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Résolution 1889 (2012) Version finale

Image des migrants et des réfugiés véhiculée pendant les campagnes électorales

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2012 (23e et 24e séances) (voir Doc. 12953, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: Mme Dumery; et Doc. 12978, avis de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Varvitsiotis). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2012 (24e séance).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle que l’Europe a un long passé en termes d’émigration, et que, face à une population vieillissante, elle se trouve à présent partagée entre la nécessité d’accueillir des immigrants et la crainte de les voir éroder petit à petit certaines traditions et pratiques culturelles des sociétés européennes.
2. L’Assemblée est d’avis que la montée de la xénophobie met en cause les principes démocratiques et le respect de la dignité humaine.
3. Bien que les Etats membres du Conseil de l’Europe se soient déjà dotés de recours juridiques pour lutter contre la xénophobie et les discours racistes, l’Assemblée estime qu’il est nécessaire de mettre en place une véritable stratégie de lutte contre la xénophobie, notamment pendant les campagnes électorales.
4. Pendant les campagnes électorales, certains candidats et certains partis politiques présentent souvent les migrants et les réfugiés comme une menace et un fardeau pour la société, ce qui entraîne une augmentation de réactions négatives de l’opinion publique face à l’immigration et aux immigrants.
5. Ces réactions négatives sont associées à des facteurs tels que le sentiment de perte de contrôle de l’immigration, la peur des différences et les craintes liées à l'identité culturelle, l’effondrement du marché de l’emploi et un sentiment d’insécurité diffus.
6. Ces facteurs sont ainsi devenus des enjeux électoraux pour certains partis politiques. Ils contribuent non seulement à accroître les manifestations de xénophobie, mais également à encourager la montée des partis populistes xénophobes, qui s’inscrivent de plus en plus dans un mouvement de radicalisation des politiques publiques antimigratoires.
7. L'Assemblée, se référant à sa Résolution 1754 (2010) et à sa Recommandation 1933 (2010) sur la lutte contre l'extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs, condamne les groupes et les responsables politiques qui, s'inspirant d’idéologies racistes et xénophobes, encouragent la violence ou sont prêts à la tolérer. Elle appelle à renforcer l'éthique en politique pour contribuer à faire diminuer les tendances racistes dans la société. Elle réaffirme qu’une responsabilité particulière incombe aux dirigeants politiques qui se doivent d’éliminer du discours politique les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de minorités ou de groupes de migrants, y compris en période de campagne électorale, et elle considère que les missions internationales d’observation d’élections devraient prendre en compte la question des dérives racistes et xénophobes pendant les campagnes électorales, et refléter ces préoccupations dans leurs rapports.
8. L’Assemblée constate que les médias jouent un rôle primordial et portent une grande responsabilité dans la construction de l’image des migrants et de leurs descendants.
9. Elle note également qu’internet et les réseaux sociaux jouent un rôle grandissant dans la diffusion d’attitudes xénophobes et anti-immigrants.
10. L’Assemblée souhaite aussi attirer l’attention sur le caractère biaisé de certains sondages d’opinion dont les résultats et la complexité des enjeux ne reflètent pas toujours l’ensemble de l’opinion publique, ce qui peut être contreproductif, surtout pour les questions liées aux migrants et à la migration.
11. En conséquence, l’Assemblée recommande aux Etats membres ainsi qu’aux Etats observateurs, et en particulier aux parlements:
11.1. de prendre des mesures visant:
11.1.1. à la mise en place d’une politique de communication sur la réalité des flux migratoires fondée sur les valeurs des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie;
11.1.2. à veiller à ce que les migrants puissent s’intégrer pleinement dans la société d’accueil en les aidant, entre autres, à apprendre la langue locale et les coutumes et les lois du pays d’accueil;
11.1.3. à la réduction des entrées irrégulières et à l’aide au retour dans leur pays des migrants en situation irrégulière, ou à la régularisation pour ceux qui ne peuvent plus et ne pourront plus être renvoyés;
11.1.4. à la mise en œuvre de mesures visant à empêcher les employeurs de mettre à mal les normes de rémunération et de travail;
11.1.5. à mettre en œuvre une politique de lutte contre la discrimination;
11.1.6. à lever les obstacles à la participation démocratique en accordant aux migrants des droits électoraux, notamment le droit de vote et le droit d’éligibilité aux élections locales et régionales au bout de cinq ans, ou moins, de résidence légale;
11.2. de promouvoir, le cas échéant, des débats politiques ouverts et équilibrés sur la question des migrations, afin de répondre au mieux aux questions et aux préoccupations du public, et de combattre toutes les idéologies xénophobes;
11.3. d’encourager les responsables politiques à assumer leurs responsabilités lors des débats sur les questions de migrations et de combattre la rhétorique et l’idéologie xénophobes;
11.4. d’encourager les médias à utiliser des formulations factuellement correctes, équilibrées et justes en leur fournissant des données et des statistiques appropriées;
11.5. d’élaborer des lignes directrices pour les sondages d’opinion et tous les exercices de démocratie directe, afin d’éviter toute partialité ;
11.6. de développer et de renforcer le rôle des commissions électorales afin qu’elles puissent sanctionner les responsables politiques en cas d’inconduite avant ou pendant les campagnes électorales;
11.7. d’encourager les autorités locales et régionales à travailler plus étroitement avec les communautés de migrants afin de parvenir à une meilleure compréhension mutuelle;
11.8. de mener une analyse objective de l’impact des stratégies politiques des partis populistes et xénophobes radicaux;
11.9. d’inviter instamment tous les partis politiques à adhérer aux principes contenus dans la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, signée par le Président de l'Assemblée parlementaire et par le Président du Parlement européen en 2003, à mettre ces principes en œuvre et à les promouvoir activement;
11.10. de diffuser aux autorités électorales des Etats membres, avant les campagnes électorales, la Déclaration de 2005 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur l'utilisation d'éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique.
12. Par ailleurs, l’Assemblée invite la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), notamment son Conseil des élections démocratiques, à réaliser une étude sur l'utilisation de l’image des migrants et des réfugiés pendant les campagnes électorales, en vue d’amender éventuellement le Code de bonne conduite en matière électorale.