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Résolution 1875 (2012) Version finale

La bonne gouvernance et l’éthique du sport

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 avril 2012 (14e séance) (voir Doc. 12889 et addendum, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur: M. Rochebloine). Texte adopté par l’Assemblée le 25 avril 2012 (14e séance).

1. Le sport joue un rôle important dans le développement personnel et la cohésion sociale, en tant que puissant vecteur de transmission de valeurs et de modèles comportementaux positifs, en particulier vers le monde des jeunes. Ce rôle est étroitement lié au respect et à la promotion, par tous les acteurs du monde sportif, de principes éthiques élevés.
2. L’Assemblée parlementaire constate que, dans le contexte d’un sport mondialisé, des enjeux économiques considérables et l’irruption non maîtrisée de considérations purement financières mettent sérieusement en danger l’éthique du sport et amplifient le risque de dérives, voire d’actions criminelles, individuelles ou perpétrées par la criminalité organisée. Aux gangrènes du dopage, de la corruption et de la manipulation des résultats sportifs s’ajoutent d’autres phénomènes qui minent le monde du sport et en ternissent l’image.
3. L’Assemblée est préoccupée par le fait que les compétitions sportives deviennent inéquitables à cause d’une trop grande différence de moyens entre les compétiteurs; elle considère comme particulièrement grave et alarmant le fait que des sportifs de plus en plus jeunes, voire des enfants, soient traités comme des marchandises. Par ailleurs, l’Assemblée ne peut s’abstenir d’observer avec inquiétude que la bonne gouvernance sportive, condition nécessaire de l’éthique sportive, est affectée par des enjeux de pouvoir et par une certaine opacité dans les processus décisionnels. Dans ce contexte, le football est en première ligne, mais les problèmes s’étendent progressivement à toutes les disciplines sportives.
4. Dès lors, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe et aux instances du mouvement sportif aux niveaux national et international de s’efforcer de renforcer le fair-play financier, d’assurer une protection efficace aux jeunes sportifs et d’améliorer les mécanismes de gouvernance au sein des institutions sportives, en tenant dûment compte des «Lignes directrices sur la bonne gouvernance et l’éthique du sport» en annexe à la présente résolution, dont elles font partie intégrante.
5. L’Assemblée recommande aussi aux Etats membres du Conseil de l’Europe de soutenir les travaux de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) du Conseil de l’Europe, et notamment l’élaboration du projet de recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres relative aux problèmes liés aux flux migratoires dans le sport.
6. L’Assemblée appelle spécifiquement la Fédération internationale de football association (FIFA) à prendre les mesures nécessaires pour éclaircir pleinement les faits sous-jacents aux divers scandales qui, dans les dernières années, ont terni son image et celle du football international. L’Assemblée insiste notamment pour que la FIFA:
6.1. accélère le processus de réforme de sa gouvernance interne et, dans ce contexte, renforce significativement les pouvoirs d’enquête de sa commission d’éthique, en lui reconnaissant, entre autres, le pouvoir de procéder d’office et à tout moment à des enquêtes internes, y compris à l’égard d’anciens officiels, et en assurant que les modalités d’élection de ses membres en garantissent la pleine indépendance;
6.2. publie l’intégralité des documents judiciaires et autres se rapportant à l’affaire ISL/ISMM dont elle disposerait, et en particulier la décision du 11 mai 2010 qui a suspendu la procédure pénale ouverte par le parquet de Zoug contre deux personnes physiques et la FIFA;
6.3. mène une enquête interne approfondie et exhaustive afin de déterminer si, et dans quelle mesure, lors de sa dernière campagne présidentielle, le candidat élu a profité de sa position institutionnelle pour s’octroyer des avantages indus ou en octroyer à des électeurs potentiels.

Annexe – Lignes directrices sur la bonne gouvernance et l’éthique du sport

(open)
1. Les présentes lignes directrices s’adressent aux Etats membres du Conseil de l’Europe et à toutes les instances dirigeantes du mouvement sportif, les uns et les autres ayant des responsabilités propres, mais étant appelés à travailler de façon coordonnée et à collaborer efficacement à la recherche de solutions communes.
2. Leur but est de promouvoir une série d’actions visant:
2.1. à prévenir certaines dérives financières qui affectent l’équilibre financier des clubs sportifs et, en même temps, engendrent des iniquités entre ces derniers en faussant les compétitions;
2.2. à assurer une protection efficace aux jeunes sportifs;
2.3. à améliorer les mécanismes de gouvernance au sein des institutions sportives.
3. Elles ne concernent donc pas directement d’autres sujets extrêmement graves qui sapent le sport et mettent en jeu son futur, tels que le dopage, la manipulation des résultats sportifs ou d’autres problèmes dont l’Assemblée s’est occupée dans d’autres rapports.
4. L’intervention des Etats dans les domaines visés doit tenir compte de la nécessité de préserver l’autonomie du mouvement sportif, mais aussi de l’exigence d’assurer que cette autonomie ne devienne pas un écran pour justifier l’inaction face aux dérives qui battent en brèche l’éthique sportive et aux agissements qui relèvent, ou devraient relever, du droit pénal.
5. Les cadres juridiques nationaux devraient comprendre une loi régulant l’activité sportive dans son ensemble et incluant des dispositions spécifiques pour traiter les problèmes qui ne peuvent pas trouver de solution efficace par le biais des réglementations sportives.
6. Les instances du mouvement sportif doivent rechercher une collaboration efficace entre elles et des synergies avec l’action des pouvoirs publics dans la lutte contre les dérives qui menacent l’éthique sportive. Elles doivent demeurer exemplaires dans leur fonctionnement interne et agir, dans le cadre de leur autonomie, sans jamais perdre de vue que le sport doit rester un vecteur de valeurs positives qui contribuent au développement personnel, à la cohésion sociale et au rapprochement entre les peuples.
7. Pour favoriser une action coordonnée, les autorités gouvernementales et les instances dirigeantes du mouvement sportif doivent promouvoir l’établissement de plate-formes nationales réunissant de manière régulière les organisations en charge du sport et les syndicats des sportifs professionnels.

Finances des clubs et «fair-play financier»

8. Il faut renforcer le «fair-play financier» par l’adoption de normes imposant la transparence financière, limitant l’endettement et favorisant l’autofinancement des clubs. De telles contraintes budgétaires, ainsi que les mécanismes de contrôle nécessaires pour en assurer le respect effectif, devraient être imposées par les fédérations ou les organisations sportives concernées, dans le cadre de l’autoréglementation. Les normes sur le fair-play financier adoptées par l’Union des associations européennes de football (UEFA) pourraient servir de modèle.
9. La généralisation du fair-play financier implique aussi, au niveau des fédérations nationales, l’établissement de normes et de mécanismes de contrôle nécessaires pour assurer le respect des conditions d’une concurrence équitable entre les clubs, pour contribuer à leur stabilité financière et pour garantir l’équité sportive. La Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) française offre un modèle dont d’autres Etats et d’autres disciplines sportives pourraient s’inspirer.
10. Les Etats européens pourraient accompagner le mouvement sportif dans ces réformes par une meilleure harmonisation des normes nationales concernant la comptabilité des sociétés sportives, dans le but d’améliorer la transparence financière.
11. Par ailleurs, les Etats devraient assurer une application stricte de l’interdiction des aides publiques aux sociétés sportives professionnelles, conformément au droit de l’Union européenne.
12. Pour contrer les problèmes les plus graves d’exploitation et de marchandisation des jeunes sportifs, les Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris ceux qui n’ont pas encore ratifié les textes ci-après, devraient garantir, aussi par le biais de contrôles efficaces, l’application stricte des dispositions pertinentes de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations Unies, de la Charte sociale européenne (révisée) du Conseil de l’Europe (STE no 163) et de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197).
13. Les lois nationales sur le sport devraient inclure des dispositions pour la protection des jeunes sportifs nationaux et migrants, visant notamment:
13.1. à interdire les transferts commerciaux de sportifs de moins de 16 ans, afin d’éviter qu’un mineur devienne le simple objet d’une transaction financière;
13.2. à interdire la rémunération des intermédiaires pour des sportifs de moins de 16 ans (interdiction qui s’appliquerait aussi aux transferts non commerciaux);
13.3. à rendre contraignantes (pour tous les sports) des mesures s’inspirant des 10 recommandations pour l’accueil d’un jeune mineur étranger de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF) française;
13.4. à rendre obligatoire le double projet sportif et scolaire/professionnel sous peine d’annuler la mutation, quelle qu’en soit la forme juridique (transfert, prêt, etc.);
13.5. à interdire l’octroi aux sportifs de visas «étudiant» ou «touriste» et à envisager l’introduction d’un visa spécial qui prenne en compte la spécificité du sport et permette le suivi des migrations de sportifs.
14. En l’absence d’une législation nationale sur le sport et en attendant d’adopter une telle législation spécifique, les Etats devraient au moins assurer la protection des sportifs mineurs par des dispositions appropriées dans les lois régissant les droits des enfants au travail.
15. Il faudrait engager, en collaboration avec l’Union européenne, l’harmonisation des législations nationales sur les agents sportifs, pour réglementer de manière cohérente, de même que cela a été fait pour d’autres catégories professionnelles, l’activité de ces agents et des intermédiaires non répertoriés comme agents sportifs mais agissant comme tels.
16. Les associations sportives nationales devraient promouvoir l’adoption de chartes ayant pour but de prévenir tout mauvais traitement moral ou physique causé à un sportif mineur et établir les mécanismes de contrôle nécessaires pour assurer le respect de ces chartes.
17. Pour accroître ses capacités de contrôle, l’UEFA, pourrait instaurer un prélèvement obligatoire qui servirait à financer un système de suivi des conditions de transfert et d’accueil des sportifs mineurs, visant à détecter et à sanctionner les abus.

Gouvernance, transparence et lutte contre la corruption et les prises d’intérêt au sein des instances sportives

18. Les fédérations, associations, ligues professionnelles et autres organisations sportives devraient inscrire dans leurs codes d’éthique sportive les dispositions nécessaires pour empêcher que des associations criminelles puissent infiltrer les organes de direction des sociétés ou instances sportives. Il faudrait empêcher le rachat de clubs sportifs par des capitaux dont on ne connaît pas la provenance, en établissant l’obligation pour le club de se renseigner sur les propriétaires potentiels.
19. Les Principes universels de base de bonne gouvernance du Mouvement olympique et sportif, établis par le Comité international olympique (CIO) en 2008, devraient être respectés au sein de toutes les organisations sportives.
20. Au sein des fédérations sportives, il est nécessaire d’établir des mécanismes de contrôle qui rééquilibrent les pouvoirs de leurs présidents et les responsabilisent face aux assemblées des membres.
21. Dans ce contexte, il faudrait limiter la durée des mandats électifs pour les présidents de fédérations (par exemple un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois). En outre, il faudrait favoriser une pluralité de candidatures aux élections présidentielles au sein des fédérations sportives et encourager les candidatures féminines à tous les échelons.
22. Les normes statutaires des fédérations sportives devraient empêcher toute forme de conflit d’intérêts en interdisant les fonctions de dirigeant de fédération à toute personne exerçant en même temps des fonctions de dirigeant dans un club.
23. Les mécanismes de gouvernance des fédérations sportives devraient viser à associer les sportifs aux grandes décisions ayant trait à la réglementation de leur sport. A cet égard, on pourrait favoriser la représentation des syndicats des joueurs et des sportifs ainsi que la présence d’anciens sportifs, reconnus pour leur probité, au sein des différentes commissions des fédérations.
24. Il serait nécessaire d’améliorer, au sein de toutes les fédérations sportives, les dispositions concernant les commissions chargées d’examiner les candidatures pour l’organisation des événements sportifs internationaux majeurs. Des règles strictes d’éligibilité, de modalités d’élection et de fonctionnement de ces commissions devraient être élaborées pour prévenir et sanctionner tout conflit ou prise d’intérêts par leurs membres, et des contrôles rigoureux devraient être prévus pour éviter toute tentative de corruption ou d’influence irrégulière sur la décision finale des membres qui votent. La possibilité d’inclure dans ces commissions des observateurs externes sans droit de vote devrait être envisagée.
25. Les associations et fédérations sportives à tous les échelons (régionales, national, continental et international) devraient rendre public annuellement (sur leurs sites internet et dans leurs rapports d’activité) le détail de leurs recettes et de leurs dépenses, ainsi que les rémunérations de leurs cadres supérieurs et de leurs dirigeants élus.