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Résolution 1740 (2010) Version finale

La situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 juin 2010 (22e séance) (voir Doc. 12174, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Berényi, Doc. 12207, avis de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: Mme Memecan; et Doc. 12236, avis de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteur: Mme Kovács). Texte adopté par l’Assemblée le 22 juin 2010 (22e séance). Voir également la Recommandation 1924 (2010).

1. Les Roms constituent la plus grande minorité d’Europe et sont présents dans pratiquement tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Tous les Etats membres – sans exception – ont l’obligation morale et légale de faire des efforts concrets et soutenus pour améliorer la situation des Roms et veiller à ce que leurs droits fondamentaux soient pleinement respectés.
2. L’Assemblée parlementaire est choquée par les graves actes de violence commis récemment contre les Roms dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, qui reflètent l’aggravation d’une tendance en Europe à un antitsiganisme de la pire espèce.
3. Des groupes extrémistes profitent de la crise financière pour capitaliser sur les peurs engendrées par l’assimilation des Roms à des criminels, en choisissant un bouc émissaire qui représente une cible facile, les Roms étant l’un des groupes les plus vulnérables.
4. Cette situation rappelle les heures les plus sombres de l’histoire européenne. Le Conseil de l’Europe a été créé précisément pour empêcher que celles-ci ne se répètent. La Cour européenne des droits de l’homme condamne régulièrement les Etats où les Roms souffrent de maltraitance ou de discrimination.
5. En plus de l’effroyable montée de la violence contre les Roms, l’Assemblée note que le processus d’intégration de cette population n’a pas atteint ses objectifs ces vingt dernières années.
6. La Recommandation 1557 (2002) de l’Assemblée sur la situation juridique des Roms en Europe indiquait déjà que les objectifs fixés par la Recommandation 1203 (1993) relative aux Tsiganes en Europe n’avaient été atteints que de manière limitée. L’Assemblée relève aujourd’hui avec beaucoup d’inquiétude que la situation actuelle n’a pratiquement pas changé, sinon pour le pire. Ce bilan est honteux si l’on considère la quantité de papier – et d’argent – consacrée à améliorer la situation des Roms à tous les niveaux.
7. Les Roms sont encore régulièrement victimes de l’intolérance, de la discrimination et du rejet nourris par des préjugés profondément ancrés dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe. La situation des Roms en matière d’éducation, d’emploi, de logement, de santé et de participation politique est loin d’être satisfaisante. L’Assemblée est convaincue qu’un accès effectif et stable à l’éducation et un logement convenable sont les premières mesures décisives pour briser le cercle vicieux de la discrimination dans lequel sont enfermés la plupart des Roms.
8. L’Assemblée exhorte donc tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à assumer leurs responsabilités et à se saisir avec sérieux et persévérance du problème de la situation des Roms.
9. L’Assemblée note que de nombreux Etats membres ont déjà adopté des stratégies nationales pour améliorer la situation et l’intégration des Roms. C’est une mesure positive mais insuffisante. Ces plans d’action doivent bénéficier d’un financement adéquat et à long terme ainsi que d’une coordination efficace. Enfin, la mise en œuvre de ces plans d’action doit aussi être assurée aux niveaux local et régional.
10. L’Assemblée souligne que de nombreuses initiatives restent trop isolées et trop limitées, et qu’elles n’apportent donc que des réponses partielles. L’Assemblée appelle les Etats membres à adopter des politiques nationales fondées sur une approche intégrée. Les ministères compétents et les autres acteurs doivent agir de manière concertée car les problèmes auxquels se heurtent les Roms sont inextricablement liés.
11. L’Assemblée note également que les résultats concrets d’un large éventail de mesures – y compris les plans d’action nationaux – ne peuvent être correctement évalués puisque de nombreux gouvernements refusent de collecter des statistiques ethniques. Dans ces circonstances, il semble impossible d’identifier les mesures abouties ou d’améliorer celles qui le sont moins.
12. Le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) estiment que la collecte de données ethniques est un outil fort utile pour évaluer l’impact des politiques en faveur des minorités et pour surveiller la discrimination. Ces données devraient, en outre, être ventilées par sexe.
13. L’Assemblée note avec inquiétude que les Roms restent extrêmement sous-représentés dans les organes élus et que leur participation à la vie publique et politique est limitée. La représentation et la participation des Roms étant tout aussi importantes que les mesures officielles, l’Assemblée exhorte la communauté rom à profiter de toutes les occasions pour être aussi active que possible.
14. Enfin, l’Assemblée relève une nouvelle tendance au sein des Etats membres qui est de considérer que la question des Roms est de la responsabilité des organisations internationales et européennes. Tout en étant convaincue de l’importance du rôle des organisations internationales – et surtout du Conseil de l’Europe – dans ce domaine, l’Assemblée répète que la principale responsabilité incombe aux Etats membres, qui ne sauraient s’y dérober: en effet l’éducation, l’emploi, l’intégration sociale, les services de santé et le logement sont presque entièrement du ressort des Etats.
15. L’Assemblée demande donc instamment aux Etats membres:
15.1. d’aborder la question des Roms non seulement sous l’angle d’un groupe socialement défavorisé mais aussi sous celui d’une minorité nationale titulaire des droits consacrés dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) et la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme;
15.2. de protéger les Roms contre la discrimination, notamment – si cela n’est pas encore fait – par l’adoption, la mise en œuvre et le suivi périodique d’une législation complète de lutte contre la discrimination et par des mesures visant à mieux informer les Roms sur cette législation et sur leurs possibilités de recours juridiques en cas d’atteinte à leurs droits;
15.3. d’adopter des plans d’action et des stratégies suivis sur le plan national, élaborés selon une approche intégrée conforme à la Recommandation CM/Rec(2008)5 du Comité des Ministres sur les politiques concernant les Roms et/ou les Gens du voyage en Europe;
15.4. de veiller à ce que chaque ministère et institution administrative décentralisée ou locale dispose effectivement des structures opérationnelles capables de mettre en œuvre ces plans et ces stratégies, et à ce qu’ils agissent de manière concertée;
15.5. de mettre en place des moyens de supervision de la manière dont les collectivités locales mettent en œuvre les volets des plans d’action et des stratégies nationales qui relèvent de leur compétence, et de les sanctionner si elles ne le font pas;
15.6. de renforcer la participation et la représentation politiques des Roms aux niveaux national et local, notamment en leur délivrant les documents d’identité nécessaires, en éliminant la discrimination institutionnelle et les obstacles juridiques et/ou en attribuant des sièges réservés aux représentants roms au parlement ainsi que dans les organes locaux et régionaux élus;
15.7. de procéder à la collecte de données statistiques fiables – y compris de données ethniques et ventilées par sexe – assortie de garanties rigoureuses nécessaires pour éviter tout abus, conformément aux recommandations de l’ECRI et aux avis du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, et d’analyser ces données finement pour évaluer les résultats et améliorer l’efficacité des plans et programmes existants;
15.8. de promouvoir une image positive de la diversité et de lutter contre les stéréotypes et les préjugés, y compris ceux liés au genre, en utilisant par exemple la campagne Dosta! conçue par le Conseil de l’Europe; de condamner fermement et de poursuivre effectivement les actes d’antitsiganisme; de réagir plus efficacement, et en investissant davantage de moyens, aux crimes à motivation raciste à l’encontre des Roms; de réagir énergiquement contre les propos racistes de fonctionnaires, d’élaborer des politiques et des programmes de formation pour lutter contre les préjugés à l’égard des Roms dans les forces de l’ordre et de dénoncer les discours de haine à l’égard des Roms, qu’ils émanent des médias, des milieux politiques ou de la société civile;
15.9. de fonder toutes les mesures visant à améliorer la situation des Roms, à tous les stades du processus, sur une concertation préalable et une coopération véritable avec les Roms eux-mêmes;
15.10. d’envisager de prendre des actions positives pour combattre la discrimination et améliorer les possibilités offertes aux Roms, notamment dans les domaines de l’éducation et de l’emploi;
15.11. de promouvoir la mise en pratique et le développement de la culture, de la langue et du mode de vie des Roms en exploitant, par exemple, l’Itinéraire culturel rom établi par le Conseil de l’Europe;
15.12. de prendre des mesures spéciales pour protéger les demandeurs d’asile roms qui ont fui la violence raciste, veiller à ce que les citoyens de l’Union européenne aient la possibilité de réfuter la présomption de sécurité qui s’applique vis-à-vis des Etats membres de l’Union européenne et ne pas renvoyer les Roms au Kosovo jusqu’à ce que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ait confirmé que la situation s’est suffisamment améliorée en termes de sécurité et d’accès aux droits sociaux.
16. S’agissant de l’éducation, l’Assemblée demande instamment aux Etats membres:
16.1. de mettre pleinement en œuvre la Recommandation no R (2000) 4 du Comité des Ministres sur l’éducation des enfants roms/tsiganes en Europe et la Recommandation CM/Rec(2009)4 sur l’éducation des Roms et des Gens du voyage en Europe;
16.2. de supprimer la ségrégation à l’école en assurant un accès effectif et sans ségrégation des Roms à l’enseignement général, et de développer leur scolarisation dans l’enseignement préscolaire, en attendant des Roms qu’ils respectent leurs obligations de scolarité;
16.3. de former correctement les enseignants, d’augmenter le nombre d’enseignants roms et de recruter – le cas échéant – des médiateurs scolaires roms;
16.4. de veiller à ce que les jeunes filles roms bénéficient de l’égalité des chances dans l’éducation, notamment dans l’enseignement secondaire, que de trop nombreuses jeunes filles roms sont obligées d’abandonner à cause de la pression parentale et/ou communautaire liée aux mariages précoces, aux grossesses d’adolescentes et aux responsabilités ménagères et familiales;
16.5. le cas échéant – et si une telle demande existe au sein de la minorité rom – d’assister celle-ci institutionnellement et légalement pour créer des écoles minoritaires fondées sur sa propre langue et sur son identité;
16.6. d’augmenter le nombre d’élèves et d’étudiants roms dans le secondaire et à l’université, le cas échéant en réservant des places aux Roms, en particulier aux jeunes filles roms;
16.7. d’effectuer, en collaboration avec les organisations de la société civile, des études intégrant la dimension de genre sur la situation des enfants issus des groupes minoritaires dans le système scolaire, en recueillant des statistiques sur leur taux de fréquentation et de réussite, leur taux d’abandon, leurs résultats scolaires et leur progrès, comme le recommande la Recommandation de politique générale no 10 de l’ECRI pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale dans et à travers l’éducation scolaire.
17. S’agissant du logement, l’Assemblée demande instamment aux Etats membres:
17.1. de mettre pleinement en œuvre la Recommandation Rec(2005)4 du Comité des Ministres sur l’amélioration des conditions de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe, et de prendre sérieusement en considération l’avis du Comité d’experts sur les Roms et les Gens du voyage (MG‑S‑ROM) sur les conditions de logement des Roms et des Gens du voyage en Europe, adopté en octobre 2009;
17.2. de mettre pleinement en œuvre la recommandation de 2009 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sur la mise en œuvre du droit au logement et de veiller à ce que les conditions de vie des Roms répondent aux critères du logement convenable;
17.3. de condamner sans équivoque toutes les agressions sur les quartiers, campements et camps roms, et de poursuivre ceux qui en sont les auteurs;
17.4. de combattre en priorité le problème de la violence domestique au sein de la communauté rom, notamment la violence contre les femmes et les jeunes filles, ainsi que la violation des droits fondamentaux que constituent les mariages forcés et les mariages d’enfants conformément à la Résolution 1468 (2005) de l’Assemblée sur ce sujet;
17.5. de prendre des mesures urgentes pour empêcher les expulsions forcées des campements et des quartiers roms, et – en cas d’expulsion inévitable – de s’assurer que ces expulsions sont menées uniquement après que toutes les protections procédurales requises au titre de la législation internationale en matière de droits de l’homme ont été mises en place, y compris les dispositions concernant les possibilités de relogement convenable et d’indemnisation suffisante pour expropriation et pertes liées aux biens meubles endommagés pendant l’expulsion; en l’absence de telles protections procédurales, les Etats membres devraient mettre en place une législation relative aux expulsions, qui offre des garanties et des recours conformément aux normes internationales.
18. S’agissant de l’emploi, l’Assemblée demande instamment aux Etats membres:
18.1. de mettre pleinement en œuvre la Recommandation Rec(2001)17 du Comité des Ministres sur l’amélioration de la situation économique et de l’emploi des Roms/Tsiganes et des Voyageurs en Europe;
18.2. de mettre au point des politiques en faveur de l’emploi de la population rom en adoptant des programmes d’emploi globaux au niveau national et de surveiller leur mise en œuvre au niveau local;
18.3. ce faisant, d’adapter des politiques de l’emploi aux besoins des populations roms et des marchés au niveau local;
18.4. de s’appuyer sur les bonnes pratiques existantes, comme la mise en place de médiateurs pour l’emploi des Roms, ou la mise sur pied de programmes de stages destinés spécialement aux Roms dans la fonction publique afin d’augmenter leur représentation dans l’administration nationale et locale.
19. S’agissant de la santé, l’Assemblée demande instamment aux Etats membres:
19.1. de mettre pleinement en œuvre la Recommandation Rec(2006)10 du Comité des Ministres relative à un meilleur accès aux soins de santé pour les Roms et les Gens du voyage en Europe;
19.2. d’améliorer l’accès des Roms aux services de santé, notamment en s’appuyant sur les bonnes pratiques existantes telles que les campagnes d’immunisation des enfants roms, la formation des médiateurs de santé roms et la mise en place de cliniques mobiles;
19.3. en particulier, de proposer régulièrement des services de proximité aux femmes et aux jeunes filles roms qui n’auraient autrement guère d’accès aux services médicaux, d’accorder une attention particulière à la santé gynécologique et maternelle, et de veiller à ce que soit dispensée une éducation permanente à la santé (en particulier une éducation sexuelle et à la santé génésique) prenant en compte les facteurs sociaux et culturels qui influencent la santé des femmes roms;
19.4. d’interdire et de sanctionner la stérilisation forcée et d’accorder des indemnisations à toutes les victimes.
20. L’Assemblée exhorte aussi en particulier les autorités compétentes à prendre des mesures immédiates et à reloger d’urgence les habitants des camps contaminés au plomb de Mitrovicë/Mitrovica (Kosovo 
			(1) 
			Cette
référence au Kosovo doit s’entendre conformément à la Résolution
1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies.).
21. L’Assemblée soutient, en outre, le renforcement et le développement du Forum européen des Roms et des Gens du voyage (FERV) – organisme paneuropéen unique – afin d’assoir la représentation et la coordination des Roms au niveau européen.
22. En outre, l’Assemblée encourage vivement les délégations nationales auprès de l’Assemblée à inclure des membres issus de la minorité rom s’ils sont représentés au sein de leur parlement.
23. Actuellement, les Roms ne sont pas du tout représentés au sein de l’Assemblée. Elle décide donc de proposer un accord de coopération entre l’Assemblée et le FERV, en vertu duquel des représentants du FERV auraient des contacts réguliers avec les commissions compétentes de l’Assemblée et pourraient assister à leurs réunions.
24. L’Assemblée appelle la communauté rom et ses représentants à lutter contre la discrimination et la violence à l’égard des femmes et des jeunes filles roms dans leur propre communauté. En particulier les problèmes de la violence domestique, des mariages forcés et des mariages d’enfants, qui constituent une violation des droits de la personne humaine, doivent être réglés au sein même de la communauté rom. La coutume et la tradition ne sauraient servir de prétexte aux violations des droits de la personne humaine mais doivent au contraire changer. L’Assemblée invite les Etats membres à soutenir les militantes roms qui prennent part, au sein de leur communauté, à des débats portant sur les tensions entre sauvegarde de l’identité rom et atteinte aux droits des femmes, notamment en raison des mariages précoces et forcés.
25. Enfin, compte tenu de l’urgence qu’il y a à améliorer la situation des Roms dans des domaines très variés, l’Assemblée décide de revenir sur cette question de manière plus approfondie en temps utile.