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Résolution 1864 (2012) Version finale
Tendances démographiques en Europe: transformer les défis en opportunités
1. La situation démographique de l’Europe
est en pleine évolution. Ce phénomène touche tous les Etats membres
du Conseil de l’Europe. Les Européens vivent plus longtemps et ont
moins d’enfants. Compte tenu de la mobilité et de l’immigration
croissantes, les sociétés européennes deviennent de plus en plus
diverses et les immigrés en font désormais partie intégrante.
2. Les tendances démographiques en Europe doivent être considérées
dans le contexte mondial de la dynamique des populations. Dans un
monde où la croissance démographique est associée à la croissance économique
et au bien-être, l’Europe doit, d’urgence, élaborer les politiques
et les stratégies nécessaires pour faire face à l’évolution de la
démographie afin de maintenir ainsi son pouvoir et son influence
dans le monde. Il est important de transformer les défis démographiques
en opportunités, de manière à garantir une croissance économique
durable et la sécurité internationale, et à s’assurer que les valeurs
de démocratie, de droits de l’homme et de primauté du droit restent
d’actualité non seulement en Europe, mais aussi dans le reste du monde.
3. Le 31 octobre 2011, la population mondiale a franchi un nouveau
seuil en atteignant le chiffre de 7 milliards d’individus. Dans
le cadre d’une population mondiale en expansion, la zone couverte
par le Conseil de l’Europe représente actuellement 800 millions
d’individus, soit 12% de la population mondiale. D’ici à 2050, ce
chiffre devrait tomber à environ 9 %. La Chine connaîtra également
un déclin démographique, contrairement à l’Inde qui enregistrera
une forte croissance de sa population. Au sein même de l’Europe,
on observe une grande diversité de tendances démographiques, caractérisée
par une diminution des effectifs de la population en Allemagne et
en Russie et, en revanche, une augmentation rapide en France et
au Royaume-Uni, due en grande partie aux migrations.
4. Tout en s’accroissant, la population mondiale vieillit, notamment
dans les pays développés. Selon les projections, d’ici à 2050, le
nombre de personnes de plus de 60 ans devrait tripler au niveau
mondial, atteignant 2 milliards d’individus. L’Europe compte la
plus forte proportion de personnes âgées et cela restera le cas pendant
des décennies; d’ici à 2050, plus d’un tiers de la population européenne
devrait avoir dépassé les 60 ans. Cette situation exigera des changements
majeurs de politique et d’attitude vis‑à‑vis de l’âge.
5. Néanmoins, l’Assemblée parlementaire reste préoccupée par
le fait que, dans plusieurs Etats membres de l’Europe de l’Est,
la faible espérance de vie, notamment pour les hommes, continue
de poser problème. Dans ces pays, les mesures et politiques destinées
à réduire le taux de mortalité devront inclure des dispositions
visant à améliorer les systèmes de santé et les conditions de travail,
et à diminuer le stress au quotidien, mais aussi des actions visant
à convaincre les individus d’adopter un mode de vie plus sain.
6. La population constitue la richesse des nations. Cependant,
ce n’est pas seulement le nombre de personnes qui compte en la matière,
mais aussi et surtout les compétences, les savoir-faire et l’état
de santé de ces personnes. Dans l’Europe du XXIe siècle, il ne faudrait
pas définir les buts politiques en termes d’effectifs de population
mais plutôt en termes de «capital humain» disponible pour assurer
à tous les individus la plus haute qualité de vie possible. Dans
le cadre de ce changement radical d’orientation, l’Europe doit investir
davantage dans son «capital humain» et améliorer les capacités de
ses citoyens et les possibilités qui leur sont offertes afin de
s’assurer qu’ils sont instruits, qualifiés et intégrés de manière
à pouvoir relever les défis auxquels ils sont confrontés dans un
monde toujours plus globalisé – et peuplé.
7. Dotée du meilleur «capital humain», auquel s’ajoute l’expérience
voulue, l’Europe devrait être bien placée pour conduire des révolutions
en matière d’innovation et de technologie. C’est là son atout spécifique qui
contribuera à accroître la productivité et à favoriser la croissance
économique à l’intérieur de l’Europe, et donnera également au continent
la capacité de continuer d’exercer son influence sur le reste du
monde. En étant à la pointe dans ces domaines, l’Europe pourra aussi
influer sur la croissance des pays en développement comme la Chine
et l’Inde.
8. Comparée à d’autres régions du monde, l’Europe offre toujours
à ses habitants une qualité de vie élevée, une bonne éducation et
des services sociaux. Il faudrait préserver ces acquis, notamment
dans un contexte où nos pays sont en proie à de graves problèmes
économiques qui exigent l’instauration de mesures d’austérité. Ces
mesures doivent être conçues avec le plus grand soin car elles risquent
d’avoir des conséquences involontaires mais importantes sur la démographie
de l’Europe de demain.
9. En Europe, les politiques destinées à améliorer le «capital
humain» devraient être assorties de politiques familiales adaptées,
qui créent pour les individus et les familles un environnement leur
permettant d’organiser librement leur vie et de décider du nombre
d’enfants souhaité. Il est important de reconnaître que la décision
d’avoir ou non des enfants n’est pas prise hors de tout contexte
social. Une fois instaurées et maintenues dans le temps, les politiques
publiques destinées à promouvoir une société favorable à la famille peuvent
avoir un effet positif sur les taux de fécondité.
10. L’Assemblée estime que, bien qu’elles ne constituent pas une
solution permanente aux problèmes démographiques, les migrations
peuvent être un atout majeur. Il faut encourager les immigrés à
devenir des citoyens actifs de leur société, tâche qui doit être
menée par le biais d’une interaction entre les immigrés et leur communauté
d’accueil. Le marché du travail européen doit attirer de la main-d’œuvre
qualifiée de pays extra‑européens, mais les besoins en main-d’œuvre
non qualifiée en provenance de ces pays resteront, néanmoins, élevés.
11. La cohésion sociale est un facteur essentiel pour garantir
les conditions propices à la productivité et au bien‑être des individus
dans des sociétés diverses. La croissance économique, l’innovation
et la productivité ne peuvent se développer que dans des sociétés
où règnent socialement la cohésion, le respect et la coopération;
c’est pourquoi les gouvernements européens doivent prendre toutes
les mesures nécessaires pour promouvoir la diversité dans leur pays
et tirer parti de ses effets positifs.
12. L’Assemblée considère que l’une des stratégies clés pour faire
face à la diminution de la main-d’œuvre consiste à accroître les
taux de participation de celle-ci parmi les groupes traditionnellement
exclus ou les moins employés, comme les femmes et les personnes
âgées. La participation croissante des femmes est l’un des facteurs
les plus positifs de l’augmentation de la main-d’œuvre européenne
et du développement des économies des Etats membres. Toutefois,
en matière de participation des femmes, une disparité notable subsiste
entre les pays. Etant donné que les individus vivent et restent
bien portants plus longtemps, les personnes âgées ont une expérience
précieuse à transmettre et peuvent continuer d’être productives
sur le marché du travail si des possibilités adéquates d’apprentissage
tout au long de la vie leur sont offertes.
13. L’Assemblée est consciente que relever le défi démographique
sera une tâche de longue haleine. Cette tâche peut être accomplie
si l’Europe s’engage à prendre des mesures en faveur d’un renouveau démographique,
d’une hausse des taux d’emploi et d’un allongement de la vie professionnelle
de travailleurs mieux qualifiés et plus productifs. L’Europe doit
être prête aussi à recevoir et à intégrer des migrants, et à garantir
la cohésion sociale, ce qui suppose d’assurer l’équité entre les
générations et une protection sociale adéquate.
14. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée invite les Etats membres
du Conseil de l’Europe:
14.1. à
prendre en compte les changements démographiques dans leurs choix
politiques en élaborant les politiques nécessaires et en développant
des stratégies destinées à faire face à l’évolution de la démographie;
14.2. à concevoir des politiques destinées à offrir à chacun
les meilleures possibilités d’éducation et de formation afin de
constituer un «capital humain» de la plus haute qualité;
14.3. à encourager la solidarité et le développement intergénérationnels,
en particulier:
14.3.1. en favorisant un vieillissement
actif, de manière à utiliser pleinement le potentiel des personnes
âgées, y compris par leur maintien sur le marché du travail;
14.3.2. en développant les possibilités d’apprentissage tout au
long de la vie pour toutes les générations, y compris la formation
aux utilisations professionnelles et sociales des nouvelles technologies;
14.3.3. en luttant contre la discrimination fondée sur l’âge,
qu’elle s’exerce à l’égard des femmes ou des hommes, en garantissant
pleinement l’accès aux programmes de formation et à l’emploi;
14.4. à soutenir les sciences, l’innovation et la technologie,
de manière à accroître la productivité et à contribuer à la croissance
économique;
14.5. à encourager le renouveau démographique:
14.5.1. en
élaborant des politiques pour aider les parents à élever leurs enfants,
en prenant notamment des mesures financières et fiscales;
14.5.2. en concevant des politiques qui permettent de mieux concilier
vie professionnelle et vie familiale, dont la mise en place de dispositifs
appropriés pour la garde des enfants et le soutien aux personnes
âgées et/ou fragiles;
14.5.3. en élaborant des politiques conjuguant flexibilité et
sécurité économique (flexicurité) en vue de réduire la précarité
économique des jeunes parents;
14.6. à favoriser l’intégration et la diversité:
14.6.1. en
mettant en place des politiques qui contribuent à réduire le chômage
des immigrés et à tirer le meilleur parti du potentiel offert par
ces immigrés grâce, notamment, à leur participation à la vie sociale,
économique, culturelle et politique du pays d’accueil;
14.6.2. en renforçant le climat de tolérance et de respect mutuel
entre les immigrés et la population du pays d’accueil;
14.6.3. en favorisant les politiques d’intégration ainsi que celles
qui visent à accroître les compétences linguistiques et le niveau
d’éducation des immigrés, de leurs enfants et, en particulier, des
femmes immigrées;
14.7. à promouvoir un marché du travail plus inclusif:
14.7.1. en renforçant l’égalité des genres et l’égalité des chances
entre les sexes, permettant aux femmes de participer pleinement
à la vie économique et politique;
14.7.2. en luttant contre la discrimination à l’égard des femmes
dans la société et le monde du travail.
15. L’Assemblée invite également les organisations internationales
compétentes:
15.1. à aider les Etats
membres et les autres parties prenantes à promouvoir le vieillissement
actif et à leur faire prendre conscience de la nécessité de mobiliser
pleinement le potentiel d’une population vieillissante et de contribuer
à combattre la discrimination fondée sur l’âge, qu’elle s’exerce
à l’égard des femmes ou des hommes;
15.2. à échanger de bonnes pratiques relatives à un vieillissement
actif;
15.3. à contribuer à la mise en place de systèmes de gestion
des migrations qui visent à protéger et à renforcer les droits des
immigrés, et à garantir leur participation active à la société en
qualité de citoyens égaux;
15.4. à aider les Etats membres à créer une base de données
sur les tendances démographiques et à faire en sorte qu’elle soit
tenue à jour, au moyen d’études et d’un suivi réguliers, s’il y
a lieu;
15.5. à coordonner et à faciliter les études comparatives et
l’échange d’informations sur ces questions.