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Résolution 1814 (2011)
Réformes de la politique commune de la pêche et de la politique commune de l’agriculture
1. Convaincue que l’accès à une alimentation
saine et nutritive est un droit de l’homme fondamental, l’Assemblée
parlementaire soulève cette importante question en vue d’adresser
des orientations aux Etats membres, notamment dans le contexte politique
des réformes en cours de la politique commune de la pêche (PCP)
et de la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne,
et de leurs répercussions dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
non membres de l’Union européenne.
2. La sécurité alimentaire est devenue un sujet politique croissant
au niveau mondial. Le défi à relever sera de produire et de fournir
suffisamment de denrées saines et nutritives de façon durable pour
une population mondiale croissante, qui devrait atteindre 9 milliards
d’habitants d’ici à 2050. Selon l’Organisation des Nations Unies
pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la demande alimentaire
devrait augmenter de 40 % d’ici à 2030 et de 70 % d’ici à 2050.
Dans les pays les moins avancés, la production alimentaire par habitant
a déjà du mal à suivre le rythme de la croissance rapide de la population.
3. Du fait de la mondialisation et de l’orientation communautaire
axée dans le passé sur l’agriculture intensive et les monocultures,
d’une part, et après plusieurs décennies de surpêche et de déclin
des stocks de poissons, d’autre part, l’autosuffisance alimentaire
est devenue extrêmement rare. La plupart des pays ont de plus en
plus recours aux marchés d’importation et d’exportation pour nourrir
leur population. Par voie de conséquence, la chaîne d’approvisionnement
devient très sensible aux facteurs économiques et environnementaux.
La perte de la biodiversité et le changement climatique présenteront
inévitablement d’autres risques graves pour la sécurité alimentaire
et pour la viabilité des secteurs de l’agriculture et de la pêche.
4. Au cours des dernières décennies, on a reproché à la Politique
agricole commune d’être coûteuse, de reposer sur des mécanismes
d’incitation à la surproduction, de fausser les prix des denrées
alimentaires sur les marchés mondiaux, mais surtout d’induire des
pratiques agricoles intensives, telles que la monoculture et l’élevage
intensif, qui ont des effets dévastateurs sur l’environnement en
Europe.
5. L’agriculture intensive a entraîné une pollution accrue des
sols, de l’eau et de l’air, une fragmentation des habitats ainsi
qu’une disparition de la vie sauvage. Cette pratique engendre, en
outre, une forte consommation énergétique, qui s’accompagne d’importantes
émissions de gaz à effet de serre. Le changement structurel global
opéré dans le passé a également fait disparaître les exploitations
qui employaient une main-d’œuvre nombreuse au profit d’exploitations
à forte intensité de ressources, ce qui a eu des répercussions majeures
sur l’environnement, mais aussi sur l’emploi.
6. L’Assemblée regrette que 85 % des paiements directs au titre
de la PAC ne soient destinés qu’à 18 % des agriculteurs, majoritairement
aux exploitations les plus grandes des anciens Etats membres de
l’Union européenne (UE-15). Par ailleurs, certains agriculteurs
travaillant dans les zones les plus défavorisées reçoivent les sommes
les plus basses.
7. En outre, les dépenses de la PAC ont été plafonnées pour la
période 2004-2013 et l’inclusion du secteur agricole des 12 nouveaux
Etats membres s’est donc faite à un niveau de coût constant, en
entraînant d’importants écarts entre les anciens et les nouveaux
Etats membres de l’Union européenne, ce qui constitue une situation
de déséquilibre et une véritable discrimination. Actuellement, le
total des paiements directs perçus par les nouveaux Etats membres
de l’Union européenne (UE-12) s’élève à seulement 12,14 %, contre 87,86 %
pour les Etats membres plus anciens (UE-15).
8. L’Assemblée déplore cette situation inéquitable sur le Marché
unique et l’absence d’égales conditions de concurrence, car, dans
plusieurs nouveaux Etats membres de l’Union européenne, à la suite
des inégalités dans la distribution des paiements directs au titre
de la PAC, les producteurs locaux ont vu leur situation s’affaiblir,
même sur leur marché national.
9. La politique commune de la pêche a été critiquée pour sa gestion
inadaptée et pour le dysfonctionnement des systèmes de quotas, qui
ont souvent conduit à des pratiques de pêche illicite, non déclarée
et non réglementée, ainsi qu’à des rejets en mer pouvant atteindre
50 %. D’après le Conseil international pour l’exploration de la
mer, en Europe, 88 % des stocks de poissons sont victimes de surpêche, contre
25 % dans le reste du monde. L’Assemblée condamne la pratique de
la capture de juvéniles qui n’ont pas encore atteint l’âge de la
reproduction et regrette que la surpêche et certaines techniques
de chalutage soient, en outre, responsables de la dégradation de
l’environnement marin.
10. L’Assemblée estime par conséquent que la PAC et la PCP doivent
progressivement évoluer, élargir leurs objectifs et redéfinir leurs
approches politiques afin de pouvoir relever les défis du XXIe siècle
en matière de sécurité alimentaire, d’environnement, de biodiversité,
de climat, d’énergie et de développement rural et côtier. Ces politiques
doivent, en outre, aider les secteurs de l’agriculture et de la
pêche à rester viables sur les plans économique et social, à devenir
plus durables, compétitifs et stables pour faire face à la crise économique
et aux prix de plus en plus volatils sur les marchés mondiaux.
11. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée recommande aux Etats
membres et non membres du Conseil de l’Europe, et plus particulièrement
aux Etats membres de l’Union européenne, les lignes directrices
suivantes:
11.1. introduire dans
les prochaines réformes de la PAC et de la PCP des règles plus générales
et plus simples au niveau européen, se concentrant sur des principes
et des objectifs généraux;
11.2. renforcer la définition et la gestion des politiques au
niveau régional afin de tenir compte des situations très diverses
qui caractérisent les secteurs de l’agriculture et de la pêche dans
l’Union européenne élargie;
11.3. parvenir, lors de la négociation du budget de la PCP et,
en particulier, de celui de la PAC pour la prochaine période budgétaire
(2014-2020), à une répartition plus équitable des paiements directs
entre les anciens et les nouveaux Etats membres de l’Union européenne
afin de redresser la situation, aujourd’hui déséquilibrée, et de
garantir à tous les producteurs des conditions de concurrence loyale
sur le Marché unique;
11.4. encourager les parties aux négociations à aboutir à un
changement radical dans la fixation des objectifs généraux de la
PAC et de la PCP ainsi que dans la définition de leurs mécanismes
de distribution, afin d’affiner le modèle agricole européen et le
modèle européen de la pêche en vue de développer des pratiques durables,
capables de produire des rendements optimaux à long terme et d’utiliser
de manière efficace les ressources existantes;
11.5. renforcer la cohérence entre le premier et le second pilier
de la PAC, mais aussi entre le système d’aides du second pilier
et celui des fonds structurels de l’Union européenne;
11.6. défendre le principe des exploitations familiales et des
petites pêcheries côtières, et instaurer dans le cadre de la PAC
et de la PCP un régime de soutien distinct, adapté aux besoins de
ces structures;
11.7. continuer à développer les régimes de soutien pour les
exploitants et les pêcheurs installés dans des zones défavorisées, et
avoir davantage recours à ces mesures incitatives dans les Etats
membres pour prévenir l’abandon des terres et l’exode rural dans
ces régions afin de maintenir l’agriculture dans toutes les régions
d’Europe;
11.8. mettre en place des régimes de soutien spécifiques pour
aider les jeunes exploitants et pêcheurs à faire face aux frais
d’installation élevés (accès au crédit, assurance, etc.);
11.9. concilier les objectifs de la PAC et de la PCP avec la
politique commerciale commune, rendre les prix plus transparents
à toutes les étapes de la distribution et de la transformation des
produits agricoles et des denrées alimentaires, et renforcer le
pouvoir de négociation des producteurs vis-à-vis des secteurs de
la transformation, de la distribution et de la vente au détail;
11.10. tenir compte des impacts de la PAC et de la PCP sur les
pays tiers, y compris les Etats membres du Conseil de l’Europe;
11.11. respecter le droit international humanitaire (y compris
le Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre
sur terre), qui prévoit qu’une puissance occupante ne peut exploiter
les ressources naturelles d’un territoire occupé sans consultation
préalable de la population locale et sans que ce soit dans son intérêt;
11.12. dans le cadre de la politique commune de la pêche, il
conviendrait:
11.12.1. de gérer les stocks de poisson au moyen
de plans à long terme et en poursuivant l’objectif principal d’atteindre
le rendement maximal durable, de préférence avant 2015;
11.12.2. de concevoir une politique à deux volets pour les flottes
de pêche, comportant en premier lieu un dispositif temporaire et
non renouvelable de réduction de la surcapacité, suivi par des mesures
de renouvellement des flottes subordonnées à une réduction importante
des navires de pêche actifs;
11.12.3. d’investir dans la recherche et l’innovation pour créer
des bases de données scientifiques précises afin de parvenir à une
gestion durable des stocks de poisson et des ressources naturelles;
11.12.4. de mettre fin aux rejets en adoptant des pratiques et
des équipements de pêche innovants, et en exigeant le débarquement
de tous les poissons capturés ainsi que leur prise en compte dans
le calcul des quotas;
11.12.5. de développer des mesures incitatives fortes et des mécanismes
d’application stricts pour encourager les pêcheurs à adopter un
comportement responsable en mer;
11.12.6. de renforcer et d’harmoniser les mécanismes de contrôle
pour combattre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée,
et d’instaurer pleinement une culture du respect de la réglementation;
11.13. dans le cadre de la Politique agricole commune, il conviendrait:
11.13.1. de renforcer le concept de la multifonctionnalité de l’agriculture,
qui produit des biens publics et présente des externalités positives,
comme la protection de l’environnement et des ressources naturelles,
le développement rural, l’entretien des paysages et la production
de denrées saines et de qualité;
11.13.2. de récompenser les bonnes pratiques environnementales
en appliquant des critères de biodiversité et de fonctionnalité
des écosystèmes;
11.13.3. d’avoir davantage recours aux paiements agri-environnementaux
au titre du second pilier de la PAC et de mettre en place des régimes
de soutien spécifiques pour l’agriculture biologique et l’agriculture
à haute valeur naturelle, ainsi que l’agriculture faisant usage
de races et de variétés traditionnelles;
11.13.4. d’appliquer les principes généraux de la production intégrée
et notamment d’encourager la polyculture ainsi que les cultures
rotatives, et de rétablir le lien entre la culture et l’élevage;
11.13.5. d’investir dans la recherche et l’innovation (agronomie);
11.13.6. d’encourager les projets locaux de coopération au niveau
des bassins hydrographiques pour permettre à l’Europe de disposer
de systèmes d’eaux douces et d’eaux côtières de «bonne qualité»;
11.13.7. de protéger les terres agricoles contre le mitage (étalement
des villes);
11.13.8. d’encourager une production locale au plus près des consommateurs
et de satisfaire aux besoins de circuits alimentaires courts, notamment
en adaptant les règles de conditionnalité des aides et en rendant
les normes d’hygiène et de sécurité alimentaire plus souples;
11.13.9. d’adopter une véritable politique de qualité des produits
agricoles, garantissant des normes minimales de qualité pour l’ensemble
des produits et valorisant les produits haut de gamme, notamment
grâce à des systèmes de garantie de qualité comme l’AOP (appellation d’origine
protégée), l’IGP (indication géographique protégée), l’indication
STG (spécialité traditionnelle garantie) ou encore le nouveau logo
«eurofeuille» pour les produits issus de l’agriculture biologique;
11.13.10. d’améliorer la traçabilité afin de permettre aux consommateurs
de faire des choix éclairés et de sensibiliser le grand public –
les jeunes, en particulier – aux habitudes et aux choix alimentaires.