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Résolution 1864 (2012) Version finale

Tendances démographiques en Europe: transformer les défis en opportunités

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 janvier 2012 (9e séance) (voir Doc. 12817, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Memecan). Texte adopté par l’Assemblée le 27 janvier 2012 (9e séance).

1. La situation démographique de l’Europe est en pleine évolution. Ce phénomène touche tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Les Européens vivent plus longtemps et ont moins d’enfants. Compte tenu de la mobilité et de l’immigration croissantes, les sociétés européennes deviennent de plus en plus diverses et les immigrés en font désormais partie intégrante.
2. Les tendances démographiques en Europe doivent être considérées dans le contexte mondial de la dynamique des populations. Dans un monde où la croissance démographique est associée à la croissance économique et au bien-être, l’Europe doit, d’urgence, élaborer les politiques et les stratégies nécessaires pour faire face à l’évolution de la démographie afin de maintenir ainsi son pouvoir et son influence dans le monde. Il est important de transformer les défis démographiques en opportunités, de manière à garantir une croissance économique durable et la sécurité internationale, et à s’assurer que les valeurs de démocratie, de droits de l’homme et de primauté du droit restent d’actualité non seulement en Europe, mais aussi dans le reste du monde.
3. Le 31 octobre 2011, la population mondiale a franchi un nouveau seuil en atteignant le chiffre de 7 milliards d’individus. Dans le cadre d’une population mondiale en expansion, la zone couverte par le Conseil de l’Europe représente actuellement 800 millions d’individus, soit 12% de la population mondiale. D’ici à 2050, ce chiffre devrait tomber à environ 9 %. La Chine connaîtra également un déclin démographique, contrairement à l’Inde qui enregistrera une forte croissance de sa population. Au sein même de l’Europe, on observe une grande diversité de tendances démographiques, caractérisée par une diminution des effectifs de la population en Allemagne et en Russie et, en revanche, une augmentation rapide en France et au Royaume-Uni, due en grande partie aux migrations.
4. Tout en s’accroissant, la population mondiale vieillit, notamment dans les pays développés. Selon les projections, d’ici à 2050, le nombre de personnes de plus de 60 ans devrait tripler au niveau mondial, atteignant 2 milliards d’individus. L’Europe compte la plus forte proportion de personnes âgées et cela restera le cas pendant des décennies; d’ici à 2050, plus d’un tiers de la population européenne devrait avoir dépassé les 60 ans. Cette situation exigera des changements majeurs de politique et d’attitude vis‑à‑vis de l’âge.
5. Néanmoins, l’Assemblée parlementaire reste préoccupée par le fait que, dans plusieurs Etats membres de l’Europe de l’Est, la faible espérance de vie, notamment pour les hommes, continue de poser problème. Dans ces pays, les mesures et politiques destinées à réduire le taux de mortalité devront inclure des dispositions visant à améliorer les systèmes de santé et les conditions de travail, et à diminuer le stress au quotidien, mais aussi des actions visant à convaincre les individus d’adopter un mode de vie plus sain.
6. La population constitue la richesse des nations. Cependant, ce n’est pas seulement le nombre de personnes qui compte en la matière, mais aussi et surtout les compétences, les savoir-faire et l’état de santé de ces personnes. Dans l’Europe du XXIe siècle, il ne faudrait pas définir les buts politiques en termes d’effectifs de population mais plutôt en termes de «capital humain» disponible pour assurer à tous les individus la plus haute qualité de vie possible. Dans le cadre de ce changement radical d’orientation, l’Europe doit investir davantage dans son «capital humain» et améliorer les capacités de ses citoyens et les possibilités qui leur sont offertes afin de s’assurer qu’ils sont instruits, qualifiés et intégrés de manière à pouvoir relever les défis auxquels ils sont confrontés dans un monde toujours plus globalisé – et peuplé.
7. Dotée du meilleur «capital humain», auquel s’ajoute l’expérience voulue, l’Europe devrait être bien placée pour conduire des révolutions en matière d’innovation et de technologie. C’est là son atout spécifique qui contribuera à accroître la productivité et à favoriser la croissance économique à l’intérieur de l’Europe, et donnera également au continent la capacité de continuer d’exercer son influence sur le reste du monde. En étant à la pointe dans ces domaines, l’Europe pourra aussi influer sur la croissance des pays en développement comme la Chine et l’Inde.
8. Comparée à d’autres régions du monde, l’Europe offre toujours à ses habitants une qualité de vie élevée, une bonne éducation et des services sociaux. Il faudrait préserver ces acquis, notamment dans un contexte où nos pays sont en proie à de graves problèmes économiques qui exigent l’instauration de mesures d’austérité. Ces mesures doivent être conçues avec le plus grand soin car elles risquent d’avoir des conséquences involontaires mais importantes sur la démographie de l’Europe de demain.
9. En Europe, les politiques destinées à améliorer le «capital humain» devraient être assorties de politiques familiales adaptées, qui créent pour les individus et les familles un environnement leur permettant d’organiser librement leur vie et de décider du nombre d’enfants souhaité. Il est important de reconnaître que la décision d’avoir ou non des enfants n’est pas prise hors de tout contexte social. Une fois instaurées et maintenues dans le temps, les politiques publiques destinées à promouvoir une société favorable à la famille peuvent avoir un effet positif sur les taux de fécondité.
10. L’Assemblée estime que, bien qu’elles ne constituent pas une solution permanente aux problèmes démographiques, les migrations peuvent être un atout majeur. Il faut encourager les immigrés à devenir des citoyens actifs de leur société, tâche qui doit être menée par le biais d’une interaction entre les immigrés et leur communauté d’accueil. Le marché du travail européen doit attirer de la main-d’œuvre qualifiée de pays extra‑européens, mais les besoins en main-d’œuvre non qualifiée en provenance de ces pays resteront, néanmoins, élevés.
11. La cohésion sociale est un facteur essentiel pour garantir les conditions propices à la productivité et au bien‑être des individus dans des sociétés diverses. La croissance économique, l’innovation et la productivité ne peuvent se développer que dans des sociétés où règnent socialement la cohésion, le respect et la coopération; c’est pourquoi les gouvernements européens doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir la diversité dans leur pays et tirer parti de ses effets positifs.
12. L’Assemblée considère que l’une des stratégies clés pour faire face à la diminution de la main-d’œuvre consiste à accroître les taux de participation de celle-ci parmi les groupes traditionnellement exclus ou les moins employés, comme les femmes et les personnes âgées. La participation croissante des femmes est l’un des facteurs les plus positifs de l’augmentation de la main-d’œuvre européenne et du développement des économies des Etats membres. Toutefois, en matière de participation des femmes, une disparité notable subsiste entre les pays. Etant donné que les individus vivent et restent bien portants plus longtemps, les personnes âgées ont une expérience précieuse à transmettre et peuvent continuer d’être productives sur le marché du travail si des possibilités adéquates d’apprentissage tout au long de la vie leur sont offertes.
13. L’Assemblée est consciente que relever le défi démographique sera une tâche de longue haleine. Cette tâche peut être accomplie si l’Europe s’engage à prendre des mesures en faveur d’un renouveau démographique, d’une hausse des taux d’emploi et d’un allongement de la vie professionnelle de travailleurs mieux qualifiés et plus productifs. L’Europe doit être prête aussi à recevoir et à intégrer des migrants, et à garantir la cohésion sociale, ce qui suppose d’assurer l’équité entre les générations et une protection sociale adéquate.
14. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
14.1. à prendre en compte les changements démographiques dans leurs choix politiques en élaborant les politiques nécessaires et en développant des stratégies destinées à faire face à l’évolution de la démographie;
14.2. à concevoir des politiques destinées à offrir à chacun les meilleures possibilités d’éducation et de formation afin de constituer un «capital humain» de la plus haute qualité;
14.3. à encourager la solidarité et le développement intergénérationnels, en particulier:
14.3.1. en favorisant un vieillissement actif, de manière à utiliser pleinement le potentiel des personnes âgées, y compris par leur maintien sur le marché du travail;
14.3.2. en développant les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour toutes les générations, y compris la formation aux utilisations professionnelles et sociales des nouvelles technologies;
14.3.3. en luttant contre la discrimination fondée sur l’âge, qu’elle s’exerce à l’égard des femmes ou des hommes, en garantissant pleinement l’accès aux programmes de formation et à l’emploi;
14.4. à soutenir les sciences, l’innovation et la technologie, de manière à accroître la productivité et à contribuer à la croissance économique;
14.5. à encourager le renouveau démographique:
14.5.1. en élaborant des politiques pour aider les parents à élever leurs enfants, en prenant notamment des mesures financières et fiscales;
14.5.2. en concevant des politiques qui permettent de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, dont la mise en place de dispositifs appropriés pour la garde des enfants et le soutien aux personnes âgées et/ou fragiles;
14.5.3. en élaborant des politiques conjuguant flexibilité et sécurité économique (flexicurité) en vue de réduire la précarité économique des jeunes parents;
14.6. à favoriser l’intégration et la diversité:
14.6.1. en mettant en place des politiques qui contribuent à réduire le chômage des immigrés et à tirer le meilleur parti du potentiel offert par ces immigrés grâce, notamment, à leur participation à la vie sociale, économique, culturelle et politique du pays d’accueil;
14.6.2. en renforçant le climat de tolérance et de respect mutuel entre les immigrés et la population du pays d’accueil;
14.6.3. en favorisant les politiques d’intégration ainsi que celles qui visent à accroître les compétences linguistiques et le niveau d’éducation des immigrés, de leurs enfants et, en particulier, des femmes immigrées;
14.7. à promouvoir un marché du travail plus inclusif:
14.7.1. en renforçant l’égalité des genres et l’égalité des chances entre les sexes, permettant aux femmes de participer pleinement à la vie économique et politique;
14.7.2. en luttant contre la discrimination à l’égard des femmes dans la société et le monde du travail.
15. L’Assemblée invite également les organisations internationales compétentes:
15.1. à aider les Etats membres et les autres parties prenantes à promouvoir le vieillissement actif et à leur faire prendre conscience de la nécessité de mobiliser pleinement le potentiel d’une population vieillissante et de contribuer à combattre la discrimination fondée sur l’âge, qu’elle s’exerce à l’égard des femmes ou des hommes;
15.2. à échanger de bonnes pratiques relatives à un vieillissement actif;
15.3. à contribuer à la mise en place de systèmes de gestion des migrations qui visent à protéger et à renforcer les droits des immigrés, et à garantir leur participation active à la société en qualité de citoyens égaux;
15.4. à aider les Etats membres à créer une base de données sur les tendances démographiques et à faire en sorte qu’elle soit tenue à jour, au moyen d’études et d’un suivi réguliers, s’il y a lieu;
15.5. à coordonner et à faciliter les études comparatives et l’échange d’informations sur ces questions.