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Rapport | Doc. 12906 | 24 avril 2012

La situation en Syrie

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Pietro MARCENARO, Italie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Débat d’urgence, Renvoi 3849 du 23 avril 2012. 2012 - Commission permanente de mai

Résumé

Le rapport condamne fermement les violations des droits de l’homme généralisées, systématiques et graves, constituant des crimes contre l’humanité, commises par les forces militaires et de sécurité syriennes. Il condamne également les violations des droits de l’homme perpétrées par certains des groupes armés combattant le régime.

Alors que pendant plus d’un an la communauté internationale a été incapable de convenir d’une action sur la Syrie, le rapport note aujourd’hui l’émergence progressive d’une position commune. Tout en déplorant les violations persistantes du cessez-le-feu et le nombre croissant de victimes, le rapport souligne qu’il convient de donner toutes les chances de réussite au plan de paix de Kofi Annan afin d’éviter une véritable guerre civile. Sa mise en œuvre et l’arrêt total des violences devraient au final garantir la création d’un espace permettant la réalisation pacifique de la transformation démocratique en Syrie à travers la «mise en place d’un processus politique, dirigé par les Syriens» et, à terme, des élections libres et équitables.

La diversité ethnique, culturelle et religieuse de la Syrie, au même titre que son intégrité territoriale, doit être préservée dans une future Syrie post-Assad. La construction de cette nouvelle Syrie nécessitera l’engagement actif de l’ensemble des composantes de la société syrienne dans un effort sincère de pacification et de reconstruction après une année dramatique marquée par les violences et la division.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 24 avril
2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est consternée par la situation en Syrie où, au cours des treize derniers mois, plus de 11 000 personnes ont été tuées, des dizaines de milliers ont fui le pays et des centaines de milliers d’autres ont été déplacées dans leur propre pays, victimes directes de la répression brutale d'un soulèvement aux aspirations démocratiques par le pouvoir autocratique syrien.
2. L’Assemblée condamne fermement les violations des droits de l’homme généralisées, systématiques et graves, constituant des crimes contre l’humanité, commises par les forces militaires et de sécurité syriennes et notamment : le recours à la force contre les civils, les exécutions arbitraires, l'assassinat et la persécution des manifestants, les disparitions forcées, la torture et les violences sexuelles, y compris contre les enfants. Elle condamne également les violations des droits de l’homme perpétrées par certains des groupes armés combattant le régime.
3. L’Assemblée réitère qu’il ne peut y avoir aucune impunité pour les crimes contre l’humanité, quels qu’en soient leurs auteurs. Toutes les allégations de violations et de crimes doivent faire l’objet d’une enquête sérieuse et leurs auteurs traduits en justice, y compris le cas échéant, devant la Cour pénale internationale.
4. Alors que pendant plus d’un an, la communauté internationale a été incapable de convenir d’une action sur la Syrie, l’Assemblée note aujourd’hui l’émergence progressive d’une position commune : deux résolutions ont été adoptées à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies les 14 et 21 avril 2012, autorisant le déploiement en Syrie d’observateurs militaires non armés des Nations Unies pour rendre compte de la mise en œuvre de la cessation totale de la violence armée. Cette unité naissante peut enfin contribuer à jeter les bases d’une action effective de la communauté internationale face à une situation dont l’urgence et la gravité ne sauraient s’accommoder de considérations géopolitiques de pays individuels.
5. L’Assemblée soutient pleinement le plan de paix en six points proposé par l’envoyé spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue des Etats arabes, M. Kofi Annan, et appelle à sa mise en œuvre pleine et entière par l’ensemble des parties au conflit. Bien qu’il y ait eu une diminution très nette des violences depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 12 avril, l’Assemblée déplore les violations persistantes du cessez-le-feu et le nombre croissant de victimes. Elle appelle au retrait immédiat des troupes et des armes déployées par le gouvernement dans les zones peuplées.
6. Il convient de donner toutes les chances de réussite au plan de paix de Kofi Annan afin d’éviter une véritable guerre civile. L’Assemblée se félicite par conséquent du déploiement sur le terrain d’observateurs des Nations Unies et appelle les autorités syriennes et la communauté internationale à assurer aux observateurs une liberté de circulation totale et un accès sans entrave à l’ensemble du territoire ainsi que tous les moyens nécessaires pour contrôler le respect du cessez-le-feu et du droit de manifester pacifiquement.
7. L’Assemblée souligne toutefois que le plan de paix de Kofi Annan ne porte pas uniquement sur l’instauration d’un cessez-le-feu sous supervision des Nations Unies et la fourniture d’une aide humanitaire dont le pays a un besoin urgent. Sa mise en œuvre et l’arrêt total des violences devraient au final garantir la création d’un espace permettant la réalisation pacifique de la transformation démocratique en Syrie. Il convient de ce fait de créer progressivement les conditions propices à la «mise en place d’un processus politique, dirigé par les Syriens», comme le préconise le plan de paix, et à terme, à la conduite d’élections libres et équitables. Le peuple syrien devrait être libre de construire son propre avenir. Pour faciliter l’atteinte de cet objectif, nous demandons au Conseil de sécurité des Nations Unies de mettre en œuvre urgemment un embargo sur l’importation d’armes et de matériel militaire en Syrie.
8. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent faire tout leur possible afin de garantir le respect du plan de paix approuvé, y compris à travers les sanctions convenues par l’Union européenne, la Ligue arabe et certains Etats individuels, et dont la mise en œuvre est coordonnée par le groupe des Amis du peuple syrien. L’Assemblée souligne que ces dernières ne visent pas le peuple syrien mais les personnes et institutions impliquées dans la répression ou qui soutiennent ou profitent du régime.
9. La dictature qui a opprimé le peuple syrien durant des décennies n’a aucun avenir. Il est impossible de prévoir le temps qu’il faudra et les souffrances supplémentaires qui seront endurées, mais il semble clair que le régime Assad touche à sa fin. D’où la lourde responsabilité qui pèse sur la communauté internationale et l’opposition nationale.
10. La population syrienne constitue une mosaïque de groupes ethniques, culturels et religieux, et cette diversité, au même titre que l’intégrité territoriale de la Syrie, doit être préservée dans une future Syrie post-Assad. L’Assemblée invite les divers groupes d’opposition nationale à s’unir afin de se présenter en tant qu’alternative légitime offrant à tous les citoyens syriens, quelles que soient leur origine ethnique, leur culture et leur religion, la perspective d’une Syrie pacifique, démocratique et pluraliste.
11. L’Assemblée souligne que le respect des droits de l’homme, la reconnaissance des minorités ethniques, culturelles et religieuses et le choix en faveur du dialogue et de la démocratie ne constituent pas de simples déclarations de principe mais les conditions préalables à l’unification et au renforcement de l’opposition. Cette dernière est actuellement divisée en raison d’un manque de clarté quant à ces principes fondamentaux et de la crainte qui s’ensuit, au sein des divers groupes minoritaires, d’un changement perçu comme une menace.
12. Par conséquent, l’Assemblée insiste sur le fait que les droits de l’homme doivent désormais être respectés et les violations, y compris celles commises par l’opposition, dénoncées avec force et stoppées sur le champ pour apporter une preuve crédible d’un respect effectif des droits de l’homme et des minorités dans une nouvelle Syrie. La construction de cette nouvelle Syrie nécessitera l’engagement actif de l’ensemble des composantes de la société syrienne dans un effort sincère de pacification et de reconstruction après une année dramatique marquée par les violences et la division.
13. L’Assemblée soutient pleinement tous les efforts déployés, tant aux plans international que national, pour aider à la création d’une nouvelle Syrie démocratique et pluraliste, respectueuse des droits de l’homme et des droits des minorités ethniques, culturelles et religieuses. Elle appelle la communauté internationale à soutenir les initiatives visant à unir l’opposition en vue de réaliser la transformation démocratique en Syrie. Elle préconise la plus grande prudence à l’égard des forces qui, en raison d’intérêts géopolitiques spécifiques ou pour des raisons sectaires – en Syrie comme dans d’autres pays du Printemps arabe – fournissent un appui politique et financier aux groupes extrémistes.
14. En toute priorité, compte tenu du million et demie de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire urgente, l’Assemblée appelle instamment à la fourniture sans entrave d’une aide humanitaire aux blessés, aux réfugiés, aux personnes déplacées et à toutes celles dans le besoin. La fourniture de moyens et services humanitaires doit s’opérer dans des conditions qui assurent la protection des civils et des travailleurs humanitaires.
15. L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe à répondre positivement aux appels lancés par les agences concernées des Nations Unies afin de satisfaire les besoins humanitaires des dizaines de milliers de réfugiés fuyant la Syrie vers la Turquie, le Liban, l’Irak et la Jordanie, ainsi que ceux du million et demi de personnes qui, selon les estimations, sont touchées par la crise au sein même de la Syrie.

B. Exposé des motifs, par M. Marcenaro, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Depuis 1963, la Syrie, un pays d’importance géostratégique majeure au Moyen-Orient, est dirigée par un régime autocratique s’appuyant sur la communauté Alaouite, le parti Baas, et, depuis 1970, la famille Assad. L’état d’urgence et la loi martiale sont en vigueur depuis près de cinquante ans. Ironiquement, une loi a été adoptée en avril 2011 aux fins de lever l’état d’urgence, mais elle n’a eu aucun effet dans la pratique. La répression et la corruption sont largement répandues dans le pays.
2. En mars 2011, le Printemps arabe a touché la Syrie, les premières manifestations contre le régime Assad ayant éclaté dans la ville de Deraa, dans le sud du pays. Les autorités ont violemment réprimé ces protestations, causant les premières victimes. Depuis lors, les manifestations se sont répandues à l’ensemble du pays et se sont accompagnées de violences de plus en plus fréquentes: à ce jour, plus de 11 000 personnes ont été tuées. Selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), près de 55 000 
			(2) 
			Des chiffres non officiels font état
de 130 000 personnes. personnes ont fui le pays pour se rendre dans des pays voisins comme la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Irak, faisant peser une pression croissante sur les gouvernements et les communautés d’accueil. 230 000 autres ont été déplacées dans leur propre pays. Le gouvernement continue d’affirmer lutter contre des groupes terroristes.
3. La situation humanitaire est dramatique, les accusations de violations des droits de l’homme concernant l’ensemble des protagonistes 
			(3) 
			Voir
les rapports d’Amnesty International, www.amnesty.org/fr/region/syria,
de Human Rights Watch <a href='http://www.hrw.org/fr/news/2012/04/09/syrie-les-forces-de-s-curit-commettent-des-ex-cutions-extrajudiciaires'>www.hrw.org/fr/news/2012/04/09/syrie-les-forces-de-s-curit-commettent-des-ex-cutions-extrajudiciaires,</a><a href='http://www.hrw.org/reports/2011/06/01/we-ve-never-seen-such-horror'>www.hrw.org/reports/2011/06/01/we-ve-never-seen-such-horror,</a> et
de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme), www.fidh.org/-Syrie,137-?id_mot=26.. Au début du mois de mars 2012, les autorités syriennes ont refusé durant plusieurs jours la visite de Valérie Amos, chef des Affaires humanitaires des Nations Unies, dans le pays et l’accès du Comité international de la Croix-Rouge au quartier de Baba Amr de la ville d’Homs, dévasté par une catastrophe humanitaire.

2. La société syrienne et la position des minorités à la suite de la révolte

4. La Syrie abrite un éventail large et diversifié de minorités ethniques et religieuses. La population syrienne – estimée à près de 23 millions d’habitants – est composée de 90 % d’Arabes, 9 % de Kurdes et 1 % d’Arméniens, Assyriens et autres. Du point de vue religieux, près de 74 % de la population est de confession sunnite; 16 % des Syriens sont musulmans autres que sunnites, dont des alaouites (12 %) et des druzes (3 %), et près de 10 % sont chrétiens.
5. La politique du régime syrien vis-à-vis des minorités a été marquée par les caractéristiques suivantes: d’un côté, elle a accordé à la communauté chrétienne les garanties d’une cohabitation pacifique, voire même une représentation au sein des structures gouvernementales; de l’autre, elle a durement réprimé les minorités, par exemple les Kurdes, qui, en revendiquant leur autonomie, mettaient en danger l’équilibre du pouvoir. La majorité sunnite a été considérablement marginalisée tandis que la minorité alaouite détenait le contrôle politique et militaire.
6. Malgré les hésitations initiales, les Kurdes se sont assez rapidement prononcés contre le gouvernement, bien que les positions adoptées par les différents partis kurdes varient. Les groupes d’opposition kurdes n’ont pas rejoint le Conseil national syrien (CNS), celui-ci étant dominé par les musulmans sunnites, tels que les Frères musulmans. Quinze partis kurdes ont formé, en octobre 2011, le Conseil national kurde (CNK) syrien en tant que groupe d’opposition distinct, tandis que d’autres partis kurdes n’ont pas fait ce choix. Plusieurs tentatives visant à réunir au sein d’un même groupe d’opposition le CNS et le CNK ont échoué en raison précisément des positions diverses quant au degré d’autonomie des Kurdes dans une future Syrie post-Assad. Pourtant, en apparence, la fusion des deux conseils pourrait changer le cours des événements.
7. De leur côté, les chrétiens et les druzes, craignant une détérioration de leur situation si la majorité sunnite parvenait au pouvoir (ainsi que les Frères musulmans syriens), ont hésité à prendre parti. Les deux communautés sont divisées. Etant sous-représentés au sein du CNS, beaucoup de Chrétiens craignent de perdre, dans une Syrie post-Assad, les garanties de tolérance religieuse dont ils bénéficiaient jusqu’à présent. Il est également vrai que la communauté chrétienne a d’ores et déjà été victime d’actes de violence religieuse commis par certains islamistes extrémistes pour n’avoir pas adhéré à la révolte, notamment à Homs et Kusayr. Alors que des responsables religieux druzes se sont rangés aux côtés du régime, certains militants druzes ont rejoint le CNS.
8. Les alaouites, considérés par les autres groupes comme partisans du régime (ce qui est indubitablement vrai pour certains d’entre eux), seront en situation de vulnérabilité au moment où le régime basculera.

3. L’opposition syrienne

9. L’opposition au régime du Président Bachar al-Assad manque d’homogénéité et s’avère même plutôt divisée. Le CNS est le principal groupe d’opposition en exil et a été reconnu par les Etats-Unis, l’Union européenne et de nombreux Etats arabes en tant que représentant légitime du peuple syrien.
10. Fondés en 1946, les Frères musulmans syriens ont jusqu’en 1961 participé aux élections. Le parti Baas a pris le pouvoir en 1963 tandis que les Frères musulmans syriens ont été interdits en 1964. Après que Bachar al-Assad succède à son père en 2000 et décide de remettre en liberté des membres des Frères musulmans syriens, certains de leurs dirigeants sont autorisés à rentrer en Syrie, le groupe d’opposition se montrant après cela moins critique à l’égard du régime. Surpris par le Printemps arabe, ils se rangent rapidement aux côtés des protestataires auxquels ils apportent leur soutien. En octobre 2011, les Frères musulmans syriens rejoignent le CNS.
11. L’Armée syrienne libre a été formée en août 2011 par un groupe de déserteurs. Elle est installée en Turquie et dirigée par Riyad al-Asaad, un ancien colonel de l’armée de l’air. En mars 2012, cinq membres éminents du CNS ont démissionné pour former le Groupe patriotique syrien. Ils se plaignaient du contrôle excessif exercé par les Frères musulmans sur le CNS. Le Comité national de coordination des forces de changement démocratique est un bloc d’opposition syrien présidé par Hassan Abdel Azim et rassemblant 13 partis politiques pour l’essentiel de gauche, ainsi que des militants politiques indépendants, dont trois partis politiques kurdes, et de jeunes activistes. Il est principalement basé en Syrie et opère à la fois dans le pays et à l’étranger.
12. Dans le cadre d’efforts de coordination, les factions de l’opposition et les militants ont été invités par la présidence de la Ligue arabe à participer à une réunion à Istanbul, à la veille de la deuxième conférence du groupe des Amis du peuple syrien. Le CNS et le Groupe patriotique syrien ont accepté l’invitation contrairement à l’Armée syrienne libre et au Comité national de coordination des forces de changement démocratique en Syrie. Comme évoqué précédemment, des tentatives similaires visant à réunir le CNS et le CNK ont également échoué.
13. De nombreux groupes armés semblent échapper à toute structure de commandement organisée ou manquer de coordination avec le CNS ou l’Armée syrienne libre.
14. L’éventualité d’une intervention militaire extérieure étant selon moi exclue, il appartient à l’opposition nationale elle-même de se renforcer et de s’unir afin d’être considérée comme le représentant légitime de la grande majorité de la société dans un processus politique dirigé par les Syriens.

4. Les réactions internationales

4.1. Les Nations Unies

15. La Russie et la Chine ont, en octobre 2011 et en mars 2012, posé leur veto aux projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant la violence en Syrie. Le premier menaçait le régime syrien de sanctions s’il ne mettait pas un terme à la répression de l’armée contre des civils, alors que le second appelait M. Assad à mettre fin aux actions militaires, afin de «faciliter une transition politique» et à tenir des élections libres sous la supervision de la Ligue arabe. La Russie – et d’autres – a estimé qu’il convenait d’adresser une résolution aussi bien au régime en place qu’aux opposants. Par ailleurs, elle a déclaré que la résolution des Nations Unies autorisant l’usage de la force pour protéger les civils en Libye avait été détournée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et exprimé ses préoccupations quant à une nouvelle résolution susceptible de servir de prétexte à une intervention armée en Syrie.
16. Le 17 février 2012, l’Assemblée générale des Nations Unies a voté (par 137 voix pour, 12 voix contre et 17 abstentions) une résolution condamnant les violations des droits de l’homme en Syrie et appelant à un arrêt des violences.
17. De septembre à novembre 2011, une commission d’enquête indépendante sur la Syrie, instaurée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, a enquêté sur les allégations de violations des droits de l’homme. Un premier rapport présenté en novembre 2011 a conclu que «ces violations flagrantes des droits de l’homme ont été commises par l’armée et les forces de sécurité syriennes depuis le début des manifestations en mars 2011».
18. Sur la base de ces conclusions, Mme Navy Pillay, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a appelé à des mesures urgentes pour protéger les civils en Syrie et déclaré que le Président al-Assad devait être déféré devant la Cour pénale internationale.
19. M. Paulo Sergio Pinheiro, président de la Commission indépendante, a présenté fin février 2012 un second rapport indiquant que les forces gouvernementales syriennes «ont commis de graves et systématiques violations des droits de l'homme, qui s'apparentent à des crimes contre l'humanité», notamment l’usage de la force contre des civils, des exécutions arbitraires, des assassinats et persécutions de protestataires, des disparitions forcées, des actes de torture et de violence sexuelle, y compris contre des enfants 
			(4) 
			M. Pinheiro a présenté
un rapport au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 14
mars 2012..
20. Une déclaration présidentielle adoptée par le Conseil de sécurité le 21 mars est parvenue aux mêmes conclusions 
			(5) 
			Voir
également la note 4 ci-dessus..
21. En mars 2012, le HCR a publié le Plan d’action régional pour les réfugiés syriens et lancé un appel de fonds d'un montant de 84 millions de dollars pour répondre aux besoins de protection et d’assistance des réfugiés syriens ayant fui en Jordanie, au Liban, en Turquie et en Irak. Ce plan a pour objectif d’apporter une réponse cohérente aux besoins humanitaires nés de la crise en Syrie.

4.2. La Ligue des Etats arabes

22. En novembre 2011, la Ligue des Etats arabes a suspendu la Syrie et imposé des sanctions économiques et politiques au pays en raison de la poursuite des violences.
23. Une équipe d’observateurs s’est rendue dans le pays fin décembre 2011 et a annoncé un accord avec le Gouvernement syrien selon lequel ce dernier acceptait de retirer les chars des villes, de libérer les prisonniers politiques et d’engager le dialogue avec l’opposition. Ces promesses, tout comme les précédentes, n’ont pas été tenues par le régime.
24. En janvier 2012, la ligue a publié un plan imposant au Président Assad de mettre un terme à la violence et de confier le pouvoir à son vice-président ainsi que la formation d’un gouvernement d’union nationale avec l’opposition dans un délai de deux mois. Ce plan a été rejeté par les autorités syriennes.
25. Une proposition, visant à l’instauration d’une mission de paix conjointe Ligue arabe–Nations Unies, a essuyé un refus catégorique de la Syrie en février.
26. Dans ce contexte de refus répétés du régime syrien de répondre aux appels lancés par la communauté internationale pour mettre un terme à la violence et alors même que celle-ci connaissait une escalade, les Nations Unies et la Ligue arabe ont décidé d’unir leurs efforts et ont, le 23 février 2012, nommé l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, envoyé spécial conjoint pour la crise syrienne et lui ont confié pour mandat de mettre fin à la violence et aux violations des droits de l’homme et de promouvoir une solution politique pacifique. Il a été demandé à M. Annan de travailler avec les interlocuteurs concernés à la fois en Syrie et en dehors du pays en vue de faire cesser la violence et de résoudre la crise humanitaire, et de faciliter, «par des moyens pacifiques, un règlement politique inclusif par les Syriens eux-mêmes, qui réponde aux aspirations démocratiques du peuple syrien par le biais d'un dialogue politique global entre le Gouvernement syrien et une large représentation de l'opposition syrienne».

4.3. Le plan de paix de Kofi Annan

27. Deux semaines et demie après sa nomination, l’envoyé spécial des Nations Unies et de la Ligue des Etats arabes a proposé le plan de paix en six points:
  • mettre en place un processus politique, dirigé par les Syriens, de façon à répondre aux aspirations et préoccupations légitimes de la population;
  • cesser les combats et assurer, sous la supervision des Nations Unies, un arrêt de toutes les formes de violence armée par toutes les parties afin de protéger les civils;
  • à toutes les parties, de faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne dans toutes les zones touchées par les combats et, à cet effet, observer une pause humanitaire quotidienne de deux heures;
  • aux autorités, d’accélérer et de multiplier les mesures de libération des personnes arbitrairement détenues;
  • aux autorités, d’assurer la liberté de circulation des journalistes dans tout le pays;
  • aux autorités, de respecter la liberté d’association et le droit de manifester pacifiquement.
28. Ce plan a bénéficié du soutien de la communauté internationale en général mais également de la Fédération de Russie et de la Chine, ce qui constitue l’un de ses principaux mérites. En mars 2012, M. Annan s’est rendu en Syrie afin de s’entretenir avec M. Assad. Rendant compte de sa visite au Conseil de sécurité, il a annoncé, le 27 mars, l’acceptation de ce plan par le régime syrien. Pour plus d’informations sur l’état de mise en œuvre de ce plan, voir ci-après.

4.4. L’Union européenne

29. Le 23 mars 2012, le Conseil de l’Union européenne a fermement condamné «les attaques brutales et les violations systématiques des droits de l’homme par le régime syrien» et adopté des mesures de restriction à l’encontre des personnes et des entités impliquées dans la répression ou soutenant ou profitant du régime. Les personnes visées sont frappées d’une interdiction d’entrée dans l’Union européenne et d’un gel de leurs avoirs dans l’Union, ce gel frappant également les avoirs des entités visées. Ces mesures ont été durcies en février et à nouveau en mars et en avril, 126 personnes et 41 entités au total faisant maintenant l'objet de sanctions. Conséquence directe: les livraisons de pétrole à la Syrie ont été interrompues début avril.
30. Le 17 avril 2012, le Parlement européen a tenu un débat sur la situation en Syrie à la suite d’une déclaration de Mme Catherine Ashton, Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères. Le 23 avril 2012, de nouvelles sanctions ont été adoptées par le Conseil de l’Union européenne.

4.5. Le groupe des Amis du peuple syrien

31. Lorsque la Russie et la Chine ont mis leur veto à la seconde résolution du Conseil de sécurité sur la Syrie, un groupe des Amis du peuple syrien a été créé. Une première conférence s’est tenue à Tunis le 24 février 2012, avec la participation de plus de 60 ministres des Affaires étrangères et des représentants d’organisations internationales telles que les Nations Unies, la Ligue des Etats arabes, l’Union européenne, l’Organisation de coopération islamique, l’Union du Maghreb arabe, le Conseil de coopération du Golfe et l’Union africaine, aux fins de discuter d’un éventuel plan d’action coordonné pour régler la crise en Syrie. La conférence a condamné la répression en Syrie; soutenu la proposition de la Ligue des Etats arabes pour une résolution pacifique du conflit ; et appuyé le Conseil national syrien en tant que «représentant légitime des Syriens qui cherchent un changement démocratique pacifique».
32. Une deuxième conférence, à laquelle ont participé plus de 80 pays, s’est déroulée à Istanbul le 1er avril. Elle a appelé Kofi Annan à définir un calendrier pour la mise en œuvre de son plan de paix, y compris un retour devant le Conseil de sécurité des Nations Unies si les massacres se poursuivaient, et prévenu M. Assad qu’il n’avait que peu de temps pour se conformer au plan de paix. Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat américaine, a précisé qu’«il n'y a pas de temps pour les excuses et les retards». Les Amis du peuple syrien ont également annoncé qu’ils souhaitaient la création d’un groupe de travail sur les sanctions à adopter contre le régime. Selon le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, «l’objectif est de coordonner les sanctions américaines, les sanctions européennes, les sanctions de la Ligue arabe et de convaincre l’ensemble des Amis du peuple syrien, ici rassemblés, d’appliquer également ces sanctions qu’il conviendra de durcir». La conférence a invité instamment l’opposition syrienne à s’unir derrière le CNS.
33. Dans leurs conclusions, les Amis du peuple syrien n’ont jamais fait référence à l’armement de l’opposition. Cependant, le président du CNS a annoncé que le conseil paierait les salaires de l’Armée syrienne libre. On prétend que certains pays arabes du Golfe versent des millions de dollars pour ce programme.
34. A la suite des réunions du groupe des Amis du peuple syrien à Tunis et à Istanbul, le Groupe de travail international sur les sanctions a tenu sa première réunion à Paris, le 17 avril, en vue d’exercer davantage de pression sur le régime syrien. Les 14 ministres des Affaires étrangères présents à la réunion ont estimé que la mission de M. Annan traverse «une phase critique du fait du refus de Damas d'appliquer ses engagements». Ils ont insisté sur la nécessité de maintenir la pression sur le régime en mettant en œuvre les sanctions convenues. Celles-ci ne s’appliquent pas au peuple syrien mais aux individus et institutions responsables de la répression. La Russie, qui n’a pas pris part à la réunion, a critiqué cette dernière la qualifiant d’unilatérale.

4.6. Le Conseil de l’Europe

35. Le 4 octobre 2011, l’Assemblée a adopté la Résolution 1831 (2011) sur la coopération entre le Conseil de l’Europe et les démocraties émergentes dans le monde arabe 
			(6) 
			Voir également Doc. 12699 (rapporteur:
M. Jean-Charles Gardetto).. Selon les termes de cette résolution:
«L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation en Syrie, où les autorités ont lancé une répression brutale contre la population, qui a fait des milliers de morts. Elle condamne sans équivoque le recours à la violence contre les populations et demande instamment d’y renoncer immédiatement. Elle invite les autorités des Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre des sanctions fermes et effectives à l’encontre des personnes qui ont contribué ou contribuent aux violences à l’encontre des populations. Il ne peut y avoir aucune impunité pour les crimes contre l’humanité, quels qu’en soient leurs auteurs. L’Assemblée invite donc la communauté internationale, y compris, le cas échéant, la Cour pénale internationale, à s’assurer que tous ces crimes sont instruits et sanctionnés.»
36. Le 24 novembre 2011, le Bureau de l’Assemblée a condamné les violences en Syrie et exprimé son soutien au plan de la Ligue arabe.
37. Une semaine plus tard, le président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l’Assemblée a déclaré que la situation en Syrie était devenue intolérable et a appelé à des sanctions contre le régime syrien.
38. Le 15 février 2012, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a fait une déclaration appelant la communauté internationale à s’entendre sur une réponse commune qui contribue concrètement à mettre un terme à la violence et à protéger les droits de l’homme, et qui facilite la recherche d’une solution politique pacifique à la crise. Le 23 février, les Délégués des ministres ont adopté une décision de soutien à la déclaration.
39. Le 23 février 2012, Jean-Claude Mignon, Président de l’Assemblée parlementaire, s’est dit bouleversé après l’annonce de la mort de Rémi Ochlik, un photoreporter français, et de Marie Colvin, une journaliste américaine travaillant pour le Sunday Times, tués par des bombardements dans la ville de Homs.
40. Le 29 février 2012, le Président Mignon a plaidé en faveur d'un «partenariat fort» entre le Conseil de l’Europe et les organes des Nations Unies dans la gestion des crises, comme celle en Syrie, lors d’un entretien à New York avec le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon. Il a également proposé un élargissement de la coopération entre les deux organisations, notamment avec une meilleure coordination des positions sur les crises internationales telles que celle de la Syrie, et des consultations préalablement aux débats de l’Assemblée consacrés à ces sujets.
41. Le 9 mars 2012, l’Assemblée, réunie à Paris au niveau de sa Commission permanente, a adopté sur ma proposition une déclaration sur la situation en Syrie, exprimant sa consternation devant la détérioration de la situation en Syrie et notant qu'un gouvernement qui bombarde et massacre systématiquement sa propre population ne peut prétendre à aucune légitimité. L’Assemblée a appelé à la fin immédiate des tueries et de ces atrocités et insisté sur l’urgence de satisfaire aux besoins humanitaires de la population, de faciliter la délivrance effective d'une assistance et de garantir la sécurité de l'accès à des soins médicaux. L’Assemblée s’est jointe au Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon pour dénoncer le manquement de la communauté internationale à ses devoirs envers le peuple syrien. Partageant avec son Président, Jean-Claude Mignon, l’espoir que «la Russie n'oublie pas les engagements qu'elle a pris envers le Conseil de l'Europe», l’Assemblée a invité la Russie à ne pas poser son veto à toute résolution future du Conseil de sécurité des Nations Unies sur cette question. L’Assemblée s’est également prononcée en faveur d’épargner aucun effort pour assurer aux citoyens syriens que, en combattant la dictature d’Assad, «il sera possible pour tous de vivre ensemble, chrétiens et musulmans, Kurdes et Arabes, sunnites et alaouites, dans une démocratie paisible et pluraliste».
42. Quelques jours plus tard, le 14 mars 2012, la commission des questions politiques et de la démocratie, réunie à Paris, a tenu un échange de vues avec la participation de l’ambassadeur Nassif Hitti, directeur de la Mission de la Ligue des Etats arabes à Paris. A l’issue de cet échange, la commission a décidé de demander la tenue d’un débat selon la procédure d’urgence sur la situation en Syrie, durant la partie de session d’avril 2012 de l’Assemblée, et m’a nommé rapporteur (sous réserve d’une décision de l’Assemblée de tenir un débat d’urgence). La commission a également décidé d’organiser une audition sur la situation en Syrie durant la partie de session d’avril 2012.
43. Le 9 avril 2012, le Secrétaire Général a publié la déclaration suivante: «L’attaque perpétrée par les forces syriennes contre un camp de réfugiés sur le territoire turc constitue une violation flagrante du droit international. Il est extrêmement inquiétant que le régime syrien durcisse le conflit au moment où la communauté internationale redouble d’efforts pour négocier une solution politique pacifique. Le Président al-Assad doit collaborer avec l’émissaire spécial du Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, en vue de l’application immédiate, intégrale et inconditionnelle du plan de paix.»
44. Le 10 avril 2012, à la suite des violences qui ont éclaté la veille, faisant plus d’une centaine de victimes, et des incidents à la frontière turque, le Président de l’Assemblée et moi-même, en ma capacité de président de la commission des questions politiques et de la démocratie de l’Assemblée, avons publié une déclaration conjointe sur les derniers développements en Syrie, regrettant qu’un «régime sans aucun avenir, dépouillé de toute légitimité et de toute crédibilité, tant au plan national qu’international, retienne toujours le peuple syrien en otage et fasse obstacle à tout règlement pacifique de la situation». Nous avons appelé tant la communauté internationale que l’opposition à l’intérieur du pays à s’unir pour offrir à tous les Syriens, quelle que soit leur origine ethnique, culturelle et religieuse, la perspective d’une Syrie vivant en paix, démocratique et pluraliste.
45. Le 23 avril 2012, notre commission a tenu une audition avec la participation de M. Mohamed Hatem Drak Sibai, membre du Croissant-rouge arabe syrien, M. Malaz Alatassi, fondateur et membre du conseil de direction de la Fondation «Syrian Sunrise», M. Joseph Bahout, politologue au Centre d’études et de recherches internationales, de Sciences Po, à Paris, et M. Alain Délétroz, vice-président Europe de l’International Crisis Group, à Bruxelles. Les témoignages de nos invités syriens, ainsi que l’analyse fournie par les experts invités m’ont aidé à mieux comprendre la situation dramatique sur le terrain et les principaux défis pour le futur.

5. La marche à suivre

5.1. Les progrès dans la mise en œuvre du plan de paix de Kofi Annan

46. En dépit de l’acceptation du plan de paix de Kofi Annan par le régime syrien, les assassinats de protestataires par les forces de sécurité syriennes se sont poursuivis et l’opposition se montre très sceptique quant aux intentions de M. Assad.
47. Le 30 mars 2012, M. Annan a rappelé que l’expiration du délai fixé au Gouvernement syrien pour se conformer au plan de paix était «tout de suite». Le 2 avril, il a informé le Conseil de sécurité que le Gouvernement syrien a convenu, pour la première fois, d’un retrait de ses troupes et de ses armes lourdes déployées dans les villes avant le 10 avril, à charge pour les rebelles de cesser leurs opérations dans les quarante-huit heures. Le cessez-le-feu devait entrer en vigueur le 12 avril.
48. Un jour seulement avant l’annonce du retrait des troupes, le 9 avril, il a été fait état de plus d’une centaines de morts, dont 30 civils au moins, victimes d’un bombardement de l’armée syrienne dans la province d’Hama, dans le centre du pays 
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			Voir
également le communiqué de presse du 10 avril 2012, <a href='http://www.assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=7584'>www.assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=7584.</a>. Ce jour-là, l’un des plus sanglants depuis le début du soulèvement, la violence s’est également propagée en Turquie qui abrite quelques 25 000 réfugiés syriens. Deux personnes au moins ont perdu la vie et beaucoup ont été blessées – dont des journalistes et des réfugiés – sous les tirs des forces syriennes par-delà la frontière. Il s’agissait de la première attaque de ce type depuis l’arrivée en Turquie de réfugiés fuyant les troubles. Des attaques ont aussi été signalées sur le territoire libanais où des réfugiés syriens ont également cherché refuge 
			(8) 
			Pour plus de détails, voir l’avis
de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, Doc. 12911..
49. Le 11 avril, le gouvernement n’avait toujours pas retiré ses troupes et ses armes des zones peuplées et les violences perduraient.
50. Le 12 avril, un fragile cessez-le-feu est entré en vigueur, des rapports faisant état de violations et de victimes des deux côtés.
51. Malgré les violents incidents qui continuent d’éclater sur le terrain, les deux parties s’accusant mutuellement, le Conseil de sécurité des Nations Unies a pris note, le 14 avril, de l’avis de l’envoyé spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue arabe, Kofi Annan, selon lequel il semblerait que, depuis le 12 avril, les parties syriennes observent un arrêt des violences et le gouvernement commence à respecter ses engagements.
52. Dans ces circonstances, le Conseil de sécurité des Nations Unies est parvenu, pour la première fois depuis le début des soulèvements, à adopter à l’unanimité une résolution autorisant le déploiement en Syrie d’une équipe avancée comprenant jusqu’à 30 observateurs militaires non armés pour rendre compte de la mise en œuvre de la cessation de la violence armée, avant le déploiement d’une véritable mission de supervision des Nations Unies qui sera chargée de surveiller le cessez-le-feu.
53. Dans sa Résolution 2042, le Conseil de sécurité des Nations Unies appelait l’ensemble des parties à garantir la sécurité de l’équipe avancée sans préjudice de sa liberté de circulation et d’accès, soulignant que la responsabilité à cet égard incombe au premier chef aux autorités syriennes. Les membres du Conseil de sécurité ont condamné les violations généralisées des droits de l’homme commises par les autorités syriennes et les autres atteintes aux droits de l’homme commises par les groupes armés, précisant que les responsables devront rendre des comptes. Ils ont exprimé leur profond regret concernant la mort de milliers de personnes.
54. Le conseil a réitéré son appel aux autorités syriennes de donner immédiatement au personnel des organisations humanitaires un accès libre et sans entrave à toutes les populations qui ont besoin d’assistance, conformément au droit international et aux principes régissant l’assistance humanitaire. Il a également engagé toutes les parties, en particulier les autorités syriennes, à coopérer pleinement avec les Nations Unies et les organisations humanitaires concernées pour faciliter la fourniture de l’aide humanitaire. Le conseil a demandé au Secrétaire général de lui faire rapport sur l’application de la Résolution 2042 avant le 19 avril et fait part de son intention d’évaluer l’état d’avancement de son application et «d’envisager de nouvelles mesures, si nécessaire».
55. Les membres du Conseil de sécurité ont exprimé leur intention de créer, immédiatement après les consultations entre le Secrétaire général et le Gouvernement syrien, une mission de supervision des Nations Unies en Syrie pour contrôler le respect par toutes les parties de la cessation de la violence armée. Le conseil a appelé les autorités syriennes à veiller à ce que la mission de supervision reçoive le soutien requis pour déployer son personnel et les moyens nécessaires à l’exécution de son mandat, en assurant immédiatement la liberté de circulation et d’accès total et sans entrave; en lui permettant de communiquer sans entrave; et en lui garantissant la liberté de communiquer librement avec des personnes se trouvant dans toute la Syrie, sans que ceux qui auront des contacts avec la mission ne fassent l’objet de représailles.
56. La résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies a été saluée par l’ensemble des parties au conflit, ainsi que par la communauté internationale. Bien que plusieurs voix occidentales mettent en doute la volonté du régime de mettre en œuvre la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, de respecter le cessez-le-feu et de permettre un accès sans entrave aux observateurs des Nations Unies, il convient de ne pas sous-estimer le fait que pour la première fois depuis le début du soulèvement, la communauté internationale s’est exprimée d’une seule voix. Cela devrait au moins avoir pour conséquence de renforcer l’espoir d’une cessation durable des violences.
57. Cependant, en dépit de l’adoption de la Résolution 2042 du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’arrivée en Syrie mi-avril des premiers observateurs internationaux chargés de contrôler le respect du cessez-le-feu, les combats et les bombardements se sont poursuivis. Le 16 avril, l’Observatoire syrien des droits de l’homme indiquait que, depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu soutenu par les Nations Unies, à l’aube du jeudi 12 avril, 55 personnes au moins, pour la plupart des civils, avaient été tuées 
			(9) 
			L’observatoire a déclaré
le 16 avril que 11 117 personnes avaient été tuées en treize mois
de soulèvement – 7 972 civils et 3 145 militaires et hommes armés,
dont moins de 600 combattants rebelles.. D’autres violations généralisées du cessez-le-feu et une augmentation du nombre de décès ont été signalées les jours suivants, en particulier dans les villes de Hama et Khattab, alors que les bombardements continuaient sur la ville de Homs. Le 23 avril, le nombre de morts depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu a atteint les 200, y compris 20 soldats syriens.
58. Le 18 avril, le Secrétaire général des Nations Unies a appelé au déploiement en Syrie d’une mission de supervision des Nations Unies, composée de 300 observateurs militaires non armés chargés de surveiller le respect du cessez-le-feu. Bien que les troupes syriennes ne se soient pas retirées des villes et en dépit de l’escalade de la violence depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu et des «informations faisant également état de pilonnage de zones civiles et d’atteintes perpétrées par les forces gouvernementales», le Secrétaire général des Nations Unies a déclaré qu’«il semblerait qu’il y ait à l’heure actuelle des perspectives de progrès, dont nous devons tirer parti». Il semble en effet «qu’il y ait eu une diminution très nette des violences» depuis le cessez-le-feu. Mais, pour reprendre les termes du Secrétaire général des Nations Unies, le Gouvernement syrien «ne s’est pas encore pleinement acquitté de ses obligations initiales concernant les actions et le déploiement des troupes, avec leurs armes lourdes, et le retrait des troupes dans les casernes». M. Ban Ki-moon a déclaré par ailleurs que les mesures prises pour donner suite à d’autres aspects du plan en six points demeurent «partielles». Des manifestants ont essuyé des tirs de fusil, le statut et les conditions de détention des personnes détenues partout dans le pays demeurent peu clairs et il continue d’y avoir des informations troublantes qui font état de mauvais traitements. M. Ban Ki-moon a confirmé que de violents incidents avaient éclaté lorsque certains des observateurs des Nations Unies déployés en Syrie se sont rendus à Irbine, un faubourg de Damas, où la foule qui participait à une manifestation de l’opposition a contraint leurs véhicules à se diriger vers un poste de contrôle.
59. Le 19 avril, les Nations Unies et le Gouvernement syrien ont conclu un accord sur les modalités de déploiement d’une Mission de supervision élargie des Nations Unies en Syrie (MISNUS).
60. Le 21 avril, le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé à l’unanimité le déploiement de la mission élargie composée de 300 observateurs pour une période de quatre-vingt-dix jours. Le vote a eu lieu alors que les quelques observateurs déjà présents en Syrie étaient autorisés pour la première fois à pénétrer dans la ville de Homs. Lors d’un débat sur les conditions du déploiement, les Etats européens se sont prononcés en faveur de sa mise en œuvre après seulement que le gouvernement a honoré ses engagements, à savoir rentrer ses troupes et tanks dans les casernes, tandis que la Russie appelait simplement à un déploiement rapide. Finalement, la résolution laisse le soin au Secrétaire général des Nations Unies de décider du moment et des modalités selon lesquelles le déploiement doit avoir lieu.
61. Dans l’intervalle, un forum humanitaire sur la Syrie s’est réuni le 20 avril à Genève afin de mobiliser les ressources nécessaires au financement d’opérations humanitaires en faveur du million de personnes qui, d’après les estimations, sont touchées par la crise en Syrie. Le forum a convenu d’un projet de plan visant à fournir 180 millions de dollars pour l’acheminement de nourriture, de médicaments et d’autres produits. Cette aide vient s’ajouter à l’assistance humanitaire dont bénéficient les dizaines de milliers de réfugiés qui ont fui la Syrie pour se rendre essentiellement en Turquie, au Liban et en Jordanie.

5.2. Les principaux défis pour l’avenir

62. De toute évidence, dans le court terme, compte tenu du fait qu’au moins un million et demi de personnes continuent d'avoir besoin d'une aide humanitaire immédiate en Syrie, les principales priorités sont la cessation des violences et la fourniture d’une aide humanitaire, en particulier dans les zones où se sont produits des combats intenses. A cet égard, comme le soulignait la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires humanitaires, Valerie Amos, il est très important que les négociations pour permettre aux organisations humanitaires en Syrie de distribuer de l'aide restent séparées des autres efforts pour résoudre la crise. La fourniture de moyens et services humanitaires d’urgence doit s’opérer d’une manière qui assure la protection des civils et des travailleurs humanitaires 
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			Pour plus de détails, voir l’avis de
la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, Doc. 12911..
63. Il convient d’accorder un soutien inconditionnel également à la mise en œuvre des autres points du plan de paix de Kofi Annan. Il est important de souligner que ce dernier ne porte pas uniquement sur une surveillance par les Nations Unies du cessez-le-feu. Il prévoit également le retrait total des troupes gouvernementales des zones peuplées, le respect du droit de manifester pacifiquement et, par-dessus tout, l’engagement d’un processus politique susceptible de conduire le pays vers des élections libres et démocratiques.
64. Si certains doutent fortement de la probabilité d’une mise en œuvre pleine et entière du plan de paix de Kofi Annan, la plupart semble convenir que tant que ce plan constitue l’ultime solution avant une véritable guerre civile, il convient de lui donner toutes les chances de réussite. Ainsi, le déploiement sur le terrain d’une importante mission de supervision des Nations Unies pourrait renforcer les chances de succès.
65. A cet égard, j’espère que la Russie, ancienne alliée de la Syrie qui abrite l’unique base militaire russe au Moyen-Orient, usera désormais de toute son influence pour convaincre le Gouvernement syrien au pouvoir d’assurer la liberté de circulation et d’accès total et sans entrave à la mission d’observation dans l’ensemble du territoire, et de prendre des mesures afin de garantir le respect des autres points du plan visant à l’engagement d’un processus politique pacifique et inclusif.
66. Cela étant, il semble de plus en plus évident que l’actuelle dictature syrienne n’a pas d’avenir. La coalition sociale et politique sur laquelle elle s’est construite et a exercé son pouvoir durant des décennies est révolue. Comme le disait l’Assemblée, «un gouvernement qui bombarde et massacre systématiquement sa propre population ne peut prétendre à aucune légitimité», aussi bien au plan national qu’international. L’on ne sait pas encore aujourd’hui le temps qu’il faudra, mais tant le peuple syrien que la communauté internationale devraient dès à présent se préparer à une ère post-Assad. La médiation proposée par Kofi Annan au nom des Nations Unies et de la Ligue arabe ainsi que les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies reconnaissent qu’une solution pacifique suppose des négociations impliquant l’ensemble des forces représentatives de la société syrienne, dont celles encore aux côtés d’Assad. Mais la présence de ces forces ne change pas le fait que, comme l’a démontré le soulèvement en Syrie, le régime au pouvoir s’essouffle. Cet état de fait constitue d’une part la faiblesse d’Assad, en dépit de sa supériorité militaire, et d’autre part, la force de l’opposition, en dépit de ses divisions internes ou d’autres problèmes en suspens.
67. Et c’est précisément cette faiblesse qui fait craindre au régime que s’il accepte de lâcher du lest et de faire ne serait-ce que quelques concessions mineures, tout l’édifice fondé sur la corruption et la répression interne commence à s’écrouler au fur et à mesure qu’émergent les différences ethniques, religieuses et régionales. Le régime préfère ainsi jouer de la peur de la population face aux brutalités des forces de sécurité et du chaos qu’une guerre civile et un conflit religieux pourraient engendrer.
68. Le principal défi qui nous attend a trait de ce fait à ce qui se passera après et à la manière de rassurer la population syrienne, y compris les minorités ethniques et religieuses, pour leur donner foi en un avenir pacifique dans une Syrie post-Assad. Les priorités devraient porter sur la mise en place d’une Syrie pluraliste et démocratique, jouissant de son intégrité territoriale, et où les minorités culturelles, ethniques et religieuses seraient en mesure de cohabiter pacifiquement. Les minorités, qu’elles soient ethniques ou religieuses, ont en effet un rôle décisif à jouer pour l’avenir de la Syrie.
69. A cet égard, la communauté internationale et l’opposition nationale endossent une grande responsabilité. Il est indispensable qu’elles unissent rapidement leurs forces. La communauté internationale devrait s’unir et rechercher avec détermination des actions efficaces. Il convient de maintenir la pression sur le régime syrien, notamment grâce à la mise en œuvre des sanctions convenues. Celles-ci ne s’appliquent pas au peuple syrien mais aux individus et institutions responsables de la répression.
70. Mais l’opposition nationale doit également s’unir afin d’être considérée comme une alternative légitime offrant à tous les citoyens syriens, quelles que soient leurs origine ethnique, culture et religion, la perspective d’une Syrie pacifique, démocratique et pluraliste. La communauté internationale doit soutenir les initiatives visant à une unification de l’opposition autour de ces principes, mais doit également se montrer vigilante à l’égard des forces qui, pour des intérêts géopolitiques spécifiques ou des raisons sectaires – en Syrie comme dans d’autres pays qui ont connu le Printemps arabe – fournissent un appui politique et financier aux groupes extrémistes.
71. Pour notre part, nous devrions contribuer à l’unité de la communauté internationale, offrir un soutien inconditionnel au plan de paix de Kofi Annan et appuyer tous les efforts déployés aussi bien au plan international que national, aux fins de bâtir une nouvelle Syrie démocratique et pluraliste, respectueuse des droits de l’homme et des droits des minorités ethniques et religieuses. Voici le principal défi auquel nous sommes confrontés, et la tâche ne s’annonce pas aisée.
72. A cet égard, je tiens à souligner l’importance du facteur temps. Comme le disait l’ambassadeur Nassif Hitti, directeur de la Mission de la Ligue des Etats arabes, à la commission des questions politiques et de la démocratie, le 14 mars à Paris, ce qui aurait pu être fait il y a six mois encore n’est plus envisageable aujourd’hui et ce qu’il est possible de réaliser aujourd’hui ne le sera plus dans six mois.
73. Il convient bien entendu de ne pas occulter la nécessité de rendre justice: les crimes contre l’humanité ne peuvent rester impunis, quels qu’en soient leurs auteurs, comme l’indiquait déjà l’Assemblée en octobre 2011. Les crimes doivent faire l’objet d’enquêtes et les auteurs être traduits en justice. La Cour pénale internationale aura certainement un rôle important à jouer dans ce contexte.