Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1767 (2010) Version finale
L’avenir démographique de l’Europe et les migrations
1. D’après les prévisions actuelles,
la population mondiale devrait augmenter de plus de 40 % au cours des
quarante prochaines années si le taux de fécondité ne diminue pas
très fortement dans les pays en développement. Pendant la même période,
la population des Etats membres du Conseil de l’Europe devrait diminuer
d’environ 6 %, ramenant la part de l’Europe dans la population mondiale
à 7 %. En outre, les caractéristiques démographiques de l’Europe
connaissent des changements considérables. Ces tendances entraîneront
de nouveaux défis pour l’Europe en termes de compétitivité sur le
marché mondial et de viabilité des systèmes de sécurité sociale
tels qu’ils existent actuellement.
2. L’Assemblée parlementaire rappelle les deux débats qu’elle
a tenus récemment sur la question des mesures politiques qui influent
sur les tendances démographiques et sur les défis que ces tendances
obligent à relever sous l’angle de la cohésion sociale. Elle réaffirme
son soutien aux recommandations adoptées à l’issue de ces débats
(Recommandation 1683
(2004) sur les tendances en matière de population en
Europe et leur sensibilité aux mesures des pouvoirs publics, Recommandation 1749 (2006) et Résolution 1502 (2006) sur
la cohésion sociale face aux défis démocratiques).
3. L’Assemblée regrette qu’il ait été mis un terme au travail
important qu’effectuait le Comité européen sur la population. Elle
demeure convaincue que les questions de population et de migrations
méritent une attention intergouvernementale continue de la part
du Conseil de l’Europe.
4. La baisse de la population, son vieillissement, et les migrations
sont des phénomènes étroitement liés qui doivent être examinés conjointement
afin de déterminer l’évolution de la population ainsi que les besoins de
productivité de l’Europe. La fécondité, le vieillissement et les
migrations devraient être gérés par des politiques globales, de
manière à prendre en compte les nouvelles réalités démographiques.
5. Pour la gestion de la population européenne, la question essentielle,
aujourd’hui, est de savoir comment parvenir à accroître à la fois
le taux de fécondité et la participation des nationaux à la force
de travail, afin de stimuler la productivité de l’Europe et de maintenir
l’efficacité des systèmes de protection sociale, en particulier les
systèmes de retraite. L’Assemblée est d’avis que les décideurs européens,
les entreprises et les citoyens devraient repenser conjointement
l’organisation de l’ensemble de la vie en relation avec le travail,
la parentalité et la retraite.
6. L’augmentation de l’immigration est aussi un moyen d’aider
à atténuer à moyen terme les effets de la diminution de la population.
L’immigration est aujourd’hui le principal facteur positif de croissance
de la population dans plusieurs pays européens et l’on prévoit que
les besoins en la matière augmenteront avec la reprise de l’économie.
Néanmoins, l’Assemblée est convaincue que l’immigration ne constitue
pas à elle seule un moyen adéquat – ni une option souhaitable des
politiques publiques – pour compenser le «grisonnement» de la population
et qu’elle ne saurait se substituer aux réformes économiques.
7. L’Assemblée estime que, bien que les migrations soient sources
de diversité et de dynamisme pour les sociétés européennes, les
mouvements migratoires futurs devront être mieux gérés. Ils devront
en particulier répondre à des exigences spécifiques de l’économie,
sur la base d’une évaluation réaliste des besoins du marché du travail
et de procédures de mise en œuvre visant à assurer que les migrations
continuent de répondre à ces exigences tout en respectant les besoins
de développement des pays d’origine.
8. Les principaux obstacles à la réalisation du potentiel de
l’immigration sont liés aux migrations irrégulières et à l’intégration
des migrants et de leurs descendants au sein des sociétés européennes.
Ces deux questions ont des implications en termes de droits de l’homme
et mettent en évidence le danger que représenterait pour les sociétés
européennes le développement d’un nouveau sous-prolétariat. C’est
pourquoi l’Assemblée considère les migrations ciblées et le développement
des possibilités d’emploi légal comme la bonne voie pour gérer les
migrations à l’avenir.
9. L’Assemblée est d’avis que, bien que les migrations temporaires
et circulaires soient sources d’avantages plus nombreux pour les
pays d’origine car elles permettent de réduire l’impact de la fuite
des cerveaux, de maximiser les envois de fonds et d’encourager les
transferts de connaissances et de technologies, une grande partie
des besoins de main-d’œuvre des Etats membres du Conseil de l’Europe seront
par nature des besoins de longue durée reposant sur des compétences
propres à un type d’emploi particulier et dont l’acquisition demande
un certain temps. Il est donc nécessaire d’aborder les questions démographiques
et les questions qui se rapportent aux migrations dans une perspective
à moyen et à long terme à la fois.
10. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle instamment les
Etats membres à introduire conjointement dans leurs politiques,
s’ils ne l’ont déjà fait, les mesures générales suivantes:
10.1. eu égard à l’augmentation du
taux de natalité:
10.1.1. permettre aux individus et aux
couples d’exercer leur droit de décider librement et de façon responsable
du nombre de leurs enfants et de l’espacement des naissances;
10.1.2. créer les conditions nécessaires pour que les femmes puissent
concilier plus facilement vie de famille et travail, par exemple
en développant l’accès aux services de garde d’enfants, les horaires
de travail flexibles, le télétravail, les congés paternels;
10.1.3. permettre aux jeunes de commencer à travailler et de fonder
une famille plus facilement, par exemple grâce à des mesures en
faveur d’un environnement mieux adapté à l’enfant et à la famille
dans tous les domaines de la vie sociale – tout particulièrement
dans les zones urbaines –, notamment en ce qui concerne le logement,
la garde des enfants, le travail flexible ou à temps partiel, les
politiques fiscales et les équipements de loisirs;
10.1.4. développer les mesures de santé publique visant à atténuer
l’infécondité involontaire;
10.2. eu égard au vieillissement de la population et afin de
renforcer la participation à la vie active:
10.2.1. faciliter
l’emploi légal par des mesures comme la réduction des coûts de l’emploi,
la libéralisation du Code du travail et la suppression des coûts
inutiles liés aux licenciements;
10.2.2. continuer à encourager l’emploi des femmes à l’aide de
mesures incitatives permettant de mieux concilier vie familiale
et vie professionnelle;
10.2.3. introduire les changements législatifs nécessaires pour
relever progressivement l’âge de la retraite;
10.2.4. promouvoir la vie active des personnes âgées en donnant
la possibilité de travailler plus longtemps à celles qui sont encore
en bonne santé et qui souhaitent travailler, et en prêtant plus attention
au nombre d’années de travail effectif qu’à l’âge de la retraite;
10.2.5. élaborer des politiques diversifiées afin de permettre
aux individus de travailler plus longtemps dans des conditions saines,
y compris par la promotion des possibilités d’apprentissage tout
au long de la vie et de la reconversion professionnelle;
10.2.6. développer les formes atypiques d’emploi pour ceux qui
ne peuvent ou ne veulent pas travailler à plein-temps;
10.3. eu égard aux migrations:
10.3.1. mettre en place
des mécanismes permettant d’identifier et de contrôler les pénuries
de main-d’œuvre autochtone au niveau national, et créer des voies
d’immigration légales pour combler ces pénuries;
10.3.2. faire comprendre à la population la nécessité de poursuivre,
voire d’accroître, l’immigration de main-d’œuvre qualifiée et non
qualifiée, en veillant, en même temps, à la mise en place de mesures
appropriées pour la gestion des migrations et l’intégration des
migrants; développer, en particulier, des stratégies pour attirer
les migrants ayant le profil recherché;
10.3.3. dans les pays qui connaissent une perte nette de main-d’œuvre
due à l’émigration, mettre à profit les sources de main-d’œuvre
locales et chercher à retenir les talents en renforçant l’excellence
académique, en introduisant des incitations salariales et en développant
les possibilités de formation et de reconversion professionnelle;
10.3.4. développer les moyens officiels de recrutement des migrants
afin de réduire les facteurs pouvant inciter les employeurs à les
recruter sur le marché du travail informel et d’empêcher le trafic
et l’exploitation de migrants; examiner la possibilité d’introduire
des visas pour la recherche d’emploi comme moyen adapté de recrutement
des migrants répondant à certains profils;
10.3.5. examiner les possibilités de réintégrer dans la légalité
les migrants en situation irrégulière et les emplois illégaux. De
tels dispositifs devraient être accessibles à tous les niveaux de
qualification, présenter un caractère de longue durée et inclure
des mesures visant à inciter employeurs et immigrants à respecter
les règles en vigueur;
10.3.6. favoriser l’intégration réussie des migrants et de leurs
familles, en particulier les migrants originaires de pays non européens,
dans la société d’accueil européenne, notamment en prenant des mesures
pour régler les questions d’éducation des immigrés et de leurs enfants, remédier
aux problèmes liés au regroupement géographique et à l’isolement
social, et aider les immigrés de deuxième génération à surmonter
les difficultés à entrer sur le marché de l’emploi;
10.3.7. accorder une plus grande attention à l’équilibre du débat
public sur l’immigration, en évitant tout discours justifiant ou
même renforçant les comportements discriminatoires à l’égard des
migrants.
11. L’Assemblée note que nombre de ces mesures figurent déjà sur
l’agenda de l’Union européenne. Elle félicite cette dernière pour
le programme et le plan d’action de Stockholm adoptés récemment,
qui reconnaissent le rôle de l’immigration pour aider l’Union à
faire face aux enjeux démographiques et lui assurer de solides performances
économiques à long terme. Etant donné que les politiques de l’Union
européenne ont un impact important sur les pays candidats à l’adhésion
et sur les Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’appartiennent
pas à l’Union européenne, l’Assemblée invite, en outre, l’Union
européenne:
11.1. à chercher à mettre
en place un dispositif réellement unifié d’admission des migrants
en réexaminant l’idée d’introduire un système de «carte bleue» sur
la base du modèle initial proposé en 2001;
11.2. à réaliser une étude approfondie des besoins de main-d’œuvre
de l’Europe à court, moyen et long terme;
11.3. à poursuivre le développement de partenariats pour la
mobilité avec les Etats membres du Conseil de l’Europe dans le cadre
du partenariat oriental;
11.4. à examiner de toute urgence les possibilités de régulariser
la situation des millions de migrants en situation irrégulière employés
dans les secteurs affectés par une pénurie de main-d’œuvre.
12. L’Assemblée appelle, en outre, les organisations internationales
spécialisées à mener de nouvelles études intégrant des données détaillées
sur les tendances de la démographie et de l’évolution des migrations en
Europe. De telles données seraient utiles pour contrer certaines
attitudes populistes ou xénophobes et aider les gouvernements à
adopter une approche plus globale et plus réaliste lors de l’élaboration
des politiques nationales.