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Avis de commission | Doc. 12982 | 27 juin 2012

Les migrants Roms en Europe

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteur : M. Ferenc KALMÁR, Hongrie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12950, Renvoi 3722 du 8 octobre 2012. Commission saisie du rapport: commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Voir Doc. 12950. Avis approuvé par la commission le 26 juin 2012. 2012 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission sur l’égalité et la non-discrimination félicite la rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, Mme Annette Groth, pour son rapport circonstancié et souscrit au projet de recommandation.
2. L’histoire nous a montré que la pauvreté et des disparités importantes entre les différentes couches de la société représentent une menace grave pour la stabilité d’un système social ou politique. Par conséquent, nous pouvons affirmer que la situation des Roms est un risque économique, social mais également politique pour l’Europe qu’il importe de régler.
3. La situation des Roms, victimes d’une discrimination flagrante dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, est préoccupante. Comme le souligne Mme Groth, les migrants roms vivent dans des conditions particulièrement difficiles et sont exposés à une discrimination multiple, d’abord en tant que Roms et ensuite en tant que migrants. La stigmatisation dans les débats publics et le discours politique, au même titre que les stéréotypes véhiculés par les médias, alimentent la discrimination à l’encontre des Roms et complique encore un peu plus leur intégration.
4. Les femmes et jeunes filles roms sont confrontées à des difficultés particulières dans la mesure où elles se heurtent à la discrimination à la fois au sein et en dehors de leur communauté et qu’elles sont victimes de violence fondée sur le genre, sous diverses formes: violence domestique, mariages forcés, viol et viol conjugal, exploitation économique, sévices physiques et violences verbales.
5. Les femmes et jeunes filles roms de même que les enfants roms sont touchés de manière disproportionnée par la traite des êtres humains qui vise à les contraindre à commettre des actes illicites ou à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé. La vulnérabilité sociale et économique de ces groupes, en particulier, et des communautés roms, en général, accentue l’ampleur de la traite.
6. Un accès limité à la justice compromet la possibilité des Roms de demander réparation lorsqu’ils sont victimes de discrimination ou de violations de leurs droits de l’homme.

B. Amendements proposés

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Amendement A (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 6.3, ajouter l’alinéa suivant:

«d’encourager vivement les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait à signer et ratifier le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 177)».

Amendement B (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 6.3, ajouter l’alinéa suivant:

«de demander aux Etats membres de veiller à ce que les pratiques policières à l'égard de tous les migrants, y compris des Roms, soient équitables, impartiales et non discriminatoires».

Amendement C (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 6.3, ajouter l’alinéa suivant:

«de recommander aux Etats membres qu’ils effectuent des analyses approfondies afin d’identifier les causes, générales et spécifiques aux différents pays, de la mobilité et des migrations, et d’élaborer et de mettre en œuvre des mesures qui pourraient surmonter ces causes. En plus, de recommander que les Etats membres et l’Union européenne récoltent des fonds qui pourraient être utilisés à ces fins».

C. Exposé des motifs, par M. Kalmár, rapporteur pour avis

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1. Observations générales

1. Je tiens à féliciter Mme Groth pour son excellent rapport, qui balaie les stéréotypes et les idées reçues largement diffusés au sujet des migrants roms en Europe, tout en apportant des éléments factuels sur leur situation réelle.
2. Ce rapport va dans le sens des principes invariablement défendus par l’Assemblée parlementaire et ancrés dans ses textes. La commission sur l’égalité et la non-discrimination ne peut que soutenir les initiatives menées pour identifier les politiques discriminatoires à l’égard des migrants ou de tout autre groupe, et demander aux Etats membres du Conseil de l’Europe d’y mettre un terme.
3. Les mesures indiquées dans le projet de recommandation sont plus que nécessaires et d’actualité, compte tenu du fait que dans la situation actuelle de crise économique et d’urgence financière, les droits des minorités et des groupes défavorisés figurent de moins en moins au rang des priorités politiques des Etats membres du Conseil de l'Europe. Qui plus est, les Roms et les migrants sont très souvent pris pour des boucs émissaires dans la situation difficile actuelle.
4. Le rapport est très détaillé et je n’ai rien à y ajouter ou à y modifier. Dans le présent avis, je me limiterai à souligner certains aspects présentant un intérêt particulier pour la commission sur l'égalité et la non-discrimination.

2. La situation des femmes et des jeunes filles roms

5. Dans la Résolution 1740 (2010) sur la situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe, l’Assemblée fait remarquer que les Roms sont victimes d’actes de violence qui reflètent l’aggravation d’une tendance à un antitsiganisme de la pire espèce. C’est pourquoi elle demande instamment aux Etats membres de protéger les Roms contre la discrimination, notamment – si cela n’est pas encore fait – par l’adoption, la mise en œuvre et le suivi périodique d’une législation complète de lutte contre la discrimination et par des mesures visant à mieux informer les Roms sur cette législation et sur leurs possibilités de recours juridiques en cas d’atteinte à leurs droits.
6. L’avis sur cette question de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes souligne que les femmes et les jeunes filles roms subissent une triple discrimination: en tant que Roms par l’ensemble de la collectivité et en tant que femmes et jeunes filles à la fois par l’ensemble de la collectivité et par leur propre communauté. Il en va de même pour les femmes roms migrantes, qui sont en outre victimes de discrimination au motif qu’elles sont d’origine immigrée.
7. Les femmes et jeunes filles roms sont victimes de nombreuses violations de leurs droits de l’homme et, en particulier, d’actes de violence fondés sur le genre aussi bien au sein qu'en dehors de leur communauté. Dans leur communauté, elles subissent notamment des violences domestiques sous différentes formes: mariages précoces et forcés, viol et viol conjugal, sévices physiques, exploitation économique et violences verbales. Les femmes victimes de violences domestiques hésitent à se faire connaître et ont besoin d’être protégées. Elles craignent d’être stigmatisées, subissent une dépendance économique et n'ont pas d'autre lieu où aller. Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’accès difficile à la justice est ici aussi en cause.
8. L’accès des jeunes filles roms à l’éducation est entravé par plusieurs obstacles, comme une grande pauvreté, l’obligation dès le plus jeune âge d’accomplir les tâches ménagères ou de prendre en charge leurs jeunes frères et sœurs, mais aussi les mariages précoces. Cette situation se traduit par un taux d’analphabétisme plus élevé chez les femmes roms que chez les hommes roms et aussi par rapport au reste de la population.
9. L’accès des femmes et jeunes filles roms aux soins de santé est limité. Leur exclusion du système de santé a des répercussions disproportionnées sur leur santé, en particulier en matière de soins d’urgence et de santé génésique et maternelle. Elles ont une réticence particulière à consulter un gynécologue du fait de leur éducation patriarcale.
10. La stérilisation forcée est une forme grave de violence que des femmes roms ont subie dans plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe. Des cas de stérilisation sans le consentement préalable et éclairé des patientes ont été signalés encore récemment, en 2007 et en 2008. Le nombre de ces stérilisations a sans doute toujours été sous-évalué, nombre des femmes concernées n’ayant découvert que tard qu’elles avaient été stérilisées ou en éprouvant une trop grande honte. Ce n’est que récemment que certaines autorités nationales ont reconnu leurs responsabilités dans certains cas et accepté de dédommager les victimes.
11. La Résolution 1740 (2010) recommande des mesures spécifiques à l’égard des femmes et jeunes filles roms, notamment:
  • de promouvoir une image positive de la diversité et de lutter contre les stéréotypes et les préjugés, y compris ceux liés au genre, au sein et à l’extérieur de la communauté rom;
  • de veiller à ce que les jeunes filles roms bénéficient de l’égalité des chances dans l’éducation, notamment dans l’enseignement secondaire, que de trop nombreuses jeunes filles roms sont obligées d’abandonner à cause de la pression parentale et/ou communautaire liée aux mariages précoces, aux grossesses d’adolescentes et aux responsabilités ménagères et familiales;
  • d’effectuer, en collaboration avec les organisations de la société civile, des études intégrant la dimension de genre sur la situation des enfants issus des groupes minoritaires dans le système scolaire.

3. Traite des êtres humains

12. De nombreuses femmes roms sont victimes de traite, qui est à la fois un crime grave et une violation des droits de l’homme. Le Centre européen des droits des Roms (CEDR), organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès du Conseil de l'Europe, a décrit l’ampleur de la traite des femmes roms en République tchèque dans un rapport alternatif présenté au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes 
			(1) 
			<a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/cedaw/docs/ngos/ERRC_2_CzechRepublic_CEDAW47.pdf'>www2.ohchr.org/english/bodies/cedaw/docs/ngos/ERRC_2_CzechRepublic_CEDAW47.pdf</a>..
13. Ce rapport souligne que la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé a lieu dans le pays et vers l’étranger, en particulier près de la frontière allemande. Les Roms de la République slovaque, de Roumanie et de Bulgarie victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé sont emmenés en République tchèque ou y transitent. Des femmes roms de campements installés dans l’est de la République slovaque ont aussi été emmenées dans d’autres pays d’Europe occidentale, comme l’Allemagne et la Suisse.
14. Le même rapport explique les raisons de ce fléau: «L’exclusion sociale est un facteur déterminant qui rend les femmes et jeunes filles roms particulièrement vulnérables à la traite. En 2006, on estime qu’au moins 60 000 Roms ont été victimes d’exclusion, probablement du fait de la discrimination qu’ils subissent dans tous les domaines de la vie et en particulier dans celui de l'éducation.»
15. Le rapport «Breaking the silence: trafficking in Romani communities» 
			(2) 
			<a href='http://www.errc.org/cikk.php?cikk=3846'>www.errc.org/cikk.php?cikk=3846</a>. publié par le CEDR en 2011 explique que les femmes et enfants roms sont particulièrement exposés à la traite. Si les femmes sont victimes de traite essentiellement à des fins d’exploitation sexuelle, de nombreux enfants peuvent l'être pour diverses raisons, comme le travail forcé, l'esclavage domestique, le trafic d’organes, l’adoption illégale et la mendicité forcée.

4. Accès à la justice

16. Le terme «accès à la justice» au sens juridique désigne le droit de porter un litige devant un tribunal. Cela étant, pour être effectif, cet accès dépend de plusieurs éléments, dont l’accès à un avocat et la capacité à régler les coûts engendrés ou, si nécessaire, à les faire prendre en charge par l'Etat. L’accès à la justice suppose aussi que des lois existent, qu’elles soient simples à comprendre, qu’elles établissent des normes et lignes directrices claires et qu'elles prévoient la réparation de tous les torts. Enfin, il est indispensable de disposer d’un système judiciaire bien administré, qui traite et règle toutes les plaintes.
17. Dans le cas des Roms, l’accès à la justice est difficile en raison de différents facteurs, en particulier:
  • un taux élevé d’analphabétisme dans les communautés roms et en particulier parmi les femmes qui, de ce fait, ne connaissent pas suffisamment leurs droits;
  • l’absence de documents élémentaires, comme des certificats de naissance, des pièces d’identité ou des documents relatifs à l’assurance-santé et à la protection sociale, ce qui entrave gravement l’exercice de droits fondamentaux 
			(3) 
			Roosevelt Institute,
«Rapport sur les Roms apatrides d’Europe centrale et orientale»: www.rooseveltcampusnetwork.org/blog/report-stateless-roma-people-central-and-eastern-europe.;
  • les forces de l’ordre sont peu disposées à traiter les plaintes déposées par les Roms ou le font en manquant d’objectivité 
			(4) 
			«An obstructed path:
Roma and access to justice»: <a href='http://www.errc.org/cikk.php?cikk=682'>www.errc.org/cikk.php?cikk=682</a>..

5. Explication des amendements

5.1. Amendement A

Le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 177, STE no 5) élargit le principe de non-discrimination en l’appliquant à la jouissance de tout droit prévu par la loi et aux actions des autorités publiques. Les activités des autorités publiques ayant un rapport avec les migrations (délivrance d’un visa, par exemple) devraient donc logiquement être aussi soumises à ce principe.

5.2. Amendement B

Le maintien de l’ordre est indispensable pour garantir sécurité et stabilité à l’ensemble des segments de la société. Il devrait, au même titre que toute autre activité du pouvoir public, s’exercer de manière impartiale et non discriminatoire. Cette règle devrait valoir aussi pour les activités en lien avec les migrations et s’appliquer particulièrement dans le cas des migrants roms, qui sont très souvent victimes de pratiques discriminatoires.

5.3. Amendement C

Nous connaissons tous les principaux problèmes de la communauté rom: manque d’instruction, logement inadéquat, chômage et criminalité. Le manque d’instruction est l’obstacle le plus important pour l’accès à l’emploi. Le logement et le chômage sont des problèmes très urgents qu’il importe de régler. Sans travail, sans sources de revenus licites, de nombreuses familles roms vivent grâce aux allocations familiales données par l’Etat. Certains se voient même forcés à recourir à des activités criminelles pour essayer de gagner leur vie.

La crise économique actuelle aggrave la situation. C’est l’une des raisons principales de la migration, qui concerne non seulement la population d’origine rom mais également d’autres groupes ethniques. Ce problème pourrait être réglé en créant des emplois dans les pays concernés. Cela demande des investissements et une législation favorable aux investissements dans les pays d’origine. Par ces biais, le nombre de migrants pourrait être réduit de façon significative.