informations complètes sur la santé sexuelle et reproductive, ni à l’éducation et aux services en la matière. Les Etats membres doivent préparer et/ou revoir et mettre à jour les politiques et stratégies nationales et internationales en matière de population et de développement pour garantir un accès universel à des services complets de santé sexuelle et génésique, en particulier l’accès à des méthodes de planning familial abordables, acceptables et appropriées, à un personnel d’accouchement qualifié et à des soins obstétriques d’urgence pour prévenir les grossesses non désirées, les avortements, les MST, les problèmes de santé et la mortalité maternels.
7. L’Assemblée invite instamment les Etats membres du Conseil de l’Europe à comparer les progrès réalisés en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs, et en matière de financement en amont du 15e anniversaire du Programme d’action de la CIPD, et à convenir d’actions prioritaires pour assurer la mise en œuvre intégrale de ce programme d’ici à 2015.
8. L’Assemblée invite le Comité des Ministres:
8.1. à examiner, à mettre à jour et à comparer les politiques et stratégies nationales et internationales des Etats membres du Conseil de l’Europe relatives à la population, à la santé et aux droits sexuels et reproductifs;
8.2. à examiner et à comparer le financement pour assurer la mise en œuvre intégrale du Programme d’action de la CIPD d’ici à 2015.
9. Plus particulièrement, l’Assemblée demande au Comité des Ministres d’aborder les défis suivants:
9.1. la mortalité et la morbidité maternelles, en veillant surtout à réduire le nombre d’avortements à risques:
9.1.1. en garantissant un accès universel à l’information, à l’éducation et à des services complets relatifs à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, mettant l’accent sur l’accès à des méthodes modernes et variées de planning familial et de conseil, à un personnel d’accouchement qualifié et à des soins gynécologiques et obstétriques d’urgence;
9.1.2. en s’assurant que les besoins spécifiques des populations vulnérables, y compris des migrants, des minorités et des populations rurales, sont satisfaits, notamment par la gratuité des services de santé et des services concernant les droits sexuels et reproductifs;
9.2. l’éducation et l’information sexuelles et relationnelles dans les écoles, en fonction de l’âge et du sexe des élèves, en veillant à ce que tous les écoliers reçoivent ce type d’information et d’éducation afin de prévenir la coercition sexuelle, les MST, les grossesses imprévues et les avortements qui y font suite;
9.3. les questions liées à la démographie:
9.3.1. en améliorant l’accès à la médecine reproductive, en veillant notamment à rendre accessibles les nombreuses méthodes de planning familial adaptées à différentes populations;
9.3.2. en augmentant le montant des allocations de maternité et en améliorant les conditions des congés de maternité, les services de garde d’enfants, la flexibilité des horaires de travail accordée aux parents qui reprennent le travail, en tant qu’éléments favorables au développement des pays;
9.3.3. en améliorant l’accès aux traitements contre la stérilité, qui présente aussi un intérêt pour la population et le développement des pays concernés;
9.4. les migrations:
9.4.1. en intégrant les migrations (et leurs aspects positifs) dans la politique de développement et la législation nationale, et en veillant à ce que les crédits nécessaires soient prévus pour garantir les droits des femmes migrantes à l’éducation, à l’emploi, aux services de santé et aux services sociaux;
9.4.2. en améliorant le dépistage des migrants en situation irrégulière à leur arrivée, afin de recenser leurs besoins en matière de santé, en particulier ceux des femmes enceintes, des jeunes et des personnes âgées;
9.5. la pandémie du VIH/sida et des MST:
9.5.1. en développant et en améliorant les politiques sur les MST, y compris sur le VIH/sida; les politiques doivent inclure des stratégies globales de prévention axées sur l’information et l’éducation sexuelles et relationnelles, les campagnes nationales d’information, l’accès à des services de santé reproductive abordables et des services neutres de conseil en matière de santé reproductive, de dépistage, de traitement et de soins pour les personnes malades;
9.5.2. en améliorant le dépistage des cancers qui touchent les organes reproducteurs pour réduire au minimum leur prévalence, en particulier pour prévenir le cancer du col de l’utérus par le biais d’un recours accessible aux vaccins contre le virus du papillome humain (VPH);
9.5.3. en garantissant un accès gratuit et non discriminatoire aux services de santé et de droits sexuels et reproductifs, ainsi qu’aux autres services de santé, et à un environnement sain aux migrants en situation irrégulière placés en rétention, aux personnes déplacées dans leur propre pays, et en particulier à celles qui se trouvent dans des centres collectifs, aux Roms et aux autres groupes, y compris ceux qui vivent dans des campements;
9.5.4. en garantissant l’intégration réussie des migrants et de leur famille, et en élaborant des politiques d’intégration globales pour donner aux migrants la possibilité de participer et de contribuer à la vie du pays qui les accueille;
9.6. l’égalité et les relations entre les femmes et les hommes:
9.6.1. en veillant à ce que des politiques adaptées à des âges différents soient mises en œuvre afin d’assurer l’accès des femmes et des hommes à l’information, à l’éducation et aux services nécessaires pour bénéficier d’une bonne santé et de l’égalité sexuelles, et pour exercer leurs droits et leurs responsabilités reproductifs;
9.6.2. en favorisant des discussions actives et ouvertes sur la nécessité de protéger les femmes, les jeunes et les enfants contre tout abus, y compris les abus sexuels, l’exploitation, la traite, le trafic et la violence, notamment les mutilations sexuelles féminines, et en soutenant ces discussions par des programmes éducatifs aux niveaux national et local. Il faut que les victimes signalent les violations et que les gouvernements créent les conditions et les procédures nécessaires pour encourager les victimes à dénoncer les violations de leurs droits. Il faut adopter des textes de loi portant sur ces préoccupations en cas de lacune juridique, les rendre explicites, les renforcer et les appliquer, et offrir des services de réhabilitation appropriés;
9.6.3. en veillant à ce que les dons faits aux pays en vue du traitement et de la prévention du VIH/sida augmentent;
9.7. le financement du Programme d’action de la CIPD:
  • dans les pays donateurs européens:
9.7.1. en s’assurant que les gouvernements donateurs tiennent leur engagement d’affecter 0,7 % du produit intérieur brut à l’APD, malgré la crise économique mondiale;
9.7.2. en s’assurant que les gouvernements donateurs affectent 10 % de l’APD aux programmes relatifs à la population/santé et aux droits sexuels et reproductifs, conformément aux déclarations parlementaires d’engagement faites à Ottawa en 2002, à Strasbourg en 2004 et à Bangkok en 2006;
9.7.3. en s’assurant que l’APD est prévisible et de longue durée pour mieux aider à consolider les systèmes de santé et de planification sanitaire, avec une attention particulière sur les plans nationaux et les dispositifs institutionnels en place pour sa distribution adéquate et efficace;
  • dans les pays donataires:
9.7.1. en s’assurant que le budget santé des pays bénéficiaires respecte l’engagement établi, soit 15 % du budget national annuel, comme convenu par les dirigeants africains lors du Sommet d’Abuja en 2001;
9.7.2. en s’assurant que deux tiers du budget population/santé et droits sexuels et reproductifs des pays bénéficiaires émanent du budget national et un tiers de l’ensemble de la communauté donatrice internationale, en fonction des besoins nationaux et des capacités;
9.7.3. en mettant en place un système de «garde-fous», les gouvernements bénéficiaires de l’APD étant de plus en plus autonomes en vertu des nouvelles modalités décisionnelles relatives à cette aide. La société civile et les parlements doivent occuper la place qui leur revient dans les processus décisionnels;
9.7.4. en encourageant les pays à inclure dans leurs plans sanitaires nationaux le nouvel objectif 5 des objectifs du Millénaire pour le développement: «Rendre l’accès à la médecine reproductive universel d’ici à 2015»;
9.7.5. en encourageant les pays à être parties prenantes, par l’implication des fonctionnaires d’Etat, des parlementaires, de la société civile, du secteur privé et des donateurs.
10. En fonction des progrès réalisés dans les domaines ci-dessus, l’Assemblée encourage le Comité des Ministres:
10.1. à commencer l’élaboration d’une convention européenne sur la santé sexuelle et reproductive;
10.2. à analyser les progrès de la mise en œuvre pleine et entière du Programme d’action de la CIPD et à convenir d’actions prioritaires pour rendre universel l’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs d’ici à 2015.