1. Introduction
1. La commission de suivi est la seule commission de
l’Assemblée ayant l’obligation statutaire de soumettre un rapport
annuel d’activité. Depuis 2007, pendant quatre années consécutives,
le rapport d’activité a représenté la contribution de la commission
aux débats annuels de l’Assemblée sur la «situation de la démocratie
en Europe» et la «situation des droits de l’homme en Europe», généralement
organisés au mois de juin. Toutefois cette année, à l’heure où la
commission s’apprête à célébrer le 15e anniversaire de sa création
et dans le cadre du débat en cours sur la réforme de l’Assemblée,
j’ai décidé de déroger à cette règle et de mettre à profit notre
exercice annuel pour engager une réflexion plus générale sur les
réalisations et les perspectives de la procédure de suivi de l’Assemblée.
2. J’ai l’intention en premier lieu de rendre compte des activités
de la commission depuis le dernier rapport, que j’ai moi-même présenté
en juin 2010 (chapitre 2). Je voudrais ensuite réfléchir à des considérations
d’ordre plus général quant aux réalisations et problèmes rencontrés
ces quinze dernières années dans le cadre de la procédure de suivi
parlementaire à l’égard de l’ensemble des pays qui ont été soumis
à la procédure de suivi ou engagés dans un dialogue postsuivi; je
voudrais également tirer certaines conclusions à la lumière de l’achèvement
du deuxième cycle de suivi à propos des pays qui ne font pas l'objet
d'une procédure de suivi ou d’un dialogue postsuivi (chapitre 3).
Enfin, je souhaiterais évoquer plus en détail les défis pour les
années à venir et les moyens envisageables pour les relever en améliorant
l'efficacité du suivi de l’Assemblée (chapitre 4).
3. Dans la préparation de ce rapport et conformément à la pratique
établie, je me suis limité, dans mes références, aux textes adoptés
par l’Assemblée et aux rapports et autres documents publics élaborés
par les corapporteurs de notre commission, qui examinent la situation
dans chaque pays concerné. J’ai également eu recours aux rapports
des commissions ad hoc du Bureau de l’Assemblée pour l’observation
des élections dans les pays en question, étant donné que cette procédure
est étroitement liée aux activités de notre commission. Je n’ai
procédé à aucune analyse ou conclusion personnelle: je présente
exclusivement les conclusions des corapporteurs ou celles des délégations
d’observateurs de l’Assemblée. Dans certains cas, j’ai également
fait référence à des documents de la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise) utilisés par les
corapporteurs de la commission pour la préparation de leurs visites
d’information.
4. Je me suis efforcé de faire une synthèse – dans le projet
de résolution – des questions qui se sont posées de manière récurrente
dans les pays soumis à la procédure de suivi et dans ceux participant
à un dialogue postsuivi. J’ai également tenté, compte tenu de l’expérience
passée, d’identifier les moyens envisageables pour rendre plus efficace
la procédure de suivi et garantir un meilleur respect par l’ensemble des
Etats membres de leurs obligations et engagements.
5. Parallèlement, et conformément à la pratique établie depuis
2006, des rapports périodiques concernant le troisième (et dernier)
groupe de 11 Etats membres ne faisant pas l’objet d’une procédure
de suivi ou d’un dialogue postsuivi ont été élaborés et figurent
dans l’addendum au présent rapport. Les Etats pour cette année sont:
la Norvège, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, Saint-Marin, la
République slovaque, la Slovénie, l’Espagne, la Suède, la Suisse
et le Royaume-Uni. Comme ces deux dernières années, ces documents
sont fondés sur les évaluations par pays effectuées par le Commissaire
aux droits de l’homme et d’autres organes et institutions du Conseil
de l’Europe chargés du suivi ou de la protection des droits de l’homme.
Le projet de résolution contient des conclusions émanant des rapports
périodiques en question.
6. Afin de mieux rendre compte du respect des obligations par
chacun des Etats membres, j’ai également joint en annexe un tableau
des ratifications et signatures des principales conventions du Conseil
de l'Europe prévoyant un mécanisme de suivi.
2. Aperçu
des activités de la commission
2.1. Derniers développements
dans la procédure de suivi
7. La période considérée a été marquée par les changements
apportés à la procédure de suivi, reflétés dans les amendements
aux
Résolutions 1115
(1997) sur la création de la commission de suivi et
1431 (2005) relative au mandat spécifique de la commission de suivi,
adoptés par la Commission permanente le 12 mars 2010
. La commission est elle-même à l’origine
de cette initiative et le projet de texte proposé en son nom par M.
Pedro Agramunt était accompagné d’un exposé des motifs justifiant
les changements suggérés
.
8. Ces modifications ont introduit de nouvelles règles régissant
le mandat des corapporteurs de la commission de suivi, réduisant
notamment à cinq ans la durée de leur mandat à l’égard de chaque
Etat suivi et définissant de nouveaux critères de nomination des
rapporteurs chargés du dialogue postsuivi.
9. Compte tenu de ces changements, lors de l’entrée en vigueur
de ces nouvelles règles, y compris des mesures transitoires, en
juin et septembre 2010, la commission a dû nommer sept nouveaux
corapporteurs chargés du suivi et quatre nouveaux rapporteurs chargés
du dialogue postsuivi. Etant donné les règles spécifiques régissant
la procédure de nomination au sein de cette commission, et en particulier
l’implication des groupes politiques, l’ensemble du processus a
demandé beaucoup de temps et a, par conséquent, affecté la continuité
de la procédure de suivi à l’égard de certains pays. Cela explique
le nombre relativement réduit de rapports présentés à l’Assemblée
par la commission durant la période considérée.
10. D’un point de vue positif, il convient de noter qu’à l’issue
des récentes nominations, les femmes représentent désormais près
de 30 % du nombre total des rapporteurs de la commission de suivi, conformément
à la politique de respect de l’égalité des genres qui prévaut à
l’Assemblée. C’est un bon exemple dont pourraient s’inspirer d’autres
instances parlementaires, tant au sein de l’Assemblée que dans les
parlements nationaux.
11. Le 20 novembre 2009, l’Assemblée a également adopté la Résolution
1698 (2009) qui apporte des modifications à diverses dispositions
de son Règlement. A la suite de ces amendements, «il ne peut y avoir plus
de deux membres d’une délégation nationale dont l’Etat est soumis
à une procédure de suivi ou engagé dans un dialogue postsuivi siégeant
à la commission de suivi». Cette disposition est entrée en vigueur
le 25 janvier 2010 et a eu un impact considérable sur la composition
de la commission.
2.2. Vue d’ensemble
du suivi par pays au cours de la période considérée
12. Au cours de la période couverte par le présent rapport,
10 pays
faisaient
l’objet d’une procédure de suivi et quatre
étaient
engagés dans un dialogue postsuivi. Depuis juin 2010, la commission
a préparé un rapport de suivi complet sur la Géorgie et des évaluations
sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan
et en Ukraine. Les rapporteurs respectifs ont effectué des visites
d’information en Arménie, en Azerbaïdjan, en Fédération de Russie,
en Géorgie, en Moldova, à Monaco, au Monténégro, en Serbie, en Turquie
et en Ukraine. L’ensemble des visites a fait l’objet de notes d’information
sur les conclusions des rapporteurs présentées à la commission pour
discussion; toutes les notes ont été déclassifiées.
13. Durant toute la période couverte par le rapport, l’Albanie est restée confrontée à
une impasse politique. Depuis les dernières élections législatives
de juin 2009, la commission déplore l’absence de dialogue parlementaire
entre la coalition au pouvoir et l’opposition, ainsi que le recours
au boycott.
14. Les événements du 21 janvier 2011, en l’occurrence la manifestation
pacifique organisée par l’opposition qui a dégénéré en violences,
faisant trois morts, sont particulièrement préoccupants. Les corapporteurs
ont fait part de leurs inquiétudes dans une déclaration publiée
au lendemain des événements.
15. Les développements entourant les élections locales qui ont
eu lieu le 8 mai 2011 ont mis en exergue la nature fragile de la
démocratie et la polarisation continue entre la majorité au pouvoir
et l’opposition. Les corapporteurs ont l’intention de se rendre
dans le pays peu de temps après l’annonce du résultat des élections.
16. Les corapporteurs pour l’Arménie ont
effectué une visite dans le pays en mars 2011. Ils ont noté avec satisfaction
que les autorités envisageaient d’introduire un train complet de
réformes axées sur le système judiciaire, la police et le Code électoral.
Ils ont appelé à ce que ces initiatives soient désormais traduites
en action et ont souligné le fait que les changements législatifs
à eux seuls ne suffisent pas et doivent s’accompagner de politiques
visant à modifier les pratiques et les mentalités ancrées dans le
pays. La commission avait organisé précédemment, en octobre 2010,
une audition sur le projet de réforme avec la participation de membres
de l’opposition arménienne.
17. A la lumière des prochaines élections législatives prévues
en mai 2012, la réforme électorale est un élément clé du renforcement
de la démocratisation en Arménie. Il est par conséquent primordial
que l’élaboration d’un nouveau Code électoral repose sur un dialogue
et un consensus politiques entre les différents acteurs électoraux.
Pour cette raison, la commission a décidé, en novembre 2010, de
solliciter l’avis de la Commission de Venise sur la proposition
de Code électoral soumise par l’opposition, en parallèle au projet
préparé par les autorités pour lequel la Commission de Venise travaille
également à l’élaboration d’un avis. Les deux versions bénéficieront
ainsi de son expertise et ont d’ores et déjà été proposées pour
discussion au Parlement arménien.
18. La détention prolongée de certaines personnes pour leur rôle
dans les événements de mars 2008, ainsi que l’absence d’enquête
en bonne et due forme, y compris la responsabilité de commandement,
sur les causes des dix décès survenus à cette époque, restent un
sujet de préoccupation pour la commission.
19. Enfin, les récents développements intervenus dans le paysage
médiatique, s’agissant notamment de la procédure concernant la délivrance
de licences de télédiffusion durant laquelle l’offre de la chaîne
A1+ a de nouveau été rejetée, suscitent certaines inquiétudes. La
commission a organisé en avril 2011 un échange de vues sur la situation
des droits de l’homme en Arménie avec la participation du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
20. La période de référence s’est avérée particulièrement importante
pour
l’Azerbaïdjan dont les
élections législatives ont eu lieu le 7 novembre 2010. La
Résolution 1750 (2010) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Azerbaïdjan a souligné la grande importance que l’Assemblée attache
à l’établissement des conditions qui permettront à ces élections
d’être pleinement conformes aux normes européennes et d’être considérées
comme libres et équitables.
21. S’agissant du processus démocratique, l’une des principales
préoccupations identifiées par la commission est l’application dans
la pratique du principe de séparation des pouvoirs garanti par la
Constitution, ainsi que les lacunes du système de contre-pouvoirs,
découlant de certains défauts systémiques tels que le manque de
concurrence et de véritable pluralisme politique. Il est de toute
évidence nécessaire de renforcer le contrôle parlementaire de l’exécutif,
d’autant plus que l’Azerbaïdjan est un Etat caractérisé par un système présidentiel
fort.
22. Malheureusement, certaines conditions nécessaires à une véritable
élection concurrentielle faisaient défaut. Plusieurs lacunes ont
été identifiées telles qu’un processus défaillant d’inscription
des candidats, un environnement politique entravant la compétition,
des obstacles administratifs s’opposant au montage d’une campagne
efficace, une couverture médiatique partiale et inéquitable, l’utilisation
abusive de ressources administratives, la composition des commissions
électorales ainsi que de prétendues irrégularités le jour du scrutin.
De ce fait, les principaux partis d’opposition n’ont remporté qu’un
seul des 125 sièges au parlement.
23. Au cours de leur visite d’information dans le pays en janvier
2011, les corapporteurs ont relevé des problèmes persistants relatifs
aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, s’agissant
notamment de la liberté d’expression et de réunion. La situation
d’un journaliste emprisonné, M. Eynulla Fatullayev, maintenu en
détention en dépit d’un arrêt de la Cour européenne des droits de
l'homme, est particulièrement préoccupante.
24. Le 3 octobre 2010, des élections présidentielle, législatives
et cantonales (au niveau de l’Etat et de l’entité) ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine. Malheureusement,
l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sejdic et Finci c. Bosnie-Herzégovine n’avait
pas été exécuté, ni la législation amendée, avant la date des élections.
Hormis cela, les élections qui ont été observées par la commission
ad hoc du Bureau de l’Assemblée ont été jugées libres et équitables.
25. L’impasse politique qui a perduré dans le pays au lendemain
des élections, l’incapacité à mettre en place un gouvernement et
l’absence de parlement opérationnel au niveau de l’Etat ont été
des sujets de préoccupation pour la commission durant la majeure
partie de la période couverte par le présent rapport.
26. En novembre 2010, la commission a organisé une audition avec
la participation de la délégation parlementaire de Bosnie-Herzégovine
au grand complet. En avril 2011, les corapporteurs ont, dans une déclaration
publique, exprimé leur inquiétude devant leur incapacité à remplir
leur mission au titre du mandat que la commission de suivi leur
a confié compte tenu de l’absence d’interlocuteurs.
27. S’agissant de la Géorgie,la commission a estimé que les
autorités géorgiennes ont continué de faire des progrès significatifs
pour s’acquitter de leurs obligations et engagements restants envers
le Conseil de l’Europe, nonobstant l’impact et les conséquences
de la guerre avec la Russie en 2008.
28. En particulier, l’adoption d’amendements constitutionnels
le 15 octobre 2010 – qui, entre autres choses, garantissent davantage
l’indépendance du pouvoir judiciaire, renforcent considérablement
le rôle et les pouvoirs du parlement et assurent un système de freins
et contrepoids plus complet et de meilleure qualité entre les différents
pouvoirs – a largement contribué à l’amélioration du processus démocratique
dans le pays. Les corapporteurs se sont rendus en Géorgie en mars
et juillet 2010.
29. Dans sa
Résolution
1801 (2011), l’Assemblée souligne que les élections présidentielle
et législatives qui auront lieu prochainement seront un test décisif
pour la consolidation d’un système démocratique abouti et plus participatif
en Géorgie, et recommande vivement l’adoption d’un Code électoral
entièrement nouveau qui corrigerait les imperfections constatées
notamment par la Commission européenne pour la démocratie par le droit
(Commission de Venise) et par l’Assemblée, s’agissant en particulier
de l’égalité de suffrage, de la délimitation des circonscriptions
électorales et de l’abrogation de l’interdiction de présenter des
candidatures individuelles.
30. Tout en saluant les efforts des autorités géorgiennes en matière
de réforme du système de justice, l’Assemblée a exprimé son inquiétude
quant aux problèmes d’administration de la justice qui pourraient
nuire aux principes d’égalité de l’application de la législation
et du droit à un procès équitable tel que garanti par l’article
6 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’Assemblée
en appelle aux autorités géorgiennes pour qu’elles règlent ces problèmes
qui, s’ils ne le sont pas, pourraient porter atteinte aux progrès notables
qu’elles ont accomplis dans le domaine de la réforme judiciaire
et du renforcement de l’indépendance du judiciaire.
31. Durant l’ensemble de la période considérée, la situation en Moldova a été marquée par l’impasse politique
résultant de l’incapacité du parlement à élire le Président de la
République. Après les deux scrutins législatifs en avril et juillet
2009, suivis de la dissolution du parlement consécutive à l’incapacité
à élire un Président, l’Alliance pour l’intégration européenne au
pouvoir a organisé, le 5 septembre 2010, un référendum sur sa proposition
d’organiser l'élection présidentielle au suffrage direct à l’échelle
du pays. Ce référendum s’est toutefois lui aussi soldé par un échec,
en raison d’un taux de participation insuffisant (30 % au lieu des 33 %
requis). De nouvelles élections législatives anticipées se sont
déroulées le 28 novembre 2010.
32. La commission a suivi de près la situation dans le pays et
a tenu plusieurs échanges de vues avec les membres de la délégation
parlementaire moldave. Les corapporteurs ont effectué une visite
d’information en mars 2011. Ils ont indiqué que le processus démocratique
était en bonne voie et que les autorités s’étaient engagées, dans
le contexte de l’intégration européenne de la Moldova, à adopter
les réformes encore nécessaires pour satisfaire aux normes européennes
en matière de respect de la démocratie, de l’Etat de droit et des
droits de l’homme.
33. Après l’adoption de la Résolution 1724 (2010) sur le respect
des obligations et engagements du Monténégro,
les corapporteurs ont effectué une visite à Podgorica du 31 mai
au 2 juin 2011 afin d’évaluer les progrès réalisés et d’identifier
les problèmes en suspens.
34. La procédure de suivi à l’égard de la Fédération
de Russie,ternie
par la guerre entre laGéorgie
et la Russie et ses conséquences, est désormais assurée par les
nouveaux corapporteurs nommés en janvier 2010. Ces derniers ont
entrepris trois visites d’information (en mars et juillet 2010,
puis en janvier 2011) et présenté deux notes d’information.
35. Un certain nombre de préoccupations ont été identifiées à
l’issue des visites. La Russie n’a toujours pas ratifié plusieurs
instruments importants du Conseil de l’Europe tels que le Protocole
n° 6 à la Convention européenne des droits de l’homme ou la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires. Certaines législations
dont la loi sur les services de sécurité fédéraux, la loi sur la
police ou la loi sur la lutte contre les activités extrémistes doivent
être mises en conformité avec les principes et normes européens.
La réforme du système judiciaire doit être poursuivie et la mise
en œuvre des libertés fondamentales, notamment de la liberté d’expression
et de réunion, doit être assurée.
36. Les préoccupations susmentionnées et quelques autres engagements
en suspens font l’objet de discussions entre les corapporteurs et
les autorités dans le cadre d’un projet de feuille de route, qui
sera soumis à l’Assemblée accompagné d’un rapport de suivi, début
2012.
37. A la suite de leur visite en Serbie en
décembre 2010, les corapporteurs ont noté les progrès constants réalisés
par le pays dans le respect de ses obligations et engagements. La
coopération régionale, la coopération avec le Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie et la mise en place d’instances de régulation,
ainsi que la volonté politique d’introduire des réformes, sont autant
de domaines ayant enregistré des développements positifs. Toutefois,
un certain nombre de problèmes subsistent, s’agissant notamment
de la réforme du système judiciaire, de l’élection des membres du
Conseil des parquets de l’Etat et du Conseil supérieur de la magistrature,
de l’élection des juges, du système de mandats gérés par les partis,
de la pratique des lettres de démission non datées, de la liberté
d’expression et de la lutte contre la corruption.
38. L’intégration du pays à l’Union européenne donne un élan politique
qu’il convient de mettre à profit pour accélérer le processus. La
Serbie a déposé une demande en vue d’obtenir le statut de candidat
à l’adhésion et l’ouverture des négociations avec l’Union européenne,
statut qui nécessite de remplir certaines conditions, notamment
dans les domaines de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits
de l’homme. En janvier 2011, la commission a organisé un échange
de vues avec la participation d’un représentant de la Commission européenne.
39. En avril 2011, la commission a débattu du projet de feuille
de route pour la mise en œuvre des obligations et engagements non
encore satisfaits élaborée par la délégation serbe auprès de l’Assemblée parlementaire,
en coopération avec les instances étatiques pertinentes, conformément
à la Résolution 1661 (2009). Le projet de feuille de route sera
analysé plus en détail par les corapporteurs durant leur visite d’information
prévue en 2012.
40. En
Ukraine, la période
couverte par le présent rapport a été marquée par un accroissement
de l’activité législative et une certaine stabilité politique à
la suite du changement de pouvoir opéré au lendemain de l’élection
présidentielle en janvier-février 2010. Dans sa
Résolution 1755 (2010), tout en saluant cette stabilité relative, l’Assemblée
s’est dite préoccupée par sa fragilité car les causes systémiques
sous-jacentes de l’instabilité qui a frappé le pays ces dernières
années n’ont pas encore été abordées. Elle a par ailleurs indiqué que
la stabilité et la consolidation du pouvoir ne doivent pas se muer
en monopolisation du pouvoir par une seule force politique, sous
peine de compromettre l’avancée démocratique du pays.
41. A la suite de la décision prise le 30 septembre 2010 par la
Cour constitutionnelle d’abroger les amendements constitutionnels
adoptés en 2004, la Constitution de 1996 est de nouveau en vigueur.
Cette évolution n’a toutefois pas supprimé les obstacles au respect
par le pays des engagements contractés vis-à-vis du Conseil de l'Europe,
comme évoqué dans plusieurs résolutions de l’Assemblée, mais a,
au contraire, fait naître de sérieuses incertitudes juridiques.
La commission a par conséquent sollicité l’avis de la Commission
de Venise sur la situation constitutionnelle en Ukraine et les mesures
à entreprendre afin de mettre le cadre constitutionnel en conformité
avec les normes européennes. Une audition a, par ailleurs, été organisée
sur ce sujet avec la participation du professeur Kaarlo Tuori, membre
de la Commission de Venise.
42. Les corapporteurs se sont rendus dans le pays en juin et septembre
2010, ainsi qu’en avril 2011. Ils ont souligné la nécessité de mener
une réforme constitutionnelle générale et ont salué la décision
des autorités de mettre en place une Assemblée constitutionnelle,
qui aura pour mission d'orienter le processus de réforme de la Constitution.
Ils ont également insisté sur la nécessité d’introduire un nouveau
Code électoral unifié ainsi qu’un nouveau système électoral qui
fassent l'objet d'un large consensus politique impliquant les forces d’opposition
du pays.
2.3. Pays engagés dans
un dialogue postsuivi
43. Après l’adoption de la
Résolution 1730 (2010) sur le dialogue postsuivi avec la
Bulgarie, un nouveau corapporteur
a été nommé. Une visite d’information est à organiser d’ici à la
fin de l’année 2011.
44. Certains progrès ont été enregistrés par Monaco depuis la clôture de la
procédure de suivi en 2009 et le démarrage du dialogue postsuivi,
notamment dans le domaine de la justice et de la lutte contre le blanchiment
de capitaux. Une loi sur le statut des juges a été élaborée, et
les consultations tenues à cet égard avec des membres de la magistrature
et le directeur des services judiciaires sont à saluer. Il convient
par ailleurs de noter la création d’un syndicat des juges. Une loi
régissant le financement des campagnes électorales est en cours
d’élaboration. Elle devrait fixer une limite aux dépenses de campagne
et prévoir le remboursement d’une part plus conséquente de ces dépenses
par le budget de l’Etat.
45. Cependant, le rapporteur qui s’est rendu dans le pays en février
2011 a souligné que des réformes restent nécessaires dans de nombreux
domaines et qu’aucune des recommandations formulées par l’Assemblée
en 2009 n’a pour l’heure été mise en œuvre. En particulier, la loi
sur le fonctionnement du Conseil national ainsi que son règlement
intérieur n’ont pas été adoptés; la ratification de plusieurs instruments juridiques
du Conseil de l’Europe n’a pas été menée à terme, la réforme du
Code pénal n’a pas été introduite et le droit constitutionnel qui
prévoit que le Conseil national doit donner son accord à la ratification
de certains instruments internationaux n’est pas observé.
46. Un nouveau rapporteur sur «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» a été nommé en 2011. Il effectuera
une visite d’information au courant de l’année, après les élections
législatives anticipées du 5 juin.
47. Des tendances clairement positives et de réels progrès en
termes de processus démocratique ont été enregistrés en Turquie depuis la clôture de la
procédure de suivi en 2004. Son engagement déclaré d’adhérer à l’Union
européenne s’accompagne de la poursuite de réformes démocratiques
conformes aux normes européennes.
48. Le référendum sur la réforme constitutionnelle du 12 septembre
2010, initié par le gouvernement, s’est soldé par 58 % de votes
en faveur de la réforme. Bien que le référendum n’ait pas respecté
pleinement les recommandations pertinentes de la Commission de Venise,
dans la mesure où plusieurs amendements ont été soumis à un vote
qui imposait une réponse unique, le résultat a néanmoins constitué
un pas en avant dans le processus démocratique au sein du pays,
et a permis d’introduire des mesures démocratiques dans plusieurs
domaines, par exemple des limites à la compétence des tribunaux
militaires.
49. Cependant, comme le rapporteur l'a noté au cours de sa visite
de janvier 2011, des problèmes sérieux subsistent dans certains
secteurs. En particulier, la durée de la détention provisoire et
des procédures judiciaires, le fonctionnement du système judiciaire,
la liberté d’expression, l’exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme et plusieurs questions relatives aux minorités
nationales et à l’utilisation des langues continuent de soulever
des préoccupations.
50. Le rapporteur a déploré que le seuil de 10 % des voix exprimées,
imposé aux partis politiques comme condition pour siéger au parlement,
n’ait pas été abaissé en dépit des nombreuses recommandations de l’Assemblée
et qu’il soit maintenu pour les prochaines élections législatives
du 12 juin 2011.
2.4. Autres questions
concernant le respect des obligations et engagements
51. Par ailleurs, la commission a poursuivi ses travaux
sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie.
Après l’impasse du mois d’avril 2010 – l’incapacité des rapporteurs
de parvenir à un accord sur un projet de texte à proposer à l’Assemblée
et l’absence de consensus sur la manière dont la commission devait
agir dans ce dossier – il a été décidé de demander au président
de la commission d’explorer les options envisageables pour permettre
la poursuite, de manière constructive, des travaux de la commission
sur cette question importante. A cet effet, le président a effectué
une visite d’information en Géorgie et en Russie en décembre 2010.
52. Des consultations ont été organisées avec les parties en cause
et les corapporteurs concernés, ainsi qu’une journée d’audition
visant à préciser la situation actuelle, y compris sur le terrain,
et les mesures prises par les divers organes impliqués, avec la
participation, entre autres, du Président de l’Assemblée, du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, du représentant spécial de l’Union
européenne pour la crise en Géorgie, du représentant des Nations
Unies pour le processus de Genève, du chef de la mission de surveillance
de l’Union européenne en Géorgie, du représentant spécial de l’Union
européenne pour le Caucase du Sud et de l’ancien chef de la mission
d’information internationale sur le conflit en Géorgie. A la suite
de cela, la commission a accepté la proposition de la présidence
de charger les corapporteurs respectifs pour la Géorgie et la Russie
de suivre le dossier dans le cadre des procédures de suivi en cours
pour les deux pays, ainsi que de présenter à la commission, sous
la responsabilité et la coordination de la présidence et sur une
base annuelle, une note d’information conjointe esquissant les développements
pertinents s’agissant du conflit et leurs conclusions quant à la
mise en œuvre des demandes de l’Assemblée, telles qu’exprimées dans ses
résolutions sur ce sujet. Elle est, par ailleurs, convenue d’examiner
cette note d’information au cours d’une réunion spéciale durant
laquelle elle sera également informée, entre autres, des derniers
développements dans d’autres forums internationaux.
53. De plus, après le dépôt d'une proposition de résolution sur
les graves revers dans le domaine de la prééminence du droit et
des droits de l’homme en Hongrie,
la commission a été chargée en mars 2011 par le Bureau de préparer
un avis écrit sur le sujet, en accord avec les paragraphes 3 et
4 du mandat de la commission de suivi. Cette dernière a invité le
président de la délégation parlementaire hongroise à un échange
de vues et a nommé deux corapporteurs auxquels a été confiée la
préparation de cet avis.
2.5. Etats membres ne
faisant pas l’objet d’une procédure de suivi ni d’un dialogue postsuivi
54. La
Résolution
1515 (2006) a imposé à la commission de suivi d’établir des rapports
périodiques pour les Etats membres ne faisant pas actuellement l’objet
d’une procédure de suivi ni d’un dialogue postsuivi
, répartis en trois groupes, suivant
une grille par pays indiquant l'état des signatures ou ratifications
des principaux instruments du Conseil de l'Europe qui prévoient
un mécanisme de suivi spécialisé et récapitulant, le cas échéant,
les conclusions de ces mécanismes.
55. La commission a établi une pratique consistant à annexer ces
rapports périodiques à son rapport d’activité annuel transmis à
l’Assemblée, chaque groupe de pays faisant l’objet d’un rapport
tous les trois ans. Nous en sommes à la fin du second cycle complet
(ce qui signifie que chaque pays de cette catégorie a fait l’objet
de deux rapports) et disposons de suffisamment d’informations pour
pouvoir évaluer d’une manière plus générale l’efficience et l’utilité
de cet exercice. Je m’efforcerai de tirer quelques conclusions sur
l’impact de l’exercice dans le prochain chapitre. J’invite les lecteurs
à consulter l’addendum au présent rapport, dans lequel les pays
du troisième groupe sont évalués.
3. Quelques réflexions
à l’approche du 15e anniversaire de la procédure de suivi de l'Assemblée
3.1. Aperçu de l’évolution
de la procédure de suivi de l’Assemblée et des méthodes de travail
de la commission
56. Conformément à son mandat, la commission de suivi
est chargée de veiller au respect des obligations contractées par
les Etats membres aux termes du Statut du Conseil de l’Europe, de
la Convention européenne des droits de l’homme et de toutes les
autres conventions de l’Organisation auxquelles ils sont parties,
ainsi qu’au respect des engagements spécifiques pris par les autorités
des Etats membres lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe.
57. Le 15e anniversaire de la création de la commission, qui interviendra
en janvier 2012, constitue une excellente opportunité de dresser
le bilan des résultats obtenus et d’identifier les forces et faiblesses
de l’ensemble du processus.
58. La commission de suivi a été créée en janvier 1997, après
un long processus de réflexion sur la meilleure façon de veiller
au respect des engagements et obligations des nouveaux Etats membres.
Elle remplace le mécanisme mis en place en 1993 et 1995 par deux
décisions de l’Assemblée: la Directive n° 488 (1993) (appelée «Directive
Halonen», du nom de la rapporteuse de l’époque), par laquelle la
commission des questions politiques et la commission des questions
juridiques et des droits de l'homme ont été chargées de faire rapport
à intervalles de six mois au Bureau jusqu'à ce que tous les engagements
aient été respectés, et la Directive n° 508 (1995), prévoyant un
débat public de l'Assemblée et abolissant la distinction entre «anciens»
et «nouveaux» Etats membres: tous les Etats membres sont concernés
par la procédure de suivi de l'Assemblée.
59. Depuis sa création, la commission de suivi a systématiquement
cherché à améliorer et à développer ses méthodes de travail pour
renforcer son efficacité et son impact. En 2000, le mécanisme de
«dialogue postsuivi» a été introduit, afin de permettre à la commission
de contrôler la mise en œuvre de recommandations spécifiques formulées
dans la résolution de l’Assemblée clôturant la procédure de suivi.
60. En 2005, les règles régissant l’ouverture ou la réouverture
de la procédure de suivi ont été amendées en vue de renforcer le
poids de la commission dans ces décisions et de permettre un débat
de l’Assemblée en cas d’opinions divergentes entre la commission
de suivi et le Bureau. Les nouvelles règles empêchent le Bureau
de s’opposer à la volonté de la commission
d’ouvrir ou de rouvrir une procédure
de suivi.
61. Depuis 2002, la commission a introduit une nouvelle procédure
pour la présentation de certains rapports sur des questions spécifiques,
lui permettant de réagir immédiatement, si nécessaire, à des développements inquiétants
dans un pays sous procédure de suivi. Pour ces rapports, axés généralement
sur le fonctionnement des institutions démocratiques ou la réforme
constitutionnelle, la commission n’a pas obligation de les transmettre
aux autorités nationales pour commentaires dans un délai de trois
mois et peut donc réagir plus rapidement à certains événements ou
à une crise. Cette pratique a donné lieu à de nombreux débats au
sein de l’Assemblée.
62. Depuis 2006, la commission a préparé des rapports périodiques
sur l’ensemble des Etats membres ne faisant pas actuellement l’objet
d’une procédure de suivi ou d’un dialogue postsuivi
,
répartis en trois groupes suivant une grille par pays indiquant
l'état des ratifications ou signatures des principaux instruments
du Conseil de l'Europe qui prévoient un mécanisme de suivi spécialisé
et récapitulant, le cas échéant, les conclusions de ces mécanismes.
Ces rapports périodiques sont annexés aux rapports d’activité annuels.
Cette pratique permet un contrôle parlementaire des mécanismes de
suivi du secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe.
3.2. Vue d’ensemble
des résultats enregistrés par la procédure de suivi par pays
63. Au cours de ses quinze années d’existence, la commission
de suivi a accompagné 20 Etats membres dans la conduite de leurs
réformes démocratiques. Les procédures de suivi stricto sensu ont
été closes pour la République tchèque (1997), la Lituanie (1997),
la Slovaquie (1999), la Croatie (2000), la Lettonie (2001), la Turquie
(2004) et Monaco (2009)
.
Le dialogue postsuivi a été clos avec l’Estonie (en 2000), la Roumanie (2002),
la Lituanie (2002), la Croatie (2003), la République tchèque (2004),
la Slovaquie (2006) et la Lettonie (2006). Actuellement, comme évoqué
précédemment, 10 membres restent sous procédure de suivi et quatre sont
engagés dans un dialogue postsuivi.
64. La valeur ajoutée de la procédure de suivi de l’Assemblée,
comparativement aux mécanismes conventionnels au sein et en dehors
du Conseil de l’Europe, reste incontestable. Elle tire avantage
des relations directes entre l’Assemblée dans son ensemble et ses
membres, qui sont en même temps membres de leurs parlements nationaux
– que ce soit du côté de la majorité au pouvoir ou de l’opposition
– et, conséquence logique, de l’influence que l’Assemblée peut exercer
directement sur les législatures des pays concernés. Il s’agit d’un
mécanisme de suivi entre pairs, et cette caractéristique spécifique
offre de précieuses opportunités.
65. La spécificité principale de la procédure de suivi de l’Assemblée
est sa nature essentiellement politique. Le processus ne se limite
pas à une évaluation du respect formel des engagements et obligations
– l’adoption de la législation ou la ratification d’instruments
internationaux –, il juge également la mise en œuvre des lois, le
contexte et le processus politiques. Il tient compte de la complexité
des divers facteurs et conditions susceptibles d’influer sur la
situation dans le pays.
66. Dans ses travaux, l’Assemblée a toujours privilégié le dialogue
politique et une approche non conflictuelle par opposition à une
démarche répressive, dans la mesure où il s’agit d’un processus
à long terme, basé sur la compréhension mutuelle et la coopération.
67. L’évaluation d’ensemble des activités menées par la commission
au cours de ces quinze années est indubitablement positive. La commission
s’est avérée un outil précieux d’accompagnement des Etats membres
dans leur transition vers la démocratie et d’assistance au respect
des normes du Conseil de l’Europe. Cependant, ses travaux ont rencontré
quelques difficultés. Le délai de deux ans fixé pour la soumission
du rapport de chaque pays sous procédure de suivi n’a pas toujours
été respecté. Dans le cas le plus extrême, la Fédération de Russie,
six années se sont écoulées depuis le débat devant l’Assemblée consacré
au dernier rapport complet sur le pays.
68. Pour certains autres pays, on peut observer une tendance symptomatique:
de plus en plus souvent, les rapports complets de suivi sont remplacés
par des rapports sur le fonctionnement des institutions démocratiques,
une pratique conçue pour réagir rapidement à des développements
politiques ou des préoccupations inhabituels. Il est à regretter
que la situation dans ces pays, en crise politique quasi permanente,
ne permette pas une évaluation correcte des progrès et une analyse
substantielle du processus démocratique.
69. Fort de cette expérience de quinze ans, nous allons tenter
d’identifier certains grands traits de l’impact du suivi en termes
de transition démocratique ainsi que les obstacles les plus courants
et les préoccupations persistantes dans certains pays qui entravent
l’avancée de la démocratisation. Ce sera également l’occasion pour
nous de jauger notre efficience et d’examiner les moyens de l’améliorer.
70. Il est vrai qu’un grand nombre de rapports présentés par la
commission de suivi ont été accueillis avec beaucoup d’attention
et ont donné lieu à des débats publics, souvent suivis de l’élaboration
de plans d’action, de trains de réformes et de nouvelles législations
dans les pays. Les évaluations de l’Assemblée et les avis et déclarations
des rapporteurs ont toute leur place dans les débats nationaux,
sont largement utilisés par les forces prodémocratiques et ne peuvent
être ignorés lors de l’élaboration des politiques nationales.
71. Je pourrais citer de nombreux exemples d’influence concrète
de l’Assemblée du fait de ses activités de suivi. Dans bien des
cas, l’Assemblée a accompagné les pays sous procédure de suivi dans
l’élaboration de trains de réformes complets; parfois elle a exercé
des pressions sur les autorités en vue de la révision d’une loi
particulière qui ne répondait pas aux normes européennes ou de la
mise en œuvre de la législation existante; son action a également
été décisive durant et après les crises politiques qui ont secoué
certains pays.
72. En Albanie, le mécanisme
de suivi a aidé le pays à surmonter le boycott des travaux du parlement
par le Parti socialiste à la suite des élections parlementaires
de 2009 et a contribué à la reprise du dialogue politique – même
si aucun résultat tangible n’a encore été enregistré – entre le
Parti démocratique au pouvoir et l’opposition.
73. En Arménie, le suivi
a donné lieu à l’élaboration et l’adoption d’une réforme constitutionnelle
complète en novembre 2005, en étroite coopération avec la Commission
de Venise. De plus, la procédure de suivi a joué et continue de
jouer un rôle crucial et largement reconnu dans la résolution de
la crise politique qui a éclaté à la suite des événements de mars
2008. Elle a notamment contribué à la déclaration d’une amnistie
générale, à la remise en liberté d’un grand nombre de personnes
arrêtées pour leur prétendu rôle dans ces événements et à l’élaboration
du train de réformes récemment annoncé et axé sur le système judiciaire,
la police et le Code électoral.
74. En Azerbaïdjan, les
pressions exercées par l’Assemblée ont contribué à l’élaboration
et l’adoption de plusieurs actes législatifs conformes aux normes
européennes. A la suite de l’insistance de l’Assemblée, l’Azerbaïdjan
a accepté de coopérer avec la Commission de Venise tout au long
du processus législatif. En 2006, l’intervention des corapporteurs
a facilité la reprise de l’activité de la chaîne de télévision indépendante ANS,
après trois semaines d’interruption.
75. En Géorgie, l’Assemblée
a largement contribué aux progrès considérables enregistrés dans
la transformation démocratique après la Révolution des roses en
2004. Elle a notamment assisté les nouvelles autorités dans l’élaboration
d’une feuille de route pour les réformes, accompagnée d’échéances
précises.
76. En
Ukraine, la procédure
de suivi a appuyé fermement les réformes démocratiques dans le pays
et contribué aux changements démocratiques qui ont mené à la Révolution
orange en 2004 et à ceux intervenus sous la présidence de M. Ioutchenko.
La priorité accordée par les nouvelles autorités au lendemain de l'élection
présidentielle de 2010 au respect des engagements souscrits par
le pays lors de son adhésion et non encore honorés et la réaction
constructive à la dernière résolution de l’Assemblée sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Ukraine
témoignent
de l’importance attachée à la procédure de suivi dans ce pays.
77. Pour d’autres exemples, j’incite les lecteurs à consulter
nos rapports de suivi relatifs à des pays spécifiques: ils dressent
le bilan des mesures positives entreprises par les autorités, grâce
souvent à l’insistance de l’Assemblée, mais aussi des défaillances
constatées.
78. Par ailleurs, le suivi de l’Assemblée amplifie le travail
des mécanismes de contrôle intergouvernementaux ou judiciaires,
apportant ainsi un poids et une influence politiques aux recommandations
formulées par leurs organes exécutifs. Dans ce contexte, les pressions
politiques exercées sur les autorités nationales des pays concernés
pour une exécution rapide et complète des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme ont une importance toute particulière. De
même, les conclusions du suivi de l’Assemblée sont souvent reprises
par d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe dans leurs propres
domaines d’action.
79. Le travail de la commission de suivi, s’agissant des conséquences
de la guerre de 2008 entre la Géorgie et la Russie, est largement
reconnu et salué, notamment dans le rapport de la mission d’enquête
internationale indépendante sur le conflit en Géorgie (IIFFMCG –
CEIIG) et dans le contexte de l’arrêt de la Cour internationale
de justice relatif à l’application de la Convention internationale
des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie).
80. L’impact de la procédure de suivi de l’Assemblée est également
illustré par l’usage fait de ses conclusions par la Commission européenne
dans ses évaluations des progrès des pays candidats sur la voie de
l’intégration dans l’Union européenne. D’autre part, le respect
des engagements et obligations envers le Conseil de l’Europe est
un élément important dans l’évaluation de la situation de la démocratie
et des droits de l’homme dans les Etats européens participant à
la politique européenne de voisinage. Les plans d’action pour les
pays membres du Conseil de l’Europe incluent systématiquement des
références au respect des obligations et engagements statutaires.
81. Il convient de souligner que l’appartenance à l’Union européenne
n’a aucune incidence sur la décision de l’Assemblée concernant la
clôture de la procédure de suivi, comme en témoigne le cas de la
Bulgarie. De même, tout membre du Conseil de l’Europe, qu’il soit
membre ou non de l’Union européenne, peut faire l’objet d’une réouverture
de la procédure de suivi, comme l’illustrent les exemples d’initiatives
parlementaires à l’égard du Royaume-Uni et actuellement de la Hongrie.
82. D’un autre côté, la persistance de préoccupations sérieuses
dans un certain nombre de pays génère un sentiment de frustration
grandissant chez certains membres, qui soulèvent à juste titre des
questions quant à l’exercice dans son ensemble. Les progrès démocratiques
de quelques pays sous procédure de suivi ont parfois été contestés,
et des reculs sérieux ont dans certains cas été enregistrés en matière
de démocratie.
83. Dans les faits, plusieurs Etats font l’objet d’une procédure
de suivi ou sont engagés dans un dialogue postsuivi depuis plus
de quinze ans maintenant
, alors
que la plupart des autres ont été soumis à cette procédure parfois
pendant dix ans; dans certains cas, la clôture de la procédure est
difficilement envisageable dans un avenir prévisible. Tout aussi
inquiétant: dans certains pays, il s’avère difficile voire impossible
de procéder à une évaluation des progrès d’ensemble dans les domaines
clés des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit,
l’attention étant continuellement axée sur la crise politique qui
éclipse toutes les autres questions importantes.
84. Dans ce contexte, j’aimerais analyser plus en détail certains
principes fondamentaux de la démocratie, son non-respect dans certains
pays sous procédure de suivi soulevant des préoccupations récurrentes.
85. Des élections libres et équitables,
fondées
sur le pluralisme politique et un environnement démocratique, sont
une condition préalable de la démocratie. La démocratie représentative
est un principe clé des systèmes démocratiques et une exigence fondamentale
pour sa légitimité. La commission a souvent été associée à l’observation
des élections dans les Etats membres faisant l’objet d’une procédure
de suivi: en règle générale, ses rapporteurs prennent part aux missions
préélectorales ou d'observation dans les pays de leur ressort
. Les conclusions
de ces missions sont systématiquement prises en compte dans les
rapports de suivi sur les pays concernés
. La commission est également
représentée au Conseil des élections démocratiques de la Commission
de Venise.
86. Dans plusieurs pays sous procédure de suivi, des lacunes graves
dans le processus électoral ont été constatées à différentes reprises.
Ces lacunes ont trait aux déficiences de la législation électorale,
qui ne respecte pas pleinement les normes du Conseil de l’Europe,
mais aussi à l’environnement politique insatisfaisant qui entrave
le processus électoral et le pluralisme politique, se traduisant
par des campagnes électorales inéquitables, des déficiences dans
l’enregistrement des candidats ou durant le vote, des violations de
la liberté d’expression ou de réunion, parfois des violences pré-
ou postélectorales, le refus de reconnaître les résultats des urnes
et le boycott ultérieur du parlement par l’opposition
.
87. En Albanie, bien que
les dernières élections législatives de 2009 aient été jugées globalement
libres et équitables, la politisation du processus électoral et
les infractions relevées durant la campagne ainsi que certaines
irrégularités lors du scrutin ont conduit à la crise politique grave
qui sévit actuellement dans le pays.
88. De plus, le cadre législatif du processus électoral doit être
révisé afin de renforcer les capacités de l’administration électorale
s’agissant des registres électoraux, de la réglementation de la
couverture médiatique et du financement des campagnes, des règles
de transparence en matière de propriété des médias, des commissions
électorales et des listes des candidats.
89. En Arménie, la méfiance
de la population à l’égard du processus électoral lors de l’élection présidentielle
de 2008, aggravée par les conditions de campagne inégales et les
problèmes relevés lors du décompte des votes et de l’élaboration
des tableaux de résultats, ainsi que la gestion des plaintes se rapportant
aux élections, a déclenché une crise politique qui a abouti aux
événements tragiques de mars 2008.
90. Par chance, les autorités ont désormais compris qu’une réforme
électorale complète visant à assurer l’égalité et l’équité des conditions
pour tous les candidats, et à accroître la confiance de la population
dans la procédure électorale, notamment par le biais des procédures
de réclamation et de recours, est un facteur indispensable pour
restaurer la confiance du public. Les réformes dans ce domaine sont
d’une importance particulière à l’approche des élections prévues
en mai 2012.
91. En Azerbaïdjan, l’élection
présidentielle de 2008 et les élections législatives de 2010 ont
toutes deux clairement montré que des progrès démocratiques restent
indispensables. Les observateurs de l’Assemblée ont jugé que les
résultats de la première «reflétaient la volonté de l’électorat
du pays», mais des violations ont été constatées lors du scrutin,
en particulier dans le calcul des résultats. Il est regrettable
que cinq partis politiques n’aient pas participé à l’élection et
que les programmes et les idées politiques n’aient pas véritablement
été mis en concurrence.
92. Le scrutin législatif n’a pas été jugé suffisant sur un plan
général pour constituer un véritable progrès dans le développement
démocratique du pays. Les principales difficultés citées étaient
liées à un processus défaillant d'inscription des candidats, un
environnement politique entravant la compétition, des obstacles administratifs
s'opposant au montage d'une campagne efficace, une couverture médiatique
partiale et inéquitable, l'utilisation abusive de ressources administratives,
ainsi qu’à la composition inégale des commissions électorales, de
prétendues irrégularités le jour du scrutin et un mécanisme de recours
laissant à désirer.
93. L’environnement politique restrictif, y compris en dehors
des campagnes électorales, compte tenu des limitations imposées
aux libertés de réunion et d’expression, des intimidations, voire
dans certains cas des persécutions de membres de l’opposition, fait
obstacle à l’établissement d’un pluralisme politique et d’une concurrence
véritables.
94. Le Code électoral, tel qu’amendé en 2010, ne tient malheureusement
pas compte des recommandations formulées par la Commission de Venise
et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (BIDDH/OSCE),
en particulier celles relatives à la composition des commissions
électorales. En outre, le Code électoral contient encore des incohérences
et des ambiguïtés, concernant notamment l’éligibilité des candidats,
ainsi que les procédures de réclamation et de recours.
95. La composition du Parlement de Bosnie-Herzégovine est
directement affectée par les restrictions constitutionnelles au
droit d'éligibilité fondées sur l’appartenance ethnique. L’Assemblée
a à plusieurs reprises appelé les autorités à supprimer ces limitations
afin de mettre la législation électorale et la composition du parlement
en conformité avec les normes de la Convention européenne des droits
de l‘homme.
96. Fin 2009, la Cour européenne des droits de l’homme a adopté
un arrêt dans l’affaire Sejdic et Finci
c. Bosnie-Herzégovine qui a confirmé que les dispositions
électorales et les restrictions constitutionnelles au droit d'éligibilité
fondées sur l’appartenance ethnique pour les élections à la présidence
et à la Chambre des peuples étaient contraires à la Convention européenne
des droits de l’homme. Malheureusement les récentes élections législatives
du 3 octobre 2010 ont été tenues en vertu de ce système et ont donné
lieu à la crise politique actuelle.
97. En Fédération de Russie,
selon les observateurs de l’Assemblée, les résultats des élections législatives
de 2007 et de l’élection présidentielle de 2008 reflétaient dans
l’ensemble la volonté politique exprimée par les électeurs russes,
mais d’importantes carences ont abouti à un processus électoral
qui a porté atteinte au pluralisme politique et n’était pas conforme
aux normes du Conseil de l’Europe pour des élections démocratiques.
98. En dépit des nombreux amendements au Code électoral visant
à sa libéralisation, adoptés par la Douma en 2009-2010, le pluralisme
politique limité et l’environnement politique restrictif continuent
de soulever de vives préoccupations. Certaines questions telles
que les restrictions à l’enregistrement des partis ou le seuil extrêmement
élevé restent à régler.
99. Les limitations imposées aux activités de l’opposition, notamment
à la liberté d’expression et de réunion, compromettent le processus
politique dans son ensemble.
100. Les élections législatives et présidentielle à venir, en
décembre 2011 et mars 2012 respectivement, seront décisives pour
l’évaluation de la crédibilité démocratique du pays.
101. L’élection présidentielle qui s’est tenue en Ukraine en 2010 a été jugée généralement
conforme aux normes du Conseil de l’Europe, bien que diverses forces
politiques aient tenté de détourner à leur avantage le cadre juridique
de l’élection jusqu’au jour du scrutin. Cependant, les incohérences
du cadre juridique des élections en Ukraine et son détournement
par l’ensemble des candidats ont clairement souligné la nécessité d’un
Code électoral unifié, comme recommandé à maintes reprises par l’Assemblée.
102. En Géorgie, il est
reproché au Code électoral actuel d’être favorable au parti au pouvoir.
C’est pourquoi l’Assemblée a salué la mise en place d’un groupe
de travail multipartite chargé d’élaborer un nouveau Code électoral,
ce qui a conduit à la modification du cadre juridique des élections
locales sur une base consensuelle. L’Assemblée a instamment invité
toutes les forces politiques en Géorgie à poursuivre le dialogue
et à se mettre d’accord sur la réforme du Code électoral, y compris
le système électoral, bien avant les prochaines élections législatives
dans le pays prévues en 2012.
103. La législation électorale doit être améliorée en Moldova et en particulier pour
ce qui concerne le seuil minimal que les listes de partis doivent
atteindre pour obtenir des sièges au parlement ainsi que l’exactitude des
listes électorales ; par ailleurs, un registre électoral électronique
devrait être créé. L'Assemblée a appelé les autorités moldaves à
adopter rapidement une nouvelle loi régissant l'élection des membres
du parlement, afin d'augmenter l'influence des électeurs sur le
choix d'un candidat précis dans la liste d'un parti.
104. Les critiques répétées des élections dans certains pays soulèvent
des préoccupations justifiées. En effet, le bon fonctionnement des
institutions démocratiques est conditionné par la représentativité
et, par voie de conséquence, la légitimité de l’organe élu. L’absence
d’un processus électoral digne de ce nom a pour conséquence immédiate
une présence faible, voire inexistante, d’une véritable opposition
au parlement et donc l’absence de coopération parlementaire avec
l’opposition. L’efficience des parlements est liée en grande partie
à leur représentativité et à leur capacité de servir de plate-forme
de dialogue entre les diverses forces politiques.
105. Il est regrettable que dans certains pays, les parlements
soient monopolisés par un nombre limité de forces politiques. Il
convient de souligner une nouvelle fois qu’une opposition parlementaire
forte et active est bénéfique pour la démocratie. Le respect des
droits de l’opposition, ainsi que l’établissement d’un cadre démocratique
dans lequel l’opposition peut travailler et se développer, constituent
une caractéristique nécessaire d’une démocratie stable. Il est regrettable
que ces conditions ne soient toujours pas remplies dans un certain
nombre de pays où l’Assemblée a noté que certaines libertés fondamentales
étaient bafouées, par exemple la liberté de réunion, la liberté
d’expression ou la liberté de la presse.
106. Ces pays se distinguent en général par l’existence d’une
forte opposition extraparlementaire. Dans ces situations, dans l’intérêt
du processus démocratique dans son ensemble, les autorités devraient
se donner pour priorité d’entretenir un dialogue politique avec
l’opposition extraparlementaire et veiller à associer celle-ci aux
décisions politiques. Cependant, la seule solution à cette situation
sur le long terme est la mise en place d’un cadre électoral qui
permettrait la participation, sur un pied d’égalité, d’un éventail
de forces politiques aussi large que possible et où il n’existerait
pas de restrictions injustifiées vis-à-vis des participants au processus électoral.
107. Il est regrettable qu’une bonne partie de l’opposition en Fédération de Russie ne soit pas
représentée à la Douma et ne soit pas impliquée dans le dialogue
politique. Pour faire des progrès réels dans ce domaine, il conviendrait
d'améliorer considérablement l'environnement politique, de sorte
que les forces de l'opposition soient de réels adversaires dans
la course électorale et qu’un système multipartite digne de ce nom
s’instaure.
108. En Azerbaïdjan, après
les récentes élections, la majorité de l’opposition n’est pas représentée
au parlement. Un seul siège a été remporté par l’un des principaux
partis d’opposition. Il est vrai aussi que l’opposition en Azerbaïdjan
est faible et fragmentée. Les autorités se plaignent de son absence
d’approche constructive et préfèrent la critiquer plutôt que d’engager
un dialogue politique.
109. Le fait de savoir si la fragmentation et l’absence d’approche
constructive de l’opposition extraparlementaire azerbaïdjanaise
peut s’expliquer ou non par les conditions dans lesquelles elle
est tenue d’opérer peut prêter à débat, mais il est vrai que toute
opposition ne doit pas seulement avoir des droits, mais également
des responsabilités, dont l’une, essentielle, est d’être disposée
à chercher des solutions politiques par le dialogue politique. Une
fois encore, il est de l’intérêt de l’ensemble des forces politiques,
y compris celles au pouvoir, que le dialogue politique intervienne
au sein du parlement et non en dehors.
110. Dans ce contexte, les récents rapports faisant état d’un climat
répressif à l’égard des forces politiques critiquant le gouvernement,
s’agissant notamment de la liberté de réunion et d’expression, doivent
soulever à juste titre des préoccupations.
111. En Arménie, une partie
importante de l’opposition n’est toujours pas représentée au parlement. Cependant,
les relations entre les autorités et l’opposition, et bien sûr le
climat politique général, continuent d’être empoisonnés par un certain
nombre de questions irrésolues à la suite des événements de mars
2008. Les développements récents ont laissé entrevoir la perspective
d’un règlement satisfaisant de ces questions dans un avenir relativement
proche, qui pourrait marquer le début d’un dialogue plus constructif
entre les diverses forces politiques.
112. En Géorgie, l’impasse
entre l’opposition et le parti au pouvoir ainsi que le climat de
défiance et de polarisation qui en découle ont été à l’origine des
événements de novembre 2007 et se sont encore aggravés après l’élection
présidentielle de 2008. Cependant, grâce aux efforts récemment consentis
par le gouvernement, un dialogue s’est engagé entre les autorités
et une large part de l’opposition, d’où une amélioration notable
du climat politique dans le pays. La préparation et la conduite
des prochaines élections législatives en 2012 seront un test décisif
de cette coopération et par conséquent de la consolidation de la démocratie
en Géorgie.
113. Après les élections législatives de mai 2008, 14 membres de
l’opposition sur 17 ont pris la décision regrettable de ne pas exercer
leur mandat au sein du parlement récemment élu. Il faut souligner
que les autorités ont annoncé plusieurs initiatives pour renforcer
l'opposition parlementaire et relancer le dialogue rompu avant les
élections. En particulier, elles ont adopté des modifications au
règlement du parlement qui autorisent la réduction du nombre de
députés pour créer une faction.
114. En Albanie, l’incapacité
du parti au pouvoir et de l’opposition à coopérer, après les élections
législatives de juin 2009, a déclenché une crise politique ininterrompue
et mené aux événements tragiques de janvier 2011.
115. L’Assemblée a à maintes reprises appelé le principal parti
d’opposition en Albanie (le Parti socialiste) à mettre un terme
au boycott des travaux du parlement et à engager un dialogue politique
constructif avec les autres forces politiques. Il est de la responsabilité
des dirigeants politiques d’appeler la population à manifester son
soutien au sein des institutions démocratiques et non dans la rue.
116. L’absence de coopération entre les diverses forces politiques
en Bosnie-Herzégovine se
traduit par une grave crise politique dans le pays. Au cours de
la dernière partie de session de l’Assemblée en avril 2011, les
corapporteurs ont appelé l’ensemble des acteurs à agir enfin de
manière responsable et à ne plus retarder la formation du gouvernement
au niveau de l'Etat.
117. En Moldova, les relations
entre la majorité et l’opposition sont extrêmement polarisées. Cette
situation a conduit à une impasse politique et institutionnelle
quant à l’élection du Président du pays par le parlement, et par
voie de conséquence à deux dissolutions consécutives du parlement.
Malheureusement, à ce jour la seconde élection anticipée de novembre
2010 n’a pas permis de dégager le consensus politique dont le pays a
si urgemment besoin.
118. L’incapacité des parlements à servir de plate-forme de dialogue
politique est directement liée à une autre préoccupation persistante
dans certains pays faisant l’objet d’une procédure de suivi: lesproblèmes constitutionnels,qui
sont souvent à la fois les causes et les conséquences du manque
de représentativité des organes élus. Les principaux symptômes de
ces problèmes sont la faiblesse du parlement vis-à-vis des autorités
exécutives, le manque d’indépendance du système judiciaire et, sur
un plan plus général, un système insatisfaisant d’équilibre des
pouvoirs.
119. Dans plusieurs pays, le rôle du parlement en tant que contrepoids
au pouvoir exécutif n’est pas toujours bien établi. Diverses raisons
peuvent expliquer ce défaut, dont des lacunes dans le cadre constitutionnel,
le manque de représentativité d’un organe élu et l’absence ou la
faiblesse d’une véritable opposition, voire l’absence des structures,
du personnel et de l’expertise juridique nécessaires.
120. Le manque d’indépendance du système judiciaire est une source
de préoccupation dans plusieurs pays. Certains cas emblématiques
de décisions de justice politisées sont symptomatiques de déficiences démocratiques
plus graves.
3.3. Conclusions après
l’achèvement du second cycle
121. J’ai rencontré quelques difficultés méthodologiques
dans ma tentative de tirer certaines conclusions au terme de deux
cycles complets de rapports périodiques sur le respect des obligations
statutaires par les pays qui ne sont pas soumis à la procédure de
suivi stricto sensu.
122. Comme évoqué précédemment, les pays peuvent être répartis
en trois groupes, chacun étant évalué dans le cadre d’un rapport
annuel. Le premier cycle a débuté en 2006 avec 11 pays et s’est
achevé en 2008, après évaluation de l’ensemble des 33 pays. Le second
cycle a démarré en 2009, à nouveau avec 11 pays, et prend fin en
2011. Les seuls éléments comparables sont les progrès réalisés par
des pays spécifiques au cours des trois ans, sachant que les informations
y afférentes ne sont pas nécessairement à jour. Pour certains Etats
(en l’occurrence ceux des premier et deuxième groupes), elles remonteront
respectivement à trois ou deux ans selon le cas.
123. Cependant, à mon sens, il ne s’agit pas là d’un obstacle majeur
pour évaluer l’utilité des rapports périodiques. Bien sûr, l’objet
de cet exercice est d’analyser dans quelle mesure les pays qui ne
sont pas soumis à la procédure de suivi proprement dite progressent
sur la voie du respect de leurs obligations. Mon objectif est d’examiner
si les recommandations formulées par les mécanismes de suivi ont
été suivies d’effet ou si elles sont restées lettre morte. En d’autres
termes, je cherche à vérifier si ces pays affichent une volonté
politique claire de satisfaire aux obligations souscrites lors de
leur adhésion au Conseil de l’Europe.
124. Dans ses rapports périodiques, la commission évalue la situation
en matière de respect des obligations statutaires dans trois domaines
principaux, en l’occurrence la démocratie pluraliste, l’Etat de
droit et la protection des droits de l’homme. Ne disposant pas de
rapporteurs spécifiques pour ces pays, pour chacun de ces thèmes,
nous ne pouvons que nous fonder sur les conclusions de mécanismes
de suivi pertinents et sélectionnés du Conseil de l’Europe. Cette
méthodologie repose sur l’hypothèse que les pays concernés ont signé
et ratifié divers instruments internationaux pertinents (c’est l’une
de leurs obligations statutaires) et qu’ils sont soumis à leurs
mécanismes de suivi spécifiques.
125. Malheureusement, en dépit d’appels répétés, à la fin du second
cycle, il nous faut constater qu’un certain nombre de ces instruments
internationaux, essentiels pour le processus d’évaluation, n’ont
pas été signés ou ratifiés par certains pays faisant l’objet de
ce type de suivi. A ce jour, parmi les 33 membres concernés, il
n’y a pas un seul pays qui ait signé et ratifié toutes les conventions
du Conseil de l’Europe dotées d’un mécanisme de suivi.
126. En particulier, en matière de droits de l’homme, la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148) n’a
pas été signée par Andorre, la Belgique, la Bulgarie, l’Estonie,
la Grèce, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, Monaco, le Portugal
et Saint-Marin. Elle a été signée mais non ratifiée par la France, l’Islande,
l’Italie et Malte.
127. Un autre instrument crucial, la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales (STE n° 157), n’a pas été signée par Andorre,
la France et Monaco, et signée mais non ratifiée par la Belgique,
la Grèce, l’Islande et le Luxembourg.
128. La Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE n° 197) n’a pas été signée par la République tchèque, le Liechtenstein
et Monaco. Elle a, par contre, été signée mais non ratifiée par
l’Estonie, la Finlande, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande,
l’Islande, la Lituanie et la Suisse.
129. Le Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales (STE n° 177), concernant
l’interdiction de la discrimination, n’a pas été signé par le Danemark,
la France, la Lituanie, Malte, Monaco, la Pologne, la Suède, la
Suisse et le Royaume-Uni. Il a été signé mais non ratifié par l’Autriche,
la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, la Grèce, la Hongrie,
l’Islande, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, le Liechtenstein, la
Norvège, le Portugal, la République slovaque et la Slovénie.
130. Le Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales (STE n° 9), ajoutant de
nouveaux droits fondamentaux à ceux garantis par la Convention,
en particulier le droit au respect des biens, le droit à l’instruction,
et le droit à des élections libres au scrutin secret, n’a pas été
ratifié par Monaco et la Suisse.
131. La Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) n’a pas
été signée par le Liechtenstein et la Suisse. Elle a été signée
mais non ratifiée par l’Autriche, la République tchèque, le Danemark,
l’Allemagne, la Grèce, l’Islande, la Lettonie, le Luxembourg, Monaco,
la Pologne, Saint-Marin, l’Espagne et le Royaume-Uni.
132. Le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant
un système de réclamations collectives (STE n° 158) n’a pas été
signé par Andorre, l’Estonie, l’Allemagne, l’Islande, la Lettonie,
le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, Monaco, la
Pologne, la Roumanie, Saint-Marin, l’Espagne, la Suisse et le Royaume-Uni.
Il a été signé mais non ratifié par l’Autriche, la République tchèque,
le Danemark, la Hongrie, la République slovaque et la Slovénie.
133. Dans le domaine de l’Etat de droit, la Convention civile sur
la corruption (STE n° 174) n’a pas été signée par le Liechtenstein,
Monaco, le Portugal, Saint-Marin et la Suisse. Elle a été signée
mais non ratifiée par Andorre, le Danemark, l’Allemagne, l’Islande,
l’Irlande, l’Italie et le Luxembourg.
134. La Convention pénale sur la corruption (STE n° 173) a été
signée mais non ratifiée par l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie,
le Liechtenstein et Saint-Marin.
135. La Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la
saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement
du terrorisme (STCE n° 198) n’a pas été signée par Andorre, la République
tchèque, le Danemark, l’Estonie, l’Allemagne, l’Irlande, le Liechtenstein,
la Lituanie, Monaco, la Norvège, et la Suisse. Elle a été signée
mais non ratifiée par l’Autriche, la Finlande, la France, l’Islande,
l’Italie et la Suède.
136. Je tiens à souligner que la signature et la ratification des
instruments internationaux énumérés ci-dessus ont été incluses dans
la liste de certains des engagements contractés par les Etats membres
«plus récents» au moment de leur adhésion au Conseil de l’Europe.
Et je me dois de dire qu’en général ces Etats sont bien plus avancés
dans la satisfaction de ces engagements que certains membres «plus
anciens» pour lesquels la signature et la ratification de ces conventions
constituent pourtant aussi une obligation statutaire.
137. Le tableau en annexe du présent rapport montre l’état des
signatures et ratifications de chaque pays du groupe présentant
un intérêt pour ce chapitre. Nous pouvons constater que certains
Etats n’ont pas ratifié plus de trois conventions, et que d’autres,
comme Andorre ou Saint-Marin, n’en ont pas ratifié plus de cinq.
138. D’un autre côté, si nous comparons le nombre de signatures
et de ratifications pour chaque groupe de pays dans le premier et
le second cycle, nous constatons une augmentation, ce qui est un
développement positif. Au cours des trois années qui séparent les
deux évaluations, certains pays ont entrepris des efforts importants
pour honorer leurs obligations.
139. Tout en gardant à l’esprit les lacunes de la présente méthodologie,
évoquées précédemment, et sans prétendre fournir une analyse exhaustive,
j’aimerais évoquer certaines préoccupations particulièrement inquiétantes
révélées par les mécanismes de suivi des principales conventions,
s’agissant de pays qui ne sont pas soumis strictosensu à notre procédure de suivi
parlementaire.
140. La mise en œuvre effective des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme reste problématique dans certains Etats qui
ne sont pas couverts par la procédure de suivi
. En
particulier, des retards extrêmement inquiétants
ont été notés en Grèce, en Italie, en Pologne
et en Roumanie. Dans certains cas, ils révèlent des problèmes structurels
majeurs à l’origine de violations répétitives de la Convention européenne
des droits de l’homme
.
141. Le problème de la durée excessive des procédures judiciaires
reste systématique en Italie et en Grèce. Les détentions préventives
illégales ou d’une durée excessive doivent être éliminées en Pologne.
Par ailleurs, le Royaume-Uni doit mettre fin à la pratique consistant
à retarder la mise en œuvre pleine et entière des arrêts de la Cour
s’agissant de questions politiquement sensibles, telles que le droit
de vote des détenus.
142. Le 15 mars 2011, le Comité européen pour la prévention de
la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) a publié une déclaration publique concernant la Grèce, en
tant que mesure exceptionnelle face à l’absence persistante de réaction
depuis 1997 pour améliorer la situation à la lumière des recommandations
du comité, eu égard à la rétention des étrangers en situation irrégulière
et à l’état du système pénitentiaire. Le CPT a effectué 10 visites
en Grèce depuis 1993, et les recommandations dans ce domaine, mises
en avant à plusieurs reprises, n’ont jamais été suivies d’effet.
143. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) a attiré l’attention à plusieurs occasions sur les préoccupations
particulières persistantes dans certains pays non soumis à la procédure
de suivi parlementaire, en dépit des appels répétés aux autorités
pour leur élimination.
144. Ainsi, dans son rapport sur la France publié en 2010, l’ECRI
a souligné l’absence de suite donnée à bon nombre des recommandations
formulées cinq ans plus tôt et concernant les droits de l’homme
des migrants roms et les droits sociaux en matière de logement,
de santé et d’éducation. Le rapport indique que des politiques gouvernementales
aussi bien que des propositions de loi qui ont pour base la discrimination
fondée sur l’origine ethnique sont inadmissibles et vont à l’encontre
des obligations juridiques qui pèsent sur l’ensemble des Etats membres
du Conseil de l’Europe.
145. Dans une déclaration publiée en 2008, l’ECRI a exprimé ses
vives préoccupations quant à la situation des Roms et de nombreux
immigrés en Italie, victimes d’agressions racistes violentes. Dans
ce contexte, l’ECRI a particulièrement regretté les discours racistes
et xénophobes persistants de la part de certains responsables politiques
italiens, même aux niveaux les plus élevés, et dans les médias.
Elle a également noté que les recommandations formulées à cet égard,
contenues dans son rapport sur l’Italie publié en 2006, n’avaient
pas été pleinement mises en œuvre.
146. Il va sans dire que cette liste de préoccupations est purement
indicative et loin d’être exhaustive; elle a pour seul but de démontrer
que le respect des obligations reste un problème même dans les pays
qui n’ont jamais fait l’objet de la procédure de suivi stricto sensu de l’Assemblée.
147. Elle illustre également le peu de cas qui est fait de ces
questions parmi les membres: en réalité, les addenda aux rapports
d’activité faisant rarement, voire jamais, l’objet de discussions
au sein de la commission ou de l’Assemblée, aucune suite concrète
n’est donnée aux points qui y sont évoqués. L’une des raisons est peut-être
à chercher dans le format de ces rapports périodiques, qui, il est
vrai, sont parfois difficiles à lire et à interpréter.
148. Cela m’amène à la question de l’éventuelle modification de
cet exercice périodique: devrions-nous nommer des rapporteurs, en
charge de l’analyse, des conclusions et du suivi de ces rapports
périodiques? Devrions-nous nous concentrer sur les pays où des lacunes
graves ont été détectées par d’autres mécanismes de suivi? Devrions-nous
systématiquement traquer ces défaillances persistantes et ouvrir
le dialogue parlementaire sur les mesures envisageables par les
pays concernés? Devrions-nous présenter à la commission des «rapports
d’information» sur des pays spécifiques afin qu’elle décide des
éventuelles actions futures? Tout cela supposerait bien évidemment
des modifications du modus operandi de
la commission.
149. Je soumets toutes ces questions à la commission pour examen
plus détaillé et discussion, qui donneront peut-être naissance à
des solutions meilleures et plus efficientes.
4. Options pour le
futur
150. A l’approche du 15e anniversaire de la procédure
de suivi parlementaire, et dans l’espoir de lancer un véritable
débat sur les préoccupations évoquées dans le chapitre précédent,
j’aimerais proposer un certain nombre de questions auxquelles réfléchir
plus avant.
151. Si l’évaluation globalement positive des résultats du suivi
de l’Assemblée depuis la création du système reste pour l’instant
incontestable, l’avenir de cet exercice devrait néanmoins être examiné
soigneusement.
152. Nous sommes désormais confrontés à une situation dans laquelle
plusieurs pays qui ont été sous procédure de suivi durant de nombreuses
années ne semblent plus progresser de manière significative en termes
de satisfaction de leurs obligations et engagements. C’est parfois
la cause de frustrations justifiées d’autres Etats membres, soucieux
de la crédibilité de notre Organisation, mais également au sein
des Etats concernés.
153. Ce problème est amplifié par le fait que les crises politiques
continues dans ces pays et la nécessité d’une réponse rapide rendent
difficile, voire impossible, pour l’Assemblée toute évaluation complète
des progrès en matière de respect des obligations et engagements.
154. Par ailleurs, compte tenu des interactions entre les différents
piliers de la démocratie, les lacunes dans un domaine clé de la
démocratie sont généralement aggravées par les problèmes dans d’autres.
Ainsi, des élections entachées d’irrégularités sont souvent la conséquence
d’un équilibre déficient des pouvoirs, lui-même à l’origine d’atteintes
aux droits de l’homme, et ainsi de suite. Dans un système démocratique globalement
déficient, l’attention portée uniquement sur un aspect spécifique
de la démocratie peut parfois s’avérer trompeuse.
155. De même, s’agissant de nos rapports périodiques relatifs aux
Etats membres qui ne font pas l’objet d’une procédure de suivi,
à la lumière des conclusions tirées après l’achèvement de deux cycles
complets, nous semblons avoir atteint un point où les nouveaux progrès,
bien que nécessaires, sont discutables.
156. Dans cette situation, des questions se posent inévitablement:
devrions-nous fixer une limite de durée à la procédure de suivi?
Devrions-nous modifier notre stratégie et identifier de nouvelles
mesures afin de renforcer l’impact du suivi? Devrions-nous chercher
un cadre résolument nouveau en vue d’atteindre le même but ultime?
Nous observons déjà une certaine incompréhension de la part de quelques
pays sous procédure de suivi depuis longtemps, ainsi que leur frustration
et leur impatience.
157. Nous touchons là un aspect plus général du mandat de la commission
et les modalités de son exécution. Si personne ne remet en cause
la nécessité d’une forme quelconque de suivi de l’ensemble des Etats membres
du Conseil de l’Europe, notre façon de procéder actuelle n’est pas
unanimement acceptée.
158. Pour l’heure, comme je l’évoquais au chapitre 2, 10 pays font
l’objet d’une procédure de suivi
stricto sensu et
quatre sont engagés dans un dialogue postsuivi. Nous pouvons nous
attendre à ce que, dans un avenir relativement proche, ces chiffres
baissent encore. D’un autre côté, la majorité des membres ne sont
pas soumis à un examen comparable quant au respect de leurs obligations
statutaires. Même si théoriquement il est possible de rouvrir ou
d’ouvrir une procédure de suivi pour n’importe quel membre, en réalité
cette option n’est qu’exceptionnellement mise en œuvre
.
159. A mon sens, nous devrions changer notre approche à cet égard:
l’avenir de la commission dépend de sa capacité à réagir – au moyen
de propositions de réouverture ou d’ouverture d’une procédure –
aux préoccupations concrètes en matière de démocratie dans tous
les Etats membres du Conseil de l’Europe.
160. De plus, comme je le disais précédemment, dans sa pratique
du suivi, l’Assemblée a toujours opté pour un dialogue constructif
et des sanctions n’ont été adoptées que dans des cas très exceptionnels.
Cette approche s’est très souvent avérée efficace et j’ai cité beaucoup
d’exemples encourageants de progrès accomplis de cette manière.
Parfois, cependant, les appels, les recommandations répétées et
la persuasion n’ont eu aucun impact. Dans ces situations, devrions-nous
maintenir notre stratégie, au risque de mettre en jeu la crédibilité
de l’ensemble du processus? Devrions-nous faire preuve de patience
et de compréhension aux dépens de nos valeurs? Combien de temps
devrions-nous attendre? Ou peut-être devrions-nous élargir l’éventail
des sanctions possibles et les appliquer de manière transparente?
161. Il y a enfin un ensemble de questions concernant nos méthodes
de travail, y compris les modalités de coopération avec d’autres
mécanismes de suivi au sein ou en dehors de l’Organisation, avec
la société civile et l’opposition extraparlementaire. Devrions-nous
renforcer nos contacts avec cette dernière, en l’invitant, par exemple,
plus systématiquement à nos réunions ou en organisant des auditions?
162. L’une des initiatives des membres de la commission, en l’occurrence
les feuilles de route de pays spécifiques relatives à la mise en
œuvre des obligations et engagements non encore satisfaits, est intéressante
et mérite certainement un examen plus approfondi. Néanmoins, la
question de leur application demeure, et les promesses et bonnes
intentions ne peuvent indéfiniment remplacer les résultats concrets.
163. Il n’existe certainement pas de réponse unique et ultime à
toutes ces questions. Chaque situation est unique et les méthodes
doivent être adaptées en conséquence. Mais ces questions méritent
d’être posées, ne serait-ce que pour lancer la réflexion.
164. Ces considérations me semblent particulièrement judicieuses
dans le contexte des discussions actuelles sur la question plus
générale de la réforme de l’Assemblée: sa place, son rôle et sa
pertinence pour l’avenir de nos sociétés, et j’espère sincèrement
que ce rapport permettra d’engager un échange d’idées et de propositions
visant à améliorer notre suivi des obligations et engagements de
tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
Annexes
Annexe 1: Tableau des ratifications et signatures des principales
conventions du Conseil de l'Europe prévoyant un mécanisme de suivi
par le premier groupe de 11 Etats membres
Annexe 2: Tableau des ratifications et signatures des principales
conventions du Conseil de l'Europe prévoyant un mécanisme de suivi
par le deuxième groupe de 11 Etats membres
Annexe 3: Tableau des ratifications et signatures des principales
conventions du Conseil de l'Europe prévoyant un mécanisme de suivi
par le troisième groupe de 11 Etats membres
Abréviations
R: Ratifié
S: Signé mais non ratifié
–: Ni signé ni ratifié
CEDH: Convention européenne des droits de l'homme
CEPT: Convention européenne pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
CSE: Charte sociale européenne (1961 ou révisée)
CPMN: Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
CERLM: Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
CEAL: Charte européenne de l'autonomie locale