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Résolution 1818 (2011)
La demande de statut de Partenaire pour la Démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement du Maroc
1. En adoptant sa Résolution 1680 (2009) sur
la création d’un statut de «partenaire pour la démocratie» auprès
de l’Assemblée parlementaire, l’Assemblée a décidé de créer un nouveau
statut pour la coopération institutionnelle avec les parlements
des Etats non membres des régions voisines qui souhaitent bénéficier
de l’expérience de l’Assemblée en matière de renforcement de la
démocratie et participer au débat politique sur les enjeux communs
dépassant les frontières européennes. Un nouvel article 60 du Règlement
de l’Assemblée, énonçant les conditions et les modalités d’octroi
de ce statut, dont les engagements politiques que le parlement concerné
doit officiellement contracter, a pris effet à partir de janvier
2010.
2. Moins de deux mois plus tard, le 22 février 2010, les présidents
des deux Chambres du Parlement du Maroc ont adressé au Président
de l’Assemblée une demande officielle d’obtention du statut de Partenaire pour
la démocratie. Le Parlement du Maroc devint ainsi le premier parlement
à faire une telle demande.
3. L’Assemblée prend note que, dans leur lettre, conformément
aux exigences stipulées par l’article 60.2 du Règlement, les présidents
des deux Chambres du Parlement du Maroc ont réaffirmé que le parlement
qu’ils représentent partage les mêmes valeurs que le Conseil de
l’Europe, à savoir la démocratie pluraliste et paritaire, l’Etat
de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
et se sont engagés:
3.1. à poursuivre
leurs efforts «pour sensibiliser les pouvoirs publics ainsi que
les acteurs de la vie politique et la société civile afin de faire
avancer la réflexion en cours sur les problématiques de la peine capitale»
et à continuer d’«encourager les autorités compétentes à poursuivre
le moratoire de fait sur les exécutions de la peine de mort existant
depuis 1993». Ils ont l’intention de s’«appuyer sur l’expérience
de l’Assemblée, ainsi que sur l’expertise de la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans [leurs]
travaux institutionnels et législatifs, en ayant à l’esprit que
le Maroc est membre de la Commission de Venise depuis 2007»;
3.2. à «poursuivre [leurs] efforts pour sensibiliser les pouvoirs
publics et les acteurs de la vie politique pour créer les conditions
favorables à la tenue d’élections libres, justes et transparentes»;
3.3. à «encourager la participation équilibrée des femmes et
des hommes à la vie publique et politique»;
3.4. à «encourager les autorités compétentes à adhérer aux
conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l’Europe
pouvant être signés et ratifiés par des Etats non membres, en particulier
ceux traitant des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la
démocratie, en ayant à l’esprit que le Maroc est – outre sa participation
à la Commission de Venise – déjà membre du Centre Nord-Sud, Etat
membre de l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs
(EUR-OPA), et qu’il est également partie contractante à la Convention
relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel
de l’Europe»;
3.5. à «informer régulièrement [l’]Assemblée des progrès accomplis
dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe dans
[leur] pays».
4. L’Assemblée estime, par conséquent, que la demande du Parlement
du Maroc satisfait aux critères formels énoncés dans son Règlement.
5. En outre, l’Assemblée reconnaît que le Parlement, les forces
politiques, les agents d’Etat et publics et la société civile du
Maroc partagent largement les objectifs du partenariat pour la démocratie,
qui vise à renforcer la démocratie, l’Etat de droit et le respect
des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le pays.
6. Au moment où les peuples d’un certain nombre de pays arabes
et méditerranéens expriment clairement le souhait d’acquérir des
droits politiques et sociaux fondamentaux, l’Assemblée estime important
que le Maroc, qui a des institutions politiques et des traditions
de pluralisme politique bien établies, reste sur la voie d’une évolution
démocratique.
7. L’Assemblée se félicite de l’engagement du Maroc à mener des
réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques et juridiques
approfondies et encourage les autorités nationales du Maroc à tirer pleinement
parti de l’expertise du Conseil de l’Europe et à s’inspirer de ses
normes pour mener à bien ces réformes. Elle se félicite également
du nouveau projet de Constitution, qui constitue une importante
étape vers la consolidation des principes de la démocratie, du respect
des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Elle note avec satisfaction,
dans ce contexte, que la coopération entre le Maroc et le Conseil
de l’Europe s’est considérablement renforcée dans la période récente,
à la suite de l’adhésion du Maroc au Centre européen pour l’interdépendance
et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) en juillet 2009. Elle
estime que le statut de Partenaire pour la démocratie constitue
un cadre propice à un engagement plus marqué du Parlement du Maroc
en faveur du processus de réformes.
8. Dans ce contexte, l’Assemblée considère que les mesures concrètes
ci-après sont essentielles pour renforcer la démocratie, l’Etat
de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales
au Maroc:
8.1. organiser des élections
libres et équitables conformément aux normes internationales pertinentes;
8.2. mieux sensibiliser et intéresser le public au processus
démocratique et assurer un plus fort taux de participation aux élections;
8.3. renforcer le contrôle public des élections par des observateurs
indépendants et, notamment, améliorer les capacités des réseaux
nationaux d’observateurs;
8.4. mener la réforme constitutionnelle, en particulier en
consolidant la séparation des pouvoirs et en renforçant le rôle
du parlement;
8.5. consulter les organisations de la société civile et les
associer aux processus législatif et décisionnel;
8.6. garantir l’égalité des chances entre les femmes et les
hommes dans la vie politique et publique;
8.7. consolider la démocratie locale et régionale;
8.8. abolir la peine de mort inscrite dans le Code pénal, en
allant au-delà du moratoire de fait sur les exécutions instauré
depuis 1993;
8.9. lutter contre la corruption;
8.10. mettre en œuvre la réforme de la justice afin de garantir
l’indépendance et l’impartialité des juges;
8.11. adhérer aux instruments internationaux pertinents en matière
de droits de l’homme et garantir leur application effective; notamment
coopérer pleinement avec les mécanismes spéciaux des Nations Unies
et mettre en œuvre les recommandations découlant de l’Examen périodique
universel des Nations Unies;
8.12. améliorer la formation des juges, du personnel pénitentiaire
et des forces de l’ordre concernant le respect des standards internationaux
en matière de droits de l’homme;
8.13. prévenir la torture et les traitements inhumains ou dégradants
à l’encontre des personnes privées de liberté; lutter contre l’impunité
des auteurs d’actes de torture et de sévices;
8.14. améliorer les conditions de détention, conformément aux
normes et standards des Nations Unies relatifs aux établissements
pénitentiaires;
8.15. appliquer pleinement les recommandations de l’Instance
équité et réconciliation;
8.16. combattre le racisme, la xénophobie et toutes les formes
de discrimination;
8.17. garantir le plein respect de la liberté de conscience,
de religion et de croyance, y compris le droit de changer de religion;
8.18. garantir et promouvoir la liberté d’expression ainsi que
l’indépendance et la pluralité des médias; supprimer la censure;
établir un nouveau Code de la presse garantissant effectivement
la liberté de la presse;
8.19. garantir et promouvoir la liberté d’association et de
réunion pacifique; garantir la stricte application de la loi sur
les associations;
8.20. lutter contre toutes les formes de discrimination (en
droit et en fait) fondée sur le genre; assurer l’égalité effective
entre les femmes et les hommes, y compris en matière de mariages
interreligieux et de droit successoral, si nécessaire en lançant
un processus de révision de la législation; combattre toutes les
formes de violence fondée sur le genre; promouvoir activement l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes;
8.21. s’assurer que le Code de la famille est pleinement appliqué
tout en lançant un débat public et politique en vue de réviser ses
dispositions qui ne sont pas conformes avec les normes internationales en
matière de droits de l’homme, y compris sur la question de la polygamie.
9. L’Assemblée attend du Maroc qu’il adhère le moment venu aux
conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l’Europe,
en particulier ceux traitant des droits de l’homme, de l’Etat de
droit et de la démocratie, conformément à l’engagement prévu dans
la lettre conjointe des présidents des deux Chambres du parlement
datée du 22 février 2010.
10. L’Assemblée encourage le Conseil de l’Europe et le Maroc à
intégrer ces priorités dans leurs discussions en cours sur un programme
bilatéral de coopération. Le fait que le Maroc est membre de plusieurs accords
partiels du Conseil de l’Europe, tels que la Commission de Venise,
le Centre Nord-Sud et le Groupe de coopération en matière de lutte
contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou),
constitue à cet égard une plus-value incontestable.
11. En outre, l’Assemblée attend du Maroc qu’il continue à rechercher
des moyens pacifiques de régler les litiges internationaux, conformément
à la Charte des Nations Unies. Dans ce contexte, elle appelle tout particulièrement
le Parlement du Maroc à contribuer davantage au règlement de la
question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes
du Conseil de sécurité des Nations Unies.
12. Observant que le Parlement du Maroc a réaffirmé sa détermination
à assurer le plein respect des engagements politiques énoncés à
l’article 60.2 du Règlement, et contractés par les présidents de
ses deux Chambres, comme l’atteste leur lettre conjointe du 22 février 2010,
l’Assemblée décide:
12.1. d’accorder
le statut de Partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc
à compter de l’adoption de la présente résolution;
12.2. d’inviter le Parlement du Maroc à désigner une délégation
Partenaire pour la démocratie constituée de six membres titulaires
et de six membres suppléants, selon les modalités définies à l’article 60.4
du Règlement de l’Assemblée.
13. L’Assemblée estime que l’avancement des réformes est le but
principal du partenariat pour la démocratie et doit constituer le
critère d’évaluation de son efficacité.
14. Elle décide, en conséquence, de faire, au plus tard deux ans
après l’adoption de la présente résolution, le bilan des progrès
réalisés dans la mise en œuvre des engagements politiques contractés
par le Parlement du Maroc et des réformes dans les domaines mentionnés
au paragraphe 8 ci‑dessus.
15. L’Assemblée souligne l’importance d’élections libres et équitables
en tant que pierre angulaire d’une démocratie véritable. Elle espère,
par conséquent, être invitée à observer les élections législatives
au Maroc à partir des élections anticipées prévues en 2011.
16. L’Assemblée est convaincue que l’octroi du statut de Partenaire
pour la démocratie au Parlement du Maroc contribuera à renforcer
la coopération entre ce pays et le Conseil de l’Europe et à promouvoir
l’adhésion du Maroc aux conventions du Conseil de l’Europe. Elle
encourage, par conséquent, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,
en coordination, le cas échéant, avec l’Union européenne, à mobiliser
l’expertise de l’Organisation, dont celle de la Commission de Venise,
en vue de contribuer à la pleine application des réformes démocratiques
au Maroc, notamment dans le cadre de la réforme imminente de sa
Constitution.