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Résolution 1819 (2011)
La situation en Tunisie
1. L’Assemblée parlementaire se réfère
à la Résolution 1791
(2011) relative à la situation en Tunisie, adoptée en
janvier 2011 à l’issue d’un débat selon la procédure d’urgence,
deux semaines seulement après la révolution de jasmin qui a mis
fin au régime de Ben Ali. Elle réitère son hommage au courage et
à la détermination du peuple tunisien qui, malgré la violence et
la répression, a clairement montré sa volonté de mettre fin au régime
autoritaire et de faire de la Tunisie un pays libre, ouvert et démocratique.
2. Cinq mois après la révolution, l’Assemblée constate avec satisfaction
que le processus de transition démocratique en Tunisie est bien
engagé et a déjà apporté les premiers résultats en matière de démantèlement
des structures de l’ancien régime et de mise en place d’éléments
d’un système politique tourné vers la démocratie.
3. L’Assemblée salue le courage, la compétence et la détermination
des membres du gouvernement provisoire, des instances nouvellement
créées ainsi que des représentants de la société civile.
4. L’Assemblée réaffirme sa disponibilité pour faire bénéficier
les institutions transitoires et les futures institutions permanentes
ainsi que la société civile tunisiennes de son expérience en matière d’accompagnement
de transitions démocratiques et de création de nouvelles institutions
dans les jeunes démocraties en Europe. Ce faisant, elle n’a nullement
l’intention de donner de leçons ou d’imposer de modèles, et respecte
les choix souverains des Tunisiens. Tout soutien et toute aide doivent
être régis par le respect des Tunisiens et de leur dignité.
5. L’Assemblée soutient l’intention des autorités transitoires
d’organiser aussi rapidement que possible les élections d’une assemblée
nationale constituante, pour assurer une légitimité démocratique
des transformations en cours. Elle félicite les autorités d’avoir
élaboré un cadre juridique pour les élections et d’avoir confié
leur organisation à une instance indépendante. Cependant, elle est
consciente que l’organisation matérielle des élections présente
beaucoup de difficultés sur le plan pratique. Elle note que, à la
suite de la proposition de l’Instance supérieure indépendante pour
les élections et de la consultation entre le gouvernement transitoire
et les principales forces politiques du pays, les élections initialement
prévues le 24 juillet 2011 devraient se tenir le 23 octobre 2011.
6. En même temps, l’Assemblée est préoccupée par une dégradation
considérable de la situation économique et sociale dans le pays,
notamment par une forte progression du taux de chômage. Elle prend note
des efforts du gouvernement provisoire visant à relancer l’économie
et à créer des emplois, mais estime qu’un effort international de
solidarité est nécessaire pour soutenir la Tunisie en pleine transition.
7. La révolution a suscité beaucoup d’enthousiasme et d’attentes
au sein de la population tunisienne. Faute d’améliorations concrètes
en matière économique, le soutien envers la révolution peut vite
s’essouffler et laisser la place aux sentiments de désillusion et
de déception.
8. Le brusque sursaut de tension politique début mai 2011 a montré
que la stabilité apparente de la situation politique en Tunisie
reste très fragile et que le mécontentement d’une partie considérable
de la population peut facilement être instrumentalisé pour déstabiliser
le pays à la veille des élections. L’Assemblée invite instamment
toutes les forces politiques et civiles tunisiennes à faire preuve
de responsabilité et à ne pas mettre en péril le processus de transformation
en cours.
9. Les autorités doivent veiller de façon prioritaire à renforcer
la sécurité intérieure qui est très fragile.
10. L’Assemblée se félicite du fait que la définition des priorités
et l’élaboration du programme de réformes se déroulent essentiellement
dans un climat politique inclusif, avec une large participation
des acteurs de la société civile.
11. Elle note avec satisfaction que des contacts ont pu être établis
entre la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) et la Haute Instance tunisienne pour la réalisation des objectifs
de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique,
et elle encourage la haute instance à pleinement utiliser l’expérience
et l’expertise de la Commission de Venise dans la préparation de
la future Constitution.
12. L’Assemblée est prête à contribuer à l’organisation et à l’observation
des élections de l’Assemblée nationale constituante, et se félicite
de l’intention des autorités de l’inviter à observer ces élections.
13. L’Assemblée insiste sur l’importance de prendre des mesures
pour endiguer la corruption et le népotisme, et pour enquêter sur
les abus de pouvoir commis par les anciennes élites dirigeantes
de Tunisie. Elle prend note du fait que le procès par contumace
de l’ex-Président Ben Ali a eu lieu le 20 juin 2011. Elle encourage
la Commission d’enquête sur les malversations et la corruption à
faire toute la lumière sur les abus commis par les anciens dirigeants
tunisiens et leurs proches. Elle appelle les autorités transitoires
et les futures autorités tunisiennes à mettre en place un dispositif
efficace pour combattre la corruption.
14. L’Assemblée appelle les autorités transitoires tunisiennes:
14.1. à garantir, dans le cadre de
la campagne électorale pour l’Assemblée nationale constituante,
le respect des libertés politiques fondamentales telles que la liberté
de réunion, la liberté d’association, la liberté d’expression et
la liberté des médias, ainsi que les droits individuels;
14.2. à veiller au respect du principe démocratique essentiel
de séparation des pouvoirs temporel et spirituel;
14.3. à assurer la stricte neutralité de toutes les forces de
l’ordre de l’Etat et leur non-ingérence dans le processus électoral;
14.4. à créer des conditions équitables et transparentes pour
la campagne électorale, et notamment à assurer l’accès égal des
différentes forces politiques aux médias et le droit des citoyens
à accéder à l’information pour pouvoir effectuer des choix politiques
éclairés;
14.5. à assurer la transparence du financement des partis politiques
et de la campagne électorale;
14.6. à créer des conditions pour le suivi, en toute transparence,
du processus électoral par des observateurs nationaux et étrangers;
14.7. à assurer un examen rapide et objectif de toute contestation
possible.
15. L’Assemblée appelle les forces politiques et civiles tunisiennes:
15.1. à mener la campagne électorale
dans un climat de sérénité et de respect mutuel;
15.2. à s’abstenir de toute tentative de provocation ou d’aggravation
de tensions politiques, économiques ou sociales, ou d’atteinte à
l’ordre public;
15.3. à respecter la législation électorale et les décisions
des institutions chargées de l’organisation des élections;
15.4. à accepter et à respecter les résultats du vote.
16. L’Assemblée encourage les acteurs de la société civile à rester
activement engagés dans l’organisation et le suivi du processus
électoral et, au-delà des élections, dans la promotion des principes
et des valeurs démocratiques dans le cadre des réformes.
17. Au-delà de l’élection de l’Assemblée nationale constituante,
l’Assemblée invite les futures autorités tunisiennes:
17.1. à veiller à sauvegarder les
acquis positifs de la société tunisienne, en particulier le haut
niveau d’éducation et le statut de la femme;
17.2. à mettre en place des conditions pour que la jeunesse
tunisienne puisse s’engager activement dans la vie publique et l’action
politique, et ainsi mettre en œuvre son désir d’être une force active
du changement;
17.3. à poursuivre le processus de réformes politiques en s’inspirant
des principes et des valeurs universels, et de l’expérience de la
transition démocratique accumulée au sein du Conseil de l’Europe;
17.4. à approfondir à cet effet le dialogue avec les organes,
les mécanismes et les structures appropriés du Conseil de l’Europe.
A cette fin, l’Assemblée réitère les éléments contenus au paragraphe 13
de la Résolution 1791
(2011) et invite à nouveau les futures autorités tunisiennes:
17.4.1. à adhérer aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe
qui sont ouverts aux Etats non membres, en particulier dans les
domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de
droit;
17.4.2. à exploiter pleinement l’adhésion de la Tunisie à la Commission
de Venise dans le processus de réforme constitutionnelle à venir;
17.4.3. à adhérer aux accords partiels élargis du Conseil de l’Europe
tels que le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité
mondiales (Centre Nord-Sud) et l’Accord européen et méditerranéen
sur les risques majeurs EUR-OPA;
17.4.4. à établir des contacts entre le Conseil de l’Europe et
les autorités tunisiennes chargées des questions de justice, de
développement durable, de culture, d’éducation et d’enseignement supérieur,
de jeunesse et de sport, d’égalité entre les sexes et de droits
des enfants;
17.4.5. à étudier et à utiliser, dans leurs activités respectives,
l’expérience des institutions des droits de l’homme et des mécanismes
de suivi du Conseil de l’Europe, notamment de la Cour européenne
des droits de l’homme et du Commissaire aux droits de l’homme;
17.4.6. à favoriser les contacts entre les représentants parlementaires
et ceux de la société civile, tunisiens et européens;
17.4.7. à examiner les perspectives de dialogue parlementaire
offertes par le statut de Partenaire pour la démocratie récemment
créé par l’Assemblée.
18. L’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe:
18.1. à renforcer les contacts et
à envisager des mesures de soutien en faveur de la société civile tunisienne;
18.2. à examiner dans quelle mesure la Tunisie pourrait bénéficier
de l’expérience des écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe;
18.3. à examiner les moyens d’associer des représentants de
la jeunesse tunisienne aux activités du Conseil de l’Europe dans
le domaine de la jeunesse;
18.4. à examiner la possibilité d’inviter des représentants
tunisiens à l’Université d’été de la démocratie;
18.5. à soulever, dans ses contacts avec les partenaires internationaux
du Conseil de l’Europe, en premier lieu l’Union européenne et l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la nécessité
d’une coordination efficace des efforts d’assistance à la transition
démocratique en Tunisie.
19. L’Assemblée invite la Commission européenne à revoir sa décision
de retirer son soutien financier au réseau existant des écoles d’études
politiques du Conseil de l’Europe.
20. L’Assemblée appelle les principaux partenaires internationaux
de la Tunisie, en particulier l’Union européenne, à faire preuve
d’une véritable solidarité envers ce pays en pleine transition,
et à apporter rapidement un soutien réel à la relance économique
et touristique, et au redressement de la situation sociale.
21. Elle estime tout à fait inapproprié de ternir l’image de la
Tunisie, pays qui vient de se libérer d’un régime autoritaire et
a fait le choix de la démocratie, comme pays source de migrants
en situation irrégulière.
22. L’Assemblée confirme sa détermination, déjà exprimée dans
la Résolution 1791 (2011),
à continuer à suivre attentivement l’évolution politique en Tunisie
et à renforcer son dialogue avec les forces politiques et les acteurs
de la société civile tunisienne. Elle est prête à établir des contacts
avec la future Assemblée nationale constituante, et à inviter ses
représentants à être présents à Strasbourg lors de ses sessions
plénières, sur la base de sa Résolution
1598 (2008) «Renforcer la coopération avec les pays du
Maghreb».
23. L’Assemblée décide d’inviter des représentants de la future
Assemblée nationale constituante et du futur Parlement tunisien
à participer au Forum pour l’avenir de la démocratie.
24. L’Assemblée demande aux parlements nationaux des Etats membres
et observateurs du Conseil de l’Europe et aux fondations bénéficiant
d’un soutien parlementaire de promouvoir des contacts avec les instances
parlementaires tunisiennes.