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Résolution 1810 (2011)
Problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés en Europe
1. Il y a une prise de conscience
croissante de la nécessité de s’occuper des problèmes auxquels sont confrontés
les enfants migrants non accompagnés qui arrivent et qui restent
en Europe. Il pourrait y en avoir jusqu’à 100 000, bien qu’on ne
dispose guère de données fiables sur les flux de ces jeunes, hormis
les statistiques de demandes d’asile. Ces enfants, essentiellement
des garçons âgés de 14 à 17 ans, arrivent en Europe pour des raisons
multiples et complexes. Cependant, une fois sur place, leurs chances
d’être protégés et assistés varient considérablement d’un pays à
l’autre, ce qui crée des disparités de traitement et des différences
d’interprétation quant à leur intérêt supérieur. Dans bien des cas,
ils sont dans une situation de vulnérabilité extrême, ils sont exposés
à des mauvais traitements et à la négligence, et peuvent devenir victimes
de la traite et de réseaux criminels.
2. L’Assemblée parlementaire rappelle qu’au titre de la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, ratifiée par
tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, il existe un devoir
particulier de protection et d’assistance envers l’ensemble des
enfants non accompagnés, quels que soient leur nationalité, leur
statut d’immigré ou leur apatridie. L’application à ces enfants
de la réglementation relative à l’immigration et à l’asile doit
se fonder sur cette obligation et s’inscrire dans cette perspective.
3. L’Assemblée a déjà exprimé ces préoccupations dans sa Recommandation 1596 (2003) sur
la situation des jeunes migrants en Europe et sa Recommandation 1703 (2005) sur
la protection et l’assistance pour les enfants séparés demandeurs
d’asile, qui préconisaient, entre autres, la reconnaissance du caractère contraignant
de l’intérêt supérieur de l’enfant comme considération primordiale
dans toutes les actions entreprises, l’harmonisation des droits
nationaux sur la tutelle légale et la mise en place de systèmes
de protection cohérents et efficaces pour les enfants demandeurs
d’asile ou victimes de la traite. Malheureusement, la situation
n’a guère progressé sur ces points.
4. A cet égard, l’Assemblée salue la décision de l’Union européenne,
dans son Programme de Stockholm 2010-2014, de faire des mineurs
non accompagnés une question politique prioritaire, et salue l’adoption
du Plan d’action de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés.
Toutefois, elle souligne qu’il est nécessaire de mettre en œuvre
ce plan d’action de façon à respecter pleinement la Convention des
Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
5. L’Assemblée est convaincue que la protection des enfants,
et non le contrôle de l’immigration, devrait être le principe moteur
des Etats à l’égard des enfants non accompagnés. Dans cet esprit,
elle définit l’ensemble des 15 principes communs suivants que les
Etats membres sont invités à observer et à mettre en pratique en
œuvrant de concert:
5.1. les enfants
non accompagnés doivent être traités avant tout comme des enfants
et non comme des migrants;
5.2. l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer dans toutes
les décisions prises à son égard, quel que soit son statut au regard
de la réglementation sur l’immigration ou sur le séjour;
5.3. aucun enfant ne devrait être privé de l’accès au territoire
ni refoulé par une procédure sommaire à la frontière d’un Etat membre;
il conviendrait de l’orienter immédiatement vers les services spécialisés qui
pourront lui fournir une assistance et le prendre en charge afin
de vérifier s’il est mineur, de préciser les particularités de son
cas, de déterminer ses besoins de protection et de trouver finalement
une solution durable dans son intérêt supérieur;
5.4. l’identification, l’accueil et la protection des enfants
victimes de la traite des êtres humains devraient se faire selon
des procédures particulières qui devraient être adaptées à leurs
besoins et assurer leur protection, conformément aux Conventions
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE no 197) et sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE no 201);
5.5. tout enfant non accompagné devrait être placé immédiatement
sous la responsabilité d’un tuteur mandaté pour sauvegarder son
intérêt supérieur. Le tuteur légal devrait être indépendant et avoir
les compétences nécessaires en matière de prise en charge d’enfants.
Chaque tuteur devrait suivre une formation régulière et être soumis
à des contrôles/suivis périodiques et indépendants;
5.6. une assistance juridique, sociale et psychologique devrait
être offerte sans délai aux enfants non accompagnés. Il conviendrait
de les informer immédiatement après leur arrivée ou leur interpellation, individuellement,
dans une langue et sous une forme qu’ils peuvent comprendre, de
leur droit d’être protégés et assistés, y compris de leur droit
de demander l’asile ou d’autres formes de protection internationale,
ainsi que des procédures nécessaires et de leurs conséquences;
5.7. les enfants non accompagnés devraient être interrogés
individuellement sur leurs données personnelles et leurs antécédents
par un personnel spécialisé et bien formé, en présence de leur tuteur;
5.8. l’accès aux procédures d’asile et de protection internationale
doit être assuré sans condition à l’ensemble des enfants non accompagnés.
Il convient de mettre en place un système d’asile harmonisé adapté
à l’enfant, qui intègre des procédures prenant en considération
les difficultés supplémentaires que peuvent rencontrer les enfants
pour surmonter leurs traumatismes et raconter de façon cohérente ce
qu’ils ont vécu et leurs expériences de persécution spécifique aux
enfants. Les demandes d’asile déposées par les enfants non accompagnés
devraient être considérées comme prioritaires et traitées dans le
délai le plus court possible, tout en leur laissant suffisamment
de temps pour comprendre le processus et s’y préparer. Outre le
tuteur, les enfants non accompagnés devraient tous être représentés dans
les procédures d’asile par un avocat mis à leur disposition gratuitement
par l’Etat et pouvoir faire appel des décisions concernant leur
demande de protection devant un tribunal;
5.9. la rétention d’enfants non accompagnés pour des motifs
liés à la migration ne saurait être tolérée. Elle devrait être remplacée
par des dispositions appropriées de prise en charge, de préférence
le placement dans une famille, de manière à assurer aux enfants
des conditions de vie appropriées à leurs besoins pendant la période
appropriée. S’ils sont hébergés dans des centres, les enfants doivent
être séparés des adultes.
5.10. La détermination de l’âge devrait être uniquement entreprise
en cas de doutes raisonnables sur le fait que la personne est mineure.
Cette démarche devrait être fondée sur la présomption de minorité par
une autorité indépendante qui procédera dans un certain délai à
une évaluation multidisciplinaire. Elle ne peut reposer uniquement
sur un avis médical. Les examens ne devraient être réalisés qu’avec l’accord
de l’enfant ou de son tuteur. Ils ne devraient pas être intrusifs
ou contraires aux règles d’éthique médicale et la marge d’erreur
des examens médicaux et autres devrait être clairement indiquée
et prise en compte. Si la minorité de l’intéressé reste incertaine,
celui-ci devrait avoir le bénéfice du doute. Les décisions liées
à l’évaluation devraient être susceptibles de recours administratifs
ou judiciaires;
5.11. dans toutes les procédures pertinentes, il convient d’écouter
et d’accorder toute sa place au point de vue de l’enfant, selon
son âge et sa maturité. Les procédures administratives et judiciaires
des Etats membres devraient être élaborées et appliquées d’une manière
adaptée à l’enfant;
5.12. la recherche d’une solution durable devrait être l’objectif
ultime dès le premier contact avec l’enfant non accompagné. Il devrait
s’agir notamment de rechercher, à la demande de l’enfant ou de son tuteur
– si cela ne présente aucun risque et n’expose pas la famille à
un danger –, des membres de sa famille, de procéder à une évaluation
individualisée de l’intérêt supérieur de l’enfant, en étudiant sur
un pied d’égalité toutes les options possibles de solution durable.
Cette dernière peut être l’intégration de l’enfant dans le pays
d’accueil, le regroupement familial dans un pays tiers ou le retour
et la réinsertion dans le pays d’origine. Il importe que les pouvoirs
publics, le tuteur légal et l’enfant intéressé définissent conjointement
un projet de vie individuel et que ce dernier bénéficie d’un suivi
tout au long de sa mise en œuvre, conformément à la Recommandation
CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres sur les projets de vie en
faveur des mineurs migrants non accompagnés. Tant qu’une solution
durable n’aura pas été décidée, l’enfant devrait disposer d’un statut
qui lui permette de séjourner légalement dans le pays d’accueil.
Ce statut devrait rester valide pendant toute la durée du projet
de vie réalisé dans le pays d’accueil, même si le projet se prolonge
après la majorité;
5.13. l’accès à un hébergement approprié, à l’éducation, à la
formation professionnelle et à des soins de santé doit être garanti
à tous les enfants non accompagnés, quel que soit leur statut de
migrant, dans les mêmes conditions que les enfants ressortissants
du pays d’accueil. Les enfants non accompagnés devraient en outre
pouvoir bénéficier de programmes complets de protection de l’enfance.
Ceux-ci devraient, le cas échéant, tenir compte de leurs besoins
affectifs à la suite d’un traumatisme et, outre l’assistance psychologique
qui doit être offerte sans délai (voir paragraphe 5.6), comporter
des mesures telles qu’un soutien scolaire ciblé, un placement en
famille d’accueil ou en établissement spécialisé, ou une aide à
l’intégration pour les enfants handicapés;
5.14. les possibilités de regroupement familial devraient être
étendues au-delà du pays d’origine et envisagées dans une perspective
humanitaire en examinant les relations familiales au sens large
dans le pays d’accueil et dans des pays tiers, en se fondant sur
le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Règlement Dublin
II ne devrait être appliqué à un enfant non accompagné que si le
transfert vers un pays tiers répond à son intérêt supérieur;
5.15. l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être pris en compte
dans toutes les étapes qui conduisent à son retour dans son pays
d’origine. Le retour ne doit pas être envisagé s’il risque d’entraîner
une violation des droits fondamentaux de l’enfant. Lorsqu’aucun
parent ou membre de la famille élargie n’est retrouvé, le retour
ne devrait être décidé que si l’enfant peut bénéficier d’une prise
en charge convenue à l’avance, sûre, concrète et adaptée, assortie
de mesures de réinsertion dans le pays d’origine. Le retour en institution
ne devrait pas en soi être considéré comme une solution durable.
Il appartient à un organe professionnel de la protection de l’enfance
d’évaluer les conditions de retour. Un plan de suivi devrait être
élaboré pour s’assurer de la protection de l’enfant après son retour.
Les arguments étrangers aux droits de l’homme, comme ceux qui ont
trait à la maîtrise générale des migrations, ne devraient pas primer
sur les considérations liées à l’intérêt supérieur de l’enfant quand
des retours sont envisagés. Les retours dans des pays où la sécurité,
la protection – y compris contre le refoulement – et le bien-être
de l’enfant ne peuvent être garantis ne doivent pas être envisagés.
Les enfants qui font l’objet d’une procédure de retour doivent,
outre un tuteur, être représentés par un avocat. Ils doivent avoir
accès aux motifs des décisions de retour et pouvoir en faire appel
devant un tribunal; cet appel doit avoir un effet suspensif sur
le retour.
6. L’Assemblée invite l’Union européenne, en particulier:
6.1. à favoriser la pleine mise en
œuvre du Plan d’action de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés,
conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant;
6.2. à envisager de proposer de nouvelles normes législatives
pour combler les lacunes existantes concernant la protection en
droit communautaire de l’ensemble des enfants non accompagnés, qu’ils demandent
l’asile ou non;
6.3. à élaborer une méthode harmonisée de collecte des données
pertinentes sur les enfants non accompagnés dans toute l’Europe
pour permettre une comparaison réelle au niveau européen, tout en veillant
à ce que les données à caractère personnel soient protégées; et
à soutenir les institutions indépendantes nationales, capables de
collecter les données et de constituer un centre de ressources approprié
portant sur tous les domaines liés à la situation des enfants non
accompagnés;
6.4. à adopter et à mettre en œuvre des normes communes et
des garanties procédurales sur la tutelle et l’aide juridique pour
l’ensemble des enfants non accompagnés, afin d’assurer que leurs
intérêts et leurs besoins de protection seront préservés tout au
long des procédures administratives et judiciaires;
6.5. à soutenir l’adoption d’un protocole commun pour la détermination
de l’âge dans le plein respect de principes éthiques, médicaux et
juridiques, afin de trouver un équilibre entre les approches et
les pratiques divergentes actuelles;
6.6. à continuer d’œuvrer en faveur de la création d’un système
harmonisé d’asile pour les mineurs non accompagnés dans le cadre
de la directive révisée sur l’asile, ainsi que d’un système harmonisé d’assistance
et de protection des enfants victimes de la traite dans le cadre
des instruments communautaires relatifs à l’asile et à la traite
actuellement en cours de révision; et à garantir le respect, par
l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne, des obligations
qui leur incombent au titre du droit communautaire concernant les
enfants non accompagnés;
6.7. à améliorer les mécanismes transnationaux de protection
de l’enfance, sachant que des enfants non accompagnés se déplacent
dans toute l’Europe, notamment quand ils disparaissent des centres d’accueil;
6.8. à s’abstenir de soutenir ou de financer la construction
de structures d’accueil, dans la perspective de renvoyer les enfants
dans les pays d’origine qui ne disposent pas de système adéquat
de protection de l’enfance offrant des garanties suffisantes et
fonctionnant de façon transparente; et à veiller à ce que, en aucun
cas, l’existence de tels centres n’empêche la prise de décision
au cas par cas quant à savoir si le retour est ou non dans l’intérêt
supérieur de l’enfant;
6.9. à soutenir davantage les pays d’origine dans leurs efforts
visant à encourager les systèmes de protection de l’enfance et à
donner à tous les enfants des perspectives d’avenir afin de réduire
le risque de migrations périlleuses et inutiles;
6.10. à assurer une coopération avec les pays d’origine afin
d’évaluer la situation de l’enfant et de trouver une solution durable
au cas par cas;
6.11. à favoriser des bonnes pratiques de processus de retour
dans toute l’Europe, y compris la coopération avec des pays tiers,
pour assurer des mesures adaptées en matière de prise en charge
et de placement, et une aide appropriée à la réinsertion;
6.12. à assurer une bonne insertion des enfants non accompagnés
dans le pays d’accueil lorsque cette option a été jugée conforme
à leur intérêt supérieur.