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Résolution 1850 (2011) Version finale
Ce que l’Europe peut faire pour les enfants de régions ravagées par un désastre naturel et en situation de crise: les exemples d’Haïti et de l’Afghanistan
1. Les catastrophes naturelles et
les crises politiques sont des événements qui mettent en danger
la vie et les bases existentielles de la population dans le pays
où elles se produisent. L’actualité récente prouve que ces situations
ne sont pas rares et qu’elles peuvent se produire, d’une manière
ou d’une autre, dans n’importe quel pays: la famine en Afrique de
l’Est, le séisme et le tsunami au Japon en 2011, le séisme en Haïti
en 2010, ainsi que les crises politiques récentes et actuelles dans
le monde arabe, et la crise qui affecte l’Afghanistan depuis de
longues années déjà. Pour de nombreuses raisons, les enfants sont
les plus touchés par ces crises.
2. Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont régulièrement
appelés à partager leur savoir-faire en matière de situations de
crise dans des pays divers, à leur apporter un soutien matériel
et, ainsi, à assumer les responsabilités qui résultent non seulement
de leurs engagements internationaux, mais aussi des nombreuses interdépendances
économiques et sociales avec ces pays. L’assistance se déroule le
plus souvent dans un contexte très complexe, avec l’arrivée de nombreuses
organisations internationales et européennes, gouvernementales et
non gouvernementales, dans des pays qui sont, à ces moments-là,
le plus souvent démunis et impuissants dans l’exercice de leur gouvernance.
3. L’Assemblée parlementaire est particulièrement préoccupée
par la situation des enfants dans le cadre des catastrophes naturelles
ou des crises politiques, où même la fourniture de services de base
(logement, alimentation, santé et hygiène, et éducation) n’est plus
assurée. De plus, dans ces contextes d’instabilité et d’effondrement
de l’Etat de droit, les enfants sont souvent confrontés à de nombreuses
atteintes à leur intégrité, telles que la violence physique et sexuelle,
l’enlèvement ou l’exploitation sous différentes formes, avec les
traumatismes qui en découlent. Les deux exemples étudiés – Haïti
et Afghanistan – ont révélé certaines lacunes de l’aide internationale
qui, parfois, n’est pas suffisamment ciblée et coordonnée, et qui, ainsi,
risque d’aggraver la situation des enfants plutôt que de l’améliorer.
4. L’Assemblée note qu’en situation de crise de nombreux enfants
sont déplacés, séparés de leur famille ou deviennent des orphelins.
Certains se retrouvent dans des institutions ou vivent dans des
conditions précaires dans la rue ou dans des camps. Bon nombre perdent
leurs papiers d’identité lors de leur déplacement, ou tout simplement
n’en ont jamais eus, même à la naissance. Cette absence de documents
et d’enregistrement à la naissance crée un risque d’apatridie chez
les enfants et aggrave leur vulnérabilité.
5. L’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe
à reconnaître que, dans certains domaines, tels que l’adoption internationale,
leurs politiques nationales peuvent directement influer sur le sort des
enfants des pays en crise. La «demande» de familles européennes
pour des jeunes enfants à adopter a été identifiée comme l’un des
facteurs encourageant les activités de traite d’enfants dans de
nombreux pays. Les procédures d’adoption internationale dans les
pays d’accueil de ces enfants devraient être adaptées pour assurer
une plus grande transparence et un respect rigoureux de la Convention
de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière
d’adoption internationale (Convention de La Haye sur l’adoption),
qui stipule que «les adoptions internationales [doivent avoir] lieu
dans l’intérêt supérieur de l’enfant» et que «chaque Etat devrait
prendre, par priorité, des mesures appropriées pour permettre le
maintien de l’enfant dans sa famille d’origine». Les mêmes principes
doivent être promus dans les pays d’origine concernés par des crises
naturelles ou politiques.
6. Par ailleurs, l’Assemblée appelle les Etats membres à prendre
conscience du risque de déstabilisation psychique et comportementale
des enfants liées à l’alimentation, l’habillement ou le mode de
vie importés lors d’interventions d’urgence massives, brutales et
éphémères. Bien que celles-ci apportent un secours immédiat nécessaire,
elles laissent bien souvent un vide immense et des espoirs déçus
si elles restent sans lendemain. Aussi les programmes d’intervention
d’urgence doivent-ils être ciblés, respectueux des modes de vie
et de la culture locales, et s’inscrire dans une continuité d’actions
accompagnant le retour définitif à la normalité.
7. A la lumière de la situation des enfants en Haïti et en Afghanistan,
l’Assemblée appelle les Etats membres à prendre les mesures suivantes en
vue de soutenir les pays touchés par les conséquences d’une catastrophe
naturelle ou d’une crise politique:
7.1. dans toute action législative et humanitaire menée aux
niveaux européen et national, inclure une perspective de protection
et reconnaître et promouvoir l’enfance comme un facteur de vulnérabilité particulière,
pour s’assurer que l’assistance à des pays tiers aboutit à des réponses
adaptées aux besoins réels des enfants et qu’elle respecte leur
culture d’origine ainsi que les règles internationales;
7.2. dans le cadre des mesures législatives nationales:
7.2.1. ratifier, si cela n’a pas été encore fait, la Convention
de La Haye sur l’adoption, et la mettre en œuvre rigoureusement;
7.2.2. réviser leur législation et procédures nationales relatives
à l’adoption internationale, et suspendre l’adoption internationale
avec les pays en crise tant que les mécanismes de protection de
l’enfance ne sont pas à nouveau opérationnels, pour éviter d’encourager
la traite d’enfants;
7.2.3. promouvoir, dans les pays concernés par les crises, la
Convention de La Haye ainsi que les recommandations figurant dans
le rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les
formes contemporaines d’esclavage (notamment s’agissant d’Haïti
qui connaît la pratique du «restavek», une
forme d’exploitation domestique des enfants);
7.2.4. soutenir, dans les pays touchés par les crises, des réformes
législatives, judiciaires et institutionnelles visant à mettre en
place des mécanismes efficaces de protection des enfants contre
tous les risques: enlèvement, trafic, violence physique et sexuelle,
placement dans des structures d’accueil illégales ou non surveillées,
adoption internationale abusive ou autres formes d’exploitation;
7.2.5. soutenir, dans les pays touchés par les crises, les efforts
visant à rechercher et à réunifier les familles dispersées, et prendre
toutes les mesures nécessaires pour le retour ou la réinstallation
des personnes déplacées;
7.2.6. promouvoir, dans les pays touchés par les crises, la Convention
de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961
sur la réduction des cas d’apatridie;
7.2.7. soutenir, dans les pays touchés par les crises, les réformes
juridiques et le renforcement institutionnel afin de s’assurer que
tous les enfants sont enregistrés à la naissance et qu’un système
d’état civil adéquat est accessible à tous les secteurs de la population,
en particulier pour Haïti, où de nombreux enfants ne sont pas enregistrés
à la naissance et risquent d’être apatrides;
7.3. dans le cadre des actions humanitaires qu’ils mènent où
qu’ils soutiennent:
7.3.1. promouvoir la mise en place de
cahiers des charges pour toute action humanitaire soutenue par des
budgets nationaux afin de s’assurer que la protection de l’enfance
se trouve parmi les priorités et que les organismes mandatés respectent
les droits humains dans leurs interventions;
7.3.2. soutenir les organisations humanitaires et les associations
spécialisées de manière continue et fiable, assurer le respect des
promesses financières annoncées et, le moment venu, en se désengageant
de manière progressive et concertée avec toutes les parties en cause;
7.3.3. soutenir les acteurs nationaux non seulement dans les
réponses les plus urgentes à la crise, mais aussi, à moyen terme,
en ce qui concerne le rétablissement des structures de gouvernance,
des autorités publiques et du développement économique, des services
de base indispensables (y compris l’éducation), des infrastructures
principales ainsi que du marché du travail;
7.3.4. prendre en compte les contextes nationaux spécifiques
et les défis particuliers se posant dans des situations de crise,
tels que les besoins particuliers de la population dans des zones
géographiquement reculées ou la nécessité d’aider les partenaires
nationaux et locaux pour rétablir au plus vite leurs propres capacités
de gestion.