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Résolution 1837 (2011) Version finale

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 5 octobre 2011 (33e séance) (voir Doc. 12710, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), corapporteurs: M. Prescott et M. Fischer). Texte adopté par l’Assemblée le 5 octobre 2011 (33e séance).

1. L’Assemblée parlementaire se félicite de l’amnistie générale adoptée par l’Assemblée nationale arménienne le 26 mai 2011 sur proposition du Président arménien. Elle note avec satisfaction que toutes les personnes encore en détention à la suite des événements des 1er et 2 mars 2008 ont été remises en liberté.
2. L’Assemblée prend acte du rapport de la Commission d’enquête parlementaire ad hoc de l’Assemblée nationale; elle considère que, malgré un certain nombre d’insuffisances, ses recommandations pourraient former une base de travail adéquate pour rechercher les causes sous-jacentes des événements de mars 2008 et prévenir la récurrence de pareilles situations à l’avenir.
3. Rappelant le sentiment d’inquiétude que lui inspire l’absence de résultats dans l’enquête menée sur les 10 décès survenus lors des événements de mars 2008, l’Assemblée se félicite que le Président arménien ait relancé l’enquête ces derniers mois. L’Assemblée considère à ce sujet:
3.1. que les investigations doivent aussi se concentrer sur la responsabilité de la chaîne de commandement et sur le contexte dans lequel ont eu lieu ces 10 décès, pour éviter que de semblables situations ne se reproduisent à l’avenir;
3.2. que, s’il se révèle impossible d’établir des responsabilités individuelles dans ces 10 décès, les raisons devront en être pleinement énoncées dans le rapport d’enquête;
3.3. que, pour être crédible, l’enquête doit absolument être transparente; le rapport présentant ses résultats et conclusions doit donc pouvoir être examiné en détail par le public, même s’il est finalement impossible d’identifier des responsabilités individuelles dans ces 10 décès;
3.4. que ce rapport doit être publié dans un délai convenable pour clore cet épisode douloureux de l’histoire récente de l’Arménie; il faudrait donc que les autorités le publient avant la fin de l’année 2011, ou alors qu’elles envisagent la publication d’un rapport intermédiaire.
4. L’Assemblée est très satisfaite de la réaction constructive de l’opposition à l’amnistie, en particulier celle du Congrès national arménien, ainsi que de la reprise de l’enquête sur les dix décès survenus pendant les événements de mars 2008. Elle félicite la coalition gouvernementale et le parti extraparlementaire du Congrès national arménien de leur accord sur l’instauration d’un dialogue formel à durée non limitée sur la normalisation de la situation politique en Arménie. L’Assemblée espère en outre qu’un autre dialogue sera mené en parallèle à celui-ci entre la coalition au pouvoir et l’opposition parlementaire dans le cadre du fonctionnement de l’Assemblée nationale elle-même.
5. Soulignant l’importance du dialogue entre la majorité gouvernementale et l’opposition – dialogue auquel elle n’a cessé d’appeler –, l’Assemblée exhorte toutes les parties à s’y associer de bonne foi et dans un esprit constructif, sans limiter les discussions à un petit nombre de sujets susceptibles d’entretenir la discorde. A ses yeux, le dialogue doit avoir pour objectifs la poursuite de la normalisation du climat politique, le bon déroulement des élections législatives prochaines, et l’émergence d’un contexte politique dans lequel les élections puissent être véritablement démocratiques et pleinement crédibles aux yeux du peuple arménien.
6. Les prochaines élections législatives marqueront un moment décisif dans le développement démocratique du pays. Si elles sont démocratiques, et qu’en sort un parlement reflétant l’ensemble des forces politiques de la société arménienne, elles cimenteront la normalisation de la situation politique et inspireront confiance à la population arménienne dans les institutions politiques de l’Arménie. A cet égard, l’Assemblée:
6.1. se félicite que le nouveau Code électoral, élaboré en étroite liaison avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), ait été adopté le 26 mai 2011, bien avant la tenue des élections;
6.2. considère que le nouveau Code électoral est une base solide pour organiser des élections démocratiques, pour autant qu’il soit mis en œuvre de bonne foi, mais appelle les autorités à prendre en compte toutes les recommandations émises par la Commission de Venise dans son avis sur le texte effectivement adopté, et à remédier aux insuffisances relevées;
6.3. souligne que le nouveau Code électoral doit être pleinement mis en œuvre, dans sa lettre comme dans son esprit, pour que les élections soient démocratiques;
6.4. souligne que des élections authentiquement démocratiques doivent avoir la pleine confiance de la population et de toutes les parties prenantes dans le processus électoral et l’administration du scrutin; l’Assemblée appelle donc toutes les forces politiques à contribuer activement à rendre le processus électoral démocratique, et à s’abstenir de toute action ou déclaration pouvant éroder la confiance de la population dans le processus lui-même et dans son résultat;
6.5. considère que, en plus des observateurs nationaux, il serait important de faire appel à des observateurs internationaux des élections pour renforcer la confiance de la population dans le processus électoral; elle appelle donc la communauté internationale à préparer une ample opération d’observation des élections et invite son propre Bureau à y contribuer avec une délégation nombreuse de l’Assemblée.
7. L’Assemblée s’inquiète du mode de fonctionnement et du manque d’indépendance de la justice arménienne, qui empêchent cette dernière de jouer son rôle d’arbitre impartial. Elle s’inquiète également de la persistance d’informations et d’allégations faisant état d’une corruption endémique dans l’appareil judiciaire arménien. Dans ce contexte, elle se félicite de l’importance et de la priorité accordées par les autorités à la réforme de la justice, notamment dans le but de garantir son indépendance. Elle considère que cette réforme doit aller au-delà des amendements législatifs et doit s’accompagner d’une vaste politique de mise en œuvre visant à transformer les mentalités et les pratiques actuelles.
8. Ayant connaissance d’allégations persistantes de corruption dans le pays, qui entravent le développement démocratique de l’Arménie, l’Assemblée appelle les autorités arméniennes à intensifier leurs efforts actuels de lutte contre la corruption et à mettre en œuvre sans retard les recommandations contenues dans le dernier rapport d’évaluation du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO).
9. Aux yeux de l’Assemblée, les événements de mars 2008 ont clairement révélé la nécessité d’une vaste réforme des forces de l’ordre arméniennes. A cet égard, l’Assemblée:
9.1. se félicite des efforts déployés par les autorités arméniennes, et de leur volonté politique, pour réformer totalement les forces de l’ordre et les mettre en conformité avec les normes européennes; à la lumière des événements de mars 2008, l’Assemblée recommande que la réforme englobe un réexamen scrupuleux des tactiques d’encadrement des foules et des pouvoirs de la police;
9.2. demande une fois encore que la police soit réellement placée sous surveillance et contrôle civils, et invite les autorités arméniennes envisager de créer un ministère auquel seraient rattachées les forces de police et de sécurité;
9.3. préoccupée par des informations faisant état de brutalités et de bavures policières, appelle les autorités à intensifier leurs efforts pour éliminer la pratique des mauvais traitements et autres abus par les forces de police;
9.4. considère qu’il est essentiel de créer un mécanisme indépendant de dépôt et d’instruction des plaintes contre la police; elle rend hommage aux autorités pour s’être montrées disposées à le faire et les invite à réunir sans délai toutes les conditions requises.
10. L’Assemblée estime que le développement démocratique de l’Arménie doit absolument s’appuyer sur des médias authentiquement pluralistes. Elle se félicite de la révision de la loi sur la télévision et la radiodiffusion, en progrès sur le régime antérieur, mais appelle une fois encore les autorités arméniennes à favoriser concrètement le pluralisme des médias. A cet égard, l’Assemblée:
10.1. prend acte du résultat de l’appel d’offres auquel avait donné lieu en 2010 l’attribution des licences de diffusion en Arménie, ainsi que de la décision prise ultérieurement par le Comité des Ministres de clore l’examen de l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Meltex et Mesrop Movsesyan c. Arménie au motif qu’il avait été procédé à une adjudication transparente;
10.2. observe que cette adjudication n’a pas amélioré le pluralisme des médias, et que ce résultat n’est donc pas conforme aux exigences de l’Assemblée en la matière;
10.3. appelle une fois encore les autorités arméniennes à modifier la loi sur la télévision et la radiodiffusion de sorte que la composition de la Commission nationale de la télévision et de la radiodiffusion (CNTR) et le Conseil de la télévision et de la radio publiques arméniennes reflètent et représentent véritablement la société arménienne;
10.4. appelle également les autorités à imposer à la CNTR, dans cette loi, d’attribuer les licences dans le but d’accroître le pluralisme et la diversité des médias en Arménie, d’une façon adaptée à cette nécessité;
10.5. estime qu’il serait important de réduire considérablement les obstacles à l’accès des groupes intéressés au marché des médias, de façon à en améliorer le pluralisme; eu égard à la multiplication du nombre de licences, rendue possible par la technologie numérique, l’Assemblée estime que les autorités devraient lancer une nouvelle procédure d’adjudication, lorsque cela sera possible, dans le but explicite d’accroître le pluralisme et la diversité des médias en Arménie.
11. L’Assemblée considère que le résultat de la dernière amnistie générale, la reprise de l’enquête sur les 10 décès survenus à l’occasion des événements de mars 2008 et le lancement consécutif d’un dialogue constructif entre l’opposition et la coalition au pouvoir signifient qu’il devient possible de tourner définitivement la page sur les événements de mars 2008 pour l’Assemblée, même si elle poursuit sans relâche le suivi des obligations de l’Arménie en matière de droits de l’homme et de démocratie, y compris en ce qui concerne l’enquête sur les 10 victimes. Elle rend hommage à la volonté politique dont font preuve les autorités, mais aussi toutes les forces politiques, pour régler le problème conformément aux normes et aux recommandations du Conseil de l’Europe.
12. Aux yeux de l’Assemblée, les événements de 2008 et leurs répercussions ont clairement dégagé les priorités du développement démocratique du pays: l’organisation d’élections législatives authentiquement démocratiques, l’émergence d’un environnement politique solide, démocratique et pluraliste, jouissant de la pleine confiance du peuple arménien, la mise en place d’un paysage médiatique ouvert et pluraliste, la réforme de la police, et la réforme de la justice pour garantir son indépendance juridique et pratique.
13. L’Assemblée se félicite de la coopération étroite et constructive qui s’est instaurée entre elle et les autorités arméniennes. C’est à son avis un bon exemple de collaboration dans le cadre de sa procédure de suivi.
14. L’Assemblée suivra attentivement les priorités évoquées dans la présente résolution, tout en veillant à ce qu’elles ne restreignent pas l’importance des autres obligations et engagements contractés par l’Arménie devant le Conseil de l’Europe.