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Résolution 1879 (2012) Version finale
La situation des personnes déplacées dans le Caucase du Nord et retournées dans la région
1. L’Assemblée parlementaire souligne
l’importance de continuer de traiter les aspects humanitaires des déplacements
prolongés dans le Caucase du Nord. Fin 2011, on comptait dans la
région au moins 28 450 personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays (PDI), 350 000 PDI rapatriées et 30 000 réfugiés. Les incessants
problèmes de sécurité (menaces terroristes) dans certaines parties
de la région continuent de faire obstacle à des solutions durables
pour tous.
2. L’Assemblée reconnaît les efforts remarquables déployés par
les autorités fédérales, régionales et locales depuis le précédent
rapport de l’Assemblée menant à la Résolution 1404 (2004) sur la
situation humanitaire de la population tchétchène déplacée. Les
autorités de Moscou, d’Ossétie du Nord-Alanie et d’Ingouchie semblent
adopter une approche de plus en plus pratique et réaliste de la
normalisation des conditions de vie des personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays à la suite d’un conflit.
3. Cependant, la réponse des pouvoirs publics aux déplacements
à l’intérieur d’un pays mérite encore d’être améliorée. Les problèmes
omniprésents de non-respect de l’obligation de rendre des comptes
et d’absence de contrôle des dépenses, évoqués dans les précédents
rapports, persistent. L’accent a principalement été placé sur l’aide
au logement, qui ne s’est pas toujours avérée adéquate ou cohérente.
4. L’Assemblée reconnaît que le manque de données faisant autorité
sur le nombre et la situation des PDI ou PDI rapatriées constitue
un obstacle majeur à la résolution du problème des déplacements
internes dans le Caucase du Nord. Des solutions durables ne peuvent
être mises en place sans collecte de données précises, fondées sur
la définition internationale des PDI, pour déterminer si les besoins
spécifiques et les vulnérabilités liés à ces déplacements subsistent.
La définition, le dénombrement et le suivi des PDI sont essentiels
pour garantir la satisfaction de tous leurs besoins restants liés
au déplacement, tant en termes d’assistance que de protection.
5. L’Assemblée reste sérieusement préoccupée par les difficultés
auxquelles les personnes déplacées par les conflits dans la région
continuent d’être confrontées. Bien que 124 700 personnes aient
été indemnisées pour un montant de 26,43 milliards de roubles, beaucoup
ont vu leurs demandes d’aide des pouvoirs publics rejetées ou interrompues.
Certaines continuent aussi de se battre pour faire enregistrer leur
lieu de résidence actuel, une démarche dans la pratique indispensable
pour accéder à certains droits. Beaucoup dépendent des allocations
des pouvoirs publics, qui constituent leur principale source de
revenu. Compte tenu de leurs revenus limités, associés à des mécanismes
d’indemnisation le plus souvent inefficaces en cas de perte d’un bien,
et à une aide publique au logement inadéquate, la plupart d’entre
elles continuent de vivre dans des conditions de logement ne répondant
pas à des normes minimales.
6. L’Assemblée s’inquiète de la probable dégradation du niveau
de vie de ces personnes si le gouvernement n’intervient pas plus
efficacement. Les agences des Nations Unies ont quitté le Caucase
du Nord à la fin de l’année 2011 et n’y entreprendront plus de nouveaux
projets au bénéfice des PDI. Les autorités russes ne compensant
pas intégralement le travail des Nations Unies ou les financements
des donateurs qui se sont retirés, les PDI auront un choix plus
restreint d’organisations vers lesquelles se tourner pour obtenir
de l’aide et il sera plus difficile de suivre la situation humanitaire
des PDI, des PDI rapatriées et des réfugiés.
7. L’Assemblée note avec optimisme que la Fédération de Russie
est un Etat riche et capable, en mesure de résoudre les problèmes
en suspens liés au déplacement à l’intérieur du pays. Résoudre les situations de déplacement
prolongé de populations dans le Caucase du Nord demandera une volonté
politique durable et l’allocation de ressources, voire le renforcement
des capacités de certaines institutions de l’Etat. Un processus fondé
sur les droits, des procédures plus transparentes, une meilleure
communication avec les PDI et une participation accrue de ces dernières
seront par ailleurs indispensables.
8. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée appelle:
8.1. le Gouvernement fédéral russe:
8.1.1. à harmoniser sa législation en matière de déplacement
à l’intérieur du pays avec les Principes directeurs des Nations
Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre
pays (ci-après «principes directeurs») et la Recommandation Rec(2006)6
du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays, en utilisant notamment la définition des personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays énoncée dans ces principes
directeurs et en supprimant l’exigence de franchissement d’une frontière
intérieure pour qu’elles soient considérées comme telles;
8.1.2. à mener une étude, en se fondant sur la définition des
personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays énoncée dans
les principes directeurs, afin de déterminer l’effectif, la localisation
et les besoins actuels des personnes déplacées depuis la Tchétchénie
et l’Ossétie du Nord-Alanie ou dans ces pays à la suite d’un conflit,
ainsi que les problèmes en suspens qui exigent une action pour parvenir
à des solutions durables;
8.1.3. à réparer et à mettre en œuvre un plan d’action avec des
ressources financières adéquates pour régler tous les problèmes
restants liés au déplacement affectant les PDI, tels qu’ils ressortiront
de l’étude nationale évoquée plus haut, et à veiller à ce que les
besoins et les droits des PDI guident l’ensemble des politiques
et des décisions;
8.1.4. à veiller à ce que le montant des indemnisations pour
les biens détruits soit suffisant pour permettre l’acquisition,
la construction ou la reconstruction des logements, en adoptant notamment
des dispositions pour mettre un terme aux demandes de dessous-de-table;
8.1.5. à faire de la création d’emplois et de la construction
de logements sociaux des priorités de la Stratégie de développement
socio-économique du district fédéral du Caucase du Nord jusqu’en
2020,et à veiller à garantir
aux personnes déplacées en raison des conflits en Tchétchénie et
en Ossétie du Nord-Alanie des facilités d’accès à ces initiatives
ainsi qu’aux possibilités de reconversion professionnelle et au
microcrédit pour le financement de projets générateurs de revenus;
8.1.6. à abolir l’enregistrement du lieu de résidence dans les
politiques et la pratique, conformément aux engagements souscrits
par la Fédération de Russie lors de son adhésion au Conseil de l’Europe
(Avis 193 (1996) de
l’Assemblée relatif à la demande d’adhésion de la Russie au Conseil
de l’Europe et Recommandation
1544 (2001) de l’Assemblée «Le système de la propiska appliqué aux migrants,
demandeurs d’asile et réfugiés dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe: effets et remèdes»);
8.1.7. à renforcer la supervision et la transparence des dépenses
budgétaires dans les républiques du Caucase du Nord en procédant
à des transferts fédéraux sur la base du respect des critères nécessaires
publiés dans les plans de développement et en en rendant compte;
à faire des efforts particuliers pour éradiquer la corruption conformément
aux recommandations du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO);
8.1.8. à stabiliser la situation sécuritaire dans la région conformément
aux normes internationales des droits de l’homme et à veiller à
la résolution effective des conflits;
8.1.9. à mettre un terme à l’impunité des auteurs de graves violations
des droits de l’homme, y compris de meurtres, de disparitions forcées
et d’actes de torture, notamment en renforçant le contrôle fédéral
sur les activités des forces de l’ordre et des services de sécurité
régionaux, et en exécutant scrupuleusement les nombreux arrêts de
la Cour européenne des droits de l’homme;
8.1.10. à prendre des mesures adéquates pour garantir l’indépendance
des mécanismes nationaux des droits de l’homme dans le Caucase du
Nord et à soutenir leur capacité constante à suivre la situation
des PDI sur le plan des droits de l’homme ainsi que la mise en œuvre
des obligations et engagements du gouvernement vis-à-vis des PDI;
8.1.11. à faciliter le travail des organisations non gouvernementales
(ONG) et d’autres organisations intervenant dans la région sur les
problèmes relatifs aux PDI;
8.1.12. à continuer de s’appuyer sur l’aide des institutions internationales
compétentes, en particulier les Nations Unies, pour mettre en œuvre
les recommandations formulées dans le présent rapport, notamment
l’étude sur la situation des PDI et le plan d’action;
8.2. le Gouvernement de la République tchétchène:
8.2.1. à
procéder de manière progressive à la fermeture, lorsqu’elle est
inévitable, des centres d’accueil hébergeant des personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays en raison de conflits, et à appliquer
rigoureusement une procédure satisfaisant aux normes internationales;
8.2.2. à envisager l’achat de logements sur le marché immobilier
ou à faciliter l’accès aux logements municipaux, avec une garantie
légale de maintien dans les lieux pour les personnes sans domicile
permanent à la suite des conflits et sans possibilité de retour
sur leur lieu de résidence antérieur;
8.2.3. à accélérer le processus de versement des indemnisations
pour les biens détruits;
8.2.4. à augmenter et à diversifier l’offre d’emplois stables,
et à privilégier les entreprises et les travailleurs locaux plutôt
que de recourir à des entreprises étrangères pour intervenir sur
le plan local;
8.2.5. à veiller à ce que les ONG intervenant sur le territoire
de la république dans le domaine humanitaire et des droits de l’homme,
y compris celui des droits des PDI, puissent travailler librement
et sans intimidation ou entrave; à mener une enquête approfondie
et à diligenter des poursuites contre les auteurs de tous les actes
criminels commis à l’encontre de ces défenseurs des droits de l’homme
et des personnes qui sont retournées chez elles, y compris les anciens hauts
représentants des gouvernements précédents;
8.2.6. à s’abstenir d’intimider ou de faire pression sur les
réfugiés tchétchènes qui vivent dans d’autres régions de la Fédération
de Russie ou à l’étranger pour qu’ils retournent en République tchétchène
et fassent publiquement allégeance aux autorités actuelles; à mener
une enquête approfondie sur les circonstances du meurtre d’Umar
Israïlov à Vienne et à engager également des poursuites à l’encontre
des instigateurs et des organisateurs de ce crime;
8.3. le Gouvernement de la République d’Ingouchie:
8.3.1. à
veiller à ce que le programme de développement socio-économique
pour 2012-2016 traite effectivement les problèmes de logement auxquels
sont confrontées les PDI, en proposant notamment un éventail de
solutions répondant à leurs souhaits en matière d’installation;
8.3.2. à faciliter l’accès aux logements municipaux, avec une
garantie légale de maintien dans les lieux, aux personnes déplacées
à l’intérieur des Républiques tchétchène et d’Ossétie du Nord-Alanie
qui ne disposent pas d’un logement permanent ou du statut de migrant
forcé, dans des zones répondant à leurs souhaits d’installation;
8.3.3. à veiller à ce que les structures temporaires hébergeant
les personnes déplacées ne soient pas fermées avant qu’une solution
de logement de remplacement et une aide à la réinstallation aient
été proposées aux résidents, et à s’assurer que ces derniers soient
clairement informés du déroulement des opérations et qu’ils aient
la possibilité de participer au processus décisionnel;
8.4. le Gouvernement de la République d’Ossétie du Nord-Alanie:
8.4.1. à poursuivre le processus de réconciliation de manière
beaucoup plus dynamique, en particulier dans les zones de retour
ou d’installation de personnes déplacées lors du conflit de 1992,
en favorisant un climat politique et culturel de respect, de tolérance
et de non-discrimination;
8.4.2. à instaurer un mécanisme pour résoudre le problème de
l’occupation secondaire des logements des personnes déplacées à
l’intérieur du pays lors du conflit de 1992 et qui souhaitent rentrer
chez elles;
8.4.3. à accélérer le processus de versement de l’aide au logement
aux personnes dont les propriétés ont été détruites durant le conflit;
8.4.4. à faciliter l’accès aux documents officiels aux personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays lors du conflit de 1992
et aux réfugiés, notamment aux résidents des nouvelles zones d’installation
de Novy et Maïskiy;
8.4.5. à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour apporter
des solutions à la situation critique des réfugiés ossètes de souche
en matière de logement depuis les conflits du début des années 1990
en Géorgie, en recourant à des financements fédéraux ou régionaux
ou à des donateurs internationaux.
9. L’Assemblée reconnaît l’ampleur du travail accompli par les
agences locales et internationales et les ONG dans la région depuis
des années. Ce travail a contribué à la protection des groupes déplacés
de force dans le Caucase du Nord et a, dans une certaine mesure,
apaisé les souffrances liées au déplacement prolongé de populations.
L’Assemblée encourage ces organisations à maintenir leurs bureaux
dans la région, à continuer d’améliorer les conditions de vie des
personnes déplacées et à aider le gouvernement à assumer sa responsabilité
première, qui est de leur assurer protection et assistance.
10. L’Assemblée invite les Etats membres à apporter leur savoir-faire
et leur assistance à la Fédération de Russie pour la réalisation
d’une étude détaillée sur le nombre actuel de personnes déplacées
dans les Républiques tchétchène et d’Ossétie du Nord-Alanie, leur
localisation et leurs besoins d’assistance et de protection liés
au déplacement, et à coparrainer des projets éventuels d’amélioration
de la situation du logement des PDI dans la région par l’intermédiaire
de la Banque de développement du Conseil de l’Europe.