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Résolution 1803 (2011)
Education contre la violence à l'école
1. L’Assemblée parlementaire est vivement
préoccupée par le fait que, en Europe, un nombre trop élevé d’écoles
continue de se trouver confronté à de très graves actes de violence.
Les incidents comprennent des attaques perpétrées par des élèves,
avec ou sans armes, des brimades et du harcèlement entre élèves,
de la violence sexuelle, des actes d’hostilité et même des agressions
d’enseignants par des élèves, ainsi que le recours à la violence
par des enseignants à l’encontre d’élèves.
2. Bien que de tels événements puissent demeurer sporadiques,
l’Assemblée estime qu’ils méritent la plus grande attention car
ils produisent toujours des effets très importants – sinon dramatiques –
sur les personnes impliquées et sur leur entourage immédiat, provoquant
des sentiments d’impuissance, de crainte et d’insécurité. Ils révèlent
de manière inquiétante que, en dépit d’efforts considérables, le
phénomène de la violence à l’école et dans la société en général
n’a pas été correctement traité.
3. Humanisme, comportement non violent, tolérance et respect
mutuel sont des valeurs fondamentales communes soutenues par le
Conseil de l’Europe depuis sa fondation il y a soixante ans et,
depuis longtemps, l’Organisation met un point d’honneur à combattre
tous les types de violence, en particulier lorsque les enfants en
sont victimes.
4. Des garanties fondamentales sont prescrites par les articles 3
et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5)
et par la Charte sociale européenne révisée (STE no 163). A l’article 17,
cette dernière stipule que les enfants et les adolescents seront
protégés contre la négligence, la violence ou l’exploitation, en
vue de leur assurer l’exercice effectif du droit de grandir dans
un milieu favorable à l’épanouissement de leur personnalité et au
développement de leurs aptitudes physiques et mentales.
5. L’Assemblée a traité ces questions dans bon nombre de textes,
notamment la Recommandation 561 (1969) sur
la protection des mineurs contre les mauvais traitements, la Recommandation 1666 (2004) «Interdire
le châtiment corporel des enfants en Europe»; la Recommandation 1778 (2007) sur
les enfants victimes:éradiquons
toutes les formes de violence, d’exploitation et d’abus; la Recommandation 1905 (2010) et
la Résolution 1714 (2010) sur
les enfants témoins de violence domestique, et, enfin, la Recommandation 1934 (2010) sur
les sévices sur des enfants placés en établissement: garantir la
protection pleine et entière des victimes.
6. Des normes pour la protection des enfants contre la violence
figurent également dans la Recommandation du Comité des Ministres
no R (79) 17 concernant la protection des enfants contre les mauvais
traitements, la Recommandation no R (85) 4 sur la violence au sein
de la famille et la Recommandation CM/Rec(2009)10 sur les stratégies
nationales intégrées de protection des enfants contre la violence.D’autre part, l’Assemblée rappelle
la Recommandation de politique générale no 10: lutter contre le racisme
et la discrimination raciale dans et à travers l’éducation scolaire
de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance.
7. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant,
adoptée en 1989, garantit le développement harmonieux et sans danger
de chaque enfant, et son article 19 porte explicitement sur la protection
de l’enfant contre la violence. L’Assemblée se félicite, dans ce
contexte, des travaux menés par la Représentante spéciale du Secrétaire
général des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants.
8. L’Assemblée rappelle que, en vertu de l’article 26 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme, l’éducation doit viser au plein
épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle
doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre
toutes les nations et tous les groupes ethniques ou religieux.
9. Malgré une condamnation universelle, la violence semble malheureusement
être un aspect des relations humaines très difficile à éradiquer.
Elle se rencontre partout, entre les individus et les groupes, de même
qu’au sein des familles, des groupes sociaux et de la société. Elle
peut se manifester par une agression physique directe ou prendre
des formes psychologiques moins évidentes, mais tout aussi pernicieuses.
La violence à l’école et la violence dans la société sont étroitement
liées; aussi n’est-il pas surprenant de rencontrer également au
sein de l’environnement scolaire diverses formes de violence.
10. Pour autant, l’Assemblée continuera de lutter avec la plus
grande détermination contre toutes les formes de violence, en particulier
celles visant les enfants et les adolescents. A cet égard, il est
de la plus haute importance de traiter la violence le plus tôt possible
dans la vie scolaire des enfants et d’introduire et/ou de développer
l’éducation contre la violence à l’école.
11. Les transformations radicales intervenues dans les politiques
de l’éducation montrent qu’il est possible d’obtenir des résultats
et de changer les mentalités: les méthodes d’enseignement autoritaires
ont progressivement cédé le pas à un style non autoritaire, qui
promeut souvent une approche critique de l’autoritarisme. Ces changements
se retrouvent au sein des relations parent-enfant et de la société
en général.
12. De nombreux pays ont mené des études sur la violence à l’école
et plusieurs gouvernements ont mis en place des programmes nationaux
pour lutter contre ce type de violence. L’Assemblée tient aussi
à saluer les travaux réalisés dans ce domaine par le Réseau européen
des défenseurs des enfants. Quoique les résultats soient encourageants,
un regain d’efforts s’impose pour réduire la violence à l’école.
13. Si ce problème n’est pas traité comme il se doit, les coûts
sociaux et financiers résultants dépasseront nettement ceux nécessaires
à la mise en place de programmes plus vastes pour traiter la violence efficacement,
sans parler de la souffrance humaine inacceptable des enfants qui
sont ou ont été exposés à la violence.
14. Il est crucial, bien entendu, que la violence soit interdite
et que les actes de violence tombant sous le coup de mesures pénales
ou disciplinaires soient soumis à l’application de la loi ou à des
autorités disciplinaires et que des sanctions correspondantes soient
prononcées et appliquées. Reste que les sanctions sont l’ultime
recours, et non un remède. Une action préventive et le soutien des
victimes sont encore plus nécessaires. Il ne faut pas oublier que
les enfants violents sont les plus susceptibles d’être eux-mêmes
des victimes. De surcroît, il faut garantir la plus grande transparence,
tout en respectant la dignité et la vie privée des victimes.
15. Etant donné la complexité de notre société et la pluralité
des facteurs pouvant engendrer un comportement violent, il est nécessaire
d’agir à différents niveaux et d’impliquer tous les acteurs clés,
en particulier les familles, les enseignants et les élèves, pour
lutter efficacement contre la violence à l’école.
16. Les médias produisent et diffusent des contenus violents sous
de multiples formes depuis des décennies et, depuis lors, l’incidence
de ces contenus a toujours fait débat. Avec le développement de nouvelles
formes de médias en ligne interactifs, un impact psychologique potentiellement
plus fort a été identifié et devrait être examiné plus avant. Néanmoins,
l’enfant passant de plus en plus de temps à utiliser les médias,
leurs effets positifs en tant que moyen d’éducation informelle méritent
un examen plus approfondi.
17. En conséquence, l’Assemblée adopte les principes directeurs
suivants pour une éducation contre la violence à l’école et invite
les parlements membres et observateurs à les approuver au niveau
national, à veiller à ce que les autorités gouvernementales compétentes
apportent aux écoles un soutien administratif, logistique et financier,
et, enfin, à superviser la mise en œuvre de ces principes:
17.1. Cadre juridique et pratiques
administratives:
17.1.1. des normes pénales et/ou disciplinaires
devraient clairement interdire tous les actes commis à l’école pouvant
être qualifiés de «violents», notamment les châtiments corporels
ou humiliants à l’encontre des élèves, la violence exercée par le
personnel scolaire sur les élèves, la violence infligée aux élèves
par des tiers au sein de l’enceinte scolaire ainsi que le comportement
violent d’élèves à l’encontre d’autres élèves, du personnel scolaire
ou des équipements scolaires;
17.1.2. les sanctions pénales et/ou disciplinaires devraient être
proportionnelles à la gravité de ces actes; toutefois, s’agissant
des jeunes auteurs de violence, il faudrait tenir compte des lignes directrices
contenues dans la Recommandation CM/Rec(2008)11 sur les règles européennes pour
les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures,
ainsi que du document thématique de 2009 sur «Les enfants et la
justice des mineurs: pistes d’améliorations», publié par le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe;
17.1.3. tous les actes de violence devraient faire l’objet d’une
enquête et d’un procès-verbal, et, s’ils présentent un caractère
suffisamment grave, devraient être soumis aux autorités de répression
compétentes; dans cette perspective, il conviendrait de mettre en
place dans l’environnement scolaire des mécanismes adéquats de réception
des plaintes pour les élèves;
17.1.4. des procédures administratives en rapport avec les actes
de violence à l’école devraient garantir le droit des parents à
être pleinement et rapidement informés, ainsi que le droit à la protection
de la vie privée des victimes;
17.1.5. les directeurs d’établissements scolaires devraient être
tenus professionnellement responsables de la mise en œuvre effective
des obligations ci-dessus;
17.2. Sensibilisation et formation:
17.2.1. une culture
de la démocratie et des droits de l’homme devrait être promue à
l’école en conformité avec la Charte du Conseil de l’Europe sur
l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits
de l’homme, adoptée dans le cadre de la Recommandation du Comité des
Ministres CM/Rec(2010)7;
17.2.2. la sensibilisation à la réduction de la violence, à la
résolution non violente des conflits et aux droits de l’enfant,
en particulier à l’école, devrait faire partie des programmes scolaires généraux;
la violence devrait être abordée de différents points de vue et
dans différentes disciplines – par exemple l’histoire, la littérature,
les médias, les arts, la musique, le sport, la sociologie, la psychologie,
la philosophie et la religion ou la morale;
17.2.3. les enseignants et le personnel scolaire devraient recevoir
une formation obligatoire pour mieux comprendre les différentes
formes de violence (physique, psychologique, verbale et comportementale)
et pour apprendre à combattre cette violence et à respecter le droit
des enfants à une école non violente;
17.2.4. les programmes de formation du personnel scolaire devraient
prendre en compte les besoins spécifiques liés à ses responsabilités,
mais aussi les besoins des élèves, en particulier des plus vulnérables;
17.3. Mesures de prévention et de soutien:
17.3.1. des
mesures rigoureuses de sécurité devraient être prises pour faire
respecter l’interdiction d’introduire des armes et de la drogue
à l’école, ainsi que pour empêcher les actes criminels dans l’enceinte
scolaire;
17.3.2. les méthodes d’enseignement devraient contribuer à traiter
les causes de la violence et viser à éviter que des élèves se retrouvent
en situation d’isolement ou d’exclusion; à cette fin, l’école devrait
fournir une aide spécifique aux élèves confrontés à des difficultés d’apprentissage, physiques,
sociales ou autres, réduire les tendances à la compétition dans
les cours, favoriser le travail d’équipe, la coopération et la tolérance,
et, enfin, donner la possibilité aux élèves de contrôler leurs tensions
physiques ou psychologiques de manière non violente par le biais d’activités
sportives, musicales et/ou artistiques;
17.3.3. le personnel scolaire devrait comprendre des personnes
de confiance spécialisées, formées pour aider les élèves ayant subi
ou commis des actes de violence à l’intérieur ou à l’extérieur de
l’école; en outre, des médiateurs et des psychologues devraient
être à la disposition des élèves, de leurs parents et de leurs enseignants;
17.3.4. au niveau de chaque circonscription scolaire, des équipes
spécialisées dotées de connaissances et d’un savoir-faire devraient
être constituées, pour fournir des conseils aux écoles rencontrant
des difficultés particulières;
17.4. Implication des élèves et de leur famille:
17.4.1. les
écoles devraient mettre en place des projets pratiques et des activités
extrascolaires sur le problème de la violence à l’école – par exemple
des forums, des tables rondes et des journées portes ouvertes –
qui réuniraient enseignants, élèves et parents; une attention particulière
devrait être portée à une approche non sensationnaliste des médias
(presse écrite, musique, télévision, films, internet, téléphones
mobiles, etc.) vis-à-vis de la violence à l’école et de la violence
sociale dans la vie quotidienne (par exemple la violence familiale,
la violence de groupe et la violence criminelle);
17.4.2. l’école devrait organiser des programmes bénévoles avec
les parents pour les aider à assumer leurs responsabilités parentales
ainsi que la pleine reconnaissance et le plein respect des droits
des enfants;
17.4.3. pour la mise en œuvre de certains projets et de certaines
activités, les écoles devraient envisager de collaborer avec des
ONG bénéficiant de connaissances et d’expérience dans le domaine
de l’éducation contre la violence;
17.5. Suivi et évaluation:
17.5.1. les autorités nationales
devraient établir un système pour centraliser des données statistiques
sur la violence à l’école et les résultats obtenus au moyen de différentes
mesures appliquées pour lutter contre ce phénomène;
17.5.2. des enquêtes nationales devraient être réalisées pour
identifier les bonnes pratiques, et la coopération entre écoles
aux niveaux national et européen devrait être encouragée.
18. L’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
à garantir que les travaux sur les enfants et la violence resteront
une priorité de l’Organisation dans ses futurs programmes d’activité.
19. L’Assemblée invite le Conseil mixte pour la jeunesse ainsi
que la Conférence des organisations internationales non gouvernementales
du Conseil de l’Europe à se joindre aux efforts que l’Assemblée
et le Comité des Ministres déploient pour combattre la violence
à l’encontre des enfants et la violence à l’école, et ce en organisant
des activités dans leurs secteurs respectifs.