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Résolution 1791 (2011)
La situation en Tunisie
1. Ces dernières semaines, la Tunisie,
l’un des plus proches voisins méditerranéens de l’Europe, a connu des
changements considérables. Des troubles locaux provoqués par les
mauvaises conditions économiques et sociales ont débouché sur un
mouvement de protestation national, qui a finalement contraint le
Président Ben Ali à fuir le pays. La situation en Tunisie reste
fragile et incertaine, et les manifestations de rue se poursuivent.
2. L’Assemblée parlementaire rend hommage au courage et à la
détermination du peuple tunisien qui, malgré la violence de la répression,
a clairement montré sa volonté de mettre fin au régime autoritaire
et de faire de la Tunisie un pays libre, ouvert et démocratique.
Il faut aussi louer l’attitude de l’armée tunisienne, qui a offert
sa protection au peuple pendant les troubles, sans intervenir dans
la politique.
3. L’Assemblée condamne sans équivoque le recours à la violence
contre les manifestants, regrette la perte de dizaines de vies humaines
et exprime sa sympathie aux familles des victimes et aux blessés. L’utilisation
des armes contre des citoyens pacifiques et les agissements de la
police doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et les responsables
devront en rendre compte. L’Assemblée déplore aussi les actes de violence,
les pillages et la destruction de biens commis par certains groupes
de protestataires.
4. Même si les causes premières des événements de Tunisie trouvent
leur origine dans la politique de M. Ben Ali, l’Europe porte également
une part de responsabilité car elle n’est pas arrivée à condamner
la nature de ce régime, préférant en utiliser l’apparente stabilité
pour faire des affaires.
5. Les forces politiques tunisiennes ne doivent pas décevoir
les attentes du peuple et devraient engager sans tarder des réformes
politiques. Le pluralisme politique devrait pouvoir s’exprimer.
Dans ce contexte, l’Assemblée prend note de la formation d’un gouvernement
provisoire, qui comprend plusieurs responsables de l’opposition.
Elle observe aussi avec satisfaction que les personnalités politiques
et publiques exilées peuvent maintenant regagner le pays.
6. Les premières mesures annoncées par le gouvernement provisoire,
comme la libération des prisonniers politiques, la levée des restrictions
aux activités des partis politiques et des groupes de défense des
droits de l’homme, ainsi que la promesse de garantir la liberté
des médias, sont les bienvenues.
7. Cependant, les Tunisiens attendent la démocratisation complète
de la société tunisienne et exigent des réformes politiques beaucoup
plus vastes, qui rendraient les changements irréversibles. De plus,
beaucoup de Tunisiens, aussi bien dans le pays qu’à l’étranger,
sont déçus de constater que des membres de l’ancien parti au pouvoir,
le RCD, conservent des positions clés dans le gouvernement provisoire,
même s’ils ont maintenant tous quitté ce parti.
8. Les autorités provisoires de Tunisie doivent avancer rapidement
sur la voie de la libéralisation politique afin de créer les conditions
propices à un processus politique pluraliste incluant toutes les
sensibilités de la société tunisienne. Il faut notamment qu’elles
fixent rapidement une date pour la tenue d’élections libres et équitables,
pleinement conformes aux normes internationales. L’Assemblée encourage
toutes les forces politiques à participer de manière constructive
à l’établissement du programme de réforme.
9. A maintes reprises, l’Assemblée a appelé à la transformation
démocratique des pays voisins, dont la Tunisie, et a exprimé son
soutien à cette transformation. Elle a une expérience hors pair
de l’accompagnement des pays en transition et des jeunes démocraties
sur la voie de la réforme, expérience qu’elle est prête à offrir à
la Tunisie. A cet égard, le statut récemment créé de partenaire
pour la démocratie offre un cadre concret permettant de partager
cette expérience avec les parlements des pays voisins de l’Europe.
10. L’Assemblée espère que la transformation politique de la Tunisie
pourra déclencher des changements démocratiques tant en Tunisie
que dans d’autres pays de la région. Elle note que les développements
en Tunisie ont déjà provoqué un effet domino en Egypte.
11. Elle rappelle sa Résolution
1731 (2010) «Euro-Méditerranée: pour une stratégie du
Conseil de l’Europe», dans laquelle elle affirmait que la paix et
la stabilité dans la Méditerranée ne peuvent être garanties que
sur la base de la démocratie, du respect des droits de l’homme et
de la prééminence du droit. A cet égard, l’Assemblée se félicite
de l’offre de l’Union européenne d’assister la Tunisie dans le processus
de réforme et en particulier d’aider le pays à organiser des élections,
et renouvelle son appel pour que les activités de l’Union pour la
Méditerranée soient élargies de manière à inclure la promotion de
la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit.
Elle appelle, en outre, l’Union européenne et ses Etats membres,
ainsi que les Etats membres du Conseil de l’Europe qui font partie
de l’Union pour la Méditerranée, à associer le Conseil de l’Europe
aux activités de cette dernière.
12. L’Assemblée, consciente que des éléments extrémistes sont
susceptibles de tirer profit de tout vide politique et pour, entre
autres, éviter tout risque d’ingérence des militaires dans la politique,
appelle les autorités tunisiennes provisoires à répondre à l’aspiration
du peuple à des réformes démocratiques et, en priorité:
12.1. à garantir les libertés politiques
fondamentales telles que la liberté de réunion, la liberté d’association,
la liberté de religion, la liberté d’expression et la liberté des
médias, ainsi que la protection des droits individuels;
12.2. à abolir la peine de mort et, dans l’intervalle, à maintenir
le moratoire sur les exécutions;
12.3. à mettre en place une commission «vérité et réconciliation»
pour établir les faits et déterminer les responsabilités des individus
impliqués dans les abus commis par le régime précédent, et pour
définir les modalités de réparation applicables aux victimes de
ces abus;
12.4. à créer les conditions de la participation des citoyens
à la vie politique et publique;
12.5. à s’engager dans une vaste réforme constitutionnelle dans
le but de créer des institutions politiques véritablement représentatives
et de consolider l’Etat de droit et la justice;
12.6. à prendre des mesures fermes pour endiguer la corruption
et le népotisme, pour enquêter sur les abus de pouvoir commis par
les anciennes élites dirigeantes et pour mettre en œuvre des réformes économiques
et sociales urgentes visant à créer des conditions normales et équitables
pour les acteurs économiques.
13. L’Assemblée encourage les autorités tunisiennes à intensifier
et à élargir la coopération avec le Conseil de l’Europe, et à tirer
parti de son expérience pour la transition du pays vers la démocratie
et, en particulier:
13.1. à adhérer
aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe qui sont ouverts
aux Etats non membres, en particulier dans les domaines de la démocratie,
des droits de l’homme et de la primauté du droit;
13.2. à exploiter pleinement l’adhésion de la Tunisie à la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)
dans le processus de réforme constitutionnelle à venir;
13.3. à adhérer aux accords partiels élargis du Conseil de l’Europe
tels que le Centre Nord-Sud et l’Accord européen et méditerranéen
sur les risques majeurs (EUR-OPA);
13.4. à établir des contacts entre le Conseil de l’Europe et
les autorités tunisiennes chargées des questions de justice, de
développement durable, de culture, d’éducation et d’enseignement
supérieur, de jeunesse et de sport, d’égalité entre les sexes et
de droits des enfants;
13.5. à étudier et à utiliser, dans leurs activités respectives,
l’expérience des institutions des droits de l’homme et des mécanismes
de suivi du Conseil de l’Europe, notamment de la Cour européenne
des droits de l’homme et du Commissaire aux droits de l’homme;
13.6. à favoriser les contacts entre les représentants parlementaires
et ceux de la société civile tunisiens et européens;
13.7. à examiner les perspectives de dialogue parlementaire
offertes par le statut de partenaire pour la démocratie récemment
créé par l’Assemblée.
14. L’Assemblée s’engage à suivre attentivement l’évolution politique
en Tunisie, à renforcer son dialogue avec le parlement de ce pays
et, en particulier, avec les nouvelles institutions qui suivront
les élections à venir – que l’Assemblée espère libres et équitables
– et à trouver des moyens appropriés pour l’assister dans sa progression
vers la démocratie.