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Résolution 1814 (2011)

Réformes de la politique commune de la pêche et de la politique commune de l’agriculture

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 27 mai 2011 (voir Doc. 12607, rapport de la commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales, rapporteur: M. Korkeaoja).

1. Convaincue que l’accès à une alimentation saine et nutritive est un droit de l’homme fondamental, l’Assemblée parlementaire soulève cette importante question en vue d’adresser des orientations aux Etats membres, notamment dans le contexte politique des réformes en cours de la politique commune de la pêche (PCP) et de la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne, et de leurs répercussions dans les Etats membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne.
2. La sécurité alimentaire est devenue un sujet politique croissant au niveau mondial. Le défi à relever sera de produire et de fournir suffisamment de denrées saines et nutritives de façon durable pour une population mondiale croissante, qui devrait atteindre 9 milliards d’habitants d’ici à 2050. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la demande alimentaire devrait augmenter de 40 % d’ici à 2030 et de 70 % d’ici à 2050. Dans les pays les moins avancés, la production alimentaire par habitant a déjà du mal à suivre le rythme de la croissance rapide de la population.
3. Du fait de la mondialisation et de l’orientation communautaire axée dans le passé sur l’agriculture intensive et les monocultures, d’une part, et après plusieurs décennies de surpêche et de déclin des stocks de poissons, d’autre part, l’autosuffisance alimentaire est devenue extrêmement rare. La plupart des pays ont de plus en plus recours aux marchés d’importation et d’exportation pour nourrir leur population. Par voie de conséquence, la chaîne d’approvisionnement devient très sensible aux facteurs économiques et environnementaux. La perte de la biodiversité et le changement climatique présenteront inévitablement d’autres risques graves pour la sécurité alimentaire et pour la viabilité des secteurs de l’agriculture et de la pêche.
4. Au cours des dernières décennies, on a reproché à la Politique agricole commune d’être coûteuse, de reposer sur des mécanismes d’incitation à la surproduction, de fausser les prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux, mais surtout d’induire des pratiques agricoles intensives, telles que la monoculture et l’élevage intensif, qui ont des effets dévastateurs sur l’environnement en Europe.
5. L’agriculture intensive a entraîné une pollution accrue des sols, de l’eau et de l’air, une fragmentation des habitats ainsi qu’une disparition de la vie sauvage. Cette pratique engendre, en outre, une forte consommation énergétique, qui s’accompagne d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Le changement structurel global opéré dans le passé a également fait disparaître les exploitations qui employaient une main-d’œuvre nombreuse au profit d’exploitations à forte intensité de ressources, ce qui a eu des répercussions majeures sur l’environnement, mais aussi sur l’emploi.
6. L’Assemblée regrette que 85 % des paiements directs au titre de la PAC ne soient destinés qu’à 18 % des agriculteurs, majoritairement aux exploitations les plus grandes des anciens Etats membres de l’Union européenne (UE-15). Par ailleurs, certains agriculteurs travaillant dans les zones les plus défavorisées reçoivent les sommes les plus basses.
7. En outre, les dépenses de la PAC ont été plafonnées pour la période 2004-2013 et l’inclusion du secteur agricole des 12 nouveaux Etats membres s’est donc faite à un niveau de coût constant, en entraînant d’importants écarts entre les anciens et les nouveaux Etats membres de l’Union européenne, ce qui constitue une situation de déséquilibre et une véritable discrimination. Actuellement, le total des paiements directs perçus par les nouveaux Etats membres de l’Union européenne (UE-12) s’élève à seulement 12,14 %, contre 87,86 % pour les Etats membres plus anciens (UE-15).
8. L’Assemblée déplore cette situation inéquitable sur le Marché unique et l’absence d’égales conditions de concurrence, car, dans plusieurs nouveaux Etats membres de l’Union européenne, à la suite des inégalités dans la distribution des paiements directs au titre de la PAC, les producteurs locaux ont vu leur situation s’affaiblir, même sur leur marché national.
9. La politique commune de la pêche a été critiquée pour sa gestion inadaptée et pour le dysfonctionnement des systèmes de quotas, qui ont souvent conduit à des pratiques de pêche illicite, non déclarée et non réglementée, ainsi qu’à des rejets en mer pouvant atteindre 50 %. D’après le Conseil international pour l’exploration de la mer, en Europe, 88 % des stocks de poissons sont victimes de surpêche, contre 25 % dans le reste du monde. L’Assemblée condamne la pratique de la capture de juvéniles qui n’ont pas encore atteint l’âge de la reproduction et regrette que la surpêche et certaines techniques de chalutage soient, en outre, responsables de la dégradation de l’environnement marin.
10. L’Assemblée estime par conséquent que la PAC et la PCP doivent progressivement évoluer, élargir leurs objectifs et redéfinir leurs approches politiques afin de pouvoir relever les défis du XXIe siècle en matière de sécurité alimentaire, d’environnement, de biodiversité, de climat, d’énergie et de développement rural et côtier. Ces politiques doivent, en outre, aider les secteurs de l’agriculture et de la pêche à rester viables sur les plans économique et social, à devenir plus durables, compétitifs et stables pour faire face à la crise économique et aux prix de plus en plus volatils sur les marchés mondiaux.
11. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée recommande aux Etats membres et non membres du Conseil de l’Europe, et plus particulièrement aux Etats membres de l’Union européenne, les lignes directrices suivantes:
11.1. introduire dans les prochaines réformes de la PAC et de la PCP des règles plus générales et plus simples au niveau européen, se concentrant sur des principes et des objectifs généraux;
11.2. renforcer la définition et la gestion des politiques au niveau régional afin de tenir compte des situations très diverses qui caractérisent les secteurs de l’agriculture et de la pêche dans l’Union européenne élargie;
11.3. parvenir, lors de la négociation du budget de la PCP et, en particulier, de celui de la PAC pour la prochaine période budgétaire (2014-2020), à une répartition plus équitable des paiements directs entre les anciens et les nouveaux Etats membres de l’Union européenne afin de redresser la situation, aujourd’hui déséquilibrée, et de garantir à tous les producteurs des conditions de concurrence loyale sur le Marché unique;
11.4. encourager les parties aux négociations à aboutir à un changement radical dans la fixation des objectifs généraux de la PAC et de la PCP ainsi que dans la définition de leurs mécanismes de distribution, afin d’affiner le modèle agricole européen et le modèle européen de la pêche en vue de développer des pratiques durables, capables de produire des rendements optimaux à long terme et d’utiliser de manière efficace les ressources existantes;
11.5. renforcer la cohérence entre le premier et le second pilier de la PAC, mais aussi entre le système d’aides du second pilier et celui des fonds structurels de l’Union européenne;
11.6. défendre le principe des exploitations familiales et des petites pêcheries côtières, et instaurer dans le cadre de la PAC et de la PCP un régime de soutien distinct, adapté aux besoins de ces structures;
11.7. continuer à développer les régimes de soutien pour les exploitants et les pêcheurs installés dans des zones défavorisées, et avoir davantage recours à ces mesures incitatives dans les Etats membres pour prévenir l’abandon des terres et l’exode rural dans ces régions afin de maintenir l’agriculture dans toutes les régions d’Europe;
11.8. mettre en place des régimes de soutien spécifiques pour aider les jeunes exploitants et pêcheurs à faire face aux frais d’installation élevés (accès au crédit, assurance, etc.);
11.9. concilier les objectifs de la PAC et de la PCP avec la politique commerciale commune, rendre les prix plus transparents à toutes les étapes de la distribution et de la transformation des produits agricoles et des denrées alimentaires, et renforcer le pouvoir de négociation des producteurs vis-à-vis des secteurs de la transformation, de la distribution et de la vente au détail;
11.10. tenir compte des impacts de la PAC et de la PCP sur les pays tiers, y compris les Etats membres du Conseil de l’Europe;
11.11. respecter le droit international humanitaire (y compris le Règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre), qui prévoit qu’une puissance occupante ne peut exploiter les ressources naturelles d’un territoire occupé sans consultation préalable de la population locale et sans que ce soit dans son intérêt;
11.12. dans le cadre de la politique commune de la pêche, il conviendrait:
11.12.1. de gérer les stocks de poisson au moyen de plans à long terme et en poursuivant l’objectif principal d’atteindre le rendement maximal durable, de préférence avant 2015;
11.12.2. de concevoir une politique à deux volets pour les flottes de pêche, comportant en premier lieu un dispositif temporaire et non renouvelable de réduction de la surcapacité, suivi par des mesures de renouvellement des flottes subordonnées à une réduction importante des navires de pêche actifs;
11.12.3. d’investir dans la recherche et l’innovation pour créer des bases de données scientifiques précises afin de parvenir à une gestion durable des stocks de poisson et des ressources naturelles;
11.12.4. de mettre fin aux rejets en adoptant des pratiques et des équipements de pêche innovants, et en exigeant le débarquement de tous les poissons capturés ainsi que leur prise en compte dans le calcul des quotas;
11.12.5. de développer des mesures incitatives fortes et des mécanismes d’application stricts pour encourager les pêcheurs à adopter un comportement responsable en mer;
11.12.6. de renforcer et d’harmoniser les mécanismes de contrôle pour combattre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, et d’instaurer pleinement une culture du respect de la réglementation;
11.13. dans le cadre de la Politique agricole commune, il conviendrait:
11.13.1. de renforcer le concept de la multifonctionnalité de l’agriculture, qui produit des biens publics et présente des externalités positives, comme la protection de l’environnement et des ressources naturelles, le développement rural, l’entretien des paysages et la production de denrées saines et de qualité;
11.13.2. de récompenser les bonnes pratiques environnementales en appliquant des critères de biodiversité et de fonctionnalité des écosystèmes;
11.13.3. d’avoir davantage recours aux paiements agri-environnementaux au titre du second pilier de la PAC et de mettre en place des régimes de soutien spécifiques pour l’agriculture biologique et l’agriculture à haute valeur naturelle, ainsi que l’agriculture faisant usage de races et de variétés traditionnelles;
11.13.4. d’appliquer les principes généraux de la production intégrée et notamment d’encourager la polyculture ainsi que les cultures rotatives, et de rétablir le lien entre la culture et l’élevage;
11.13.5. d’investir dans la recherche et l’innovation (agronomie);
11.13.6. d’encourager les projets locaux de coopération au niveau des bassins hydrographiques pour permettre à l’Europe de disposer de systèmes d’eaux douces et d’eaux côtières de «bonne qualité»;
11.13.7. de protéger les terres agricoles contre le mitage (étalement des villes);
11.13.8. d’encourager une production locale au plus près des consommateurs et de satisfaire aux besoins de circuits alimentaires courts, notamment en adaptant les règles de conditionnalité des aides et en rendant les normes d’hygiène et de sécurité alimentaire plus souples;
11.13.9. d’adopter une véritable politique de qualité des produits agricoles, garantissant des normes minimales de qualité pour l’ensemble des produits et valorisant les produits haut de gamme, notamment grâce à des systèmes de garantie de qualité comme l’AOP (appellation d’origine protégée), l’IGP (indication géographique protégée), l’indication STG (spécialité traditionnelle garantie) ou encore le nouveau logo «eurofeuille» pour les produits issus de l’agriculture biologique;
11.13.10. d’améliorer la traçabilité afin de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés et de sensibiliser le grand public – les jeunes, en particulier – aux habitudes et aux choix alimentaires.