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Résolution 1740 (2010) Version finale
La situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe
1. Les Roms constituent la plus grande
minorité d’Europe et sont présents dans pratiquement tous les Etats
membres du Conseil de l’Europe. Tous les Etats membres – sans exception
– ont l’obligation morale et légale de faire des efforts concrets
et soutenus pour améliorer la situation des Roms et veiller à ce
que leurs droits fondamentaux soient pleinement respectés.
2. L’Assemblée parlementaire est choquée par les graves actes
de violence commis récemment contre les Roms dans plusieurs Etats
membres du Conseil de l’Europe, qui reflètent l’aggravation d’une
tendance en Europe à un antitsiganisme de la pire espèce.
3. Des groupes extrémistes profitent de la crise financière pour
capitaliser sur les peurs engendrées par l’assimilation des Roms
à des criminels, en choisissant un bouc émissaire qui représente
une cible facile, les Roms étant l’un des groupes les plus vulnérables.
4. Cette situation rappelle les heures les plus sombres de l’histoire
européenne. Le Conseil de l’Europe a été créé précisément pour empêcher
que celles-ci ne se répètent. La Cour européenne des droits de l’homme condamne
régulièrement les Etats où les Roms souffrent de maltraitance ou
de discrimination.
5. En plus de l’effroyable montée de la violence contre les Roms,
l’Assemblée note que le processus d’intégration de cette population
n’a pas atteint ses objectifs ces vingt dernières années.
6. La Recommandation
1557 (2002) de l’Assemblée sur la situation juridique
des Roms en Europe indiquait déjà que les objectifs fixés par la Recommandation 1203 (1993) relative
aux Tsiganes en Europe n’avaient été atteints que de manière limitée.
L’Assemblée relève aujourd’hui avec beaucoup d’inquiétude que la
situation actuelle n’a pratiquement pas changé, sinon pour le pire.
Ce bilan est honteux si l’on considère la quantité de papier – et
d’argent – consacrée à améliorer la situation des Roms à tous les
niveaux.
7. Les Roms sont encore régulièrement victimes de l’intolérance,
de la discrimination et du rejet nourris par des préjugés profondément
ancrés dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe. La
situation des Roms en matière d’éducation, d’emploi, de logement,
de santé et de participation politique est loin d’être satisfaisante.
L’Assemblée est convaincue qu’un accès effectif et stable à l’éducation
et un logement convenable sont les premières mesures décisives pour
briser le cercle vicieux de la discrimination dans lequel sont enfermés
la plupart des Roms.
8. L’Assemblée exhorte donc tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe à assumer leurs responsabilités et à se saisir avec
sérieux et persévérance du problème de la situation des Roms.
9. L’Assemblée note que de nombreux Etats membres ont déjà adopté
des stratégies nationales pour améliorer la situation et l’intégration
des Roms. C’est une mesure positive mais insuffisante. Ces plans
d’action doivent bénéficier d’un financement adéquat et à long terme
ainsi que d’une coordination efficace. Enfin, la mise en œuvre de
ces plans d’action doit aussi être assurée aux niveaux local et
régional.
10. L’Assemblée souligne que de nombreuses initiatives restent
trop isolées et trop limitées, et qu’elles n’apportent donc que
des réponses partielles. L’Assemblée appelle les Etats membres à
adopter des politiques nationales fondées sur une approche intégrée.
Les ministères compétents et les autres acteurs doivent agir de
manière concertée car les problèmes auxquels se heurtent les Roms
sont inextricablement liés.
11. L’Assemblée note également que les résultats concrets d’un
large éventail de mesures – y compris les plans d’action nationaux
– ne peuvent être correctement évalués puisque de nombreux gouvernements refusent
de collecter des statistiques ethniques. Dans ces circonstances,
il semble impossible d’identifier les mesures abouties ou d’améliorer
celles qui le sont moins.
12. Le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales et la Commission européenne contre le racisme
et l’intolérance (ECRI) estiment que la collecte de données ethniques
est un outil fort utile pour évaluer l’impact des politiques en
faveur des minorités et pour surveiller la discrimination. Ces données
devraient, en outre, être ventilées par sexe.
13. L’Assemblée note avec inquiétude que les Roms restent extrêmement
sous-représentés dans les organes élus et que leur participation
à la vie publique et politique est limitée. La représentation et
la participation des Roms étant tout aussi importantes que les mesures
officielles, l’Assemblée exhorte la communauté rom à profiter de
toutes les occasions pour être aussi active que possible.
14. Enfin, l’Assemblée relève une nouvelle tendance au sein des
Etats membres qui est de considérer que la question des Roms est
de la responsabilité des organisations internationales et européennes.
Tout en étant convaincue de l’importance du rôle des organisations
internationales – et surtout du Conseil de l’Europe – dans ce domaine,
l’Assemblée répète que la principale responsabilité incombe aux
Etats membres, qui ne sauraient s’y dérober: en effet l’éducation,
l’emploi, l’intégration sociale, les services de santé et le logement
sont presque entièrement du ressort des Etats.
15. L’Assemblée demande donc instamment aux Etats membres:
15.1. d’aborder la question des Roms
non seulement sous l’angle d’un groupe socialement défavorisé mais
aussi sous celui d’une minorité nationale titulaire des droits consacrés
dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
(STE no 157) et la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5), telle
qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme;
15.2. de protéger les Roms contre la discrimination, notamment
– si cela n’est pas encore fait – par l’adoption, la mise en œuvre
et le suivi périodique d’une législation complète de lutte contre
la discrimination et par des mesures visant à mieux informer les
Roms sur cette législation et sur leurs possibilités de recours
juridiques en cas d’atteinte à leurs droits;
15.3. d’adopter des plans d’action et des stratégies suivis
sur le plan national, élaborés selon une approche intégrée conforme
à la Recommandation CM/Rec(2008)5 du Comité des Ministres sur les politiques
concernant les Roms et/ou les Gens du voyage en Europe;
15.4. de veiller à ce que chaque ministère et institution administrative
décentralisée ou locale dispose effectivement des structures opérationnelles
capables de mettre en œuvre ces plans et ces stratégies, et à ce
qu’ils agissent de manière concertée;
15.5. de mettre en place des moyens de supervision de la manière
dont les collectivités locales mettent en œuvre les volets des plans
d’action et des stratégies nationales qui relèvent de leur compétence,
et de les sanctionner si elles ne le font pas;
15.6. de renforcer la participation et la représentation politiques
des Roms aux niveaux national et local, notamment en leur délivrant
les documents d’identité nécessaires, en éliminant la discrimination institutionnelle
et les obstacles juridiques et/ou en attribuant des sièges réservés
aux représentants roms au parlement ainsi que dans les organes locaux
et régionaux élus;
15.7. de procéder à la collecte de données statistiques fiables
– y compris de données ethniques et ventilées par sexe – assortie
de garanties rigoureuses nécessaires pour éviter tout abus, conformément aux
recommandations de l’ECRI et aux avis du Comité consultatif de la
Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, et
d’analyser ces données finement pour évaluer les résultats et améliorer
l’efficacité des plans et programmes existants;
15.8. de promouvoir une image positive de la diversité et de
lutter contre les stéréotypes et les préjugés, y compris ceux liés
au genre, en utilisant par exemple la campagne Dosta! conçue par
le Conseil de l’Europe; de condamner fermement et de poursuivre
effectivement les actes d’antitsiganisme; de réagir plus efficacement,
et en investissant davantage de moyens, aux crimes à motivation
raciste à l’encontre des Roms; de réagir énergiquement contre les
propos racistes de fonctionnaires, d’élaborer des politiques et
des programmes de formation pour lutter contre les préjugés à l’égard
des Roms dans les forces de l’ordre et de dénoncer les discours
de haine à l’égard des Roms, qu’ils émanent des médias, des milieux
politiques ou de la société civile;
15.9. de fonder toutes les mesures visant à améliorer la situation
des Roms, à tous les stades du processus, sur une concertation préalable
et une coopération véritable avec les Roms eux-mêmes;
15.10. d’envisager de prendre des actions positives pour combattre
la discrimination et améliorer les possibilités offertes aux Roms,
notamment dans les domaines de l’éducation et de l’emploi;
15.11. de promouvoir la mise en pratique et le développement
de la culture, de la langue et du mode de vie des Roms en exploitant,
par exemple, l’Itinéraire culturel rom établi par le Conseil de
l’Europe;
15.12. de prendre des mesures spéciales pour protéger les demandeurs
d’asile roms qui ont fui la violence raciste, veiller à ce que les
citoyens de l’Union européenne aient la possibilité de réfuter la présomption
de sécurité qui s’applique vis-à-vis des Etats membres de l’Union
européenne et ne pas renvoyer les Roms au Kosovo jusqu’à ce que
le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ait
confirmé que la situation s’est suffisamment améliorée en termes
de sécurité et d’accès aux droits sociaux.
16. S’agissant de l’éducation, l’Assemblée demande instamment
aux Etats membres:
16.1. de mettre
pleinement en œuvre la Recommandation no R
(2000) 4 du Comité des Ministres sur l’éducation des enfants roms/tsiganes
en Europe et la Recommandation CM/Rec(2009)4 sur l’éducation des
Roms et des Gens du voyage en Europe;
16.2. de supprimer la ségrégation à l’école en assurant un accès
effectif et sans ségrégation des Roms à l’enseignement général,
et de développer leur scolarisation dans l’enseignement préscolaire,
en attendant des Roms qu’ils respectent leurs obligations de scolarité;
16.3. de former correctement les enseignants, d’augmenter le
nombre d’enseignants roms et de recruter – le cas échéant – des
médiateurs scolaires roms;
16.4. de veiller à ce que les jeunes filles roms bénéficient
de l’égalité des chances dans l’éducation, notamment dans l’enseignement
secondaire, que de trop nombreuses jeunes filles roms sont obligées d’abandonner
à cause de la pression parentale et/ou communautaire liée aux mariages
précoces, aux grossesses d’adolescentes et aux responsabilités ménagères
et familiales;
16.5. le cas échéant – et si une telle demande existe au sein
de la minorité rom – d’assister celle-ci institutionnellement et
légalement pour créer des écoles minoritaires fondées sur sa propre
langue et sur son identité;
16.6. d’augmenter le nombre d’élèves et d’étudiants roms dans
le secondaire et à l’université, le cas échéant en réservant des
places aux Roms, en particulier aux jeunes filles roms;
16.7. d’effectuer, en collaboration avec les organisations de
la société civile, des études intégrant la dimension de genre sur
la situation des enfants issus des groupes minoritaires dans le
système scolaire, en recueillant des statistiques sur leur taux
de fréquentation et de réussite, leur taux d’abandon, leurs résultats
scolaires et leur progrès, comme le recommande la Recommandation
de politique générale no 10 de l’ECRI
pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale dans
et à travers l’éducation scolaire.
17. S’agissant du logement, l’Assemblée demande instamment aux
Etats membres:
17.1. de mettre pleinement
en œuvre la Recommandation Rec(2005)4 du Comité des Ministres sur l’amélioration
des conditions de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe,
et de prendre sérieusement en considération l’avis du Comité d’experts
sur les Roms et les Gens du voyage (MG‑S‑ROM) sur les conditions
de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe, adopté en octobre 2009;
17.2. de mettre pleinement en œuvre la recommandation de 2009
du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sur
la mise en œuvre du droit au logement et de veiller à ce que les conditions
de vie des Roms répondent aux critères du logement convenable;
17.3. de condamner sans équivoque toutes les agressions sur
les quartiers, campements et camps roms, et de poursuivre ceux qui
en sont les auteurs;
17.4. de combattre en priorité le problème de la violence domestique
au sein de la communauté rom, notamment la violence contre les femmes
et les jeunes filles, ainsi que la violation des droits fondamentaux
que constituent les mariages forcés et les mariages d’enfants conformément
à la Résolution 1468
(2005) de l’Assemblée sur ce sujet;
17.5. de prendre des mesures urgentes pour empêcher les expulsions
forcées des campements et des quartiers roms, et – en cas d’expulsion
inévitable – de s’assurer que ces expulsions sont menées uniquement
après que toutes les protections procédurales requises au titre
de la législation internationale en matière de droits de l’homme
ont été mises en place, y compris les dispositions concernant les
possibilités de relogement convenable et d’indemnisation suffisante
pour expropriation et pertes liées aux biens meubles endommagés
pendant l’expulsion; en l’absence de telles protections procédurales,
les Etats membres devraient mettre en place une législation relative
aux expulsions, qui offre des garanties et des recours conformément
aux normes internationales.
18. S’agissant de l’emploi, l’Assemblée demande instamment aux
Etats membres:
18.1. de mettre pleinement
en œuvre la Recommandation Rec(2001)17 du Comité des Ministres sur l’amélioration
de la situation économique et de l’emploi des Roms/Tsiganes et des
Voyageurs en Europe;
18.2. de mettre au point des politiques en faveur de l’emploi
de la population rom en adoptant des programmes d’emploi globaux
au niveau national et de surveiller leur mise en œuvre au niveau
local;
18.3. ce faisant, d’adapter des politiques de l’emploi aux besoins
des populations roms et des marchés au niveau local;
18.4. de s’appuyer sur les bonnes pratiques existantes, comme
la mise en place de médiateurs pour l’emploi des Roms, ou la mise
sur pied de programmes de stages destinés spécialement aux Roms
dans la fonction publique afin d’augmenter leur représentation dans
l’administration nationale et locale.
19. S’agissant de la santé, l’Assemblée demande instamment aux
Etats membres:
19.1. de mettre pleinement
en œuvre la Recommandation Rec(2006)10 du Comité des Ministres relative
à un meilleur accès aux soins de santé pour les Roms et les Gens
du voyage en Europe;
19.2. d’améliorer l’accès des Roms aux services de santé, notamment
en s’appuyant sur les bonnes pratiques existantes telles que les
campagnes d’immunisation des enfants roms, la formation des médiateurs
de santé roms et la mise en place de cliniques mobiles;
19.3. en particulier, de proposer régulièrement des services
de proximité aux femmes et aux jeunes filles roms qui n’auraient
autrement guère d’accès aux services médicaux, d’accorder une attention particulière
à la santé gynécologique et maternelle, et de veiller à ce que soit
dispensée une éducation permanente à la santé (en particulier une
éducation sexuelle et à la santé génésique) prenant en compte les
facteurs sociaux et culturels qui influencent la santé des femmes
roms;
19.4. d’interdire et de sanctionner la stérilisation forcée
et d’accorder des indemnisations à toutes les victimes.
20. L’Assemblée exhorte aussi en particulier les autorités compétentes
à prendre des mesures immédiates et à reloger d’urgence les habitants
des camps contaminés au plomb de Mitrovicë/Mitrovica (Kosovo ).
21. L’Assemblée soutient, en outre, le renforcement et le développement
du Forum européen des Roms et des Gens du voyage (FERV) – organisme
paneuropéen unique – afin d’assoir la représentation et la coordination
des Roms au niveau européen.
22. En outre, l’Assemblée encourage vivement les délégations nationales
auprès de l’Assemblée à inclure des membres issus de la minorité
rom s’ils sont représentés au sein de leur parlement.
23. Actuellement, les Roms ne sont pas du tout représentés au
sein de l’Assemblée. Elle décide donc de proposer un accord de coopération
entre l’Assemblée et le FERV, en vertu duquel des représentants
du FERV auraient des contacts réguliers avec les commissions compétentes
de l’Assemblée et pourraient assister à leurs réunions.
24. L’Assemblée appelle la communauté rom et ses représentants
à lutter contre la discrimination et la violence à l’égard des femmes
et des jeunes filles roms dans leur propre communauté. En particulier
les problèmes de la violence domestique, des mariages forcés et
des mariages d’enfants, qui constituent une violation des droits
de la personne humaine, doivent être réglés au sein même de la communauté
rom. La coutume et la tradition ne sauraient servir de prétexte
aux violations des droits de la personne humaine mais doivent au
contraire changer. L’Assemblée invite les Etats membres à soutenir
les militantes roms qui prennent part, au sein de leur communauté,
à des débats portant sur les tensions entre sauvegarde de l’identité
rom et atteinte aux droits des femmes, notamment en raison des mariages
précoces et forcés.
25. Enfin, compte tenu de l’urgence qu’il y a à améliorer la situation
des Roms dans des domaines très variés, l’Assemblée décide de revenir
sur cette question de manière plus approfondie en temps utile.