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Recommandation 1942 (2010) Version finale

La recherche d’un équilibre entre le sauvetage des découvertes archéologiques et les projets d’aménagement

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 12 novembre 2010 (voir Doc. 12285, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. O’Hara).

1. Le patrimoine archéologique de toute l’Europe subit des pressions croissantes du fait des projets d’aménagement. Cela pose des défis considérables pour la gestion du patrimoine, mais peut offrir également des occasions importantes d’améliorer notre compréhension du passé.
2. Les projets miniers de Roşia Montană (Roumanie), les projets de construction d’un barrage à Allianoi (Turquie), les travaux de l’autoroute M3 jouxtant le site historique de la colline de Tara (Irlande) et les installations pour les jeux Olympiques, notamment à Marathon et à Markopoulo (Grèce), sont autant d’exemples récents de grands projets d’aménagement qui témoignent de l’antagonisme entre le développement et la nécessité de préserver le patrimoine culturel. S’y ajoutent de nombreux projets industriels sur des terres agricoles à travers l’Europe.
3. La difficulté d’évaluer à l’avance l’importance du patrimoine archéologique dans une situation particulière et de modifier des plans d’aménagement en conséquence est un problème tant économique que culturel. La question peut être aussi d’ordre politique. Il convient donc de trouver un juste équilibre entre la valeur culturelle et le gain économique ainsi que des méthodes viables de financement des projets archéologiques. Lorsque la préservation in situ n’est pas possible ou appropriée, d’autres moyens existent d’éviter la perte de vestiges archéologiques et de contribuer à notre connaissance du passé, tels que des fouilles, des relevés et des analyses, l’interprétation ainsi que des publications scientifiques. Parfois, la reconstitution des vestiges récupérés est possible sur un autre site.
4. Les intérêts locaux peuvent être plus vulnérables aux pressions diverses et devraient peut-être être pesés et protégés dans une perspective plus large. C’est précisément là que les autorités nationales et la communauté internationale, y compris les organisations non gouvernementales concernées, ont un rôle à jouer.
5. Si, d’un côté, des menaces pèsent sur l’existence du patrimoine archéologique, le grand public, quant à lui, est de plus en plus conscient de la nécessité de préserver le patrimoine local, national et mondial. Parallèlement, la préservation de l’environnement et le besoin de «sauver notre planète» pour les générations futures sont des préoccupations grandissantes. Les idées selon lesquelles le développement économique devrait être responsable et non intrusif et qu’aucun progrès ne peut être accompli sans devoir rendre des comptes connaissent un succès croissant. Il est important que les acteurs internationaux s’appuient sur ce climat social favorable et renforcent l’intérêt porté à l’archéologie et les investissements dans ce domaine, en insistant sur le constat irréfutable que le patrimoine archéologique, comme l’environnement, est une ressource «finie» et non renouvelable.
6. Le Conseil de l’Europe a toujours reconnu la valeur du patrimoine culturel de tous les Etats membres: l’article 1 de la Convention culturelle du Conseil de l’Europe (STE no 18) de 1954 stipule que «chaque Partie contractante prendra les mesures propres à sauvegarder son apport au patrimoine culturel commun de l’Europe et à en encourager le développement».
7. La Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) de 1992 (Convention de La Valette, STE no 143) est la référence européenne dans ce domaine. Elle fait de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine archéologique l’un des objectifs des politiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Elle vise en particulier les modalités de coopération entre les archéologues et les aménageurs et urbanistes afin d’assurer une conservation optimale du patrimoine archéologique.
8. La Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe de 1985 (Convention de Grenade, STE no 121) établit les principes d’une coordination européenne des politiques de conservation et recommande l’adoption d’une approche intégrée réconciliant la protection du patrimoine architectural avec les besoins liés aux activités culturelles, sociales et économiques contemporaines.
9. La Convention-cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la société de 2005 (Convention de Faro, STCE no 199) repose sur l’idée que la connaissance et l’usage du patrimoine font partie du droit du citoyen à participer à la vie culturelle telle qu’elle est définie dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
10. Les activités du Conseil de l’Europe dans le domaine du patrimoine culturel sont guidées par plusieurs de ses orientations de politique générale telles que définies, en particulier, lors du 3e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement (Varsovie, 2005) et par la Convention de Faro. L’accent est donc placé sur les possibilités qu’offrent les projets patrimoniaux de favoriser le dialogue interculturel et de promouvoir la reconnaissance de la valeur du patrimoine culturel pour la société. Les liens entre le patrimoine naturel et le patrimoine culturel ont été resserrés et la coopération régionale est encouragée.
11. L’Assemblée parlementaire a apporté une contribution importante aux travaux du Conseil de l’Europe dans ce domaine. En 1978, par exemple, sa Recommandation 848 relative au patrimoine culturel subaquatique proposait un instrument juridiquement contraignant pour la protection du patrimoine culturel subaquatique. Bien que cette proposition n’ait pas été entièrement approuvée par le Comité des Ministres, certains de ses éléments ont néanmoins été inclus dans la Convention de La Valette.
12. Plus récemment, l’Assemblée a adopté plusieurs textes importants, notamment la Résolution 1285 (2002) «Exploiter le potentiel du tourisme en Europe», la Recommandation 1634 et la Résolution 1355 (2003) sur les mesures fiscales visant à encourager la conservation du patrimoine culturel, la Recommandation 1730 (2005) sur la gestion privée des biens culturels, et la Recommandation 1851 et la Résolution 1638 (2008) sur les métiers artisanaux et le savoir-faire de la conservation du patrimoine culturel.
13. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’encourager les Etats membres:
13.1. à signer et à ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Convention de La Valette, la Convention de Faro et la Convention de Grenade;
13.2. à intégrer les dispositions de ces conventions dans leur législation, en particulier la Convention de La Valette, qui contient une description détaillée de toutes les étapes nécessaires pour une préservation du patrimoine réussie;
13.3. à exercer une vigilance extrême à l’égard des projets d’aménagement, comme l’énonce la Convention de La Valette, et à associer des aménageurs privés au financement de toutes les étapes de la recherche et de la préservation;
13.4. à partager les pratiques et les expériences de leurs procédures concernant l’archéologie préventive;
13.5. à établir des réseaux non seulement pour partager des connaissances et de l’expérience, mais aussi pour favoriser les échanges entre les acteurs multidisciplinaires de la conservation du patrimoine culturel;
13.6. à offrir des possibilités de formation suffisantes, y compris pour les archéologues, et également dans l’enseignement des métiers traditionnels afin que les travaux de préservation, de restauration et de reconstitution puissent être conduits d’une manière durable;
13.7. à prendre des mesures concrètes afin de sensibiliser le public à la valeur du patrimoine archéologique, en publiant des documents, en utilisant des technologies modernes pour présenter les données recueillies (visites virtuelles sur internet, etc.) et en organisant, dans la mesure du possible, un accès public aux sites présentant un intérêt particulier.
14. L’Assemblée invite également le Comité des Ministres à examiner plus en profondeur la question de l’archéologie de sauvetage et préventive en se fondant sur des études de cas et avec la participation d’archéologues, d’historiens de l’art et d’autres spécialistes pertinents, d’aménageurs, d’autorités locales et gouvernementales nationales et d’organisations non gouvernementales.
15. Enfin, l’Assemblée recommande que le Comité des Ministres:
15.1. encourage une approche intégrée du patrimoine culturel dans ses activités en tenant compte de l’interaction entre le patrimoine culturel et naturel (y compris le paysage) et des questions environnementales;
15.2. examine la manière dont le suivi de la Convention de La Valette pourrait être renforcé, pour donner une place plus importante à l’archéologie préventive dans les Etats membres où la destruction du patrimoine se poursuit en toute impunité et, ce faisant, contribuer à la préservation du patrimoine européen pour les générations futures;
15.3. veille à ce que des moyens appropriés soient affectés aux activités de suivi de la Convention de La Valette, en particulier la base de données unique du Réseau européen du patrimoine (HEREIN) qui permet d’organiser des activités conjointes et de partager les bonnes pratiques;
15.4. renforce encore la coopération avec l’Union européenne et l’UNESCO dans le domaine de la recherche archéologique et des projets archéologiques spécifiques dans les Etats membres;
15.5. encourage, en ce qui concerne l’Union européenne en particulier, la poursuite des initiatives conjointes visant à renforcer la protection du patrimoine archéologique et à faciliter les travaux conduits sur les sites archéologiques.