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Résolution 1785 (2011) Version finale
L’obligation des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe de coopérer pour réprimer les crimes de guerre
1. L’Assemblée parlementaire rappelle,
comme le soulignait sa Résolution 1564 (2007) sur les poursuites engagées
pour les crimes relevant de la compétence du Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), que la justice individuelle et l’obligation
de rendre des comptes pour les crimes de guerre perpétrés dans le
cadre des conflits survenus sur le territoire de l’ex-Yougoslavie
sont des éléments essentiels du processus de réconciliation régionale
pour les victimes, les communautés et les Etats concernés. L’impunité doit
donc être combattue avec détermination.
2. A l’instar de la Stratégie d’achèvement des travaux du TPIY,
la Résolution 1564 (2007) a souligné que la responsabilité principale
de veiller à ce que les auteurs de crimes de guerre répondent de
leurs actes incombe aux Etats concernés. Dans ce contexte, tout
en réaffirmant l’obligation de coopérer pleinement et effectivement
avec le TPIY, l’Assemblée a mis l’accent sur l’importance de l’effectivité
des procès internes pour crimes de guerre ainsi que de la coopération
entre les pays concernés afin de garantir l’efficacité de la justice dans
la région.
3. L’Assemblée se félicite à cet égard des progrès accomplis
par les Etats de l’ex-Yougoslavie, qui ont réduit la «zone d’impunité»
grâce à une coopération accrue, y compris par la conclusion d’accords
bilatéraux d’extradition et de reconnaissance des jugements rendus
à l’étranger. L’Assemblée salue en particulier la coopération entre
les procureurs nationaux qui ont conclu des accords bilatéraux spéciaux,
lesquels, en facilitant le transfert d’informations et d’éléments
de preuves, se sont révélés efficaces.
4. Cela étant, il est clair que les Etats concernés ne peuvent
combattre l’impunité avec succès lorsque les auteurs présumés de
crimes de guerre se trouvent hors d’atteinte dans des Etats tiers.
Il faut donc que les autres Etats membres et observateurs luttent
pareillement contre l’impunité lorsque des personnes soupçonnées
d’avoir commis des crimes de guerre se trouvent sur leur territoire.
Ces personnes doivent être extradées ou poursuivies dans leur pays
de résidence.
5. Par conséquent, la coopération entre tous les Etats est essentielle,
comme le soulignait déjà la Résolution 827 (1993) du Conseil de
sécurité de l’Organisation des Nations Unies établissant le TPIY.
Il est indispensable d’empêcher que la zone d’impunité régionale
soit remplacée par une autre zone d’impunité ailleurs en Europe
ou dans le monde.
6. En ce qui concerne l’extradition, l’Assemblée a clairement
indiqué que l’interdiction d’extradition des nationaux constitue
une sérieuse entrave au cours de la justice. Elle se félicite que
l’un des Etats concernés, à savoir la Croatie, ait levé l’interdiction
constitutionnelle d’extrader ses propres ressortissants. Cela dit,
les restrictions pesant sur l’extradition de ressortissants sont
fréquentes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
7. Le droit conventionnel du Conseil de l’Europe, en particulier
la Convention européenne d’extradition (STE no 24) et ses trois
protocoles (STE nos 86 et 98, et STCE no 209), énonce les normes
applicables aux demandes d’extradition. Cela étant, ces protocoles
n’ont pas encore été ratifiés par l’ensemble des Etats membres,
et aucun Etat observateur n’a ratifié la convention ou ses protocoles.
La règle générale de l’obligation d’extrader fait l’objet d’importantes
exceptions et conditions qui sont énoncées dans la convention elle-même
et dans ses protocoles. En outre, ces instruments sont interprétés
différemment par les Etats membres, et font l’objet de déclarations
et de réserves qui réduisent plus encore leur champ d’application.
8. Par ailleurs, il est regrettable de constater que d’autres
normes internationales ou du Conseil de l’Europe, pertinentes pour
lutter contre l’impunité, n’ont pas été largement acceptées. Très
peu d’Etats membres ont ratifié la Convention européenne sur l’imprescriptibilité
des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre de 1974 (STE
no 82). Moins de la moitié d’entre eux ont ratifié la Convention
des Nations Unies sur le même sujet. Six Etats membres et deux Etats
observateurs n’ont pas encore ratifié le Statut de Rome de la Cour
pénale internationale. Onze Etats membres n’ont pas encore ratifié
l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale.
Moins de la moitié des Etats membres ont ratifié la Convention européenne
sur la valeur internationale des jugements répressifs (STE no 70).
Même ratifiés, ces instruments font souvent l’objet de multiples
réserves et déclarations restrictives.
9. L’Assemblée rappelle également sa Recommandation 1427 (1999)
sur le respect du droit international humanitaire en Europe, qui
invite les Etats membres à introduire dans leur droit pénal interne
le principe aut dedere aut iudicare (extrader
ou poursuivre), ce qui rendrait possible le jugement de tout auteur
présumé de crimes de guerre dans l’Etat où il se trouve, dès lors
que des obstacles empêchent son extradition vers les Etats où les
crimes ont été commis.
10. L’Assemblée exhorte tous les Etats membres et observateurs:
10.1. à prendre toutes les mesures
nécessaires afin de lutter contre l’impunité de crimes de guerre, conformément
aux initiatives de l’Assemblée et des Nations Unies;
10.2. à signer et à ratifier les conventions et les protocoles
mentionnés aux paragraphes 7 et 8, et dans sa Recommandation 1803 (2007)
sur les poursuites engagées pour les crimes relevant de la compétence
du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et,
le cas échéant, à retirer les déclarations et les réserves apportées
à ces instruments qui s’opposent à leur objet et à leur but;
10.3. à ne pas accorder la nationalité ou un statut de réfugié
à une personne inculpée de crimes de guerre dans un autre Etat;
10.4. à examiner rapidement les demandes d’extradition;
10.5. à instruire de bonne foi les demandes d’extradition pour
crimes de guerre;
10.6. à introduire le principe aut
dedere aut iudicare dans le droit pénal interne, en particulier concernant
les procès pour crimes de guerre.
11. L’Assemblée encourage par ailleurs les Etats concernés de
la région:
11.1. à poursuivre les
réformes de leur droit interne en le mettant en conformité avec
les normes internationales en vue de faciliter plus encore la tenue
de procès pour crimes de guerre, y compris la transmission des procédures;
11.2. à poursuivre une collaboration mutuelle efficace dans
la poursuite des crimes de guerre, en particulier par le moyen d’une
coopération des parquets nationaux concernant le transfert d’informations et
de preuves légales;
11.3. à améliorer la collecte des données spécifiques aux demandes
d’extradition pour crimes de guerre ou crimes liés à la guerre,
ainsi que l’information sur les mandats d’arrêt internationaux déjà
émis, de manière à évaluer avec précision l’ampleur du problème
et les solutions permettant d’y remédier de manière systématique;
11.4. à adopter les meilleures pratiques suivies dans la région
quant à la levée de l’interdiction d’extradition des nationaux et
à la reconnaissance des jugements rendus à l’étranger;
11.5. à lever tout autre obstacle juridique entravant la répression
des crimes de guerre identifiés dans sa Résolution 1564 (2007).
12. Dans le cadre de la Stratégie d’achèvement des travaux du
TPIY, l’Assemblée encourage le TPIY et le Conseil de sécurité des
Nations Unies à prendre en compte le rôle joué par d’autres Etats
que ceux directement concernés dans la répression des crimes de
guerre perpétrés sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
13. L’Assemblée encourage également l’Union européenne à examiner
les voies possibles de renforcement de la coopération en matière
de poursuite des crimes de guerre entre ses Etats membres et les
Etats concernés, dont certains souhaitent entamer ou ont déjà entamé
le processus d’adhésion à l’Union européenne – et en particulier
avec le Réseau européen de points de contact en ce qui concerne
les personnes responsables de génocide, de crimes contre l’humanité
et de crimes de guerre, établi par la décision du Conseil de l’Union
européenne 2002/494/JAI du 13 juin 2002.