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Résolution 1881 (2012) Version finale

Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 avril 2012 (18e séance) (voir Doc. 12894, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Van der Maelen). Texte adopté par l’Assemblée le 27 avril 2012 (18e séance).

1. La solidité des systèmes fiscaux est la pierre angulaire des finances publiques; elle sous-tend la gouvernance démocratique, l’autorité publique, la stabilité macroéconomique et la cohésion sociale. Ce délicat équilibre repose sur la conformité fiscale de tous les contribuables (personnes physiques ou personnes morales). Il est extrêmement inquiétant que certaines activités menées par des juridictions adeptes du secret, des paradis fiscaux et des centres financiers offshore facilitent l’évitement fiscal et l’évasion et la fraude fiscales à grande échelle, ce qui pénalise gravement les intérêts publics des Etats membres du Conseil de l’Europe dans leur ensemble, ainsi que bon nombre d’autres pays, en particulier les pays en développement.
2. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’ampleur du système financier offshore, notamment les paradis fiscaux, et par son impact sur les finances publiques, la stabilité des marchés financiers et la société tout entière. Alors que tous les pays ont cédé une partie de leur souveraineté au profit de la mondialisation et de l’économie globale, s’attaquer aux distorsions mondiales entraînées par des pratiques fiscales dommageables ou prédatrices est à la fois une obligation morale et une cause commune.
3. Sous la pression d’une protestation publique de plus en plus forte, la coopération internationale s’est intensifiée, notamment au niveau du G20, pour s’attaquer aux causes profondes des problèmes posés par les paradis fiscaux: le secret bancaire, le manque de transparence et de surveillance publique effective, le dumping réglementaire, les dispositions fiscales prédatrices et les techniques comptables abusives au sein d’entreprises multinationales (notamment les prix de transfert abusifs). Toutefois, la situation est loin d’être satisfaisante et il reste encore des progrès à faire pour mettre fin aux échappatoires légales et aux zones grises, ainsi que pour veiller à une surveillance consolidée plus efficace du système financier offshore et des juridictions considérées comme des paradis fiscaux.
4. L’Assemblée invite donc la Banque des règlements internationaux (BRI), le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à intensifier leur action – en conjuguant leurs efforts chaque fois que possible – pour mesurer et analyser les flux financiers entrant et sortant des centres financiers offshore et des juridictions réputées être des paradis fiscaux, ainsi que leur interaction avec l’activité économique générale d’autres Etats.
5. L’Assemblée invite également le FMI et l’OCDE:
5.1. à renforcer la surveillance des régimes fiscaux de leurs Etats membres et à stimuler les améliorations visant à éliminer les pratiques fiscales dommageables;
5.2. à étudier les moyens de renforcer la responsabilité sociale et l’éthique des entreprises, et à faire des propositions pour définir plus clairement les responsabilités des entreprises multinationales envers la société dans tous les pays où elles opèrent;
5.3. à émettre des recommandations à l’intention de leurs Etats membres pour introduire une reddition de comptes pays par pays en vue d’une responsabilité fiscale accrue des entreprises et de la divulgation des informations financières (notamment sur les coûts, les bénéfices et les impôts payés) concernant les activités des compagnies multinationales dans tous les pays où elles opèrent et dans tous les secteurs commerciaux, à commencer par le secteur financier;
5.4. à envisager la possibilité de fixer des minima acceptables pour les taux d’imposition dans les paradis fiscaux afin d’atténuer les pertes infligées aux budgets nationaux.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée se réjouit de l’entrée en vigueur, en 2011, du Protocole d’amendement à la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STCE no 208) après son lancement en 2010. Le Conseil de l’Europe et l’OCDE devraient promouvoir avec détermination cet instrument, non seulement auprès de leurs Etats membres et des territoires dépendants de ces derniers, mais également parmi leurs partenaires économiques du reste du monde. De plus, ils pourraient ensemble évaluer la mise en œuvre de cette convention dans un proche avenir.
7. L’Assemblée se félicite des conclusions du Sommet du G20 à Cannes (3 et 4 novembre 2011), dans lesquelles les dirigeants des pays du G20 se sont engagés à signer la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STE n° 127) et son protocole d’amendement, ont fortement encouragé d’autres juridictions à adhérer à cette convention et ont décidé «d’envisager d’échanger des informations de manière automatique, sur la base du volontariat, en tant que de besoin, et comme le prévoit la convention».
8. D’autre part, l’Assemblée soutient fermement les mesures prises par l’Union européenne pour parvenir à une harmonisation progressive des pratiques fiscales dans ses Etats membres et, en particulier, les efforts visant à introduire un échange automatique d’informations pour certaines catégories de revenus et de capitaux à compter de 2015. Elle estime que ce processus pourrait être accéléré et que des efforts similaires devraient être entrepris par les pays non membres de l’Union européenne.
9. Dans le même esprit, l’Assemblée invite instamment les Etats membres de l’Union européenne à soutenir les efforts pour mettre en place des obligations de reddition de comptes pays par pays (notamment sur les coûts, les bénéfices et les impôts versés) en ce qui concerne les comptes des entreprises multinationales enregistrées ou opérant dans l’Union européenne. Cette pratique devrait progressivement être étendue à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’OCDE, ainsi qu’aux pays du G20.
10. Afin de placer les gouvernements face à leurs responsabilités en matière fiscale, l’Assemblée invite instamment les parlements nationaux:
10.1. à examiner les normes, politiques et procédures de collecte nationales en matière fiscale pour repérer les techniques artificielles de réduction fiscale qui, même si elles sont légales, ne sont pas éthiques, et à proposer des mesures législatives pour remédier aux distorsions ainsi détectées;
10.2. à surveiller étroitement les travaux des gouvernements sur l’application des dispositifs légaux nationaux en matière fiscale, l’administration de la collecte des impôts et le respect des engagements internationaux à cet égard;
10.3. à assurer une supervision et une révision en profondeur, si nécessaire, de tous les projets d’accord fiscaux bilatéraux, en particulier avec les juridictions adeptes du secret et les pays considérés comme des paradis fiscaux, avant de les ratifier;
10.4. à légiférer au niveau national pour que les personnes morales enregistrées dans des territoires offshore ne puissent mener des activités commerciales dans le pays que si elles rendent publics les noms de leurs membres fondateurs et des bénéficiaires finaux.
11. Convaincue que la conformité fiscale de la part de tous les contribuables et les obligations de vigilance de la part de tous les intermédiaires en matière fiscale sont essentielles pour promouvoir la bonne gouvernance, la justice et la prospérité, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à exercer davantage de pression, notamment à l’égard des Etats qui ont une influence directe sur les juridictions adeptes du secret et les paradis fiscaux identifiés dans ce rapport afin de renforcer leur coopération en matière fiscale et d’éliminer progressivement le secret bancaire fiscal;
11.2. à identifier et à éliminer les dispositions légales permettant la détention de comptes anonymes, la tenue de comptabilité « hors bilan » et les actions au porteur;
11.3. à veiller à ce que toutes les entités (notamment les fiducies et les fonds) soient convenablement enregistrées et à ce que leur bénéficiaire final soit connu publiquement, en particulier pour ce qui est des flux de capitaux entrant ou sortant des pays européens et de leurs territoires dépendants;
11.4. à veiller à ce que tous les registres d’entreprise divulguent un ensemble d’informations standardisées concernant l’actionnariat des entreprises, leurs organes de direction, leurs équipes dirigeantes et leur contexte historique, et permettent l’accès en ligne à ces données;
11.5. à soutenir les efforts visant à harmoniser la politique européenne en matière de fiscalité des entreprises, par exemple par l’adoption d’une base fiscale consolidée commune en tant que première étape vers une taxation des bénéfices des entreprises multinationales sur la base d’une formule prenant en compte la véritable substance économique des activités (autrement dit le chiffre d’affaires des ventes, les actifs investis et l’emploi) dans les divers pays où ces multinationales opèrent;
11.6. à s’orienter vers l’échange automatique d’informations en matière fiscale et à garantir la bonne utilisation de mécanismes de sauvegarde pour la protection des données à caractère personnel, notamment la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 108) et son Protocole additionnel concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données (STE no 181), y compris avec leurs partenaires économiques internationaux;
11.7. à élargir le champ d’action des cellules de renseignements financiers au-delà des stratégies destinées à dépister les cas de blanchiment d’argent, afin que ces cellules puissent également contribuer à lutter contre l’évasion fiscale;
11.8. à renforcer la capacité des autorités fiscales nationales – par des pouvoirs d’investigation étendus et davantage de formations et de ressources – pour permettre des contrôles plus efficaces, des poursuites et le rapatriement des fonds perdus par l’évasion fiscale pratiquée par l’intermédiaire des juridictions adeptes du secret, des paradis fiscaux et des centres financiers offshore;
11.9. à s’efforcer de renforcer la responsabilisation fiscale des entreprises et une reddition de comptes financière plus approfondie pour les grandes entreprises nationales et les compagnies multinationales, dans tous les pays où elles opèrent;
11.10. à passer en revue leurs politiques en matière de prix de transfert afin de réduire les occasions pour les sociétés multinationales de manipuler la déclaration des bénéfices et de l’impôt dû;
11.11. à modifier les dispositions juridiques utilisées pour contourner leurs dispositifs réglementaires nationaux, notamment en matière d’exonérations fiscales, et pour échapper à la supervision ou à la réglementation applicable en matière fiscale, tant au niveau national qu’international;
11.12. à adhérer au Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, s’ils ne l’ont pas encore fait, et à renforcer le processus en passant d’un examen par des pairs à un examen par des experts;
11.13. à utiliser le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies comme le forum approprié à la fois pour établir des normes et pour soutenir les pays en développement dans leurs efforts pour contrer les pratiques fiscales abusives.
12. Enfin, l’Assemblée invite l’OCDE et la Commission européenne à travailler ensemble pour optimiser les modèles fiscaux en place, pour aider les pays en développement à contrer les prix de transfert abusifs et pour maximiser les recettes fiscales dans les pays où les multinationales exercent une part substantielle de leurs activités.