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Rapport | Doc. 12953 | 08 juin 2012

L'utilisation des migrants et des réfugiés pendant les campagnes électorales

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Daphné DUMERY, Belgique, NI

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12373 du 8 octobre 2010. 2012 - Troisième partie de session

Résumé

Les événements récents ont montré que les migrants et les réfugiés sont devenus des enjeux électoraux pour certains partis politiques, contribuant ainsi à une augmentation des manifestations de xénophobie.

Ces réactions négatives, qui résultent notamment du sentiment de perte de contrôle des migrations, de la peur de la différence et de la crise économique, sont reprises également par les médias, ainsi que par internet et les réseaux sociaux, dans leur diffusion de l’image des migrants et de leurs descendants.

Le rapport recommande, entre autres, la mise en place d’une politique de communication sur la réalité des flux migratoires, la promotion de débats politiques ouverts et responsables, il encourage les médias à utiliser des formulations plus équilibrées et justes, et recommande de développer et de renforcer le rôle des commissions électorales afin de sanctionner les responsables politiques en cas d’inconduite avant ou pendant les élections électorales.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 1er juin
2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle que l’Europe a un long passé en termes d’émigration, et que face à une population vieillissante, elle se trouve partagée entre la nécessité d’accueillir des immigrants et la crainte de les voir éroder petit à petit certaines traditions et pratiques culturelles des sociétés européennes.
2. L’Assemblée est d’avis que la montée de la xénophobie met en cause les principes démocratiques et le respect de la dignité humaine.
3. Bien que les Etats membres du Conseil de l’Europe se soient déjà dotés de recours juridiques pour lutter contre la xénophobie et les discours racistes, l’Assemblée estime qu’il est nécessaire de mettre en place une véritable stratégie de lutte contre la xénophobie, notamment pendant les campagnes électorales.
4. Pendant les campagnes électorales, certains candidats et certains partis politiques présentent souvent les migrants et les réfugiés comme une menace et un fardeau pour la société, ce qui entraîne une augmentation des réactions négatives de l’opinion publique face à l’immigration et aux immigrants.
5. Ces réactions négatives sont associées à des facteurs tels que le sentiment de perte de contrôle des migrations, la peur des différences, l’effondrement du marché de l’emploi et un sentiment d’insécurité diffus.
6. Ces facteurs sont ainsi devenus des enjeux électoraux pour certains partis politiques qui contribuent non seulement à une augmentation des manifestations de xénophobie mais également à la montée des partis populistes xénophobes, qui s’inscrivent de plus en plus dans un mouvement de radicalisation des politiques publiques antimigratoires.
7. L’Assemblée constate que les médias jouent un rôle primordial et ont une grande responsabilité dans la construction de l’image des migrants et de leurs descendants.
8. Elle note également qu’internet et les réseaux sociaux jouent un rôle grandissant dans la diffusion d’attitudes xénophobes et anti-immigrants.
9. L’Assemblée souhaite aussi attirer l’attention sur le caractère biaisé de certains sondages d’opinion dont les résultats et la complexité des enjeux ne reflètent pas toujours l’ensemble de l’opinion publique, ce qui peut être contreproductif, surtout pour les questions liées aux migrants et à la migration.
10. En conséquence, l’Assemblée recommande aux Etats membres ainsi qu’aux Etats observateurs, et en particulier aux parlements:
10.1. de prendre des mesures visant:
10.1.1. à la mise en place d’une politique de communication sur la réalité des flux migratoires fondée sur les valeurs des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie;
10.1.2. à veiller à ce que les migrants puissent s’intégrer pleinement dans la société d’accueil en les aidant, entre autres, à apprendre la langue locale et les coutumes et les lois du pays d’accueil;
10.1.3. à la réduction des entrées irrégulières et à l’aide au retour des migrants en situation irrégulière, ou à la régularisation pour ceux qui ne peuvent plus et ne pourront plus renvoyés;
10.1.4. à la mise en œuvre de mesures visant à empêcher les employeurs de mettre à mal les normes de rémunération et de travail;
10.1.5. à mettre en œuvre une politique de lutte contre la discrimination;
10.2. de promouvoir, le cas échéant, des débats politiques ouverts et équilibrés sur la question des migrations, afin de répondre au mieux aux questions et aux préoccupations du public et de combattre toutes les idéologies xénophobes;
10.3. d’encourager les responsables politiques à assumer leurs responsabilités lors des débats sur les questions de migrations et de combattre la rhétorique et l’idéologie xénophobes;
10.4. d’encourager les médias à utiliser des formulations factuellement correctes, équilibrées et justes en leur fournissant des données et des statistiques appropriées;
10.5. d’élaborer des lignes directrices pour les sondages d’opinion et tous les exercices de démocratie directe, afin d’éviter tout parti pris;
10.6. de développer et de renforcer le rôle des commissions électorales afin qu’elles puissent sanctionner les responsables politiques en cas d’inconduite avant ou pendant les élections;
10.7. d’encourager les autorités locales et régionales à travailler plus étroitement avec les communautés de migrants afin de parvenir à une meilleure compréhension mutuelle;
10.8. de faire une analyse objective de l’impact des stratégies politiques des partis populistes et xénophobes radicaux.

B. Exposé des motifs, par Mme Dumery, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Il est devenu d’usage courant dans beaucoup de pays que certains partis politiques utilisent les migrants et les réfugiés pendant les campagnes électorales en argumentant qu’ils représentent une menace pour les valeurs, le mode de vie et l’identité des peuples autochtones. Ces partis politiques s’inscrivent ainsi dans un mouvement de radicalisation des politiques publiques antimigratoires et, par là même, de remontée de la xénophobie, voire du racisme, dans les politiques européennes.
2. La xénophobie est décrite, en général, comme «une peur maladive des étrangers ou des pays étrangers». Il s’agit en fait d’une sorte de répulsion vis-à-vis des personnes que l’on ne connaît pas ou qui sont originaires d’un pays étranger. La xénophobie est un sentiment, ou une vision des choses, fondé sur des stéréotypes fabriqués par la société et non pas sur des faits rationnels.
3. Les étrangers, et en particulier les migrants, sont présentés comme un fardeau pour la société et doivent faire face à de multiples formes de violence et de préjugés.
4. Un certain nombre de facteurs ont ainsi contribué à un regain de manifestations de xénophobie et de campagnes contre les immigrants ou, tout simplement, contre les étrangers. Un des facteurs les plus importants est celui de la crise économique et financière et de l’effondrement du marché de l’emploi. Ce à quoi viennent s’ajouter, également, et à la suite notamment des différents attentats terroristes, un sentiment d’insécurité et de peur de l’avenir, mais également un lien entre criminalité et migrants, et ce, malgré les conclusions et les statistiques menées par la police qui montrent le caractère artificiel de cet amalgame.
5. Nul besoin de rappeler que l’Europe a un long passé en termes d’émigration mais n’est devenu un continent d’immigration qu’il y a quelques dizaines d’années. Les populations européennes vieillissantes sont partagées entre la nécessité d’accueillir les immigrants aux fins de préserver leur Etat providence et la crainte de voir l’afflux d’immigrants détruire l’identité culturelle des sociétés européennes. Cet état de fait a contribué à l’émergence de ce qu’on appelle communément la «majorité menacée» en tant que principale force politique sur la scène européenne
6. Les inquiétudes liées à la migration sont ainsi devenues une excuse pour masquer les peurs et les incertitudes de la population face aux problèmes décrits ci-dessus.
7. Les campagnes électorales ont donc pu servir de plate-forme aux mouvements et aux partis politiques extrémistes pour promouvoir des opinions racistes, xénophobes et hostiles aux immigrants. Les partis xénophobes qui ont émergé ou conforté de manière sensible leur assise lors des récentes élections et qui ont fait leur entrée au sein des parlements nationaux ou du Parlement européen se sont servis de ces différents facteurs et ont proposé une politique très dure à l’égard des migrants et des réfugiés.
8. Dans certains pays européens, les récentes percées électorales des partis xénophobes ont bouleversé le paysage politique dans la mesure où les autres partis ne sont pas parvenus à dégager des majorités stables et ont de ce fait été incités à former des coalitions ou à accepter de coopérer. Tous ces exemples de rapprochement ont conduit à une légitimation de la position et du rôle des extrémistes. L’opposition à l’immigration étant un élément central commun à l’ensemble de ces partis, les responsables de partis traditionnels et les gouvernements coopérant avec eux ou menant campagne en se fondant sur des idées populistes xénophobes susceptibles de rapporter des voix ont été encouragés à durcir leurs politiques et leurs discours sur les migrations et les migrants, contribuant ainsi à leur tour à la diffusion de comportements xénophobes et racistes. Dans certains pays, la résistance populaire au racisme et à la xénophobie s’est d’ailleurs considérablement affaiblie ces dernières années.

2. Terminologie

9. La rapporteure souhaite rappeler que l’expression «populisme radical» constitue l’idéologie sous-jacente des nouveaux partis racistes et xénophobes émergeant en Europe. Les partis concernés sont en général étiquetés à droite, voire à l’extrême droite, de l’échiquier politique et il est vrai que certains éléments les relient aux mouvements néonazis ou néofascistes «traditionnels» de l’Europe de l’après seconde guerre mondiale. Le terme «populisme» est souvent employé de manière très vague et est utilisé pour opposer le «peuple» à «l’élite», en appelant à des changements d’ordre social ou à une mobilisation politique. La rapporteure propose d’employer, par conséquent, les expressions «populisme xénophobe» et «partis populistes xénophobes» afin de clairement différencier ces partis de ce que l’on entend traditionnellement par «populisme».
10. Afin de réunir le plus d’informations possible et d’analyser au mieux les développements et les tendances sous-jacentes, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a organisé une audition à Corfou (Grèce), le 2 juin 2011. La rapporteure a également effectué des visites à Copenhague et à Stockholm afin de s’entretenir avec des parlementaires, des organisations non gouvernementales (ONG) et des médias, et de recueillir des informations auprès d’eux en ce qui concerne les facteurs contribuant à la montée en force des discours de nature xénophobe ou hostiles aux migrants, ainsi que les mécanismes et les dispositions en vigueur dans les Etats membres du Conseil de l’Europe pour combattre l’extrémisme, la discrimination raciale et les discours de haine, notamment lors des campagnes électorales.
11. Le présent rapport vise à essayer de proposer des recommandations susceptibles d’aider les membres de l’Assemblée parlementaire et les décideurs politiques sur la manière de présenter les migrants et les demandeurs d’asile sous un angle politique plus positif mais également plus réaliste.

3. Les facteurs contribuant au développement de sentiments hostiles aux migrants

3.1. La peur de l’avenir

12. Un certain nombre de facteurs contribuent à un regain de manifestations de xénophobie et de campagnes contre les immigrants, ou tout bonnement contre les «étrangers». L’un des facteurs les plus importants est celui de la peur qui est véhiculée par un grand nombre de politiques européennes. Les conséquences de la crise économique, les profonds changements sociaux et démographiques et l’expansion des migrations, ainsi que, plus spécifiquement, le rythme soutenu des changements qui font perdre le contrôle de la vie et de la transformation de l’identité même des communautés, sont autant de facteurs favorisant l’essor des sentiments hostiles aux migrants. Le grand public a perdu confiance en la capacité des gouvernements à faire face et à gérer efficacement ces changements et constate que les Etats et les partis politiques de tous bords n’ont pour ainsi dire aucune idée de ce que devrait être l’avenir de l’Europe. La peur de l’immigration est ainsi devenue un élément déterminant pas seulement dans les Etats membres mais également au niveau de l’Union européenne.

3.2. Le sentiment de perte de contrôle

13. Le sentiment de perte de contrôle, initialement généré par la mondialisation et renforcé par l’effondrement des économies et des marchés de l’emploi nationaux, se traduit dans certains cas par un désir de frontières bien marquées et de restrictions d’accès – souhait que les responsables politiques ne devraient pas sous-estimer. Dans un contexte caractérisé par des millions de travailleurs sans emploi, dont une part disproportionnée d’immigrants, les pressions exercées par les populistes xénophobes font naître des idéologies fondées sur la désignation de boucs émissaires.

3.3. Les attentats terroristes

14. Au lendemain des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et des actes terroristes perpétrés ultérieurement en Europe, l’islamophobie est devenue un facteur d’unification des parlementaires d’extrême droite et des populistes xénophobes qui remportent aujourd’hui un plus grand succès électoral en Europe que les partis antisémites. L’influence et la propagande politiques de ces partis ont poussé sur une voie similaire de nombreux partis traditionnels et de coalition au pouvoir. La discrimination envers les musulmans fait désormais partie du climat politique, et les demandeurs d’asile et les migrants sont pris au piège dans le discours général d’intolérance et de rejet de «l’autre», de «l’étranger».

3.4. Les partis populistes xénophobes

15. Dans les Etats d’Europe du Nord et de l’Ouest, la montée des partis populistes xénophobes a coïncidé avec le déclin des puissants partis sociaux-démocrates et de leurs idéologies fondées sur l’égalitarisme et les droits. Les récentes initiatives visant à «moderniser» les appels lancés par ces partis à leur électorat ont ancré de nouvelles approches d’exclusion orientées vers une immigration «gérée» plus restrictive, accompagnées d’un rejet commun du multiculturalisme entraînant ainsi une séparation des communautés plutôt qu’une intégration des individus.
16. Enfin, la nouvelle stratégie de relations publiques visant à redorer l’image des partis populistes xénophobes a permis de conférer à ces derniers un certain respect et de renforcer ainsi leur puissance et leur influence. Ces groupes ont également appris à mettre à profit les procédures démocratiques pour défendre leur propre cause. Par l’intermédiaire de campagnes et de manifestations ambitieuses en faveur de la liberté d’expression, l’extrême droite se pose de plus en plus en ardent défenseur de la démocratie et cherche à jouer des craintes des citoyens européens pour promouvoir leur «cause» en apportant des réponses simples à des défis sociaux complexes. En plaçant l’accent sur les problématiques et activités liées à la famille, ils ont réussi à toucher des électeurs, et notamment un nombre croissant de femmes.
17. Les événements tragiques qui se sont déroulés en Norvège le 22 juillet 2011 ont braqué les projecteurs sur les activités des militants extrémistes. Une autre souche de militants d’extrême droite, émergeant de la «politique de rue» et de la culture «skinhead», est souvent à l’origine d’attaques violentes (y compris d’agressions physiques) contre des personnes, des mosquées, des synagogues, des cimetières, ou des biens et commerces appartenant à des groupes minoritaires et des migrants. Cette politique de rue est fondée sur des campagnes recourant aux stéréotypes et à de fausses accusations présentant les migrants et demandeurs d’asile comme des «terroristes musulmans» ou «des criminels étrangers».
18. D’autres exemples proviennent du mouvement skinhead russe, qui comptait, selon le Centre Sova, près de 70 000 adeptes en 2009 (71 personnes ont été tuées et 333 blessées lors d’agressions racistes cette année-là). Le mouvement hongrois Jobbik a remporté un succès considérable en quelques années. Lors des élections législatives de 2010, le parti a recueilli 16,6% des voix, obtenant ainsi 47 sièges. Il dispose même d’une branche paramilitaire, la Garde hongroise, forte réminiscence du parti des Croix fléchées des années 1940. Jobbik a également instauré une coopération entre plusieurs partis xénophobes d’Europe. En octobre 2009, une alliance d’extrême droite, l’Alliance des mouvements nationaux européens (AEMN), a été formée.
19. Certains partis fondent leur idéologie sur le nationalisme et le régionalisme ethniques ou «nativistes», cherchant à redéfinir les droits de citoyenneté et de résidence et à les restreindre aux populations autochtones réelles ou imaginaires. Le dénominateur commun de tous ces partis est leur insistance, durant les campagnes, sur la «pression culturelle» que les migrants et les demandeurs d’asile font peser sur les pays d’accueil. Les programmes et politiques de ces partis et de leurs représentants mettent en avant les restrictions sévères à imposer à l’immigration. Ils sont d’avis que l’Etat providence ne peut survivre dans les pays d’immigration et, dans leurs discours électoraux, reprochent aux migrants et demandeurs d’asile de tirer indûment profit des avantages sociaux, du droit au logement et des soins de santé, auxquels seuls les «vrais» citoyens devraient pouvoir prétendre.

4. Mécanismes et dispositions en vigueur dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et au Conseil de l’Europe

20. Cette montée de la xénophobie est en train d’affecter et d’éroder les principes démocratiques ainsi que le respect et la dignité humaine de l’être humain. Que ce soit au niveau international ou au niveau des Etats membres du Conseil de l’Europe, il existe un grand nombre d’instruments juridiques qui, bien utilisés, devraient permettre de revenir aux valeurs préconisées par notre Organisation et de mettre en place, en conséquence, une véritable stratégie de lutte contre la xénophobie, en particulier au moment des campagnes électorales, période très souvent sensible au cours de laquelle les arguments les plus forts sont utilisés pour convaincre les citoyens.

4.1. Au niveau national

21. Les Etats membres se sont déjà dotés de recours juridiques pour lutter contre les campagnes électorales racistes ainsi que de lois contre l’incitation à la haine raciale, le déni de l’Holocauste ou les attaques manifestes contre les religions. L’expérience récente montre que les corps législatifs disposent encore d’une marge de manœuvre pour réviser et renforcer la législation existante, son fonctionnement ainsi que les sanctions dont sont passibles les hommes politiques qui méprisent ces principes juridiques. Il existe également des commissions ou comités électoraux, des tribunaux électoraux ou des organes de régulation qui peuvent infliger des sanctions aux responsables politiques en cas d’inconduite avant ou pendant les élections.
22. Les Etats membres sont liés par un certain nombre de traités internationaux. Par exemple, l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR) et l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies (PIDCP) demandent que les Etats veillent à ce que la législation nationale érige en infraction passible de sanctions pénales l’incitation à la discrimination raciale ou la diffusion d’idées stigmatisant tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique.
23. En Europe, les partis politiques démocratiques ont exprimé solennellement leur soutien au principe de non-discrimination et à la lutte contre le racisme dans le discours politique par la signature, en février 1988, de la Charte des partis politiques pour une société non raciste, par laquelle les Etats s’engagent, entre autres, à défendre les droits de l’homme fondamentaux (rejet de la violence raciste, de l’incitation à la haine et de la persécution raciales ou de toute autre forme de discrimination raciale), à refuser de publier toutes positions susceptibles d’encourager les préjugés racistes ou autres, à traiter de manière équitable et responsable les thèmes dits sensibles, à refuser de coopérer avec tout parti politique incitant à la haine raciale.

4.2. Au niveau européen

24. Le Conseil de l’Europe a également adopté un certain nombre de textes sur le discours de haine et sur la nécessité de l’ériger en infraction pénale. Par la Recommandation no R (97) 20 du Comité des Ministres sur le discours de haine, il est rappelé que ces termes couvrent «toutes formes d’expression qui propagent, incitent, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haines fondées sur l’intolérance, y compris l’intolérance qui s’exprime sous forme de nationalisme agressif et d’ethnocentrisme, de discrimination et d’hostilité à l’encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues de l’immigration».
25. En 2008, le Conseil de l’Europe a lancé sa campagne antidiscrimination 2008-2010 et a publié un manuel sur le discours de haine qui fait un état des lieux de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur le sujet. Ce manuel pose certaines limites à la liberté d’expression, notion qui peut varier selon le contexte dans lequel sont faites les déclarations, la qualité des personnes à l’origine de la déclaration (politiciens, journalistes, fonctionnaires), les instruments utilisés (presse, télévision) et l’incidence potentielle de ces déclarations. Il ne faut pas oublier en effet que bien souvent l’extrémisme politique et le discours de haine essaient de manipuler le droit à la liberté d’expression pour faire passer leurs arguments. Or, la liberté d’expression, telle que consacrée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), n’est cependant pas un droit absolu. Comme cela est stipulé dans la Résolution 1345 (2003) de l’Assemblée sur le discours raciste, xénophobe et intolérant en politique, ce droit à la liberté d’expression «peut être limité par des intérêts publics concurrents, notamment la prévention des troubles à l’ordre public, la protection des principes moraux et celle des droits d’autrui. Ces droits et libertés peuvent ainsi être soumis à des limitations lorsqu’ils sont exercés de façon à causer, à inciter, à promouvoir, à préconiser, à encourager ou à justifier le racisme, la xénophobie ou l’intolérance».
26. Plus récemment, le 1er juillet 2009, le Comité des Ministres a adopté une «Déclaration sur les droits de l’homme dans des sociétés culturellement diverses» où il souligne, notamment, la nécessité d’une action résolue contre toute forme de discrimination, afin de préserver et de promouvoir une société démocratique fondée sur le respect de la diversité. La déclaration en appelle également aux dirigeants politiques pour qu’ils veillent à s’exprimer et à se conduire de manière à promouvoir le dialogue et à respecter les droits de l’homme.
27. De plus, en 2005, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a publié une Déclaration sur l’utilisation d’arguments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique, par laquelle elle indique expressément que ce type de discours «contamine» de plus en plus les discours politiques traditionnels et apparaît plus particulièrement dans les discussions concernant l’immigration et l’asile, ainsi que dans le discours véhiculant une image déformée de l’islam, destinée à faire percevoir cette religion comme une menace ou à encourager les sentiments antisémites.
28. En 2011, le Conseil de l’Europe a constitué un Groupe d’éminentes personnalités chargé de préparer un rapport sur le thème «Vivre ensemble». Ce groupe s’est également penché sur les points traités dans le présent rapport.
29. Le rapport du Groupe d’éminentes personnalités précise également que ces nouveaux partis «bénéficient d’une base beaucoup plus large, touchant pratiquement toutes les strates de la société, quels que soient le niveau d’éducation, le sexe ou le statut. Ils peuvent attirer pratiquement quiconque a l’impression que son revenu et son mode de vie sont menacés par la crise économique, et par l’immigration. En fait, certains de ces partis combinent ces positions xénophobes avec un appel au libéralisme social, à la défense de l’Etat providence, et, en apparence, à des politiques économiques de gauche (…). En Europe de l’Ouest, l’hostilité à l’immigration est leur thème commun. Dans bon nombre de pays d’Europe centrale et orientale, ce type d’anxiété trouve son exutoire dans des boucs émissaires que sont les Roms, et parfois d’autres minorités nationales, y compris les Juifs».
30. Comme on peut le constater au vu de ce qui précède, les Etats membres du Conseil de l’Europe, et notamment les gouvernements, ne sont pas restés sans réaction face à ce phénomène. Malgré cela et malgré les textes en vigueur, il y a encore un facteur très important, à savoir l’attitude du public, qui a évolué au fil des ans, mais également l’attitude des gouvernements eux-mêmes.
31. L’on pourrait citer, à titre d’exemple, celui de l’Autriche où la participation du Parti autrichien de la liberté (FPÖ) à la coalition gouvernementale de centre droit en 1999 avait entraîné la suspension temporaire de l’Autriche des programmes de l’Union européenne et des délibérations des Etats membres. Mais cette situation a évolué et l’Europe s’est, de nos jours, habituée à la présence de partis racistes au sein de son système parlementaire. Au Danemark, la coalition gouvernementale minoritaire a coopté le Parti populaire danois (PPD), xénophobe, au cours des dix dernières années. Les Pays-Bas ont suivi la même voie et l’entrée d’anciens néo-fascistes au sein du Gouvernement italien n’a guère suscité de réaction.

4.3. Les stratégies de lutte contre l’extrémisme et la xénophobie

32. Il n’y a pas de réponse simple à la question de savoir jusqu’où aller dans l’interaction politique avec les partis populistes xénophobes radicaux. Les expériences européennes sont diverses et variées, allant de l’ignorance ou de l’exclusion délibérée de ces partis des affaires politiques (comme en Suède) à la mise en place d’un «cordon sanitaire» (comme en Belgique ou en France), de la coopération partielle (au Danemark et aux Pays-Bas) à la coopération pleine et entière (comme avec le FPÖ en Autriche, qui fait partie du gouvernement, ou les partis radicaux d’extrême droite qui ont été intégrés au gouvernement). Malheureusement, nous ne disposons pas d’assez de recul pour analyser l’impact de ces stratégies sur la situation des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés ainsi que la perception que peut avoir le public de ces personnes. Votre rapporteure estime en conséquence qu’il est nécessaire de procéder très rapidement à une analyse objective de cet impact.
33. En revanche, la stratégie visant à discréditer les partis extrémistes en leur confiant des responsabilités politiques s’est en fait soldée par des concessions à leur égard et aux idéologies qu’ils prônent. Ainsi, au Danemark, le Parti populaire danois, antimusulman et anti-européen, a joué un rôle décisif et forcé l’adoption de dizaines de nouvelles lois restreignant l’immigration.
34. La stratégie mise en œuvre par des acteurs plus centristes pour contrôler l’ordre du jour des partis populistes xénophobes en promouvant eux-mêmes un programme similaire (ce que les politologues appellent la «triangulation»), notamment sur des questions telles que le renforcement du contrôle de l’immigration et la criminalisation des migrations irrégulières, ne s’est pas révélée plus payante. Cette stratégie transparaît dans les récents discours politiques et gouvernementaux rejetant l’idée d’une population multiculturelle et diversifiée, notamment en période électorale.
35. Les stratégies d’exclusion politique ou de «cordon sanitaire» n’ont fait la preuve de leur efficacité que dans quelques rares circonstances, lorsqu’elles ciblaient de petits partis. Dès que ces derniers prennent une certaine envergure se pose la question de leur participation, et les partis démocratiques sont amenés à travailler avec les partis xénophobes. Cette forme de collaboration pourrait aboutir à minimiser les discours xénophobes ou racistes que ces partis pourraient diffuser.
36. Dans d’autres pays d’Europe, des mesures exemplaires ont été prises pour informer l’opinion publique de l’ordre du jour haineux des partis racistes. Ainsi, en Suède, lors de la campagne pour les élections législatives de 2010, tous les partis traditionnels se sont engagés à ne pas chercher le soutien du Parti des démocrates suédois. Les deux principaux blocs politiques considéraient les démocrates comme xénophobes, prônant des idées incompatibles avec les notions habituelles d’égalité des personnes quelle que soit leur origine nationale ou ethnique ou leur religion. Au cours de la campagne électorale, les partis déjà représentés au Parlement suédois, tout comme les chaînes suédoises de télévision, ont exclu les démocrates suédois des débats politiques télévisés. Cela n’a pas empêché ces derniers de remporter 20 sièges (5,7 % des voix) au parlement. Ils ont toutefois été marginalisés et n’ont aucun droit de regard sur les décisions politiques. Après les élections, les partis de la coalition et de l’opposition ont signé un accord par lequel ils s’engagent à mener une politique d’immigration encore plus ouverte et accueillante pour les migrants.
37. Dans ce contexte, il y a un facteur qui est encore plus déterminant que d’autres, c’est celui du rôle joué par les médias. Ce rôle se révèle crucial, notamment au moment des campagnes électorales car l’image des migrants et des demandeurs d’asile qui sera donnée aux citoyens et aux électeurs dépendra en grande partie de la manière dont elle sera présentée dans les médias.

5. Le rôle des médias, des sondages d’opinion et des référendums dans la construction de l’image des migrants et des demandeurs d’asile

5.1. Les médias, internet et les réseaux sociaux

38. Les médias ont une grande responsabilité dans la construction de l’image des migrants et de leurs descendants. La presse, la télévision et désormais internet amplifient les messages des responsables politiques en période électorale. Ces derniers citent fréquemment des messages véhiculés par les médias et les présentent comme des opinions populaires avérées, minimisant le fait que les médias ont leurs propres ordres du jour, guidés par leurs propriétaires ou le soutien accordé à certains partis politiques.
39. A l’évidence, les représentants des partis démocratiques ne sont pas les seuls à jouer du puissant impact des médias sur l’opinion publique et le débat politique. Des acteurs de l’extrême droite sont apparus comme de véritables professionnels des médias dans beaucoup de pays. Certains spécialistes avancent que la rhétorique d’extrême droite véhicule davantage de passion et d’émotion, et qu’elle est plus facilement reprise par les médias toujours avides de drame et de conflit, alors que les hommes politiques modérés se contentent souvent de réagir aux messages de leurs opposants plutôt que de délivrer efficacement le leur. Les médias pèsent fortement sur les différentes tendances politiques, notamment dans les pays où des acteurs politiques individuels exercent une influence sur la presse et les chaînes de télévision, comme c’est le cas en Italie et en Bulgarie.
40. Les responsables des partis traditionnels eux-mêmes cèdent souvent aux stéréotypes et au racisme «de bon sens» dans les propos qu’ils tiennent dans les médias lors des campagnes électorales, créant ainsi un climat de peur et rendant le débat plus grossier. D’une certaine manière cependant, les médias agissent en tant qu’acteurs sociaux indépendants et non en qualité de simples organes de diffusion reflétant les préoccupations de notre temps, et doivent être considérés comme tels. Ils fixent et font progresser l’ordre du jour sur les questions d’immigration, mais sont aussi le miroir des débats engagés dans l’opinion publique et les cercles politiques. Ils se sont crus autorisés à diaboliser les immigrés et autres minorités, non seulement en se faisant l’écho des anxiétés et des mythes circulant sur ces groupes au sein de la population, mais en contribuant activement à les accentuer en mettant en valeur des «scandales» réels ou supposés en matière de criminalité et de fraude à la sécurité sociale, tout en accusant les autorités de couvrir ces scandales ainsi que d’autoriser beaucoup trop d’étrangers dans le pays.
41. Certains Etats européens ont fixé des limites au langage et aux messages que les médias peuvent employer, dans le but de protéger les minorités et les migrants. La plupart disposent d’organes de régulation ou de procédures de recours, qui se sont malheureusement souvent révélés inefficaces pour défendre les droits des migrants et des demandeurs d’asile et qu’il convient à l’évidence de revoir.
42. Les nouveaux médias, et notamment internet et les réseaux sociaux, jouent un rôle grandissant dans la dissémination d’attitudes xénophobes et anti-immigrants. Un large éventail de médias d’extrême droite hautement professionnels s’est développé à cette fin. En l’absence de régulation, il est difficile de limiter ou d’éviter leur présence et leurs activités. A titre d’exemple, un clip vidéo particulièrement antimusulman a été diffusé par les démocrates suédois avant les élections de 2010. Rejeté par les chaînes de télévision traditionnelles, il a bénéficié d’une audience record sur YouTube. D’un autre côté, internet et notamment les réseaux sociaux pourraient être davantage utilisés comme «contre-plate-forme» ou vecteur plus efficace d’échange et de communication dans les actions de lutte contre le racisme.
43. Dans ce contexte, il est bon de rappeler que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, le 22 février 2012, a appelé le Gouvernement néerlandais à clarifier sa position au sujet d’un site web qui a été largement jugé xénophobe car il sollicitait et diffusait des informations négatives au sujet des citoyens des pays d’Europe centrale et orientale qui travaillent aux Pays-Bas. Dans sa lettre au gouvernement, le Secrétaire Général, tout en soulignant le droit à la liberté d’expression, avait émis des doutes au sujet de ce site et avait exprimé sa préoccupation quant au fait que ce site était hébergé par un parti politique lié à la coalition au gouvernement.

5.2. Les sondages d’opinion

44. Dans toute l’Europe, devant les contestations que soulève leur traitement des questions relatives aux migrants et aux demandeurs d’asile dans leurs campagnes électorales, les hommes politiques mettent en avant les sondages d’opinion, qu’ils présentent comme l’écho du point de vue de leurs électeurs, et prétendent se contenter de refléter et non de créer l’intolérance en période électorale. Votre rapporteure souhaite cependant attirer l’attention sur le fait que le résultat des sondages d’opinion varie souvent selon le panel qui a été contacté et de l’âge des personnes qui ont été interrogées ainsi que de leur niveau d’instruction et de leur milieu social.
45. L’influence politique des discours et de la rhétorique racistes visant les migrants et les minorités est probablement la plus visible dans les campagnes des partis populistes xénophobes menées à l’occasion de référendums, de plébiscites, d’initiatives citoyennes ou de pétitions, une autre façon officielle de faire entendre la «voix» du peuple. Les recherches menées par le parlement en Irlande, soumis à un devoir constitutionnel de tenir des référendums, ont démontré que les campagnes référendaires ont un impact plus fort sur les résultats que les campagnes électorales.
46. En Suisse, en 2009, il a été avancé que la consultation nationale sur les minarets avait révélé la «véritable voix» du peuple. Les faits montrent qu’en Suisse les partis et groupes d’extrême droite qui parrainent les référendums fédéraux et locaux entretiennent depuis de nombreuses années la question de la surpopulation étrangère (Uberfremdung) dans leur discours politique. Les référendums ont été le principal vecteur permettant aux groupes d’extrême droite de développer leur organisation et leurs méthodes de propagande. A ce titre, la Suisse est un véritable cas d’école, démontrant comment les partis populistes xénophobes construisent et politisent ce qu’ils appellent un «problème d’immigration» aux fins d’augmenter leur pouvoir et d’exercer une influence décisive sur la politique en matière de migration, de citoyenneté et d’intégration. Le cas de la Suisse laisse entrevoir que l’action des responsables politiques œuvrant à l’instauration d’un climat politique hostile à l’immigration grâce aux campagnes électorales et référendaires a souvent plus de poids que la présence effective de migrants dans un pays ou la vision réelle qu’a la population de l’immigration et des migrants.
47. Les plébiscites et référendums récents soulèvent des questions importantes quant à l’exercice, à bon ou mauvais escient, de la démocratie directe. Dans les 27 pays de l’Union européenne, le règlement relatif à l’Initiative citoyenne européenne (ICE), présenté comme le «premier instrument transnational de démocratie participative dans l’histoire mondiale», est entré en vigueur le 1er avril 2012. L’ICE a pour objet d’encourager les citoyens européens à formuler des requêtes à propos de politiques les concernant. L’expérience récente a fait naître le risque de voir des responsables et des partis politiques de pays membres continuer d’autoriser ou d’encourager les décisions de «démocratie directe» contrevenant aux obligations conventionnelles des Etats et aux droits de l’homme fondamentaux des migrants et des minorités. La mise en œuvre de l’ICE s’accompagnera de lignes directrices claires pour empêcher ce détournement de l’initiative.

6. Conclusions et recommandations

48. Les réactions négatives des opinions publiques face à l’immigration et aux immigrants prennent de l’ampleur partout en Europe, tout comme le manque de confiance dans la capacité des gouvernements à gérer correctement le flux des personnes et l’incidence des immigrants sur l’emploi, les services publics et l’espace civique. Une bonne partie de la population européenne souhaite que les gouvernements parviennent à mettre en place des flux plus stables, prévisibles et généralement plus restreints de migrants en situation régulière, et qu’ils réduisent significativement les entrées irrégulières. Par ailleurs, elle souhaite que les employeurs sans scrupule soient empêchés de mettre à mal les normes de rémunération et de travail, et que les gouvernements fassent en sorte que les immigrants apprennent la langue locale, obéissent à la loi, payent leurs impôts et respectent la culture civique et les institutions du pays hôte.
49. C’est pourquoi le premier défi posé aux responsables et décideurs politiques est de combler le déficit de confiance du public et de l’assurer que ses préoccupations sont entendues et traitées. Trop souvent les responsables des partis traditionnels jugent plus facile d’éluder ces questions, qu’ils estiment délicates ou controversées, notamment à l’approche des élections, au lieu de les aborder de front. Ce manque de courage pour traiter des questions controversées ne fait cependant qu’alimenter le mécontentement de la population et la pousse dans les bras des partis xénophobes et populistes qui promettent de répondre à leurs préoccupations au moyen de slogans trompeusement simplistes et émotionnels.
50. Les leaders politiques démocratiques d’Europe devraient assumer davantage leur responsabilité politique, à la fois en prenant la tête du débat sur les questions de migration et en combattant la rhétorique et les idéologies xénophobes, populistes et d’extrême droite. C’est à eux qu’il appartient d’énoncer clairement que discrimination et racisme n’ont pas leur place dans les sociétés européennes diversifiées et que l’expression publique d’idées xénophobes doit être sanctionnée conformément à la loi.
51. Les responsables politiques en lice lors des scrutins sont des organes publics et devraient, tout comme leurs représentants, être soumis aux mêmes contraintes juridiques que les organisations de la société civile. Ils devraient par ailleurs faire l’objet de sanctions en cas de discrimination fondée sur l’ethnicité ou la religion dans la composition de leurs partis ou parmi leurs membres, ou en cas de promotion, par leurs actions ou leurs campagnes électorales, de la haine raciale et du harcèlement des minorités et des migrants.
52. Comme cela a été évoqué ci-dessus, le leadership est un facteur essentiel pour délivrer à propos de l’immigration un message fort, susceptible de recueillir le soutien du public. Votre rapporteure est d’avis que la réponse la plus efficace consiste à reconnaître la peur de la population face au changement, au lieu de tenter d’y répondre par la simple évocation de faits ou de statistiques.
53. Les dirigeants politiques devraient prouver à leur public qu’ils contrôlent à la fois la composition et l’ampleur de l’immigration. Ils devraient s’efforcer de trouver le juste équilibre entre les anxiétés locales, liées notamment au chômage et à la crise économique, et les intérêts et priorités nationaux à long terme, par exemple en recrutant des immigrants tout en veillant à préserver la compétitivité économique. Dans ce contexte, votre rapporteure souhaite également rappeler que le Conseil transatlantique sur les migrations qui s’est tenu à Bellagio (Italie) en mai 2009 – a notamment rappelé lors de sa conférence que «la citoyenneté devait être accessible aux immigrés» et qu’il fallait «inciter les Etats à une plus grande intégration», et que «dès le début du processus, les immigrés devaient être considérés comme des citoyens potentiels».
54. Les mots employés pour parler de l’immigration et de l’intégration des immigrants ont leur importance: une formulation juste forge l’opinion publique, favorise le soutien aux initiatives politiques et écarte les critiques; à l’inverse, des expressions mal choisies peuvent enflammer et polariser l’opinion publique, amplifier les anxiétés existantes et mobiliser l’opposition. Le langage utilisé devrait donc être honnête, sans ambiguïté et souligner non seulement les côtés négatifs mais également les points positifs. Les euphémismes se retournent contre leurs auteurs, apparaissent comme peu sincères et donnent à l’opinion publique le sentiment d’être manipulée.
55. Votre rapporteure est d’avis que ce qui manque le plus dans le discours public et l’évocation des migrants, en particulier dans le contexte électoral, est un message positif, fondé sur des valeurs, expliquant pourquoi les sociétés européennes ont besoin d’immigrants et bénéficient largement de leur présence. Trouver un juste équilibre entre valeurs et pragmatisme permettrait de désamorcer bon nombre de tensions sociales et faciliterait une intégration à double sens.
56. Compte tenu de ce qui précède et de par sa vocation, le Conseil de l’Europe a plus que jamais un rôle prépondérant à jouer dans la lutte contre l’extrémisme et la xénophobie. Votre rapporteure se félicite que l’Assemblée ait récemment, et à plusieurs reprises, fait part de ses préoccupations devant la montée des mouvements et partis extrémistes propageant des idéologies incompatibles avec la démocratie et les droits de l’homme et menaçant les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. Sa récente Recommandation 1975 (2011) «Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle: suites à donner au rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l’Europe» souligne en particulier qu’il convient de promouvoir le renforcement de valeurs et d’une identité européennes communes de manière à ne pas éliminer les différentes cultures des groupes spécifiques, mais en préservant et en intégrant leurs spécificités au sein du cadre européen commun. Elle poursuit en précisant que ce processus peut être mis en péril par une politique de plus en plus populiste, xénophobe et anti-immigration, et en appelle aux Etats membres pour élaborer des politiques prévenant ce type de pratiques négatives.