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Résolution 1850 (2011) Version finale

Ce que l’Europe peut faire pour les enfants de régions ravagées par un désastre naturel et en situation de crise: les exemples d’Haïti et de l’Afghanistan

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 25 novembre 2011 (voir Doc. 12783, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: Mme Hostalier; et Doc. 12784, avis de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: M. Bugnon).

1. Les catastrophes naturelles et les crises politiques sont des événements qui mettent en danger la vie et les bases existentielles de la population dans le pays où elles se produisent. L’actualité récente prouve que ces situations ne sont pas rares et qu’elles peuvent se produire, d’une manière ou d’une autre, dans n’importe quel pays: la famine en Afrique de l’Est, le séisme et le tsunami au Japon en 2011, le séisme en Haïti en 2010, ainsi que les crises politiques récentes et actuelles dans le monde arabe, et la crise qui affecte l’Afghanistan depuis de longues années déjà. Pour de nombreuses raisons, les enfants sont les plus touchés par ces crises.
2. Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont régulièrement appelés à partager leur savoir-faire en matière de situations de crise dans des pays divers, à leur apporter un soutien matériel et, ainsi, à assumer les responsabilités qui résultent non seulement de leurs engagements internationaux, mais aussi des nombreuses interdépendances économiques et sociales avec ces pays. L’assistance se déroule le plus souvent dans un contexte très complexe, avec l’arrivée de nombreuses organisations internationales et européennes, gouvernementales et non gouvernementales, dans des pays qui sont, à ces moments-là, le plus souvent démunis et impuissants dans l’exercice de leur gouvernance.
3. L’Assemblée parlementaire est particulièrement préoccupée par la situation des enfants dans le cadre des catastrophes naturelles ou des crises politiques, où même la fourniture de services de base (logement, alimentation, santé et hygiène, et éducation) n’est plus assurée. De plus, dans ces contextes d’instabilité et d’effondrement de l’Etat de droit, les enfants sont souvent confrontés à de nombreuses atteintes à leur intégrité, telles que la violence physique et sexuelle, l’enlèvement ou l’exploitation sous différentes formes, avec les traumatismes qui en découlent. Les deux exemples étudiés – Haïti et Afghanistan – ont révélé certaines lacunes de l’aide internationale qui, parfois, n’est pas suffisamment ciblée et coordonnée, et qui, ainsi, risque d’aggraver la situation des enfants plutôt que de l’améliorer.
4. L’Assemblée note qu’en situation de crise de nombreux enfants sont déplacés, séparés de leur famille ou deviennent des orphelins. Certains se retrouvent dans des institutions ou vivent dans des conditions précaires dans la rue ou dans des camps. Bon nombre perdent leurs papiers d’identité lors de leur déplacement, ou tout simplement n’en ont jamais eus, même à la naissance. Cette absence de documents et d’enregistrement à la naissance crée un risque d’apatridie chez les enfants et aggrave leur vulnérabilité.
5. L’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe à reconnaître que, dans certains domaines, tels que l’adoption internationale, leurs politiques nationales peuvent directement influer sur le sort des enfants des pays en crise. La «demande» de familles européennes pour des jeunes enfants à adopter a été identifiée comme l’un des facteurs encourageant les activités de traite d’enfants dans de nombreux pays. Les procédures d’adoption internationale dans les pays d’accueil de ces enfants devraient être adaptées pour assurer une plus grande transparence et un respect rigoureux de la Convention de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (Convention de La Haye sur l’adoption), qui stipule que «les adoptions internationales [doivent avoir] lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant» et que «chaque Etat devrait prendre, par priorité, des mesures appropriées pour permettre le maintien de l’enfant dans sa famille d’origine». Les mêmes principes doivent être promus dans les pays d’origine concernés par des crises naturelles ou politiques.
6. Par ailleurs, l’Assemblée appelle les Etats membres à prendre conscience du risque de déstabilisation psychique et comportementale des enfants liées à l’alimentation, l’habillement ou le mode de vie importés lors d’interventions d’urgence massives, brutales et éphémères. Bien que celles-ci apportent un secours immédiat nécessaire, elles laissent bien souvent un vide immense et des espoirs déçus si elles restent sans lendemain. Aussi les programmes d’intervention d’urgence doivent-ils être ciblés, respectueux des modes de vie et de la culture locales, et s’inscrire dans une continuité d’actions accompagnant le retour définitif à la normalité.
7. A la lumière de la situation des enfants en Haïti et en Afghanistan, l’Assemblée appelle les Etats membres à prendre les mesures suivantes en vue de soutenir les pays touchés par les conséquences d’une catastrophe naturelle ou d’une crise politique:
7.1. dans toute action législative et humanitaire menée aux niveaux européen et national, inclure une perspective de protection et reconnaître et promouvoir l’enfance comme un facteur de vulnérabilité particulière, pour s’assurer que l’assistance à des pays tiers aboutit à des réponses adaptées aux besoins réels des enfants et qu’elle respecte leur culture d’origine ainsi que les règles internationales;
7.2. dans le cadre des mesures législatives nationales:
7.2.1. ratifier, si cela n’a pas été encore fait, la Convention de La Haye sur l’adoption, et la mettre en œuvre rigoureusement;
7.2.2. réviser leur législation et procédures nationales relatives à l’adoption internationale, et suspendre l’adoption internationale avec les pays en crise tant que les mécanismes de protection de l’enfance ne sont pas à nouveau opérationnels, pour éviter d’encourager la traite d’enfants;
7.2.3. promouvoir, dans les pays concernés par les crises, la Convention de La Haye ainsi que les recommandations figurant dans le rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage (notamment s’agissant d’Haïti qui connaît la pratique du «restavek», une forme d’exploitation domestique des enfants);
7.2.4. soutenir, dans les pays touchés par les crises, des réformes législatives, judiciaires et institutionnelles visant à mettre en place des mécanismes efficaces de protection des enfants contre tous les risques: enlèvement, trafic, violence physique et sexuelle, placement dans des structures d’accueil illégales ou non surveillées, adoption internationale abusive ou autres formes d’exploitation;
7.2.5. soutenir, dans les pays touchés par les crises, les efforts visant à rechercher et à réunifier les familles dispersées, et prendre toutes les mesures nécessaires pour le retour ou la réinstallation des personnes déplacées;
7.2.6. promouvoir, dans les pays touchés par les crises, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie;
7.2.7. soutenir, dans les pays touchés par les crises, les réformes juridiques et le renforcement institutionnel afin de s’assurer que tous les enfants sont enregistrés à la naissance et qu’un système d’état civil adéquat est accessible à tous les secteurs de la population, en particulier pour Haïti, où de nombreux enfants ne sont pas enregistrés à la naissance et risquent d’être apatrides;
7.3. dans le cadre des actions humanitaires qu’ils mènent où qu’ils soutiennent:
7.3.1. promouvoir la mise en place de cahiers des charges pour toute action humanitaire soutenue par des budgets nationaux afin de s’assurer que la protection de l’enfance se trouve parmi les priorités et que les organismes mandatés respectent les droits humains dans leurs interventions;
7.3.2. soutenir les organisations humanitaires et les associations spécialisées de manière continue et fiable, assurer le respect des promesses financières annoncées et, le moment venu, en se désengageant de manière progressive et concertée avec toutes les parties en cause;
7.3.3. soutenir les acteurs nationaux non seulement dans les réponses les plus urgentes à la crise, mais aussi, à moyen terme, en ce qui concerne le rétablissement des structures de gouvernance, des autorités publiques et du développement économique, des services de base indispensables (y compris l’éducation), des infrastructures principales ainsi que du marché du travail;
7.3.4. prendre en compte les contextes nationaux spécifiques et les défis particuliers se posant dans des situations de crise, tels que les besoins particuliers de la population dans des zones géographiquement reculées ou la nécessité d’aider les partenaires nationaux et locaux pour rétablir au plus vite leurs propres capacités de gestion.