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Résolution 1719 (2010) Version finale
Les femmes et la crise économique et financière
1. L’Assemblée parlementaire note
que, dans un monde où les femmes possèdent 1 % des richesses mondiales
et 10 % des revenus mondiaux, occupent 14 % des postes de direction
dans les secteurs public et privé, mais représentent 70 % de la
population défavorisée, la crise économique et financière actuelle
a inévitablement un impact différent sur les femmes et sur les hommes.
2. Les femmes figurent en tête des groupes qui souffrent de manière
disproportionnée parce qu’elles disposent de protections moins nombreuses
et moins efficaces face aux difficultés économiques. L’Assemblée regrette
que l’impact spécifique et néfaste de la crise sur les femmes ne
soit pas reflété dans la couverture médiatique de la crise. Alors
que, au cours des dernières décennies, la place des femmes dans
le monde du travail avait lentement progressé – accès à la vie active,
création de leur propre entreprise et, à l’occasion, dépassement
du «plafond de verre» –, même ces maigres avancées risquent d’être
effacées par la crise. Le fossé salarial entre les femmes et les
hommes, la répartition inégale des tâches ménagères et de la garde
des personnes vivant au foyer, les obstacles au travail à temps
plein, bien rémunéré, sûr et officiel des femmes, et l’absence de
celles-ci dans les prises de décisions politiques, financières et
économiques ont en tout cas obstinément persisté dans la plupart
des pays.
3. La crise financière qui a déclenché la crise économique a
littéralement été provoquée par les hommes. Si les décideurs masculins
des milieux financiers sont en grande partie responsables du déclenchement
de la crise financière, les politiciens, les organismes de supervision
et de régulation ainsi que les ménages et les entreprises imprudents
portent également une part de responsabilité. L’excès de confiance,
la prise de risque irresponsable, la prise en compte insuffisante
de tous les acteurs, la cupidité et la préférence donnée aux bénéfices
individuels à court terme ont conduit à la crise financière mondiale.
Très peu de femmes étaient impliquées dans les processus décisionnels
qui ont conduit à la crise financière, car très peu de femmes étaient
aux postes ayant un pouvoir de décision. De ce fait, il existe de
solides raisons pour remettre en question le manque de participation
des femmes dans les décisions qui ont conduit à la crise et pour
les inclure davantage à l’avenir dans les prises de décision.
4. La plupart des experts s’accordent à reconnaître que la crise
financière aurait pu être évitée s’il y avait eu davantage de femmes
aux postes de prise de décision. Les études ont montré que les femmes
prennent des risques de manière plus responsable et ont une approche
plus globale, avec une vision à plus long terme, dans leurs prises
de décisions financières.
5. Pour éviter que l’histoire ne se répète, et pour assurer une
saine croissance de l’économie mondiale, il est de ce fait nécessaire
de mettre en place des mesures pour assurer un nombre équilibré
de femmes et d’hommes dans les conseils d’administration et aux
postes élevés de direction et de prise de décision. La diversité
dans les conseils d’administration va entraîner des approches plus
saines pour rechercher des solutions, favorisant aussi des prises
de décisions stratégiques à long terme plus saines. De ce fait,
une action devrait être entreprise immédiatement pour assurer l’égalité
entre les femmes et les hommes lors de la réforme des institutions
financières et des mécanismes de supervision et de régulation proprement
dits.
6. Malheureusement, la réponse des Etats à la crise économique
et financière risque d’aggraver encore les effets négatifs de la
crise sur les femmes. Les programmes de renflouement des banques
et des compagnies d’assurances, couplés aux investissements notamment
dans des projets d’infrastructure et en soutien à l’industrie automobile,
où les hommes constituent la majorité de la main-d’œuvre, profitent
pour l’essentiel aux hommes. Cet accent partial mis sur des secteurs
dominés par les hommes risque de mener à l’ajournement d’investissements
pourtant indispensables dans des secteurs qui bénéficieraient principalement aux
femmes, par exemple celui des soins et de l’éducation, sans parler
de projets destinés à renforcer l’autonomisation des femmes.
7. Une approche globale est indispensable si nous voulons tirer
des leçons durables de cette crise et prévenir ainsi des crises
futures. La dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes
doit être prise en compte dans toutes les politiques afin d’augmenter
la représentation des femmes dans les organes décisionnels, de favoriser
l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, de combler
l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, et de stimuler
l’esprit d’entreprise. Les femmes doivent pouvoir s’exprimer au
même titre que les hommes dans toutes les discussions sur les plans
de sauvetage et de relance, que ces discussions concernent leur
conception ou l’évaluation de leurs résultats. L’Assemblée reconnaît
que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas un sujet
superflu, à aborder seulement en période de croissance économique:
il s’agit d’une obligation morale et juridique, et elle est économiquement rentable.
8. C’est pourquoi l’Assemblée recommande que les Etats membres
du Conseil de l’Europe:
8.1. reconnaissent
que la crise financière et économique imputable aux hommes a eu
et continue d’avoir un impact néfaste et spécifique sur les femmes,
tant en Europe que dans le reste du monde;
8.2. intègrent la dimension de genre dans l’ensemble de leurs
plans de sauvetage et de relance, donnent aux femmes une voix égale
lors de la conception de ces plans et de l’évaluation de leurs résultats,
et s’assurent que les besoins des femmes sont pris en compte dans
ces plans;
8.3. emploient des outils tels que des statistiques ventilées
par sexe et élaborent des budgets différenciés selon les sexes pour
évaluer les répercussions de la crise elle-même et des plans mis
en œuvre;
8.4. prennent les mesures pour assurer qu’un équilibre entre
les femmes et les hommes – notamment une plus grande parité dans
la prise de décision – est pris en compte lors de la réforme ou
de la refonte du système des institutions financières et des mécanismes
de supervision et de régulation pour prévenir une nouvelle crise;
8.5. fassent de l’atteinte de l’égalité des genres de facto une priorité: depuis le
partage des tâches ménagères et de la garde des personnes vivant
au foyer en passant par le comblement du fossé salarial entre les
femmes et les hommes, jusqu’à la garantie de l’égalité d’accès aux
postes de décision dans l’économie, la finance et la politique.
9. L’Assemblée recommande que les parlements des Etats membres
du Conseil de l’Europe:
9.1. appliquent
les recommandations formulées dans la Résolution 1706 (2010) «Augmenter
la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux»
et la Résolution 1715
(2010) sur le fossé salarial entre les femmes et les
hommes;
9.2. vérifient que la réponse apportée par les gouvernements
à la crise économique et financière ainsi que la mise en œuvre de
cette réponse prennent en compte les différences entre les sexes.