1. Observations
générales
1. Je tiens à féliciter Mme Groth
pour son excellent rapport, qui balaie les stéréotypes et les idées
reçues largement diffusés au sujet des migrants roms en Europe,
tout en apportant des éléments factuels sur leur situation réelle.
2. Ce rapport va dans le sens des principes invariablement défendus
par l’Assemblée parlementaire et ancrés dans ses textes. La commission
sur l’égalité et la non-discrimination ne peut que soutenir les
initiatives menées pour identifier les politiques discriminatoires
à l’égard des migrants ou de tout autre groupe, et demander aux
Etats membres du Conseil de l’Europe d’y mettre un terme.
3. Les mesures indiquées dans le projet de recommandation sont
plus que nécessaires et d’actualité, compte tenu du fait que dans
la situation actuelle de crise économique et d’urgence financière,
les droits des minorités et des groupes défavorisés figurent de
moins en moins au rang des priorités politiques des Etats membres
du Conseil de l'Europe. Qui plus est, les Roms et les migrants sont
très souvent pris pour des boucs émissaires dans la situation difficile
actuelle.
4. Le rapport est très détaillé et je n’ai rien à y ajouter ou
à y modifier. Dans le présent avis, je me limiterai à souligner
certains aspects présentant un intérêt particulier pour la commission
sur l'égalité et la non-discrimination.
2. La situation
des femmes et des jeunes filles roms
5. Dans la
Résolution 1740 (2010) sur la situation des Roms en Europe et les activités
pertinentes du Conseil de l’Europe, l’Assemblée fait remarquer que
les Roms sont victimes d’actes de violence qui reflètent l’aggravation
d’une tendance à un antitsiganisme de la pire espèce. C’est pourquoi
elle demande instamment aux Etats membres de protéger les Roms contre
la discrimination, notamment – si cela n’est pas encore fait – par
l’adoption, la mise en œuvre et le suivi périodique d’une législation
complète de lutte contre la discrimination et par des mesures visant
à mieux informer les Roms sur cette législation et sur leurs possibilités de
recours juridiques en cas d’atteinte à leurs droits.
6. L’avis sur cette question de la commission sur l’égalité des
chances pour les femmes et les hommes souligne que les femmes et
les jeunes filles roms subissent une triple discrimination: en tant
que Roms par l’ensemble de la collectivité et en tant que femmes
et jeunes filles à la fois par l’ensemble de la collectivité et par
leur propre communauté. Il en va de même pour les femmes roms migrantes,
qui sont en outre victimes de discrimination au motif qu’elles sont
d’origine immigrée.
7. Les femmes et jeunes filles roms sont victimes de nombreuses
violations de leurs droits de l’homme et, en particulier, d’actes
de violence fondés sur le genre aussi bien au sein qu'en dehors
de leur communauté. Dans leur communauté, elles subissent notamment
des violences domestiques sous différentes formes: mariages précoces
et forcés, viol et viol conjugal, sévices physiques, exploitation
économique et violences verbales. Les femmes victimes de violences
domestiques hésitent à se faire connaître et ont besoin d’être protégées.
Elles craignent d’être stigmatisées, subissent une dépendance économique
et n'ont pas d'autre lieu où aller. Comme dans beaucoup d’autres
domaines, l’accès difficile à la justice est ici aussi en cause.
8. L’accès des jeunes filles roms à l’éducation est entravé par
plusieurs obstacles, comme une grande pauvreté, l’obligation dès
le plus jeune âge d’accomplir les tâches ménagères ou de prendre
en charge leurs jeunes frères et sœurs, mais aussi les mariages
précoces. Cette situation se traduit par un taux d’analphabétisme
plus élevé chez les femmes roms que chez les hommes roms et aussi
par rapport au reste de la population.
9. L’accès des femmes et jeunes filles roms aux soins de santé
est limité. Leur exclusion du système de santé a des répercussions
disproportionnées sur leur santé, en particulier en matière de soins
d’urgence et de santé génésique et maternelle. Elles ont une réticence
particulière à consulter un gynécologue du fait de leur éducation
patriarcale.
10. La stérilisation forcée est une forme grave de violence que
des femmes roms ont subie dans plusieurs Etats membres du Conseil
de l'Europe. Des cas de stérilisation sans le consentement préalable
et éclairé des patientes ont été signalés encore récemment, en 2007
et en 2008. Le nombre de ces stérilisations a sans doute toujours
été sous-évalué, nombre des femmes concernées n’ayant découvert
que tard qu’elles avaient été stérilisées ou en éprouvant une trop
grande honte. Ce n’est que récemment que certaines autorités nationales
ont reconnu leurs responsabilités dans certains cas et accepté de
dédommager les victimes.
11. La
Résolution 1740
(2010) recommande des mesures spécifiques à l’égard des femmes
et jeunes filles roms, notamment:
- de
promouvoir une image positive de la diversité et de lutter contre
les stéréotypes et les préjugés, y compris ceux liés au genre, au
sein et à l’extérieur de la communauté rom;
- de veiller à ce que les jeunes filles roms bénéficient
de l’égalité des chances dans l’éducation, notamment dans l’enseignement
secondaire, que de trop nombreuses jeunes filles roms sont obligées d’abandonner
à cause de la pression parentale et/ou communautaire liée aux mariages
précoces, aux grossesses d’adolescentes et aux responsabilités ménagères
et familiales;
- d’effectuer, en collaboration avec les organisations de
la société civile, des études intégrant la dimension de genre sur
la situation des enfants issus des groupes minoritaires dans le
système scolaire.
3. Traite des êtres
humains
12. De nombreuses femmes roms sont
victimes de traite, qui est à la fois un crime grave et une violation des
droits de l’homme. Le Centre européen des droits des Roms (CEDR),
organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès
du Conseil de l'Europe, a décrit l’ampleur de la traite des femmes
roms en République tchèque dans un rapport alternatif présenté au
Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination
à l’égard des femmes
.
13. Ce rapport souligne que la traite à des fins d’exploitation
sexuelle ou de travail forcé a lieu dans le pays et vers l’étranger,
en particulier près de la frontière allemande. Les Roms de la République
slovaque, de Roumanie et de Bulgarie victimes de traite à des fins
d’exploitation sexuelle ou de travail forcé sont emmenés en République
tchèque ou y transitent. Des femmes roms de campements installés
dans l’est de la République slovaque ont aussi été emmenées dans
d’autres pays d’Europe occidentale, comme l’Allemagne et la Suisse.
14. Le même rapport explique les raisons de ce fléau: «L’exclusion
sociale est un facteur déterminant qui rend les femmes et jeunes
filles roms particulièrement vulnérables à la traite. En 2006, on
estime qu’au moins 60 000 Roms ont été victimes d’exclusion, probablement
du fait de la discrimination qu’ils subissent dans tous les domaines
de la vie et en particulier dans celui de l'éducation.»
15. Le rapport «Breaking the silence: trafficking in Romani communities»
publié par le CEDR en 2011 explique que
les femmes et enfants roms sont particulièrement exposés à la traite.
Si les femmes sont victimes de traite essentiellement à des fins
d’exploitation sexuelle, de nombreux enfants peuvent l'être pour
diverses raisons, comme le travail forcé, l'esclavage domestique,
le trafic d’organes, l’adoption illégale et la mendicité forcée.
4. Accès à la justice
16. Le terme «accès à la justice»
au sens juridique désigne le droit de porter un litige devant un
tribunal. Cela étant, pour être effectif, cet accès dépend de plusieurs
éléments, dont l’accès à un avocat et la capacité à régler les coûts
engendrés ou, si nécessaire, à les faire prendre en charge par l'Etat.
L’accès à la justice suppose aussi que des lois existent, qu’elles
soient simples à comprendre, qu’elles établissent des normes et lignes
directrices claires et qu'elles prévoient la réparation de tous
les torts. Enfin, il est indispensable de disposer d’un système
judiciaire bien administré, qui traite et règle toutes les plaintes.
17. Dans le cas des Roms, l’accès à la justice est difficile en
raison de différents facteurs, en particulier:
- un taux élevé d’analphabétisme
dans les communautés roms et en particulier parmi les femmes qui,
de ce fait, ne connaissent pas suffisamment leurs droits;
- l’absence de documents élémentaires, comme des certificats
de naissance, des pièces d’identité ou des documents relatifs à
l’assurance-santé et à la protection sociale, ce qui entrave gravement
l’exercice de droits fondamentaux ;
- les forces de l’ordre sont peu disposées à traiter les
plaintes déposées par les Roms ou le font en manquant d’objectivité .
5. Explication des
amendements
5.1. Amendement A
Le Protocole no 12 à la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 177,
STE no 5) élargit le principe de non-discrimination
en l’appliquant à la jouissance de tout droit prévu par la loi et
aux actions des autorités publiques. Les activités des autorités
publiques ayant un rapport avec les migrations (délivrance d’un visa,
par exemple) devraient donc logiquement être aussi soumises à ce
principe.
5.2. Amendement B
Le maintien de l’ordre est indispensable pour garantir sécurité
et stabilité à l’ensemble des segments de la société. Il devrait,
au même titre que toute autre activité du pouvoir public, s’exercer
de manière impartiale et non discriminatoire. Cette règle devrait
valoir aussi pour les activités en lien avec les migrations et s’appliquer particulièrement
dans le cas des migrants roms, qui sont très souvent victimes de
pratiques discriminatoires.
5.3. Amendement C
Nous connaissons tous les principaux problèmes de la communauté
rom: manque d’instruction, logement inadéquat, chômage et criminalité.
Le manque d’instruction est l’obstacle le plus important pour l’accès
à l’emploi. Le logement et le chômage sont des problèmes très urgents
qu’il importe de régler. Sans travail, sans sources de revenus licites,
de nombreuses familles roms vivent grâce aux allocations familiales
données par l’Etat. Certains se voient même forcés à recourir à
des activités criminelles pour essayer de gagner leur vie.
La crise économique actuelle aggrave la situation. C’est l’une
des raisons principales de la migration, qui concerne non seulement
la population d’origine rom mais également d’autres groupes ethniques.
Ce problème pourrait être réglé en créant des emplois dans les pays
concernés. Cela demande des investissements et une législation favorable
aux investissements dans les pays d’origine. Par ces biais, le nombre
de migrants pourrait être réduit de façon significative.