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Résolution 1881 (2012) Version finale
Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux
1. La solidité des systèmes fiscaux
est la pierre angulaire des finances publiques; elle sous-tend la gouvernance
démocratique, l’autorité publique, la stabilité macroéconomique
et la cohésion sociale. Ce délicat équilibre repose sur la conformité
fiscale de tous les contribuables (personnes physiques ou personnes morales).
Il est extrêmement inquiétant que certaines activités menées par
des juridictions adeptes du secret, des paradis fiscaux et des centres
financiers offshore facilitent l’évitement fiscal et l’évasion et
la fraude fiscales à grande échelle, ce qui pénalise gravement les
intérêts publics des Etats membres du Conseil de l’Europe dans leur
ensemble, ainsi que bon nombre d’autres pays, en particulier les
pays en développement.
2. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’ampleur du
système financier offshore, notamment les paradis fiscaux, et par
son impact sur les finances publiques, la stabilité des marchés
financiers et la société tout entière. Alors que tous les pays ont
cédé une partie de leur souveraineté au profit de la mondialisation
et de l’économie globale, s’attaquer aux distorsions mondiales entraînées
par des pratiques fiscales dommageables ou prédatrices est à la
fois une obligation morale et une cause commune.
3. Sous la pression d’une protestation publique de plus en plus
forte, la coopération internationale s’est intensifiée, notamment
au niveau du G20, pour s’attaquer aux causes profondes des problèmes
posés par les paradis fiscaux: le secret bancaire, le manque de
transparence et de surveillance publique effective, le dumping réglementaire, les dispositions
fiscales prédatrices et les techniques comptables abusives au sein d’entreprises
multinationales (notamment les prix de transfert abusifs). Toutefois,
la situation est loin d’être satisfaisante et il reste encore des
progrès à faire pour mettre fin aux échappatoires légales et aux
zones grises, ainsi que pour veiller à une surveillance consolidée
plus efficace du système financier offshore et des juridictions
considérées comme des paradis fiscaux.
4. L’Assemblée invite donc la Banque des règlements internationaux
(BRI), le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE) à intensifier leur
action – en conjuguant leurs efforts chaque fois que possible –
pour mesurer et analyser les flux financiers entrant et sortant
des centres financiers offshore et des juridictions réputées être
des paradis fiscaux, ainsi que leur interaction avec l’activité
économique générale d’autres Etats.
5. L’Assemblée invite également le FMI et l’OCDE:
5.1. à renforcer la surveillance
des régimes fiscaux de leurs Etats membres et à stimuler les améliorations
visant à éliminer les pratiques fiscales dommageables;
5.2. à étudier les moyens de renforcer la responsabilité sociale
et l’éthique des entreprises, et à faire des propositions pour définir
plus clairement les responsabilités des entreprises multinationales
envers la société dans tous les pays où elles opèrent;
5.3. à émettre des recommandations à l’intention de leurs Etats
membres pour introduire une reddition de comptes pays par pays en
vue d’une responsabilité fiscale accrue des entreprises et de la divulgation
des informations financières (notamment sur les coûts, les bénéfices
et les impôts payés) concernant les activités des compagnies multinationales
dans tous les pays où elles opèrent et dans tous les secteurs commerciaux,
à commencer par le secteur financier;
5.4. à envisager la possibilité de fixer des minima acceptables
pour les taux d’imposition dans les paradis fiscaux afin d’atténuer
les pertes infligées aux budgets nationaux.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée se réjouit de l’entrée en vigueur,
en 2011, du Protocole d’amendement à la Convention concernant l’assistance
administrative mutuelle en matière fiscale (STCE no 208) après son lancement
en 2010. Le Conseil de l’Europe et l’OCDE devraient promouvoir avec
détermination cet instrument, non seulement auprès de leurs Etats
membres et des territoires dépendants de ces derniers, mais également parmi
leurs partenaires économiques du reste du monde. De plus, ils pourraient
ensemble évaluer la mise en œuvre de cette convention dans un proche
avenir.
7. L’Assemblée se félicite des conclusions du Sommet du G20 à
Cannes (3 et 4 novembre 2011), dans lesquelles les dirigeants des
pays du G20 se sont engagés à signer la Convention concernant l’assistance administrative
mutuelle en matière fiscale (STE n° 127) et son protocole d’amendement,
ont fortement encouragé d’autres juridictions à adhérer à cette
convention et ont décidé «d’envisager d’échanger des informations
de manière automatique, sur la base du volontariat, en tant que
de besoin, et comme le prévoit la convention».
8. D’autre part, l’Assemblée soutient fermement les mesures prises
par l’Union européenne pour parvenir à une harmonisation progressive
des pratiques fiscales dans ses Etats membres et, en particulier,
les efforts visant à introduire un échange automatique d’informations
pour certaines catégories de revenus et de capitaux à compter de
2015. Elle estime que ce processus pourrait être accéléré et que
des efforts similaires devraient être entrepris par les pays non
membres de l’Union européenne.
9. Dans le même esprit, l’Assemblée invite instamment les Etats
membres de l’Union européenne à soutenir les efforts pour mettre
en place des obligations de reddition de comptes pays par pays (notamment sur
les coûts, les bénéfices et les impôts versés) en ce qui concerne
les comptes des entreprises multinationales enregistrées ou opérant
dans l’Union européenne. Cette pratique devrait progressivement
être étendue à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et
de l’OCDE, ainsi qu’aux pays du G20.
10. Afin de placer les gouvernements face à leurs responsabilités
en matière fiscale, l’Assemblée invite instamment les parlements
nationaux:
10.1. à examiner les
normes, politiques et procédures de collecte nationales en matière
fiscale pour repérer les techniques artificielles de réduction fiscale
qui, même si elles sont légales, ne sont pas éthiques, et à proposer
des mesures législatives pour remédier aux distorsions ainsi détectées;
10.2. à surveiller étroitement les travaux des gouvernements
sur l’application des dispositifs légaux nationaux en matière fiscale,
l’administration de la collecte des impôts et le respect des engagements internationaux
à cet égard;
10.3. à assurer une supervision et une révision en profondeur,
si nécessaire, de tous les projets d’accord fiscaux bilatéraux,
en particulier avec les juridictions adeptes du secret et les pays
considérés comme des paradis fiscaux, avant de les ratifier;
10.4. à légiférer au niveau national pour que les personnes
morales enregistrées dans des territoires offshore ne puissent mener
des activités commerciales dans le pays que si elles rendent publics
les noms de leurs membres fondateurs et des bénéficiaires finaux.
11. Convaincue que la conformité fiscale de la part de tous les
contribuables et les obligations de vigilance de la part de tous
les intermédiaires en matière fiscale sont essentielles pour promouvoir
la bonne gouvernance, la justice et la prospérité, l’Assemblée invite
les Etats membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à exercer davantage de pression, notamment à l’égard des
Etats qui ont une influence directe sur les juridictions adeptes
du secret et les paradis fiscaux identifiés dans ce rapport afin
de renforcer leur coopération en matière fiscale et d’éliminer progressivement
le secret bancaire fiscal;
11.2. à identifier et à éliminer les dispositions légales permettant
la détention de comptes anonymes, la tenue de comptabilité « hors
bilan » et les actions au porteur;
11.3. à veiller à ce que toutes les entités (notamment les fiducies
et les fonds) soient convenablement enregistrées et à ce que leur
bénéficiaire final soit connu publiquement, en particulier pour
ce qui est des flux de capitaux entrant ou sortant des pays européens
et de leurs territoires dépendants;
11.4. à veiller à ce que tous les registres d’entreprise divulguent
un ensemble d’informations standardisées concernant l’actionnariat
des entreprises, leurs organes de direction, leurs équipes dirigeantes
et leur contexte historique, et permettent l’accès en ligne à ces
données;
11.5. à soutenir les efforts visant à harmoniser la politique
européenne en matière de fiscalité des entreprises, par exemple
par l’adoption d’une base fiscale consolidée commune en tant que
première étape vers une taxation des bénéfices des entreprises multinationales
sur la base d’une formule prenant en compte la véritable substance
économique des activités (autrement dit le chiffre d’affaires des ventes,
les actifs investis et l’emploi) dans les divers pays où ces multinationales
opèrent;
11.6. à s’orienter vers l’échange automatique d’informations
en matière fiscale et à garantir la bonne utilisation de mécanismes
de sauvegarde pour la protection des données à caractère personnel, notamment
la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel (STE no 108) et son
Protocole additionnel concernant les autorités de contrôle et les
flux transfrontières de données (STE no 181), y compris avec leurs
partenaires économiques internationaux;
11.7. à élargir le champ d’action des cellules de renseignements
financiers au-delà des stratégies destinées à dépister les cas de
blanchiment d’argent, afin que ces cellules puissent également contribuer
à lutter contre l’évasion fiscale;
11.8. à renforcer la capacité des autorités fiscales nationales
– par des pouvoirs d’investigation étendus et davantage de formations
et de ressources – pour permettre des contrôles plus efficaces,
des poursuites et le rapatriement des fonds perdus par l’évasion
fiscale pratiquée par l’intermédiaire des juridictions adeptes du
secret, des paradis fiscaux et des centres financiers offshore;
11.9. à s’efforcer de renforcer la responsabilisation fiscale
des entreprises et une reddition de comptes financière plus approfondie
pour les grandes entreprises nationales et les compagnies multinationales, dans
tous les pays où elles opèrent;
11.10. à passer en revue leurs politiques en matière de prix
de transfert afin de réduire les occasions pour les sociétés multinationales
de manipuler la déclaration des bénéfices et de l’impôt dû;
11.11. à modifier les dispositions juridiques utilisées pour
contourner leurs dispositifs réglementaires nationaux, notamment
en matière d’exonérations fiscales, et pour échapper à la supervision
ou à la réglementation applicable en matière fiscale, tant au niveau
national qu’international;
11.12. à adhérer au Forum mondial sur la transparence et l’échange
d’informations à des fins fiscales, s’ils ne l’ont pas encore fait,
et à renforcer le processus en passant d’un examen par des pairs
à un examen par des experts;
11.13. à utiliser le Comité d’experts de la coopération internationale
en matière fiscale des Nations Unies comme le forum approprié à
la fois pour établir des normes et pour soutenir les pays en développement
dans leurs efforts pour contrer les pratiques fiscales abusives.
12. Enfin, l’Assemblée invite l’OCDE et la Commission européenne
à travailler ensemble pour optimiser les modèles fiscaux en place,
pour aider les pays en développement à contrer les prix de transfert
abusifs et pour maximiser les recettes fiscales dans les pays où
les multinationales exercent une part substantielle de leurs activités.