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Résolution 1897 (2012) Version finale

Garantir des élections plus démocratiques

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 2 octobre 2012 (31e séance) (voir Doc. 13021, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Gardetto; Doc. 13038, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. McNamara, Doc. 13029; avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Santini; Doc. 13039, avis de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteure: Mme Postanjyan; et Doc. 13037, avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme de Pourbaix-Lundin). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2012 (32e séance).

Garantir des élections plus démocratiques

1. L’Assemblée parlementaire souligne une nouvelle fois que des élections démocratiques sont décisives pour garantir que la volonté du peuple est respectée lorsqu’il s’agit de former le corps législatif et le gouvernement à tous les niveaux et que les organes élus sont effectivement représentatifs. Elle rappelle à cet égard sa Résolution 1705 (2010) sur les seuils électoraux et autres aspects des systèmes électoraux ayant une incidence sur la représentativité des parlements dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et sa Résolution 1706 (2010) «Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux».
2. L’Assemblée note qu’en cette période où les citoyens semblent avoir de moins en moins confiance dans les institutions de la démocratie représentative, il est d’autant plus essentiel de renforcer le caractère démocratique des élections et, partant, le lien entre l’expression du peuple et le résultat effectif du vote.
3. Dix ans après l’élaboration du Code de bonne conduite en matière électorale par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), à l’initiative de l’Assemblée, la législation et la pratique électorales ont connu des améliorations considérables dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. Cependant, les rapports d’observation d’élections établis par l’Assemblée relèvent encore trop souvent des irrégularités qui montrent que la tenue d’élections «libres et équitables» reste un défi majeur à relever.
4. Si, dans la plupart des Etats membres, la législation électorale nationale constitue généralement une bonne base pour la tenue d’élections «libres et équitables», des violations récurrentes se produisent, résultant principalement d’un défaut de volonté politique au plus haut niveau – généralement de la part des forces politiques au pouvoir –, de faire appliquer pleinement et effectivement la loi et d’assurer les conditions d’une égalité entre tous les candidats. Par ailleurs, à l’heure actuelle, les violations les plus graves se produisent le plus souvent pendant la période préélectorale et sont, de ce fait, plus difficiles à détecter.
5. Sur la base de rapports d'observation d'élections ainsi que d'autres sources du Conseil de l'Europe, l'Assemblée est préoccupée par le fait que certaines violations relatives aux élections persistent toujours dans nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe, telles que: l’abus de ressources administratives; l’opacité du financement des campagnes électorales et autres problèmes relatifs au financement des partis politiques; l’inégalité d’accès aux médias et la partialité des médias; le manque d’indépendance et de neutralité de l’administration électorale; les menaces, pressions, violences et intimidations à l’encontre de candidats ou d’électeurs, la détention arbitraire de candidats et partisans de l'opposition; les inexactitudes dans les listes électorales susceptibles d’entraîner des fraudes électorales; les restrictions du droit d’éligibilité, y compris des conditions trop strictes pour l’inscription des candidats et des partis politiques; l’achat de voix, le vote familial, le bourrage d’urnes, la falsification des procès-verbaux de résultats et autres irrégularités pendant le dépouillement; et les procédures inopérantes de recours en matière électorale .
6. Alors que les violations commises le jour du scrutin et lors du dépouillement sont, dans l’ensemble, plus fréquentes dans les pays ayant une moins longue tradition démocratique, d’autres, comme celles liées au financement des campagnes électorales et des partis politiques, à l’impartialité des médias et à l’utilisation des ressources administratives, se produisent également dans les Etats membres où la démocratie est implantée de longue date. Dans certains Etats membres, des violations graves du droit électoral ont été à l’origine de périodes d’instabilité et de crise politique et peuvent, d’une manière générale, nuire à la «sécurité douce» des sociétés.
7. Vu les problèmes récurrents et persistants qui entachent le processus électoral, les mesures visant à améliorer le caractère démocratique des élections devraient répondre à trois grands impératifs: encourager la participation, garantir la transparence et renforcer le contrôle.
8. En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à encourager la participation des citoyens au processus électoral, notamment:
8.1.1. en établissant les listes électorales de telle sorte que le plus grand nombre possible d’électeurs s’y inscrivent. L’inscription initiale devrait être automatique, les listes électorales devraient être permanentes et le recours à des listes supplémentaires exceptionnel. Il faudrait prévenir efficacement le vote multiple sans toutefois enfreindre le principe du secret du vote;
8.1.2. en garantissant la liberté de choix des électeurs en ouvrant autant que possible l’offre politique conformément au principe du pluralisme politique. Il convient d’abolir les conditions trop strictes encadrant l’inscription des candidats et l’enregistrement des partis politiques;
8.1.3. en ouvrant les listes dans des systèmes électoraux proportionnels afin de permettre aux citoyens, le cas échéant, de choisir des candidats individuels à partir de listes différentes;
8.1.4. en renforçant la démocratie interne des partis par l’adoption d’un cadre législatif pertinent, en particulier en ce qui concerne la transparence du financement des partis politiques et la sélection des candidats aux élections, conformément au Code de bonne conduite en matière de partis politiques de la Commission de Venise;
8.1.5. en optant pour un système électoral qui reflète mieux l’opinion du peuple et la composition politique de l’électorat, et qui tienne compte d’autres éléments importants comme la répartition géographique, le sexe ou l’appartenance ethnique;
8.1.6. en introduisant dans leur législation électorale des mécanismes pour promouvoir la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances élues à tous les niveaux, ainsi qu’en encourageant les partis politiques à adopter des règles internes, des politiques et des initiatives d’action positive afin de promouvoir la participation et la représentation des femmes dans la vie politique;
8.1.7. en facilitant l’accès à la nationalité, comme le préconise la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166), et en accordant aux migrants en situation régulière des droits de vote et/ou d’autres possibilités de participation politique, comme le propose la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE no 144). L’on ne sert pas l’intérêt de la légitimité démocratique en excluant de grands nombres de migrants de la vie politique et des élections démocratiques;
8.1.8. en veillant à ce que la conception du système électoral et la délimitation des circonscriptions facilitent la participation effective des minorités au processus électoral et favorisent ainsi la représentation des minorités, facteur de paix et de stabilité interethniques;
8.1.9. en assurant la liberté du discours politique dans les médias et en garantissant que les campagnes électorales sont ouvertes et accessibles et qu’elles permettent un véritable débat susceptible non seulement d’intéresser l’électeur mais également d’éclairer son choix. Cela suppose notamment que la transparence et le pluralisme de l’ensemble des médias ainsi que l’égalité d’accès de tous les candidats et partis politiques aux médias de service public soient assurés et que ceux-ci soient impartiaux. Toute réglementation nationale relative aux campagnes électorales devrait ménager un juste équilibre entre liberté d’expression et égalité des chances;
8.1.10. en exigeant que les partis politiques s’abstiennent en permanence d’exercer des pressions, des violences et des intimidations sur la population, et en protégeant les électeurs et les candidats de telles menaces. Cela nécessite un strict respect du principe du secret du vote et l’application de sanctions dissuasives mais proportionnées à l’encontre des auteurs de telles infractions;
8.1.11. en garantissant que tous les moyens possibles sont utilisés afin de rendre tous les bureaux de vote accessibles;
8.1.12. en permettant à tous les citoyens d’exercer leur droit de vote, au moyen du vote par procuration, par correspondance ou électronique, à condition que le secret du vote et la sécurité du scrutin soient garantis; en facilitant la participation au processus électoral des citoyens vivant à l’étranger, sous réserve de restrictions conformes à la législation, telles que la durée de résidence à l’étranger, tout en veillant à ce que les bureaux de vote éventuellement mis en place à l’étranger le soient sur la base de critères transparents; en garantissant le droit de vote des groupes vulnérables (personnes handicapées, personnes illettrées, etc.) en aménageant les bureaux de vote et en adaptant le matériel de vote à leurs besoins; en abolissant les dispositions juridiques qui prévoient la privation générale, automatique et indifférenciée du droit de vote pour tous les détenus condamnés, quelle que soit la nature ou la gravité de leurs infractions;
8.1.13. en consolidant la culture démocratique dans son ensemble grâce à la mise en œuvre de la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme;
8.2. à garantir la transparence du processus électoral, notamment:
8.2.1. dans l’organisation des élections: celles-ci devraient être organisées par des organes indépendants et impartiaux, ce qui devrait conduire à généraliser la mise en place de commissions électorales centrales, en s’assurant que des ressources adéquates sont mises à disposition pour permettre une inscription effective des électeurs et une organisation efficace du scrutin. Les commissions électorales devraient agir de manière transparente, efficace et professionnelle. Les commissions électorales composées de membres nommés par les partis, qui jouissent depuis peu d’une certaine faveur, ne semblent pas être la meilleure solution. Dans les cas où cette formule est retenue, il convient d’instaurer des garanties afin que la composition des commissions soit équilibrée sur le plan politique et leur fonctionnement transparent tout au long du processus électoral;
8.2.2. dans le financement des campagnes électorales et des partis: une législation dans ce domaine est nécessaire, non seulement pour réglementer l’origine des fonds et fixer un plafond des dépenses, mais aussi pour permettre à chaque électeur d’avoir accès aux informations concernant la nature et le montant des dépenses de campagne et des dépenses des partis. Pour que cette législation soit strictement appliquée, toute infraction devrait être punie par des sanctions proportionnées;
8.2.3. dans le déroulement du scrutin: il convient de veiller à l’aménagement approprié des bureaux de vote, à l’utilisation d’urnes transparentes, à la présence d’isoloirs, à la publicité du dépouillement et à la bonne réglementation du vote à distance. La présence d’observateurs internationaux devrait être facilitée, conformément à la Déclaration de principe pour l’observation internationale d’élections et aux lignes directrices de la Commission de Venise relatives à un statut internationalement reconnu des observateurs d’élections. Les observateurs nationaux, y compris ceux issus de la société civile, devraient être admis dans tous les Etats membres, conformément à la Déclaration des principes internationaux pour l’observation et la surveillance impartiales des élections par les organisations citoyennes et au Code de conduite à l’usage des citoyens observateurs et superviseurs impartiaux des élections de la Commission de Venise. Les procédures d’accréditation devraient être simples et aisément accessibles;
8.3. à renforcer le contrôle en veillant à la mise en place d’un mécanisme de recours efficace, transparent et accessible, afin de mettre fin à la culture de l’impunité pour les infractions en matière électorale et d’accroître la confiance de la population dans le processus électoral. A cette fin, il convient notamment:
8.3.1. que le contrôle soit confié à un juge (que celui-ci soit spécialisé, ordinaire ou constitutionnel), au moins en dernier ressort, et qu’il porte sur la totalité du processus électoral. Le système de la vérification parlementaire des pouvoirs pratiqué dans plusieurs Etats ne semble pas de nature à garantir l’impartialité nécessaire;
8.3.2. que l’accès à la justice soit facilité par des procédures simplifiées et gratuites prévoyant des délais courts mais raisonnables. Les électeurs devraient être bien informés des procédures de recours existantes et pouvoir accéder aisément aux formulaires voulus;
8.3.3. que des sanctions dissuasives mais proportionnées soient prévues en cas de fraude, de manipulation ou de trucage. Ces sanctions doivent pouvoir être appliquées non seulement à l’auteur direct (qui est rarement le candidat lui-même) mais aussi au commanditaire de la fraude. Le public et les observateurs internationaux devraient être informés des sanctions infligées.
9. Enfin, à la lumière de l’expérience en matière d’observation d’élections acquise au cours des vingt dernières années, pendant lesquelles elle a observé plus de 140 élections législatives et présidentielles avec la participation de quelque 1 900 de ses membres, l’Assemblée estime qu’il y a lieu de renforcer les synergies et d’améliorer le suivi des observations d’élections tant au sein du Conseil de l’Europe qu’en coopération avec d’autres organisations internationales spécialisées.
10. En conséquence, l’Assemblée:
10.1. décide de renforcer le suivi des recommandations formulées dans les rapports internationaux d’observation d’élections dans le contexte des travaux de sa commission de suivi, notamment lors des visites des corapporteurs dans les Etats concernés et de la rédaction de leurs rapports ainsi que, le cas échéant, dans le cadre du rapport d’activité annuel de la commission;
10.2. rappelle, dans ce contexte, que les corapporteurs de la commission de suivi pour un pays donné ont le droit, conformément aux lignes directrices pour l’observation des élections par l’Assemblée parlementaire, de participer ex officio à une commission ad hoc pour observer une élection dans ce pays;
10.3. décide de renforcer les synergies avec d’autres organisations internationales et organisations non gouvernementales ayant une expertise en matière électorale, y compris après l’observation des élections, afin de faire connaître les recommandations formulées par la communauté internationale et de veiller à leur mise en application;
10.4. décide de promouvoir des consultations régulières visant à accroître la complémentarité entre les différents organes du Conseil de l’Europe qui ont une expertise en la matière, notamment l’Assemblée parlementaire, la Commission de Venise et le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO). L’Organisation possède là des ressources exceptionnelles qui pourraient être mieux exploitées;
10.5. soutient la Déclaration des principes internationaux pour l’observation et la surveillance impartiales des élections par les organisations citoyennes et le Code de conduite à l’usage des citoyens observateurs et superviseurs impartiaux des élections;
10.6. invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à renforcer les programmes d’assistance électorale de l’Organisation à moyen et à long terme en les axant davantage sur les problèmes observés.