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Avis de commission | Doc. 13029 | 27 septembre 2012

Pour des élections plus démocratiques

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Giacomo SANTINI, Italie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau de l’Assemblée, Renvoi 3629 du 25 janvier 2010, modifié le 29 juin 2012. Commission chargée du rapport: Commission des questions politiques et de la démocratie. Voir Doc. 13021. Avis approuvé par la commission le 14 septembre 2012. 2012 - Quatrième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées félicite M. Jean-Charles Gardetto pour son rapport intitulé «Pour des élections plus démocratiques» et approuve les principales conclusions du rapporteur.
2. Elle souscrit sans réserve à l’affirmation selon laquelle des élections démocratiques sont décisives pour garantir que la volonté du peuple soit respectée lorsqu’il s’agit de former le corps législatif et le gouvernement à tous les niveaux et que les organes élus soient effectivement représentatifs.
3. La commission tient à souligner que, pour que des élections soient véritablement «démocratiques» et reflètent la volonté du «peuple», il est nécessaire de veiller à ce que le maximum de personnes concernées puissent y participer. Dans la mesure où l’immigration se développe en Europe, il importe de faire en sorte que les immigrants aient aussi la possibilité de «participer», soit en leur facilitant l’acquisition de la nationalité de leur pays d’accueil, soit en leur donnant des droits de vote ou en favorisant d'autres formes de participation politique.
4. La commission propose un seul amendement, destiné à compléter le texte du projet de résolution.

B. Proposition d'amendement

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Amendement A (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 8.1.6, insérer le paragraphe suivant:

«en facilitant l’accès à la nationalité, comme le préconise la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166), et en accordant aux migrants des droits de vote et/ou d’autres possibilités de participation politique, comme le propose la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE no 144). L’on ne sert pas l’intérêt de la légitimité démocratique en excluant de grands nombres de migrants de la vie politique et des élections démocratiques.»

C. Exposé des motifs, par M. Santini, rapporteur pour avis

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1. Introduction

1. Je tiens à féliciter notre collègue, M. Gardetto, pour son rapport intitulé «Pour des élections plus démocratiques» et je souscris sans réserve aux conclusions contenues dans le projet de résolution.
2. Le présent avis est axé sur la question des migrants et sur la manière de faire en sorte qu’ils participent aux élections démocratiques et qu’ils y soient représentés dans toute la mesure du possible. A cet égard, je tiens à insister sur l’importance du paragraphe 1 du projet de résolution. Dans ce paragraphe, l’Assemblée parlementaire «souligne une nouvelle fois que des élections démocratiques sont décisives pour garantir que la volonté du peuple soit respectée lorsqu’il s’agit de former le corps législatif et le gouvernement à tous les niveaux et que les organes élus soient effectivement représentatifs».
3. En outre, je note avec satisfaction que l’encouragement de la participation figure parmi les trois grandes conditions indispensables à l’amélioration du caractère démocratique des élections (paragraphe 7), et que le rapport indique qu’il faut tenir compte du «sexe» et de l’«appartenance ethnique» si l’on veut que le système électoral reflète mieux l’opinion du peuple (paragraphe 8.1.5).

2. La volonté du peuple

4. La «volonté du peuple» est essentielle, encore faut-il savoir qui est le peuple. Ce terme a évolué au cours des derniers siècles, et même des dernières décennies: «le peuple» a englobé une part croissante de la population à mesure que le suffrage universel s’est développé et que le droit de participer aux élections a cessé de dépendre de la possession de terres, du patrimoine ou du sexe, par exemple.
5. Le droit, pour les migrants, de voter et de participer aux élections reste toutefois soumis à de nombreuses restrictions. Le Traité de Maastricht (ou Traité sur l’Union européenne) a cependant fait progresser le suffrage universel en donnant aux ressortissants de l’Union européenne résidant dans un autre Etat membre le droit de voter lors des élections locales et des élections au Parlement européen. De plus, le Conseil de l'Europe, dans sa Convention européenne sur la nationalité (STE no 166) et dans sa Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE no 144), encourage, d’une part, la naturalisation des migrants et, d’autre part, l’octroi de droits de vote à ces personnes et leur participation.
6. Les Etats membres du Conseil de l'Europe sont progressivement devenus des pays d’immigration et ont reconnu la nécessité de permettre aux résidents qui ne sont pas des nationaux soit de se faire naturaliser, soit de participer davantage à la vie démocratique (en votant ou en participant à des organismes consultatifs, par exemple).

3. Nombre des migrants potentiellement exclus de la participation démocratique

7. La Fédération de Russie compte plus de 12 millions de migrants 
			(1) 
			Selon la Délégation
russe, il est impossible d’avancer un chiffre sur le nombre de migrants
dans la Fédération de Russie car le statut de migrant n’est pas
clairement défini dans la loi nationale.; l’Allemagne, plus de 10 millions; la France, le Royaume-Uni et l’Espagne, plus de 6 millions chacun; et l’Ukraine, plus de 5 millions 
			(2) 
			MPI (Migration Policy
Institute) data hub.. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les immigrants représentent 13 % de la population des pays de l’OCDE; ils représentent 37,6 % de la population au Luxembourg, 26,6 % en Suisse, 13 % en Allemagne, 11,5 % au Royaume-Uni, 8,6 % en France et 8 % en Italie 
			(3) 
			Perspectives
des migrations internationales 2012 (p. 51 de l’édition
anglaise) et base de données de l’OCDE sur les migrations internationales.. Beaucoup de ces personnes n’ont pas le droit de vote et n’ont que des possibilités limitées de participer à la vie politique. Il devient donc de plus en plus contestable d’affirmer que la «volonté du peuple» est prise en compte.

4. S’appuyer sur les travaux antérieurs de l’Assemblée parlementaire pour proposer des solutions

8. Il importe par conséquent de prendre des mesures pour améliorer la participation démocratique des migrants. A cette fin, il est possible de s’appuyer sur les travaux déjà menés par l’Assemblée, et en particulier sur sa Résolution 1618 (2008) «La situation de la démocratie en Europe. Mesures visant à améliorer la participation démocratique des migrants».
9. Cette résolution souligne la nécessité d’encourager l’intégration des migrants pour faciliter leur participation démocratique. Elle énumère aussi un certain nombre de mesures destinées à lever les obstacles à la participation démocratique: faciliter l’accès à la nationalité; octroyer un permis de séjour de longue durée aux migrants qui ont passé cinq ans ou moins dans le pays; régulariser la situation des migrants en situation irrégulière qui ne seront pas renvoyés vers leur pays d’origine; accorder aux migrants des droits électoraux, notamment le droit de vote et le droit d’éligibilité aux élections locales et régionales au bout de cinq ans de résidence (ou moins); signer et ratifier la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local; enfin, lever les restrictions en ce qui concerne l’adhésion des migrants à des partis politiques ou à d’autres associations politiques.
10. Des études récentes soulignent l’importance de ces mesures préconisées par l’Assemblée dans la résolution susmentionnée. Les rares données disponibles sur le sujet montrent que les migrants sont sous-représentés parmi les électeurs potentiels, les élus et les membres de partis politiques 
			(4) 
			Thomas Huddleston et
Jasper Dag Tjaden, avec le soutien de Louise Callier, How immigrants experience integration in 15
European cities, publication conjointe de la Fondation
Roi-Baudouin, Bruxelles, et du «Migration Policy Group», Bruxelles,
2012, p. 44.. Il ressort également de ces études que les migrants ont besoin de possibilités accrues de participation politique, mais que celles-ci dépendent de facteurs comme le climat politique du moment, les possibilités d’éducation, la durée de séjour ou le vécu du migrant 
			(5) 
			Ibid., p. 44.. Selon une enquête récente, la plupart des migrants voteraient s’ils avaient le droit de vote; ils veulent aussi davantage de diversité en politique (notamment des députés d’origine immigrée qui pourraient mieux les comprendre et les représenter) 
			(6) 
			Ibid.,
p. 45..

5. Conclusion

11. En conclusion, l’on crée un déficit démocratique en ne facilitant pas la participation des migrants à la vie politique, et notamment en ne leur permettant pas de voter et de participer aux élections démocratiques. Nombreux sont les migrants résidant dans les Etats membres qui n’ont pas le droit de vote. Dans le cadre de toute tentative de rendre les élections plus démocratiques, il faut donc se demander comment mieux intégrer les migrants dans le processus électoral. Priver purement et simplement une grande partie des migrants du droit de vote ne rend pas les élections plus démocratiques, bien au contraire.
12. C’est pour ces raisons que je propose l’amendement contenu dans le présent avis.