Recommandation 1978 (2011) Version finale
Vers une convention-cadre européenne relative aux droits des jeunes
Annexe – Dix principes pour une convention-cadre européenne sur les droits des jeunes
(open)Les droits des jeunes sont ceux qui leur permettent de réussir la transition entre l’enfance et la vie adulte, afin de devenir des citoyens informés, indépendants, autonomes, responsables et engagés aux niveaux local, national et international. Assurer l’accès des jeunes à leurs droits est un moyen d’assurer la cohésion et la stabilité des sociétés, et représente un investissement dans l’avenir de la construction européenne. Un instrument visant la mise en œuvre des droits des jeunes devrait servir de cadre aux politiques nationales de jeunesse et devrait se fonder sur les 10 principes suivants.
1. Définitions
Actuellement, il manque une définition claire et générale de ce que signifie la jeunesse. Les Etats membres devraient préciser les catégories d’âge visées par leurs politiques pour la jeunesse, qui devraient être cohérentes par rapport à d’autres dispositions légales qui s’appliquent aux jeunes et, dans la mesure du possible, correspondre à celles d’autres pays européens. Une convention-cadre sur les droits des jeunes devrait chercher à donner des définitions communes afin de faciliter la mise en œuvre des droits et le suivi de cette mise en œuvre au moyen de données chiffrées.
2. L’éducation et la formation
Les Etats devraient proposer une éducation universelle, libre et accessible. Au-delà de considérations économiques, l’éducation devrait être valorisée comme moyen d’épanouissement et de responsabilisation des jeunes. En plus de préparer les jeunes au marché du travail, l’éducation devrait aussi promouvoir des valeurs. Les systèmes d’éducation doivent être réorganisés pour s’adapter aux changements économiques rapides et aux compétences et secteurs de l’économie de l’avenir. En outre, les politiques éducatives devraient se caractériser par la flexibilité et permettre le recyclage professionnel et la mobilité.
Les Etats membres devraient adopter des mesures facilitant la mobilité universitaire des étudiants et définir des procédures de validation permettant la reconnaissance des diplômes universitaires et des qualifications professionnelles à travers l’Europe. A cette fin, ils devraient promouvoir un réel recours à l’Espace européen de l’enseignement supérieur, la mise en œuvre du Processus de Bologne et d’autres mécanismes de reconnaissance des qualifications.
L’éducation non formelle, l’apprentissage interculturel et le volontariat devraient être mieux reconnus en tant que partie intégrante des qualifications des jeunes. Une formation professionnelle de qualité devrait être proposée en tant qu’alternative ou en tant que mesure d’accompagnement de l’éducation universitaire. Il faut aussi donner aux jeunes la possibilité d’acquérir des compétences linguistiques tout au long de leur scolarité, en particulier lorsque leur langue maternelle n’est pas celle parlée dans leur communauté.
3. L’emploi
L’emploi est le premier moyen d’assurer l’autonomie des jeunes. A travers l’Europe, les taux de chômage les plus élevés sont parmi les jeunes. Les Etats membres devraient prendre des mesures concrètes pour favoriser leur entrée dans l’emploi (des politiques d’emploi énergiques, des incitations fiscales et financières pour les entreprises recrutant des jeunes associées à des programmes de formation négociés et à la «qualification par le travail»), afin de faciliter la transition entre les établissements d’enseignement et le marché du travail, et d’éviter le recours excessif aux stages professionnels non rémunérés ou au travail peu rémunéré. Les politiques devraient avoir pour but d’inciter les entreprises à assurer le passage des jeunes de contrats précaires à des emplois stables. Des systèmes nationaux et des accords bilatéraux devraient permettre d’identifier et de pallier les lacunes dans les systèmes de protection sociale et les problèmes d’intégration au marché du travail.
4. Le logement
Les jeunes ont droit à un logement convenable à un prix raisonnable qui réponde à des normes de qualité européennes, qui leur permette de se construire une stabilité propice à leur développement d’adultes et aux relations avec la collectivité. La faculté d’être indépendant en quittant le foyer parental devrait passer par l’accès à un logement de qualité adéquate.
Les Etats membres devraient garantir que les établissements d’enseignement supérieur sont en mesure de proposer aux étudiants des logements abordables, notamment dans les zones à loyers élevés; l’offre de logements sociaux devrait permettre aux jeunes de vivre indépendamment au début de leur carrière professionnelle et l’Etat devrait insister sur la mise à disposition d’un pourcentage de ce type de logements dans toutes les régions. Des facilités financières sûres et durables devraient être introduites afin de promouvoir les emprunts et les prêts immobiliers en faveur des jeunes, seuls ou en famille, et de s’assurer que des taux d’intérêt préférentiels leur sont accessibles.
5. La santé et le droit à un environnement sain
Il convient de dispenser des cours d’éducation à la santé à tous les niveaux d’enseignement. A cela doivent s’ajouter des politiques de prévention et de protection en ce qui concerne les maladies sexuellement transmissibles, les grossesses non désirées, les abus ou la violence à caractère sexuel, l’alcoolisme, l’empoisonnement par la nicotine et la toxicomanie. Une éducation globale et adaptée à l’âge sur la sexualité et la santé génésique devrait figurer aux programmes scolaires. Les Etats membres devraient mener des campagnes de sensibilisation sur les risques sanitaires et leur prévention visant les jeunes, y compris sur des aspects pratiques tels que l’accès aux soins et les garanties de confidentialité.
Il faudrait associer la jeunesse aux politiques environnementales car elle est directement concernée par les conséquences de ces politiques, et qu’elle constitue, de surcroît, une source plus certaine d’idées et d’idéaux audacieux et créatifs quant à la préservation de l’environnement et au développement durable. Les jeunes peuvent servir de relais très efficaces pour les bonnes pratiques individuelles et collectives.
6. La participation
Pour que les jeunes comprennent leurs droits, acceptent les responsabilités qui en découlent et puissent avoir l’occasion de s’exprimer, leur participation pleine et effective dans la vie de la société et la prise de décision doit être encouragée dès le plus jeune âge. Les Etats devraient promouvoir la mise en œuvre de la Charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, et de la Recommandation Rec(2006)1 du Comité des Ministres sur le rôle des conseils nationaux de la jeunesse dans le développement des politiques de jeunesse. La Charte sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe de 2010 devrait aussi servir de lignes directrices pour former les responsables de jeunesse et les Etats membres devraient favoriser le rôle des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations de jeunesse dans l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme.
Les parlements de la jeunesse servent à souligner l’importance de développer la capacité des jeunes pour les préparer à assumer des responsabilités, à engager le dialogue et à échanger des idées, ainsi que de les familiariser avec les processus démocratiques. Il faudrait néanmoins prendre garde à ne pas reléguer les jeunes dans des structures parlementaires de jeunesse au détriment de leur participation aux procédures décisionnelles stratégiques.
Il est important que les jeunes participent à la démocratie par le vote. En conséquence, les Etats membres devraient considérer l’abaissement de l’âge de vote.
7. La culture et le sport
Les politiques culturelles doivent assurer l’accès des jeunes aux activités et échanges culturels, ainsi que le droit de préserver son identité culturelle et personnelle; les dépenses publiques pour la culture ne devraient pas être réduites en temps de repli économique. Les universités devraient reconnaître le besoin de développement culturel des étudiants et les institutions culturelles devraient avoir les moyens de recourir à des méthodes de communication et de sensibilisation interactives et modernes. Enfin, des espaces de création artistique doivent être mis à la disposition des jeunes pour toutes les activités culturelles, y compris l’art et la musique.
Tous devraient avoir droit à la préservation de leur patrimoine culturel. Les élèves parlant une langue minoritaire devraient pouvoir suivre des cours dans cette langue. Des cours optionnels de langue et de culture minoritaires devraient aussi être proposés aux étudiants issus de la culture majoritaire.
Une attention particulière devrait être accordée au fait de garantir la liberté d’expression de chaque jeune sans ingérence de la part des autorités publiques et au-delà des frontières. Des mesures appropriées devraient être prises afin de faciliter l’accès des jeunes aux médias et, en particulier, à l’internet.
Le sport est un moyen important pour les jeunes d’explorer et d’utiliser leurs capacités physiques, et un facteur potentiel de cohésion sociale et d’intégration accrues. Des installations sportives devraient être mises à disposition gratuitement dans toutes les régions, tant dans les zones urbaines que rurales. Les jeunes doivent pouvoir développer leurs capacités personnelles et leur identité comme ils le souhaitent.
8. La non-discrimination
Les Etats membres devraient faire en sorte que les jeunes ne fassent pas l’objet de discrimination fondée sur leur âge, par exemple dans le contexte de leur accès aux responsabilités professionnelles ou politiques. Les problèmes spécifiques des jeunes appartenant à des groupes de population vulnérables tels que les Roms, les immigrés et les réfugiés ou d’autres groupes minoritaires de la société devraient aussi être abordés, ainsi que les discriminations fondées sur le sexe, la nationalité et l’homophobie, auxquelles les jeunes sont particulièrement exposés.
Les mesures positives adoptées par les Etats membres dans le but de promouvoir la mise en œuvre pleine et effective des droits des jeunes dans toutes les sphères de la vie économique, sociale, politique et culturelle, qui tiennent compte des conditions spécifiques des jeunes au sein de la société et des besoins particuliers liés à leur âge, ne devraient pas être considérées comme discriminatoires à l’égard du reste de la population.
9. Communication sur les politiques de jeunesse
Il faut sensibiliser à l’existence et à l’importance des droits des jeunes en augmentant, en centralisant et en harmonisant les informations mises à la disposition des politiques, des décideurs et du public en général. Les politiques de jeunesse dans les Etats membres devraient être diffusées au moyen des voies de communication les plus modernes, et devraient être disponibles dans toutes les langues qui sont nécessaires à leur compréhension par tous. Afin de permettre aux jeunes d’agir conformément à leurs droits, ceux-ci devraient être connus, protégés et mis en œuvre.
10. Mise en œuvre
Une convention-cadre européenne relative aux droits des jeunes serait un outil pour la mise en œuvre effective des dispositions nationales et internationales qui s’appliquent à eux. Cet instrument devrait comprendre des indicateurs communs, basés sur des données chiffrées concrètes pour les catégories d’âge concernées dans chacun des domaines considérés ci-dessus. Il devrait contenir également des lignes directrices pour la coopération entre les Etats membres dans ces domaines, et des objectifs communs à atteindre; des exercices de bilan périodiques et comparés devraient faire partie du suivi de la convention. Un nouveau dispositif devrait être mis en place, permettant aux parlements nationaux de jeunes ou à leurs équivalents de procéder à une évaluation des progrès accomplis dans le domaine des droits des jeunes et de donner des orientations relatives aux programmes à venir. Il est indispensable d’œuvrer à une meilleure prise en compte et à une mise en œuvre plus effective des droits des jeunes en Europe.