1. Introduction
1. Les membres de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe exercent diverses fonctions:
en particulier, ils adoptent des résolutions politiques portant
sur des questions d’intérêt stratégique pour les Etats européens,
ils participent à des missions d’observation d’élections, soutiennent
les activités de divers organismes intergouvernementaux ou autres
et élisent les juges de la Cour européenne des droits de l’homme, le
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, le Secrétaire général de l’Assemblée
parlementaire ainsi que d’autres titulaires de fonctions importantes
au sein de l’Organisation.
2. Il est important que les citoyens au nom desquels les parlementaires
agissent soient convaincus que les membres de l’Assemblée exercent
leurs fonctions en toute bonne foi et non pas pour servir des intérêts
privés. Par ailleurs, l’Assemblée doit aussi avoir les moyens de
demander des comptes à tout membre qui risquerait de porter atteinte
à la réputation de l’institution.
3. Jusqu’à récemment, le Règlement de l’Assemblée ne contenait
aucune disposition spécifique relative à la conduite de ses membres.
Il semblait tout naturel que ces derniers respectent des principes
tels que l’intégrité et l’honnêteté, étant tenus, en leur qualité
de parlementaires nationaux, de se conformer aux règles d’éthique
et aux dispositions de lutte contre la corruption en vigueur dans
leur pays. Dans un premier temps, des règles de conduite n’ont été
établies que pour les corapporteurs de la commission pour le respect
des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe
(commission de suivi); elles figurent dans le code de conduite à
l’usage des corapporteurs, approuvé par la commission en 2001.
4. Lorsqu’elle a examiné les questions relatives à la démocratie
et à la lutte contre la corruption dans les années 2000, l’Assemblée
a souligné à plusieurs reprises la nécessité pour les parlementaires
de déclarer leurs intérêts financiers. Cela a conduit à l’adoption
en 2007 de la
Résolution 1554 (2007) sur le conflit d’intérêts, qui inscrit dans le Règlement
de l’Assemblée l’obligation pour tous les rapporteurs de l’Assemblée de
faire une déclaration orale concernant tout intérêt professionnel,
personnel, financier ou économique susceptible d’être jugé pertinent
ou d’entrer en conflit avec le sujet du rapport. Les membres sont
également encouragés, s’il y a lieu, à faire de telles déclarations
d’intérêt orales avant de prendre la parole en commission ou en
séance plénière.
5. En 2006, l’expérience acquise par la commission de suivi a
abouti à une demande d’actualisation des dispositions du code de
conduite à l’usage des corapporteurs. Cette initiative a finalement
conduit à l’élaboration d’un code de conduite applicable à tous
les rapporteurs de l’Assemblée parlementaire, qui a été adopté en
2011
.
6. Le présent rapport sur le code de conduite des membres de
l’Assemblée fait suite à deux propositions de résolution présentées
en 2011, qui ont été renvoyées à la commission du Règlement, des
immunités et des affaires institutionnelles pour rapport et fusionnées
par décision de cette dernière.
7. En juin 2011, M. Mignon et plusieurs de ses collègues ont
présenté une proposition de résolution (
Doc. 12669) soulignant la nécessité d’instaurer des règles déontologiques
pour l’ensemble des membres de l’Assemblée. Il a notamment été demandé
à la commission de régler la question des cadeaux et de prévoir
des garde-fous appropriés contre l’acceptation d’offres d’hospitalité
en échange de faveurs politiques. Une deuxième proposition de résolution
sur le renforcement du mécanisme de déclaration des conflits d’intérêts (
Doc. 12754) a été présentée en octobre 2011 par M. Harutyunyan
et plusieurs de ses collègues, appelant à une réglementation des
activités des groupes d’intérêts (organisations non gouvernementales
(ONG), lobbyistes représentant des entités privées ou des Etats),
dont l’implication dans les travaux de l’Assemblée s’est accrue
ces dernières années. Elle demandait notamment que des règles soient
établies sur la transparence et l’obligation de rendre des comptes
des membres de l’Assemblée. A ces propositions s’ajoutent les démarches
individuelles de certains membres de l’Assemblée
demandant
que soient renforcées les règles d’accès au Palais de l’Europe,
principal bâtiment du Conseil de l’Europe.
8. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, la commission
du Règlement a tenu deux auditions, le 1er décembre 2011
à Vilnius
et
le 24 janvier 2012 à Strasbourg
. Le rapporteur tient à remercier chaleureusement
tous les participants, dont les contributions ont servi à l’élaboration
de ce rapport.
9. Les préoccupations exprimées dans les propositions de résolution
précitées coïncident avec un appel général au renforcement de la
transparence des assemblées élues. En 2007 déjà, l’Assemblée s’était inquiétée
du dysfonctionnement des institutions politiques observé dans les
Etats membres du Conseil de l’Europe et avait établi que la perte
de confiance du public dans l’intégrité des parlementaires était
l’une des causes de la crise de la démocratie en Europe
.
Le mécontentement de l’opinion publique s’est amplifié avec les
scandales de corruption qui ont éclaté dans plusieurs pays et la
crise financière et économique qui a débuté en 2008. Dans ce contexte
sensible, les parlements, et notamment l’Assemblée, se sont employés
à réaffirmer leur attachement aux principes de transparence et d’intégrité.
10. Par ailleurs, en matière de corruption, les normes générales
inscrites dans la Convention des Nations Unies contre la corruption
et la Convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption
(STE n° 173) devraient être mises en œuvre au niveau de l’Assemblée
également. Le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) du Conseil
de l’Europe a lancé en janvier 2012 son quatrième cycle d’évaluation,
portant sur la prévention de la corruption des parlementaires, des
juges et des procureurs. Par conséquent, le moment semble opportun
pour l’élaboration par l’Assemblée de son propre code de conduite.
11. L’Assemblée reconnaît aujourd’hui le risque de voir les intérêts
financiers, économiques, commerciaux ou autres d’un parlementaire
entrer en conflit avec ses obligations en tant que membre de l’Assemblée,
en particulier dans le cas des rapporteurs ou des membres de missions
d’observation des élections. Le but de ce rapport est de clarifier
les dispositions du projet de code de conduite des membres de l’Assemblée
(figurant en annexe du projet de résolution) et de montrer qu’en
dépit des diversités nationales et juridiques, il est possible de
parvenir à un consensus sur des grands principes essentiels au bon
fonctionnement d’une assemblée d’élus dans une société démocratique,
notamment en ce qui concerne la déclaration des cadeaux, des offres d’hospitalité
et des conflits d’intérêt, ainsi que l’interdiction de la promotion
rémunérée d’intérêts
.
12. Le rapporteur tient à souligner que l’efficacité du code de
conduite dépendra de la disposition des membres à s’y conformer
mais aussi de l’existence d’instruments
et d’éléments administratifs permettant d’assurer son application.
Après l’adoption du code, sa mise en œuvre sera le prochain défi
que l’Assemblée devra relever pour être crédible sur cette question.
2. Champ d’application du code de conduite
13. Le projet de code de conduite
vient compléter les règlements internes existants en définissant
les normes générales que tous les membres de l’Assemblée sont invités
à respecter dans l’exercice de leurs fonctions. Il n’entend pas
se substituer au code de conduite des rapporteurs de l’Assemblée,
qui a été élaboré en tenant compte de la nature spécifique des fonctions
des rapporteurs, ni aux règles applicables, par exemple, à l’observation
des élections
ou
aux membres de la sous-commission chargée de mener les entretiens
avec les candidats à l’élection de juge à la Cour européenne des
droits de l’homme.
14. Le projet de code de conduite s’applique aux parlementaires
en leur qualité de membres de l’Assemblée parlementaire et englobe
les situations qui se présentent dans leur vie publique. Le fait
qu’il soit adopté par l’Assemblée elle-même lui garantira légitimité
et valeur morale; sa crédibilité dépendra quant à elle de son application
par les membres et par l’Assemblée.
3. Principes
généraux de conduite
15. Le succès d’un cadre déontologique,
quel qu’il soit, repose sur l’acceptation de principes fondamentaux par
tous ceux à qui il s’applique, indépendamment de leur position idéologique
ou politique. Souvent appelés normes éthiques, ces principes généraux
offrent un point de repère quant aux comportements que l’on est
en droit d’attendre d’une personne donnée. Plutôt qu’imposer des
obligations, les principes généraux sont incitatifs et permettent
de couvrir toutes les nouvelles situations auxquelles seront confrontés
les membres et toutes les nouvelles circonstances dans lesquelles
ils pourront être appelés à agir. Ces principes n’étant pas opposables,
ils servent à évaluer les plaintes.
16. Les principes généraux figurant au paragraphe [16] du projet
de code de conduite s’inspirent des sept principes de la vie publique
énoncés en 1995 par la commission sur les normes de la vie publique
du Royaume-Uni (la commission Nolan). Des principes similaires,
avec des interprétations parfois légèrement différentes, ont été
intégrés dans la plupart des codes de déontologie ou de conduite
parlementaires et sont aujourd’hui à la base du fonctionnement de
toute institution publique dans une société démocratique
.
17. Tout en agissant à titre individuel, les membres représentent
l’Assemblée. Ils sont donc tenus de ne pas porter atteinte à la
réputation de l’institution par leurs activités publiques. En outre,
les parlementaires sont censés ne pas exploiter les ressources disponibles
à leur profit ou au profit d’un tiers et faire prévaloir l’intérêt public
sur tout autre intérêt dans l’exercice de leurs activités. Les parlementaires
étant exposés à une multitude de conflits d’intérêts, le projet
de code de conduite entreprend d’établir une distinction claire
entre, d’une part, les conflits légitimes relatifs aux services
rendus à la population et, d’autre part, les conflits d’intérêts
privés. Il importe que ces derniers soient résolus de manière à
protéger l’intérêt public. Leur position de premier plan et l’exemplarité
requièrent des membres qu’ils soient fidèles aux valeurs qu’ils
promeuvent et les invitent à développer leur culture politique et
à maintenir une cohésion en termes de déontologie au sein de l’Assemblée
.
4. Règles
de conduite
4.1. Réputation
de l’Assemblée
18. Le paragraphe [18] du projet
du code de conduite vise à protéger la réputation de l’institution
elle-même. Les membres peuvent jeter le discrédit sur l’institution
par divers actes susceptibles d’être contraires à l’éthique, illégaux
ou considérés comme inappropriés par l’Assemblée. Ces actes sont
en général incompatibles avec l’obligation des membres d’agir dans
l’intérêt public. A titre d’exemple, on peut citer une attitude
qui témoignerait d’un manque de respect manifeste et systématique
à l’encontre de personnes en raison de leur sexe, de leur race ou
de leur religion, ou encore une utilisation inappropriée des locaux
de l’Assemblée à des fins personnelles. Il se peut aussi que des
actes illicites ne soient pas directement rattachés à la fonction
du membre au sein de l’Assemblée, mais qu’ils soient si préjudiciables
à la réputation de l’institution qu’ils appelleront une action de
l’Assemblée. Une mise en examen d’un membre pour détournement de
fonds ou fraude, par exemple, entrerait dans cette catégorie.
4.2. Conflits
d’intérêts
19. Le paragraphe [19] oblige les
membres de l’Assemblée à éviter certains types de conflit d’intérêts.
Or, certains conflits sont inévitables: ainsi, les membres de l’Assemblée
peuvent représenter des agriculteurs qui auront des points de vue
divergents de ceux des entreprises sur les questions relatives à
l’occupation des sols, être des médecins en désaccord avec des théologiens
sur le commencement de la vie ou encore des promoteurs immobiliers
en conflit avec des défenseurs de l’environnement. Ce n’est pas
à ces conflits que s’appliquent les dispositions du paragraphe en
question. En revanche, il est demandé aux membres de faire prévaloir
l’intérêt public sur tout autre intérêt et de déclarer tout conflit
qu’ils ne parviennent pas à résoudre
. Les
conflits à éviter découlent souvent d’intérêts personnels et impliquent
dans bien des cas des avantages financiers pour un membre, sa famille
ou ses amis.
20. La divulgation des intérêts, outre le fait qu’elle favorise
la transparence, rappelle également aux membres de l’Assemblée qu’il
y a toujours un risque que le public ou leurs collègues considèrent
certains de leurs actes comme étant biaisés
.
21. La quasi-totalité des Etats membres du Conseil de l’Europe
disposent de lois, de règles ou de lignes directrices sur les conflits
d’intérêts concernant les membres de leurs assemblées législatives.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)
a produit plusieurs études importantes sur la nécessité de gérer
les conflits d’intérêts et de créer des systèmes à cette fin
.
Parmi les dispositifs permettant de prévenir les conflits d’intérêts,
on trouve la divulgation des intérêts financiers et autres, la mise
en place d’une structure de conseil en matière de déontologie pour
les membres et une formation régulière aux questions d’éthique.
22. Le paragraphe [19] fait référence aux conflits réels et potentiels.
L’identification des conflits potentiels consiste pour les membres
à envisager les situations dans lesquelles leurs actions et décisions
risquent de donner lieu à un véritable conflit d’intérêts ou d’apparaître
a posteriori comme inappropriées aux yeux de leurs collègues ou
des citoyens. L’avis du Secrétaire général de l’Assemblée pourrait
être sollicité pour une telle identification.
23. Le paragraphe [20] encourage les membres à faire des déclarations
d’intérêts ad hoc
.
Toutefois, une déclaration écrite est jugée plus appropriée dans
certains cas, par exemple pour les membres chargés d’observer les
élections. Ainsi, les lignes directrices pour l’observation des
élections par l’Assemblée parlementaire prévoient, depuis leur dernière
modification le 27 janvier 2012, que tout candidat à une mission d’observation
doit remplir un formulaire de déclaration spécial incluant des informations
sur les domaines dans lesquels des conflits d’intérêts, réels ou
potentiels, pourraient survenir compte tenu des tâches spécifiques liées
à l’observation d’élections.
4.3. Interdiction
de la promotion rémunérée d’intérêts
24. Le paragraphe [21] donne un
exemple de conflit d’intérêts lorsqu’un membre devient un promoteur rémunéré
d’intérêts – par un groupe ou une personne extérieure – pour défendre
une cause ou soulever une question devant l’Assemblée. Même si le
membre en question affirme que cette rémunération extérieure n’a pas
d’impact sur ses décisions, le fait que le public puisse y voir
une influence est susceptible de nuire à la réputation de toute
l’institution. Cela n’empêche toutefois pas les membres d’exercer
des activités rémunérées (comme consultant ou conseiller juridique)
ou d’être employés conformément aux réglementations nationales en
vigueur, à condition qu’ils ne perçoivent aucune rémunération ou
avantage en nature pour défendre un intérêt donné auprès de l’Assemblée.
4.4. Acceptation
de rétributions, indemnités, cadeaux et autres avantages similaires
25. La disposition prévue au paragraphe [22],
interdisant aux parlementaires de solliciter ou d’accepter une indemnité,
une gratification ou des cadeaux extérieurs pour les influencer
dans leur rôle législatif, est courante en Europe. En outre, la
question de l’acceptation d’un cadeau entraînant un conflit d’intérêts
apparent revêt également de l’importance car souvent, «les citoyens
ne peuvent juger de la conduite de leurs dirigeants que sur les
apparences. Pour une personnalité politique, faire fi des apparences
reviendrait donc à refuser une certaine forme de responsabilité
démocratique
».
26. La plupart des pays donnent une définition large des «cadeaux»,
couvrant les objets dont la valeur est supérieure à un certain montant,
les frais de déplacement, les billets pour des événements culturels
ou sportifs, les services rendus ou cadeaux offerts à la famille
proche et les prêts personnels accordés par des entités privées
ou par des administrations publiques. Les dispositions applicables
concernent tout avantage offert par un tiers, que ce soit de la
part des pouvoirs publics ou de personnes ne représentant pas des
intérêts publics.
27. Offrir des cadeaux est une expression du savoir-vivre qui
s’inscrit dans le cadre des relations humaines normales. En outre,
les déjeuners de travail ou événements sociaux donnent souvent l’occasion
aux parlementaires de débattre d’une question ou d’établir des relations
de travail constructives avec d’autres.
28. En matière de cadeaux, les politiques, coutumes et niveaux
d’hospitalité varient selon les pays. Cela étant, quelques indicateurs,
quoique subjectifs, permettent de déterminer si un avantage donné
peut être considéré comme inapproprié ou constituer un conflit d’intérêts.
Il convient toujours de se poser les questions suivantes avant d’accepter
un cadeau ou une rémunération: l’information concernant ce cadeau
ou cette rémunération serait-elle embarrassante pour celui qui les
reçoit («sunshine test») si
elle était rendue publique? Ce cadeau ou cette rémunération peuvent-ils
être considérés comme proportionnés aux objectifs légitimes poursuivis?
Leur financement provient-il de sources dignes de confiance?
4.5. Utilisation
de la fonction pour servir des intérêts privés
29. Des dispositions similaires
à celles du paragraphe [23] concernant l’utilisation de la fonction
pour servir des intérêts privés se retrouvent sous une forme ou
une autre dans la plupart des codes de conduite
.
Cette problématique concerne particulièrement les membres d’assemblées
législatives, car bon nombre de leurs décisions entraînent des gains
pour une ou plusieurs parties privées. La différence entre un processus
de décision acceptable et une décision illicite réside dans le fait
que, dans le deuxième cas, l’action a été menée dans le but d’enrichir
le membre concerné, sa famille ou ses amis, et non dans l’intérêt
public
.
4.6. Utilisation
impropre de l’information
30. L’utilisation abusive de l’information
(paragraphe [23]) à des fins personnelles, économiques ou politiques
est l’une des formes de corruption les plus pernicieuses dans les
assemblées législatives
. Récemment,
aux Etats-Unis, des modifications ont été apportées aux règles en
vigueur pour empêcher les législateurs d’utiliser des renseignements
confidentiels pour réaliser des opérations d’initiés. En effet,
les parlementaires avaient utilisé des informations recueillies
dans le cadre d’entretiens privés ou à huis clos pour acheter ou
vendre des actions ou d’autres intérêts financiers (par exemple
patrimoine immobilier). Ils n’étaient pas visés par les lois relatives
au délit d’initiés car ils bénéficiaient d’une immunité en tant
que législateurs. Paradoxalement, personne d’autre qu’eux au sein
du gouvernement n’était exempté des sanctions pénales strictes applicables
en la matière
. Cette problématique apparaît clairement
dans la Convention des Nations Unies contre la corruption
et
plusieurs études de l’OCDE
; elle figure également parmi
les points à examiner dans le questionnaire utilisé pour le quatrième
cycle d’évaluation du GRECO.
4.7. Seuil
d’enregistrement des cadeaux et avantages similaires
31. Il n’est pas rare que des citoyens,
souhaitant manifester leur reconnaissance envers les membres du corps
législatif, leur offrent un cadeau – un café, un déjeuner bon marché,
des stylos, des livres, des bouteilles de vin ou encore une corbeille
de fruits provenant d’un agriculteur, par exemple. Le problème se
pose lorsque ce cadeau va au-delà du geste symbolique. Le paragraphe [25]
tente de remédier à cela en prévoyant un seuil de valeur qui permettra
de faire la différence entre un simple cadeau de courtoisie et un
cadeau inapproprié. L’objectif est d’éviter les plaintes visant
un membre qui se serait vu offrir un thé et un croissant au café
local
.
32. Il sera demandé aux membres de l’Assemblée d’enregistrer tous
les cadeaux et avantages similaires acceptés dont la valeur est
supérieure à un montant minimal prédéfini. Les seuils d’enregistrement
peuvent être fixés de différentes manières. Certains parlements
prévoient un montant fixe
, d’autres le déterminent en fonction
du salaire mensuel des parlementaires
ou
encore par rapport au salaire national moyen
. En ce qui
concerne l’Assemblée, il serait difficile de faire la moyenne des
montants autorisés par les 47 parlements des Etats membres du Conseil
de l’Europe, étant donné que certains parlements ne fixent aucune
limite tandis que certains pays prévoient un montant supérieur au
salaire moyen observé dans d’autres Etats membres. Le rapporteur
propose donc de fixer le seuil à 200 euros, jugeant que ce montant
permet d’exprimer une marque de courtoisie sans être considéré comme
excessif par le citoyen européen moyen. En outre, pour éviter toute allégation
d’influence ou de corruption, l’obligation d’enregistrer tous les
cadeaux, divertissements, repas, hébergements etc. d’une valeur
supérieure à 200 euros permettrait aux membres d’invoquer cette
obligation d’enregistrement pour refuser de tels cadeaux ou avantages
similaires dans des pays ayant une forte tradition d’hospitalité.
Ce seuil concorde également avec les dispositions qui s’appliquent
aux agents du Conseil de l’Europe, leur demandant de ne pas accepter
des cadeaux d’une valeur supérieure à 100 euros
.
4.8. Utilisation
abusive des ressources
33. La question de l’utilisation
abusive des ressources de l’Assemblée est traitée au paragraphe [22].
Servir le public est un privilège et les membres ne doivent pas
utiliser de manière abusive les aides financières ou autres dont
ils bénéficient dans le cadre de leurs fonctions
.
Il y a trois ans à peine, les journaux britanniques ont révélé de
vastes abus dans l’utilisation des notes de frais par les parlementaires.
En conséquence, les règles en la matière ont été renforcées et les
autorités exigent maintenant plus de transparence concernant les
sommes versées aux parlementaires par le biais de la publication
des informations sur le site web
. D’autres parlements mettent à disposition,
sur demande, les informations concernant les rémunérations et indemnités
versés aux députés
.
4.9. Anciens
membres
34. Le paragraphe [23] concerne
l’un des problèmes les plus délicats auxquels sont confrontés les
membres d’assemblées législatives: comment trouver un juste équilibre
entre les prérogatives légitimes des anciens membres de l’Assemblée
et le risque que ces derniers utilisent abusivement l’accès spécial
qui leur est accordé pour en tirer un avantage financier? Deux questions
seront examinées ici, qui se posent concernant les anciens membres
de l’Assemblée: d’une part, les restrictions applicables à l’activité
des membres à l’issue de leur mandat et, d’autre part, l’accès des
anciens membres aux documents et bâtiments de l’Assemblée.
4.9.1. Restrictions
applicables aux anciens membres
35. Leur connaissance des membres
et des procédures de l’Assemblée font des anciens membres des cibles
de recrutement toutes trouvées pour les organisations de lobbying;
cela leur donne également tous les outils nécessaires pour créer
eux-mêmes de telles organisations. Il n’est ni utile ni raisonnable
que l’Assemblée ait le pouvoir de les empêcher d’avoir des sources
de revenus ou d’accéder à un emploi.
36. Bien que relativement récentes dans les Etats membres du Conseil
de l’Europe, des restrictions applicables aux anciens membres sont
adoptées ou envisagées dans de nombreux pays européens; elles s’inscrivent
dans un souci plus général d’éviter les abus de pouvoir par les
anciens membres d’assemblées. Une étude de l’OCDE a examiné les
différentes approches nationales de l’après-mandat dans les pays membres
de l’OCDE
.
Les mesures prises prennent généralement la forme de périodes de
restriction des contacts ou de la représentation vis-à-vis des parlementaires,
qui s’étendent de une à quelques années; aux Etats-Unis, elles peuvent
même prendre la forme d’une interdiction à vie pour un nombre limité
de personnes
.
37. De l’avis du rapporteur, il n’est pas nécessaire, du moins
à ce stade, d’imposer de telles restrictions aux anciens membres
de l’Assemblée. Bien qu’un certain nombre d’entre eux exercent aujourd’hui
officiellement des activités de lobbying, l’étendue du problème
n’appelle pas la mise en place de telles restrictions. Cela dit, afin
de garantir des conditions égales pour tous, les anciens membres
devraient avoir les mêmes prérogatives en termes d’accès aux documents
et aux bâtiments que les représentants d’intérêts venant de l’extérieur.
4.9.2. Accès
des anciens membres aux documents et aux bâtiments
38. En Europe, la plupart des parlements
accordent à leurs anciens membres des privilèges incluant un accès
complet à l’ensemble de leurs bâtiments et installations. Toutefois,
certaines assemblées législatives d’Europe et d’Amérique du Nord
ont connu des scandales politiques retentissants, provoqués par
l’octroi d’un tel accès libre à leurs anciens membres. La Chambre
des communes du Royaume-Uni a réglé ce problème en adoptant au milieu
des années 1990 des règles couvrant les activités de lobbying par
les membres, leur famille, les journalistes et autres personnels
.
Actuellement, elle examine le problème de l’utilisation par les anciens
membres de leur accès illimité pour exercer des activités de lobbying
.
39. Le Règlement actuel de l’Assemblée prévoit des prérogatives
spéciales pour les associés et présidents honoraires de l’Assemblée.
En particulier, les associés honoraires, c’est-à-dire tous les membres
ayant fait partie de l’Assemblée pendant plus de cinq ans ou ayant
occupé les fonctions de président ou de vice-président de l’Assemblée,
de président de commission ou de président d’un groupe politique,
ont accès aux mêmes lieux que les membres actuels, y compris à l’hémicycle,
à l’exception des salles de réunion des commissions pendant les
réunions de celles-ci
.
Les associés honoraires peuvent également demander à être inscrits
sur les listes d’envoi des documents officiels de l’Assemblée et
de certains documents de commission non confidentiels.
40. Le rapporteur propose que tout ancien membre qui est invité,
de manière formelle ou informelle, à défendre des intérêts auprès
de l’Assemblée, se voie refuser ces prérogatives pendant la période
où il exerce une telle activité. Il continuera toutefois d’avoir
accès au Palais de l’Europe et aux documents de l’Assemblée dans
les mêmes conditions que d’autres représentants d’intérêts. Par
conséquent, le Bureau de l'Assemblée est invité à modifier le règlement
spécial sur l’honorariat à l’Assemblée parlementaire et le règlement
spécial sur le titre et les prérogatives de Président(e) honoraire
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
5. Accès
des représentants de groupes d’intérêts aux bâtiments au cours des
sessions de l’Assemblée parlementaire
41. Le rapporteur fait remarquer
que, même si cette question n’est pas traitée dans le projet de
code de conduite des membres de l’Assemblée, elle doit être examinée
pour répondre à l’une des préoccupations soulevées dans la proposition
de résolution intitulée «Renforcer le mécanisme de déclaration des
conflits d’intérêts à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe».
Aux fins du présent chapitre, le rapporteur a examiné les normes
élaborées par l’OCDE
,
la législation en vigueur dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
et les lignes directrices suivies par d’autres pays en la matière
.
42. Il en a conclu – eu égard en particulier au mode de fonctionnement
de l’Assemblée – qu’il n’y avait pas lieu, à ce stade du moins,
de définir la notion de lobbyiste professionnel et de différencier
ce dernier d’autres catégories de personnes ayant un intérêt personnel
ou financier à défendre leur cause auprès de l’Assemblée.
43. La plupart des parlements modernes s’orientent vers une maîtrise
des effets des influences extérieures, reconnaissant que des abus
peuvent se produire. D’après une étude récente, «près de 80% des
amendements déposés» dans les commissions du Parlement européen
émanaient directement de représentants d’intérêts et «les 20% restants
trouvaient souvent leur inspiration en dehors du Parlement»
. Lorsqu’ils sont confrontés à des questions
techniques, complexes ou urgentes, les parlementaires et leurs assistants
s’appuient souvent sur les informations fournies par les groupes
d’intérêts. Dans le cas de l’Assemblée, cette remarque pourrait s’appliquer
à la rédaction de rapports, en totalité ou en partie, ainsi qu’à
l’élaboration de propositions de texte et d’amendements par des
représentants externes. Des considérations similaires ont été émises
par les participants à une discussion sur un nouveau code de conduite
des membres du Parlement européen lorsque la question de «l’empreinte
législative»
a été examinée. Une telle «empreinte
législative» exigerait que toutes les personnes ayant apporté leur
concours à la rédaction d’un document donné soient citées
, contribuant ainsi à l’objectif
de transparence visé déjà par le registre. Cette idée a toutefois
rencontré l’opposition de députés européens qui souhaitaient protéger
leurs sources d’information.
44. Beaucoup de ces abus sont souvent liés à l’accès à l’information
interne, aux locaux ou aux services. Actuellement, les représentants
de groupes d’intérêts ne rencontrent que peu, voire pas de difficultés
à accéder aux espaces réservés aux membres de l’Assemblée parlementaire
ou à son personnel, comme le bar des parlementaires, le service
de la séance et les bureaux des délégations situés à l’étage.
45. Les bons professionnels connaissent l’emplacement des bureaux
des parlementaires et le chemin qu’ils empruntent pour se rendre
aux séances; ils savent également où se tiennent les réunions et
où se procurer des documents. Cela est susceptible d’avoir des répercussions
négatives sur le travail et la réputation de l’Assemblée. D’un autre
côté, cet accès et cette transparence sont essentiels pour le processus
démocratique et doivent être protégés. Certains affirment que le
droit de savoir qui cherche à influencer les législateurs est un
droit fondamental des citoyens
.
46. Bien que la transparence et l’ouverture soient nécessaires
pour maintenir la confiance du public dans ses institutions démocratiques,
il est aussi important que les membres des assemblées disposent
d’un espace privé pour travailler. Les espaces privés au sein des
bâtiments législatifs (hémicycle, certaines salles de réunion, bureaux
des délégations) leur permettent de tenir des discussions informelles
avec leurs collègues avant de rédiger des documents importants ou
d’organiser leur emploi du temps pour pouvoir rencontrer des citoyens
ou des représentants de groupes d’intérêts. L’absence d’espace permettant
de débattre en privé, sans la présence de représentants d’intérêts
ou des médias, est une entrave à l’efficacité et à la rapidité du travail
des parlements.
47. En ce qui concerne l’Assemblée, les règles en vigueur semblent
autoriser un accès relativement large aux locaux de l’Assemblée.
Certaines personnes possèdent déjà leurs badges (par exemple, des représentants
des ONG internationales ayant un statut participatif auprès du Conseil
de l’Europe) ou peuvent se voir attribuer des badges sur demande
d’un membre de l’Assemblée, du Secrétaire général de l’Assemblée ou
du personnel du secrétariat
,
permettant ainsi à des représentants de groupes d’intérêts d’accéder
sans grande difficulté aux espaces publics et d’accès restreint
du Palais de l’Europe.
48. La plupart des pays répondent au souhait des citoyens d’en
apprendre davantage sur le travail des assemblées législatives en
organisant des visites guidées de certaines parties des bâtiments.
Toutefois, le public est souvent isolé dans des tribunes; il n’a
pas le droit d’entrer dans l’hémicycle ou dans les salles donnant
accès à l’hémicycle, où se tiennent les débats relatifs aux travaux
des législateurs
. La majorité des parlements ont
un règlement qui autorise une personne à accéder aux bâtiments sur
invitation d’un membre du personnel ou d’un parlementaire, mais
pour une durée très limitée seulement et à condition qu’elle soit accompagnée
d’un membre du personnel ou d’un parlementaire tout au long de son
séjour dans le bâtiment. Le Parlement européen et le Sejm polonais,
qui garantissent un accès plus flexible aux représentants d’intérêts accrédités,
imposent toutefois des restrictions en ce qui concerne les zones
accessibles
.
49. De l’avis du rapporteur, l’Assemblée se doit de suivre la
tendance générale visant à accroître la transparence du fonctionnement
des institutions et, en même temps, d’obliger les membres à se montrer
plus responsables et à rendre des comptes quant aux personnes auxquelles
ils adressent une invitation.
50. Le Bureau doit envisager de réviser les règles actuelles régissant
l'accès au Palais de l'Europe et l’utilisation des locaux en tenant
compte des considérations ci-dessus et des éléments suivants: la
possibilité d'introduire des badges spéciaux pour les représentants
des groupes d'intérêts, de garantir une distinction clairement établie
entre les espaces publics et d’accès restreint et d’assurer la mise
en œuvre effective des règles d'accès ainsi révisées par des agents
de sécurité et les membres du personnel.
51. La révision envisagée a pour objet d’apporter plus de transparence
et d'efficacité et d’améliorer le fonctionnement de l'Assemblée.
Elle ne vise ni à restreindre le droit des parlementaires de recevoir
des informations de la part de représentants de groupes d’intérêts,
ni à fermer la porte à ceux qui souhaitent faire connaître leur
point de vue. Par ailleurs, le rapporteur est pleinement conscient
du fait qu’aucune règle, si détaillée soit-elle, ni aucune déclaration
formelle – y compris des badges facilement identifiables pour les représentants
de groupes d'intérêts ou une déclaration des membres relative à
l'absence de conflits d'intérêts – ne constituent des garanties
suffisantes contre ceux qui choisiront de contrevenir à l'esprit
de ces règles.
6. Mécanisme
d’application
52. Des voix, celles des citoyens,
des groupes d’intérêts et des médias, s’élèvent dans la société
pour exiger une surveillance accrue de l’intégrité des parlementaires.
53. De nombreuses législations nationales accordent aux membres
des parlements une immunité spéciale qui leur permet d’échapper
à toute responsabilité pénale et civile pour les actes accomplis
dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires, voire lorsqu’ils
agissent en tant que simples citoyens. L’étendue et la nature de ces
immunités, qui ont été créées à l’origine pour garantir l’indépendance
des parlementaires vis-à-vis de l’exécutif, sont le fruit du contexte
culturel, historique et constitutionnel propre à chaque pays. On
exige aujourd’hui une surveillance plus étroite des parlements,
qui passe notamment par une réduction de l’étendue des immunités
et la mise en place de garde-fous contre l’abus de privilèges
.
En réponse à ces demandes, plusieurs parlements ont établi des dispositifs
qui leur permettent de demander des comptes à leurs membres, y compris
en cas de violation des règles internes telles que les codes de
conduite.
54. Le projet de code de conduite propose d’instaurer un mécanisme
d’application pour assurer le respect des règles de conduite, mécanisme
qui serait basé sur trois composantes: la prévention, les enquêtes
et les sanctions.
55. La prévention englobe la diffusion d’informations et d’orientations.
Les orientations sont importantes pour garantir une application
effective du code de conduite, et ce à plusieurs égards: tout d’abord,
elles permettent de donner un ton positif en soulignant que l’on
attend de tous les membres qu’ils fassent preuve d’honnêteté et
se comportent de manière conforme à l’éthique. Motivés par l’intégrité,
tous les membres demanderont à recevoir des conseils s’ils ont des
questions sur l’application du code. Cela est susceptible de réduire
le nombre de violations. Deuxièmement, aucun code ne saurait être
exhaustif: par conséquent, des individus responsables chercheront
à obtenir de l’aide sur les aspects qui ne sont pas spécifiquement
ou directement abordés dans le texte. Troisièmement, le langage
employé dans le code peut avoir des significations différentes d’un
individu à l’autre, par exemple en ce qui concerne la notion de
«cadeau». Enfin, l’Assemblée représentant une multitude de pays,
avec des cultures politiques et des langues différentes, ses membres
doivent avoir l’occasion de clarifier certains points pour éviter
tout acte illicite découlant d’une mauvaise interprétation des règles.
56. Le paragraphe [15] du projet de code de conduite donne au
Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire la possibilité de
donner des orientations sur le code, en tant que tierce partie neutre.
On trouve des dispositions similaires dans d’autres codes de conduite,
autorisant un organe indépendant
,
le service juridique d’un parlement
,
ou encore le secrétaire général du parlement ou son adjoint
à
formuler des recommandations. Le rapporteur considère qu’il y a
lieu d’ajouter une séance d’information sur le code de conduite
aux ateliers que le secrétariat de l’Assemblée parlementaire organise
pour les nouveaux membres de l’Assemblée
.
57. En ce qui concerne les procédures d’investigation mises en
place par les parlements nationaux, une enquête peut être ouverte
par un organe indépendant
,
par le président du Parlement
ou encore
par une commission parlementaire compétente, de son propre chef
ou à la suite d’une plainte, même anonyme
. A ce stade, des informations
complémentaires peuvent être obtenues directement auprès du membre
concerné ou auprès d’un organe ou des fonctionnaires compétents
.
58. De l’avis du rapporteur, la procédure envisagée dans le projet
de code de conduite est conforme à l’esprit du Règlement en vigueur
et cadre avec les politiques existantes. Aux termes du Règlement,
le bon déroulement des travaux de l’Assemblée relève de manière
générale de la responsabilité de son président; en toute logique,
ce dernier devrait donc être le premier à enquêter sur des allégations
de mauvaise conduite d’un membre. Dans plusieurs parlements, la
supervision de la conduite des membres relève du président du parlement
, qui
peut demander l’aide d’autres organes et commissions parlementaires
ou d’un groupe politique
pour
clarifier la question.
59. Lors de l’enquête, le Président de l’Assemblée devrait pouvoir
demander des informations et des éclaircissements au président de
la délégation nationale, au président de la commission ou au président
du groupe politique auxquels le membre appartient. Cette dernière
possibilité serait particulièrement intéressante pour les violations
présumées commises dans le cadre de l’observation des élections,
les membres des missions d’observation des élections étant nommés
par leurs groupes politiques respectifs
.
60. Le Président de l’Assemblée devrait également avoir la possibilité
de demander à la commission du Règlement de formuler une recommandation.
En effet, étant donné sa composition et son mandat, qui consiste notamment
à examiner toute demande de levée d’immunité et toute contestation
des pouvoirs (des procédures qui donnent lieu à une audition contradictoire),
la commission du Règlement est bien placée pour recueillir les données
nécessaires, organiser une audition équitable et évaluer les faits
à la lumière des précédents.
61. La plupart des parlements ont la possibilité de sanctionner
les membres dont la conduite est jugée inappropriée. Ces sanctions,
si elles sont imposées par les pairs plutôt que par une autorité
indépendante, pourraient être perçues par le public comme manquant
d’impartialité. Cela dit, toute évaluation d’une allégation de mauvaise
conduite d’un parlementaire nécessite de comprendre la spécificité
du fonctionnement d’un organe politique, et notamment des interactions
particulières que cet organe peut avoir avec les représentants de
groupes d’intérêts. C’est pourquoi, bien que dans certains parlements
la phase d’enquête soit confiée à une autorité indépendante
, les sanctions qui en découlent sont
souvent imposées par des commissions spécialisées constituées en
totalité
ou
en partie
de parlementaires,
ou par l’assemblée en formation collégiale. La majorité des sanctions
prévues par les parlements remontent à une époque à laquelle la principale
préoccupation des règlements internes, y compris celui de l’Assemblée,
était de garantir le bon déroulement des sessions et le maintien
de l’ordre au sein de la salle des séances; il s’agit donc de sanctions comme
le rappel à l’ordre ou l’exclusion de la salle. De nouvelles sanctions
ont ensuite été mises en place, comme le blâme ou la perte du droit
à l’indemnité de séjour, y compris pour les actes commis en dehors
de la salle des séances
.
62. Le code de conduite doit être suffisamment flexible pour permettre
de traiter toutes les nouvelles situations qui pourraient se présenter
et d’examiner comme il se doit un cas classique pouvant nécessiter
une interprétation spécifique compte tenu de circonstances particulières.
Le rapporteur propose d’adopter la même approche flexible en ce
qui concerne les sanctions infligées. Le Président de l’Assemblée
doit jouir d’un certain pouvoir d’appréciation quant à la réaction
à adopter face aux conclusions d’une enquête.
63. L’éventail de sanctions dont disposerait le Président de l’Assemblée
devrait être similaire à celui qui existe dans la majorité des parlements
nationaux européens et au Parlement européen
: blâme, présentation d’excuses,
expulsion du membre concerné des séances au moyen d’une motion de
censure, lettre au président du parlement concerné ou divulgation
des circonstances de l’affaire.
64. En ce qui concerne la dernière de ces sanctions, il appartiendrait
au Président de l’Assemblée de décider de l’opportunité de rendre
publiques les conclusions de l’enquête et les sanctions imposées.
Un manquement mineur, suivi d’une sanction même légère, peut, s’il
est rendu public, avoir des répercussions non négligeables sur la
carrière politique d’un membre ou sur son image au sein de sa délégation
nationale. L’éventuelle reprise de ces informations par les journaux
locaux peut saper la confiance de l’électorat dans le parlementaire
en question et aller jusqu’à lui faire perdre son siège aux élections
suivantes. A cet égard, le pouvoir discrétionnaire du Président
quant à la divulgation d’une affaire permettrait également de prévenir
tout recours abusif au mécanisme par des parlementaires qui chercheraient
ouvertement à attirer l’attention du public sur leurs actions.