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Rapport | Doc. 13078 | 07 décembre 2012

L'état de la liberté des médias en Europe

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. Mats JOHANSSON, Suède, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12518, Renvoi 3775 du 27 mai 2011. 2013 - Première partie de session

Resumé

La liberté d'expression et d'information constitue la base de la bonne gouvernance et d’une démocratie prospère. L'état de la liberté des médias en Europe est marqué par les nombreux meurtres et agressions physiques graves contre des journalistes, notamment en Russie. En Turquie, le nombre élevé de journalistes emprisonnés, détenus ou poursuivis a un effet paralysant sur son environnement médiatique. En ce qui concerne le Bélarus, la violation persistante et systématique de la liberté des médias doit être condamnée. Les organisations compétentes devraient rendre compte régulièrement des cas de graves violations de la liberté des médias au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 2 octobre 2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire souligne que la liberté d’expression et d’information constitue la pierre angulaire de la bonne gouvernance et d’une démocratie florissante, ainsi qu’une obligation fondamentale pour tout Etat membre en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, «la Convention»). Les Etats membres ont notamment une obligation positive, au titre des articles 2 et 10 de la Convention, de protéger les journalistes de toute atteinte à leur vie et à leur liberté d’expression et de prévenir l’impunité des auteurs d’infractions.
2. L’Assemblée condamne les nombreuses attaques à l’encontre des journalistes d’investigation ainsi que les menaces proférées à l’encontre des personnes travaillant avec les médias d’investigation, comme Sergei Magnitsky, torturé et assassiné dans une prison russe en 2009. L’Assemblée invite les autorités compétentes à enquêter véritablement sur ces cas afin d’en traduire en justice les commanditaires.
3. Concernant l’assassinat de Rafiq Tagi en Azerbaïdjan en 2011, l’Assemblée condamne une nouvelle fois, comme en 2007, le fait qu’une fatwa de mort ait été émise à son encontre en Iran parce qu’il avait réimprimé les caricatures de Mahomet du Jyllands-Posten dans un quotidien azerbaïdjanais. Se félicitant de l’arrestation et du jugement au Danemark, en juin 2012, d’un groupe de criminels islamistes qui avaient prévu un attentat de grande envergure contre le bureau de Copenhague du quotidien Jyllands-Posten, l’Assemblée condamne la récente fatwa de mort iranienne contre Shahin Najafi en Allemagne et souligne que les autorités des Etats membres doivent veiller à ce que le terrorisme de nature religieuse ou autre ne puisse pas menacer des vies humaines ni la liberté d’expression.
4. Renvoyant aux paragraphes 4 et 5 de sa Recommandation 1897 (2010) sur le respect de la liberté des médias, l’Assemblée se réjouit que les assassins respectifs d’Ivo Pukanic et de Niko Franjic en Croatie et d’Anastasia Babourova et Stanislav Markelov en Russie, ainsi que de Hrant Dink en Turquie, aient été arrêtés et jugés par des tribunaux nationaux. Il est cependant nécessaire de mener des enquêtes supplémentaires concernant l’environnement personnel de ces assassins afin de retrouver d’éventuels collaborateurs et de lutter efficacement contre ces milieux hostiles à la liberté des médias.
5. Compte tenu des nombreux meurtres et atteintes graves à l’intégrité physique de journalistes en Russie, l’Assemblée prend acte de la création, en 2011, de la Commission d’enquête de la Fédération de Russie sous la direction du Président russe. L’Assemblée exhorte cette commission à poursuivre les travaux des précédents organismes d’enquête, à publier périodiquement l’avancement de ses travaux et à créer des règles relatives à sa bonne gouvernance et à sa surveillance judiciaire. L’Assemblée invite le Commissaire aux droits de l'homme à élaborer un rapport sur les efforts déployés par les autorités russes pour lutter efficacement contre l’impunité de fait des nombreux meurtres de journalistes et de militants des droits de l’homme en Russie.
6. L’Assemblée est choquée par le nombre extrêmement élevé de journalistes emprisonnés, arrêtés ou poursuivis en Turquie pour avoir exprimé leurs opinions politiques et contribué au débat politique nécessaire dans une démocratie dynamique. Le très grand nombre de cas a un effet paralysant sur l’environnement médiatique et les journalistes turcs.
7. Si elle se réjouit à l’idée que le «troisième train de réformes judiciaires» adopté par le Parlement turc le 2 juillet 2012 puisse empêcher des détentions excessivement longues à l’avenir, l’Assemblée note avec préoccupation que les détentions précédemment imposées se poursuivent et que les procès en cours se déroulent toujours devant les anciens tribunaux spéciaux. L’Assemblée demande instamment que les conclusions du rapport du 12 juillet 2011 du Commissaire aux droits de l’homme soient pleinement et immédiatement mises en œuvre par le gouvernement turc.
8. La révision législative en 2008 de l’article 301 du Code pénal turc n’a pas résolu le problème et cet article peut être appliqué de manière indue à des journalistes et autres personnes, comme l’a constaté la Cour européenne des droits de l'homme dans l’affaire Altug Taner Akçam c. Turquie du 25 octobre 2011. Par conséquent, l’Assemblée invite la Turquie à abroger immédiatement l’article 301.
9. L’Assemblée fait également part de sa vive inquiétude concernant le grand nombre d’enquêtes pénales ouvertes à l’encontre de journalistes en vertu des articles 285 et 288 du Code pénal turc, de l’article 6 de la loi anti-terroriste turque et de dispositions juridiques connexes, notamment pour avoir rendu compte des procès massifs relatifs à la prétendue conspiration d’«Ergenekon». Un tel nombre de cas est en soi un signe qu’il y a eu une grave violation de la liberté des médias, à la lumière également de la Recommandation Rec(2003)13 du Comité des Ministres sur la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales.
10. Saluant les projets d’assistance et de coopération mis en place par le Conseil de l'Europe avec la Turquie à l’invitation du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, en avril 2011, l’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe à évaluer l’impact de cette action et à revoir et si possible accroître les activités de coopération dans le domaine de la liberté des médias.
11. L’Assemblée prend acte des amendements apportés en mai 2012 aux lois sur les médias adoptées en Hongrie en 2010, mais regrette que ces amendements ne portent que sur un petit nombre des préoccupations soulevées par le Commissaire aux droits de l'homme dans son avis du 25 février 2011 et n’empêchent pas d’abuser de ces lois pour restreindre la liberté des médias. En conséquence, l’Assemblée demande que les conclusions du Commissaire soient pleinement mises en œuvre par le Gouvernement hongrois.
12. L’Assemblée condamne la violation systématique et persistante de la liberté des médias au Bélarus et rappelle au gouvernement ses obligations au titre des articles 9, 19 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Bélarus étant candidat à l'adhésion au Conseil de l'Europe et Partie à la Convention culturelle européenne (STE no 18), l’acquis du Conseil de l'Europe, y compris la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, constitue un cadre de référence pertinent pour les autorités du Bélarus. Dans ce contexte, l’Assemblée salue la création récente par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies d’un rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans la République du Bélarus et invite ce rapporteur à coopérer avec les commissions compétentes de l’Assemblée.
13. L’Assemblée exhorte les autorités du Bélarus à mener une véritable enquête sur la disparition du photojournaliste Dmitry Zavadsky en 2000 et la mort du fondateur du site internet d’actualités «Charte 97», Aleh Byabenine, en 2010; à libérer immédiatement Ales Bialiatski de prison et Anton Souryapine de détention; à lever les peines d’Iryna Khalip, Andrzej Poczobut, Pavel Sverdlov, Ioulia Dorochkevitch et Iryna Kozlik; à abandonner les chefs d’inculpation contre Natalya Radina, Andrzej Poczobut, Pavel Yevtikheev, Andrey Tkachev, Roman Protasevich, Oleg Shramuk et Sergei Bespalov; et à mettre fin à leur pratique consistant à émettre des avertissements administratifs aux médias et associations, dans le respect des avis du 17-18 décembre 2010 et 17-18 juin 2011 adoptés par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
14. La multiplication considérable des médias sur internet a fortement accru les possibilités pour chacun de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière, conformément à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. L’Assemblée condamne la poursuite, l’arrestation et l’emprisonnement des internautes pour avoir exprimé des critiques politiques vis-à-vis du gouvernement, comme en Azerbaïdjan, en Russie et en Turquie, ainsi qu’au Bélarus.
15. Se référant à sa Résolution 1577 (2007) «Vers une dépénalisation de la diffamation», l’Assemblée déplore l’application excessive des lois pénales sur la diffamation en Azerbaïdjan et en Turquie, ainsi que les procédures civiles excessives en la matière en Arménie, Bulgarie et République de Moldova.
16. L’Assemblée rappelle l'importance cruciale de la liberté d'expression et d’information à travers les médias avant et pendant les élections. Par conséquent, elle invite en particulier l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Russie, la Turquie et l’Ukraine, où de récents rapports d’observation des élections ont dénoncé la partialité de l’environnement médiatique et d’autres lacunes, à prendre des mesures concrètes pour remédier à ces lacunes. Il est rappelé aux Etats membres les Recommandations CM/Rec(2007)15 et No. R (1999) 15 du Comité des Ministres sur des mesures concernant la couverture des campagnes électorales par les médias.
17. L'Assemblée regrette que l'appartenance des médias ne soit pas transparente dans tous les Etats membres et leur demande de prendre les dispositions nécessaires à cette fin. Le manque de transparence est un moyen typiquement utilisé pour masquer des intérêts politiques ou commerciaux dans le contrôle des grands groupes de médias. L'Assemblée exhorte les Etats membres à prendre les mesures appropriées pour garantir la transparence et le pluralisme des médias et promouvoir des normes journalistiques.
18. L'Assemblée note avec préoccupation les cas récents de collusion des médias et propriétaires de médias avec des responsables politiques et des fonctionnaires, ce qui porte atteinte à la confiance de l'opinion publique dans un gouvernement démocratique et dans l'indépendance des médias. Les responsables politiques et les fonctionnaires de l'Etat doivent éviter toute relation avec les médias pouvant conduire à un conflit d'intérêts, les lois anticorruption devraient être mises en œuvre et les médias et les journalistes devraient respecter la déontologie de leur profession. Dans ce contexte, l'Assemblée se félicite de l'ouverture en 2011 par le Gouvernement britannique d'une enquête publique conduite par le Lord Justice Leveson sur les pratiques et la déontologie des médias britanniques, à la suite du scandale de corruption de la police et des écoutes téléphoniques du groupe News International.
19. Malgré la multiplication des médias numériques, les services publics de radiodiffusion demeurent une source majeure d'information en Europe. L'Assemblée constate avec préoccupation les récentes informations relatives à des pressions politiques exercées sur les radiodiffuseurs publics en Bosnie-Herzégovine, Croatie, Espagne, Hongrie, Italie, Roumanie, République slovaque, Serbie et Ukraine; elle invite l'Union européenne de radio-télévision à coopérer avec le Conseil de l'Europe en la matière. Elle rappelle aux Etats membres les paragraphes 8.20 et 8.21 de sa Résolution 1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie: les radiodiffuseurs de service public doivent être protégés des ingérences politiques dans leur administration et leur travail éditorial quotidiens; les postes de direction devraient être refusés aux personnes ayant des affiliations politiques claires; les radiodiffuseurs de service public devraient élaborer des codes internes de conduite des journalistes et d’indépendance éditoriale vis-à-vis des influences politiques.
20. L'Assemblée regrette que de nombreux journalistes européens travaillent dans des situations précaires résultant d'une augmentation des emplois indépendants, du manque de respect des droits sociaux et de revenus généralement peu élevés. Si la profession de journaliste s'affaiblit en raison de ces circonstances, la qualité professionnelle et l'éthique sont en danger. L’Assemblée rappelle aux Etats membres la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et invite les journalistes à faire usage de leurs droits collectifs afin d'améliorer leurs conditions de travail.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté par la commission le 2 octobre 2012.

(open)
1. Faisant référence à sa Résolution … (2013) sur l'état de la liberté des médias en Europe, l’Assemblée parlementaire demande au Conseil de l'Europe dans son ensemble et aux Etats membres individuellement de redoubler d'efforts afin de protéger la liberté d'expression et d'information à travers les médias.
2. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. de renforcer son travail intergouvernemental relatif au respect de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5);
2.2. d’adresser une invitation ouverte à la Fédération européenne des journalistes (Bruxelles), l’Association des journalistes européens (Bruxelles), l’Institut international de la presse (Vienne), Reporters sans frontières (Paris), Article 19 (Londres), PEN International (Londres) et d'autres organisations de défense de la liberté des médias intéressées à rendre compte régulièrement des violations graves de la liberté des médias au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, et de demander à ce dernier de rendre ces informations disponibles pour tous les organes compétents du Conseil de l'Europe;
2.3. d’envisager la possibilité de créer une plateforme basée sur internet pour le traitement et la diffusion des informations collectées en vertu du paragraphe 2.2 ci-dessus;
2.4. de coopérer avec l'Union européenne de radio-télévision pour renforcer l'indépendance politique des médias de service public en Europe;
2.5. d’attribuer annuellement le Prix des médias jeunesse en tant que reconnaissance d’un journalisme de qualité sur les questions des droits de l’homme, donnant ainsi suite à l’expérience très positive du concours organisé pour ce prix en 2011;
2.6. de transmettre cette recommandation et la Résolution ... (2013) sur l’état de la liberté des médias en Europe aux ministres nationaux compétents, en particulier ceux responsables des médias, de la justice et de la coopération internationale.

C. Exposé des motifs, par M. Johansson, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La commission de la culture, de la science et de l’éducation m’a nommé rapporteur permanent sur la liberté des médias le 27 janvier 2011. En cette qualité, j’ai déposé, le 3 février 2011, une proposition de recommandation sur l’état de la liberté des médias en Europe (Doc. 12518).
2. Le présent rapport s’inscrit dans le droit fil, d’un point de vue thématique et chronologique, des précédents travaux de feu Andrew McIntosh (Royaume-Uni, SOC), qui ont abouti à la Recommandation de l’Assemblée parlementaire 1897 (2010) sur le respect de la liberté des médias; il présente les résultats de mes travaux sur ce thème.
3. Pour l’élaboration du présent rapport, la commission a organisé un échange de vues à Strasbourg le 25 janvier 2011 avec Mme Dunja Mijatović, Représentante pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et M. Arne König, Président de la Fédération européenne des journalistes.
4. Tous deux ont aussi présenté des rapports oraux lors d’une audition sur ce thème organisée par la sous-commission des médias avec Agnès Callamard, directrice exécutive d’Article 19 – Campagne mondiale pour la liberté d’expression, William Horsley, Représentant pour la liberté des médias de l'Association des journalistes européens, et Pauls Raudseps, président du conseil d’administration de l’hebdomadaire letton Ir. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, a présenté une contribution écrite 
			(3) 
			Voir <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1840757'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1840757.</a>. Cette audition s’est déroulée au Parlement suédois à Stockholm, le 12 septembre 2011, avec la participation de Liselott Hagberg, vice-présidente du Parlement suédois, et Hanna Hellquist, secrétaire d’Etat auprès du ministre suédois de la coopération internationale et de l’aide au développement.
5. William Horsley a ensuite été chargé de préparer un rapport de fond sur les graves violations de la liberté des médias en Europe, couvrant plus particulièrement la période 2010-2012. Il a présenté son rapport de fond à la commission à Strasbourg le 26 juin 2012 
			(4) 
			Voir le rapport complet
de William Horsley: 
			(4) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/Communication/26062012_HorsleyReport_F.pdf'>www.assembly.coe.int/Communication/26062012_HorsleyReport_F.pdf.</a>. Avec William Horsley, j’ai réalisé une interview vidéo sur ce sujet 
			(5) 
			Voir <a href='http://coenews.coe.int/vod/20120626_mb03_w.wmv'>http://coenews.coe.int/vod/20120626_mb03_w.wmv.</a>.
6. A cette occasion, la commission a également eu un échange de vue sur la liberté des médias avec Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe depuis avril 2012, et avec l’ambassadeur Thomas Hajnoczi, représentant permanent de l’Autriche auprès du Conseil de l’Europe et coordinateur thématique de la politique d’information du Comité des Ministres.
7. Le 25 janvier 2012, j’ai reçu une lettre de la Fédération espagnole des journalistes «FAPE» qui dénonçait le refus systématique des questions de journalistes pendant les conférences de presse gouvernementales. Cette information a donc été intégrée dans le rapport de fond élaboré par William Horsley.
8. Je suis très reconnaissant des contributions fournies par les éminents participants et experts depuis janvier 2011 et en particulier du rapport de fond de William Horsley, qui sert de base à certaines parties du présent exposé des motifs. J’apprécie également les informations et le soutien apportés par les autres membres de la commission.

2. Normes sur la liberté des médias

9. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, «la Convention») est la norme la plus fondamentale en Europe qui établit la liberté d'expression et d'information et la liberté des médias développés par une vaste jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme («la Cour»). La Cour a publié en décembre 2011 un rapport de recherche sur les obligations positives des Etats membres de protéger les journalistes en vertu de l'article 10 et de prévenir l’impunité 
			(6) 
			Voir, <a href='http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/16237F92-BCB9-4F12-9B1C-0EF6E3B2CB27/0/RAPPORT_RECHERCHE_Positive_obligations_under_Article_10_FR.pdf'>www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/16237F92-BCB9-4F12-9B1C-0EF6E3B2CB27/0/RAPPORT_RECHERCHE_Positive_obligations_under_Article_10_FR.pdf</a>. 
			(6) 
			Voir aussi les lignes directrices du
Comité des Ministres «Eliminer l’impunité pour les violations graves
des droits de l’Homme», adoptées le 30 mars 2011, <a href='http://www.coe.int/t/dgi/publications/others/h-inf_2011_7fr.pdf'>www.coe.int/t/dgi/publications/others/h-inf_2011_7fr.pdf</a>. . Le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire ont produit un nombre substantiel de déclarations, recommandations ou résolutions qui sont particulièrement pertinentes pour la présente évaluation de la liberté des médias 
			(7) 
			Voir <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/doc/pace_FR.asp'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/doc/pace_FR.asp</a>? et <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/Doc/CM_fr.asp'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/Doc/CM_fr.asp</a>..
10. L'article 19 du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) 
			(8) 
			Voir
le texte intégral du PICDP: <a href='http://www2.ohchr.org/english/law/ccpr.htm'>http://www2.ohchr.org/english/law/ccpr.htm</a>. est la base du travail du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, qui a mis en place la fonction de rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression. Le mandat de Frank La Rue, du Guatemala, a été prolongé jusqu’en 2014. Dans son rapport annuel du 4 juin 2012 au Conseil des droits de l’homme 
			(9) 
			Voir <a href='http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G12/137/87/PDF/G1213787.pdf?OpenElement'>http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G12/137/87/PDF/G1213787.pdf?OpenElement.</a>, Frank La Rue indiquait que seules 15% de ses 218 communications officielles en 2011 concernaient l’Europe, l’Asie centrale et l’Amérique du Nord. Une demande datant de 2009 de se rendre en Italie est toujours en suspens. A la suite d’une visite ad hoc en Hongrie en 2011, il a publié un communiqué de presse rapportant son inquiétude à propos de la législation hongroise relative aux médias. Aucune visite n’est prévue dans d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe. En novembre 2011, il a émis un communiqué de presse sur la nouvelle législation du Bélarus avec d’autres titulaires du Conseil des droits de l’homme.
11. L’OSCE a créé le poste de représentant pour la liberté des médias en 1997. Dunja Mijatovic, de Bosnie-Herzégovine, a été nommée sur ce poste en 2010. Son travail se fonde sur les normes juridiques internationales en vigueur des Nations Unies et du Conseil de l'Europe. Dans son dernier rapport régulier au Conseil permanent de l’OSCE 
			(10) 
			Voir <a href='http://www.osce.org/fom/91528'>www.osce.org/fom/91528</a>. , Dunja Mijatovic dresse la liste de ses nombreux contacts avec les Etats participants de l'OSCE. Elle a dressé une liste régulièrement mise à jour des journalistes emprisonnés en Turquie, ce qui a été particulièrement utile 
			(11) 
			Voir <a href='http://www.osce.org/fom/91070'>www.osce.org/fom/91070</a>. .
12. L’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 
			(12) 
			Voir
le texte intégral de la Charte: <a href='http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf'>www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf</a>. est en vigueur depuis le 1er décembre 2009. Cependant, la Pologne et le Royaume-Uni ont négocié un protocole dérogatoire 
			(13) 
			Voir
le texte du protocole: 
			(13) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2007:306:0156:0157:FR:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2007:306:0156:0157:FR:PDF</a>. , qui semble exclure l’application de l’article 11 par la Cour de justice de l’Union européenne pour ces pays. La République tchèque a ensuite pu obtenir le même privilège. En conséquence, l’application uniforme de l’article 11 dans toute l’Union européenne ne sera peut-être pas garantie, sauf de manière indirecte par l’application des normes au titre de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme par la Cour de justice.

3. Suivi des précédents rapports

3.1. Recommandation 1950 (2011) sur la protection des sources d'information des journalistes

13. La sous-commission des médias et de la société de l'information et, ultérieurement, la commission plénière, m’ont désigné en 2012 pour assurer le suivi de la Recommandation 1950 (2011) de l’Assemblée sur la protection des sources d'information des journalistes. Cette recommandation contient une référence à la législation hongroise sur les médias, qui est pertinente pour le présent rapport.
14. Le paragraphe 4 de la Recommandation 1950 (2011) dispose: «Se référant à la nouvelle loi hongroise sur la presse et les médias (Loi CIV de 2010 sur la liberté de la presse et les règles fondamentales régissant le contenu des médias), l’Assemblée s’inquiète du fait que les restrictions à l’exercice de la liberté des médias, énoncées à l’article 4.3, et les dérogations au droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources, prévues à l’article 6 de ladite loi, semblent trop étendues et peuvent, par conséquent, avoir un effet dissuasif considérable sur la liberté des médias. Cette loi ne fixe pas les règles de procédure concernant les divulgations, pas plus qu’elle ne prévoit de garanties pour les journalistes auxquels il est demandé de révéler leurs sources. L’Assemblée appelle donc le Gouvernement et le Parlement de la Hongrie à modifier cette loi, en veillant à ce que sa mise en œuvre ne restreigne pas le droit reconnu par l’article 10 de la Convention.»
15. Cette préoccupation a été partagée par le Commissaire aux droits de l’homme dans son avis du 25 février 2011 
			(14) 
			Voir l’avis: 
			(14) 
			<a href='https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?Index=no&command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=1902982&SecMode=1&DocId=1702724&Usage=2'>https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?Index=no&command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=1902982&SecMode=1&DocId=1702724&Usage=2</a>. . La Résolution relative à la loi sur les médias en Hongrie, adoptée par le Parlement européen le 10 mars 2011, renvoie expressément à cet avis et souligne l’obligation de la Hongrie de réviser ses lois sur les médias 
			(15) 
			Voir <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2012:199E:0154:0157:EN:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2012:199E:0154:0157:EN:PDF</a>. . Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe a demandé à des experts extérieurs de préparer une analyse de ces lois hongroises sur les médias. Cette analyse a été publiée le 16 mai 2012 
			(16) 
			Voir <a href='http://www.coe.int/c/document_library/get_file?uuid=fbc88585-eb71-4545-bc5d-b727e35f59ae&groupId=10227'>www.coe.int/c/document_library/get_file?uuid=fbc88585-eb71-4545-bc5d-b727e35f59ae&groupId=10227</a>. .
16. A la suite des modifications législatives promulguées le 24 mai 2012, la Représentante pour la liberté des médias de l'OSCE 
			(17) 
			Voir <a href='http://www.osce.org/fom/90823'>www.osce.org/fom/90823</a>. ainsi que Human Rights Watch (Berlin) 
			(18) 
			Voir <a href='http://www.hrw.org/news/2012/05/25/hungary-new-laws-curb-media-freedom'>www.hrw.org/news/2012/05/25/hungary-new-laws-curb-media-freedom</a>. se sont félicités du retrait de la plupart des conditions exigeant que les journalistes révèlent leurs sources d’information; ils ont cependant soulevé des sujets de préoccupation concernant d’autres aspects des lois sur les médias n’ayant pas été améliorés, notamment le manque d’indépendance de la nouvelle instance de régulation.
17. La commission sur le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) de l’Assemblée a demandé en juin 2012 à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) un avis sur les lois hongroises relatives au système judiciaire. Il serait utile de disposer d’un avis complémentaire de la Commission de Venise concernant les lois hongroises révisées sur les médias.

3.2. Recommandation 1897 (2010) sur le respect de la liberté des médias

18. Renvoyant à la Résolution 1535 (2007) sur les menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes, le paragraphe 4 de la Recommandation 1897 (2010) déplore que «la Fédération de Russie ne soit pas arrivée à mener une enquête appropriée et à rendre un jugement définitif sur le meurtre d’Anna Politkovskaïa perpétré à Moscou le 7 octobre 2006, et à faire en sorte que les journalistes puissent travailler librement et dans la sécurité». Après que la Cour suprême eut infirmé l’acquittement des trois suspects par le tribunal militaire du district de Moscou le 25 juin 2009, les nouvelles investigations ont désigné l’ancien policier Dmitry Pavlioutchenkov comme responsable de l’organisation du meurtre d’Anna Politkovskaïa, mais il a été libéré le 31 mai 2012 et assigné à résidence en raison de sa mauvaise santé. Ces faits ne semblent pas aboutir à une conclusion adéquate du procès.
19. Bien que la commission d’enquête de la Fédération de Russie ait été créée en 2011 sous la direction du Président de la Fédération de Russie, cette dernière reste toujours le pays le plus dangereux d’Europe pour les journalistes, en raison du nombre de journalistes assassinés ainsi que du nombre de cas de meurtres non résolus. Le Comité pour la protection des journalistes (New York) a publié le 17 avril 2012 son index de l’impunité 2012, qui place la Russie en tant qu’unique Etat membre du Conseil de l’Europe parmi les 10 pires pays du monde 
			(19) 
			Voir <a href='http://cpj.org/reports/2012/04/impunity-index-2012.php'>http://cpj.org/reports/2012/04/impunity-index-2012.php#index</a>. . Récemment, le président de la commission d’enquête, Aleksandr Bastrykine, a été accusé d’avoir sérieusement menacé Sergey Sokolov, le rédacteur en chef adjoint de Novaya Gazeta. Les deux hommes auraient apparemment réglé leur différend extrêmement inquiétant 
			(20) 
			Voir <a href='http://en.rsf.org/russia-novaya-gazeta-deputy-editor-flees-13-06-2012,42789.html'>http://en.rsf.org/russia-novaya-gazeta-deputy-editor-flees-13-06-2012,42789.html</a>. .
20. Deux cas de meurtres de journalistes cités dans la Recommandation 1897 (2010) ont été entretemps jugés:
  • En novembre 2010, un tribunal croate a condamné six personnes pour l'attentat à la voiture piégée de 2008 qui a entraîné la mort d'Ivo Pukanic, le propriétaire et directeur de rédaction de l'hebdomadaire politique Nacional, et Niko Franjic, son directeur commercial. Le tribunal a déclaré que l'attentat avait pour but d'empêcher la publication par l'hebdomadaire d'informations en sa possession sur les pratiques de contrebande de tabac dans les Balkans.
  • En Russie, en avril 2011, deux hommes décrits comme ultra-nationalistes ont été condamnés à de longues peines de réclusion pour le meurtre dans une rue de Moscou en 2009 de la jeune journaliste Anastasia Babourova et de l'avocat des droits de l'homme Stanislav Markelov.
21. Au paragraphe 7 de la Recommandation 1897 (2010), l’Assemblée se félicite des amendements à l’article 301 du Code pénal turc mais déplore que la Turquie n’ait ni aboli l’article 301, ni achevé l’enquête sur le meurtre de Hrant Dink commis à Istanbul le 19 janvier 2007, en particulier parce que les forces de police et de sécurité auraient failli à leur devoir. L’Assemblée est d’avis que l’article 301 légèrement modifié est toujours contraire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
22. Le 14 septembre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme a constaté qu’il y avait violation des articles 2 et 10 de la Convention par la Turquie car elle avait manqué à son devoir de protéger Hrant Dink contre des menaces de mort et avait porté atteinte à sa liberté d’expression 
			(21) 
			Arrêt
du 14 septembre 2010 dans l’affaire Dink
c. Turquie (Requêtes nos 2668/07,
6102/08, 30079/08, 7072/09 et 7124/09). Voir le communiqué de presse: <a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng-press/pages/search.aspx?i=003-3262169-3640194'>http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng-press/pages/search.aspx?i=003-3262169-3640194.</a>. Le 25 juillet 2011, Ogün Samast a été condamné par un tribunal turc pour le meurtre de Hrant Dink, mais on ne sait toujours pas s’il a agi pour le compte de quelqu’un. Malgré l’arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 14 septembre 2010, le lauréat du Prix Nobel de littérature, Orhan Pamuk, a été condamné le 27 mars 2011 par un tribunal turc à payer des dommages moraux au titre de l’article 301 du Code pénal turc à plusieurs individus turcs pour les propos qu’il avait tenus dans un journal suisse en 2005 
			(22) 
			Voir <a href='http://www.hurriyetdailynews.com/default.aspx?pageid=438&n=orhan-pamuk-will-pay-compensation-for-his-words-court-decided-2011-03-27'>www.hurriyetdailynews.com/default.aspx?pageid=438&n=orhan-pamuk-will-pay-compensation-for-his-words-court-decided-2011-03-27</a>. .
23. Le nombre de poursuites ouvertes au titre de l’article 301 révisé du Code pénal turc a considérablement chuté en raison de la nouvelle condition selon laquelle le ministre turc de la Justice doit autoriser ces poursuites. Néanmoins, cette condition semble rendre assez floue la séparation des pouvoirs entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement et pourrait donc conduire à une politisation des enquêtes judiciaires et des poursuites en vertu d’un article 301 excessivement vague mais répressif. «Etant donné que le libellé excessivement large et vague aboutit à une absence de prévisibilité quant à ses effets”, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré dans l’affaire Altuğ Taner Akçam c. Turquie, le 25 octobre 2011, que l’article 301 du Code pénal turc violait l’article 10 de la Convention, car il ne répondait pas à ce qui est «prévu par la loi» en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention 
			(23) 
			Arrêt
du 25 octobre 2011 dans l’affaire Altuğ
Taner Akçam c. Turquie (Requête no 27520/07): 
			(23) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-107206'>http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-107206.</a>.
24. Tant que l’article 301 du Code pénal turc n’est pas totalement abrogé par le Parlement turc ou les tribunaux, le climat politique hostile demeure à l’encontre des journalistes et autres personnes qui écrivent, en particulier, sur les meurtres massifs et expulsions ciblés d’Arméniens par l’Empire ottoman pendant la première guerre mondiale. Ce climat a conduit aux menaces de mort proférées contre Hrant Dink, Orhan Pamuk, Altuğ Taner Akçam et d’autres personnes. En conséquence, l’Assemblée exhorte la Turquie à abroger définitivement l’article 301.
25. La Cour constitutionnelle turque a invalidé, le 2 mai 2011, le délai limite pour porter plainte au pénal contre des journalistes en vertu de l’article 26 de la loi turque sur la presse, prolongeant ainsi à huit ans la possibilité d’intenter des poursuites contre des journalistes. Compte tenu de l’interprétation politique de diverses dispositions du droit pénal excessivement vagues, cette prolongation a clairement pour effet de restreindre la liberté des médias en Turquie.
26. Au paragraphe 13 de la Recommandation 1897 (2010), l’Assemblée demande à la Commission de Venise de préparer un avis sur la question de savoir si et dans quelle mesure la législation en Italie a été adaptée pour prendre en compte son avis sur la compatibilité des lois «Gasparri» et «Frattini» de l’Italie avec les normes du Conseil de l’Europe dans le domaine de la liberté d’expression et du pluralisme des médias, adoptés par la Commission de Venise lors de sa 63e session plénière (Venise, 10-11 juin 2005) 
			(24) 
			Voir l’avis du 10-11
juin 2005: <a href='http://www.venice.coe.int/docs/2005/CDL-AD(2005)017-f.pdf'>www.venice.coe.int/docs/2005/CDL-AD(2005)017-f.pdf</a>.. A la suite d’une discussion au sein de la Commission de Venise, le Secrétaire de cette dernière a informé le président de la présente commission de l’Assemblée par lettre en date du 26 juillet 2010 que «les (quelques) amendements qui ont été apportés aux deux lois en question depuis 2005 portent sur d’autres questions que celles qui faisaient l’objet des recommandations de la Commission de Venise».
27. Il est donc nécessaire de suivre la mise en œuvre par l’Italie de ces recommandations de la Commission de Venise, si possible avec le Comité des Ministres et le Commissaire aux droits de l'homme.
28. Faisant part de sa préoccupation à propos de l’avertissement officiel adressé par le ministère de la Justice du Bélarus le 13 janvier 2010 à l'Association des journalistes du Bélarus (ABJ), l’Assemblée a demandé au paragraphe 14 de la Recommandation 1897 (2010) à la Commission de Venise d’analyser la compatibilité d’un tel avertissement avec les normes universelles relatives aux droits de l’homme.
29. Répondant à cette demande, la Commission de Venise a conclu dans son avis du 17-18 décembre 2010 
			(25) 
			Voir l’avis du 17-18
décembre 2010: <a href='http://www.venice.coe.int/docs/2010/CDL-AD(2010)053rev-f.pdf'>www.venice.coe.int/docs/2010/CDL-AD(2010)053rev-f.pdf</a>. :
«100. L’arrêté du ministère de la Justice restreint les droits d’une catégorie de journalistes à la liberté d’expression et leur droit de rechercher et de communiquer des informations. Pour jouir de la liberté d’expression et de la presse, les journalistes doivent bénéficier d’une protection effective par leur syndicat ou leur association. En refusant à l’ABJ le droit de délivrer des cartes de presse à ses journalistes, les autorités du Bélarus privent ceux-ci du droit de faire protéger leurs intérêts par leur association. Dans le même temps, la situation juridique du pays prive l’association des journalistes, l’ABJ, du pouvoir effectif de protéger les intérêts de ses membres.
101. L’arrêté du ministère de la Justice constitue, de l’avis de la Commission de Venise, une violation des articles 19 et 22 du PIDCP et des articles 11 et 10 de la CEDH.
102. En outre, l’arrêté du ministère de la Justice, parce qu’il créé une situation discriminatoire, constitue aussi une violation de l’article 26 du PIDCP et de l’article 14 de la CEDH lu conjointement avec l’article 10 de la CEDH et le Protocole no 12 à la CEDH.»
30. Un second avis adopté par la Commission de Venise le 17-18 juin 2011 a abouti à la même conclusion vis-à-vis des avertissements officiels adressés au Comité Helsinki du Bélarus 
			(26) 
			Voir l’avis du 17-18
juin 2011: <a href='http://www.venice.coe.int/docs/2011/CDL-AD(2011)026-f.pdf'>www.venice.coe.int/docs/2011/CDL-AD(2011)026-f.pdf</a>. . La véritable mise en œuvre de ces avis par les autorités du Bélarus n’a toujours pas eu lieu.
31. En 2012, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a créé le mandat d’un rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans la République du Bélarus. Malheureusement, la Russie a voté contre la création de ce poste et la République de Moldova s’est abstenue, alors que tous les autres Etats membres du Conseil de l’Europe au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont voté pour. L’Assemblée devrait inviter ce rapporteur spécial à coopérer avec les commissions compétentes de l’Assemblée.

4. Graves violations de la liberté des médias 2010-2012

32. La Recommandation 1897 (2010) couvrait la période allant jusqu’en janvier 2010. Se fondant sur le rapport de fond élaboré par William Horsley 
			(27) 
			Voir le rapport complet
de William Horsley: 
			(27) 
			<a href='http://www.assembly.coe.int/Communication/26062012_HorsleyReport_F.pdf'>www.assembly.coe.int/Communication/26062012_HorsleyReport_F.pdf</a>. , les informations ci-dessous concernent les graves violations de la liberté des médias qui se sont produites depuis cette date.

4.1. Agressions mortelles contre des journalistes

33. Azerbaïdjan, 23 novembre 2011: Rafiq Tagi est mort quatre jours après une agression devant son domicile à Bakou au cours de laquelle il a été frappé de nombreux coups de couteau. Il travaillait pour Radio Free Europe/Radio Liberty et plusieurs journaux. Il avait auparavant reçu des menaces de mort et avait été emprisonné en 2007 sur la base d'accusations d'incitation à la haine religieuse. La fatwa de mort émise contre lui par le Grand Ayatollah Fazel Lankarani en Iran en 2006 pour avoir à nouveau publié les caricatures de Mahomet du Jyllands-Posten avait été critiquée dans la Résolution 1535 (2007) de l’Assemblée.
34. Bélarus, 3 septembre 2010: Aleh Byabenine, directeur du site d'information critique Charte 97, a été trouvé pendu dans sa maison de campagne près de Minsk. Sa famille, constatant que son corps présentait des signes de blessures graves, a rejeté la thèse officielle du suicide. Byabenine avait couvert des affaires de corruption et d'abus des droits de l'homme. Il avait auparavant reçu des menaces. Le site Charte 97 aurait fait partie des sites bloqués sur ordre du gouvernement en 2011.
35. Bulgarie, 5 janvier 2010: Boris Nikolov Tsankov, journaliste et écrivain travaillant sur la criminalité organisée, a été tué par balles dans une rue très fréquentée de Sofia. Tsankov avait reçu des menaces de mort et avait apparemment survécu dans les années précédentes à deux attentats à la bombe à son domicile.
36. Grèce, 19 juillet 2010: Sokratis Giolia, directeur de la station de radio Thema 98.9 FM et rédacteur en chef du blog politique très populaire, Troktiko, a été tué de plusieurs balles par des hommes non identifiés, devant son domicile à Athènes. Les autorités ont fait porter leurs soupçons sur un groupuscule révolutionnaire extrémiste. Des collègues de Giolia ont déclaré être convaincus qu'il avait été tué à cause de son travail d'investigation journalistique.
37. Lettonie, 19 juillet 2010: Grigorijs Nemcovs, rédacteur en chef du journal en langue russe Million et homme politique local, a été tué par balles dans un café de Daugavpils; on soupçonne un assassinat commandité. Il avait auparavant reçu des menaces de mort et sa maison avait été attaquée par des incendiaires en 2007.
38. Russie (Daghestan), 11 mai 2010: Shamil Aliyev, directeur des stations de radio populaires Pribol et Batan et du réseau de télévision TNT-Makhatchkala, a été tué par balles par des inconnus sur le lieu de construction de nouveaux équipements.
39. Russie (Daghestan), 21 mai 2010: Sayid Ibragimov, directeur de la station de télévision locale, TBS, a été tué avec quatre techniciens alors qu'il était en route pour effectuer des travaux sur un émetteur. Sa voiture est tombée dans une embuscade et, après une explosion, un groupe dont on soupçonne qu'il était composé de militants l'a attaqué avec des armes à feu.
40. Russie (Daghestan), 11 août 2010: Magomedvagif Sultanmagomedov, dirigeant de la chaîne de télévision Makhatchkala-TV et de la maison d'édition Nurul Irshad (Lumière de la vérité), a été victime de blessures fatales lorsque des tireurs non identifiés ont ouvert le feu sur sa voiture dans les rues de Makhatchkala, la capitale du Daghestan. Il était connu comme opposant au wahhabisme et aurait survécu à une précédente tentative d'assassinat en 2008.
41. Russie (Daghestan), 8 mai 2011: Yakhya Magomedov, journaliste et rédacteur en chef du journal islamique As-Salam publié en langue avar, est mort de quatre balles tirées par des tueurs non identifiés dans le district de Khasavyourt.
42. Russie (Daghestan), 15 décembre 2011: Hadzhimurad Kamalov, fondateur et rédacteur du quotidien indépendant Tchernovik, a été tué de plusieurs balles par un tireur non identifié tard le soir alors qu'il sortait de son bureau. Il était connu comme critique des abus et de la corruption des agents publics et a été assassiné le jour désigné pour rendre hommage à la mémoire de tous les journalistes russes décédés à cause de leur profession. Il avait, comme d'autres journalistes du Tchernovik, reçu des menaces et plusieurs autres journalistes du quotidien avaient précédemment été inculpés pour extrémisme après avoir accusé les autorités régionales d'abus et de corruption.
43. Russie, 22 juin 2012: Anatoly Bitkov, rédacteur en chef de Kolyma Plus, une société de télévision régionale, a été retrouvé mort, victime de nombreux coups de couteau, à son domicile de Magadan sur la mer d'Okhotsk, dans l'Extrême-Orient russe.
44. Turquie, 4 avril 2010: Metin Alatas, reporter du journal Azadiya Welat, a été trouvé pendu à un arbre du district d'Adana, dans la région du sud-est de la Turquie habitée principalement par des Kurdes. Ses collègues auraient contesté la thèse officielle du suicide. Alatas avait reçu des menaces et avait été agressé et blessé par un groupe d'hommes l'année précédente.
45. Ukraine, 11 août 2010: Vasyl Klementiev, rédacteur en chef du journal de Kharkov Novy Stil, a été apparemment enlevé alors qu'il enquêtait sur des allégations de corruption. Seul son téléphone portable a été retrouvé dans un réservoir à proximité du lieu où il a été vu en vie pour la dernière fois.

4.2. Arménie

46. En Arménie, la dépénalisation de la diffamation en 2010 a ouvert la voie à plus d'une trentaine de plaintes civiles en diffamation, pour beaucoup déposées par des hauts fonctionnaires ou des hommes politiques contre les médias. Dans un certain nombre d'affaires, des journaux ont été contraints de payer une amende et des dommages-intérêts d'un montant très élevé. Dans le cas de Haykakan Jamanak (Armenian Times), le journal a été obligé de verser 6 millions de drams arméniens (environ $US 16 000) à chacun des trois députés qui l'ont poursuivi avec succès. Le journal est parvenu à régler ces amendes à l'aide de dons de ses lecteurs.
47. Dans le cas des élections parlementaires tenues en Arménie le 6 mai 2012, une délégation conjointe d'observateurs internationaux de l'OSCE, de l'Assemblée parlementaire et du Parlement européen note (dans ses conclusions préliminaires) l'absence générale de confiance du public dans l'intégrité du processus électoral. Dans les médias, la pratique adoptée par plusieurs chaînes de télévision d'utiliser dans certaines de leurs émissions d'information des segments tirés de publicités politiques payantes a compromis la crédibilité de leur couverture des élections. Des associations de journalistes arméniens, dont l'ONG Investigative Journalists, ont déclaré que les incitations à l'autocensure ont gravement nui à l'indépendance politique des médias et à leur aptitude à aborder librement les questions importantes de la campagne électorale, en particulier les allégations de corruption.
48. L'ONG Investigative Journalists indique également que le nombre d'incidents d'intimidation et de menaces personnelles visant des journalistes a atteint un niveau exceptionnellement élevé (33) entre janvier et septembre 2011. Trois agressions physiques contre des journalistes ont été enregistrées pendant les cinq premiers mois de 2012, dont deux pendant les élections parlementaires. Les journalistes ont aussi fait l'objet de dizaines de plaintes en diffamation déposées par des hommes politiques et d'autres personnalités publiques. La loi de 2010 sur la radio et la télévision, qui accorde aux régulateurs des pouvoirs nouveaux en matière d'octroi et de retrait des licences de radiodiffusion, a intensifié la pression qui s'exerce sur les radiodiffuseurs afin d'éviter ou d'atténuer la critique des personnes au pouvoir.

4.3. Azerbaïdjan

49. Eynulla Fatullayev, rédacteur en chef de Realny Azerbaijan, a été emprisonné de 2007 à 2011 sur la base de ce que la Cour européenne des droits de l'homme a qualifié dans un arrêt de 2010 
			(28) 
			Fatullayev
c. Azerbaïdjan, Requête no 40984/07,
arrêt du 22 avril 2010: 
			(28) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-98401'>http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-98401.</a> d'accusations forgées de toutes pièces. Les autorités azéries ont maintenu Fatullayev en prison une année de plus sur la base de nouvelles accusations peu crédibles de possession de drogues. Il a été libéré en mai 2011 après une mesure de pardon présidentiel.
50. Le rapport final de la mission d'observation du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH) sur les élections législatives en Azerbaïdjan, qui ont eu lieu le 7 novembre 2010, indique que la forte partialité de la majorité des médias en faveur du gouvernement n'a pas permis aux électeurs de faire un choix éclairé. La liberté d'informer des médias a été réduite, notent les observateurs, cause de «la violence, des mises en détention, des poursuites pour diffamation et d'autres formes de pressions, ainsi que de l'impunité dont jouissent les auteurs de ces actes».
51. Un certain nombre d'agressions physiques contre des travailleurs des médias sont recensées chaque année. En juin 2011, par exemple, deux étrangères, Amanda Erickson, une journaliste américaine travaillant en free-lance, et Celia Davies, une Britannique qui travaille pour l'Institut pour la liberté et la sécurité des journalistes, ont été agressées et violemment frappées devant un immeuble d'habitation à Bakou.
52. Deux blogueurs vidéo, Emin Milli et Adnan Hajizade, ont été détenus en 2009 pendant plus d'un an sur la base de plusieurs inculpations, notamment celle de hooliganisme, après avoir réalisé et publié sur internet une vidéo satirique visant des hommes politiques de premier plan. Le Réseau international pour la liberté d'expression (IFEX) a déclaré en mai 2012 que sept journalistes et deux blogueurs sont détenus ou purgent des peines de prison en Azerbaïdjan sur la base d'inculpations non fondées.

4.4. Bélarus

53. Avant l’élection présidentielle au Bélarus en décembre 2010, la domination écrasante de l'Etat sur les médias de grande diffusion, notamment la télévision et les journaux, et le harcèlement systématique des journalistes critiques et indépendants, ainsi que d'autres représentants de la société civile et des opposants politiques, ont conduit les observateurs internationaux à déclarer que cette élection n'avait répondu à aucun des critères d'équité essentiels. En décembre 2010, immédiatement après le scrutin, six membres de l'ONG de Minsk Association des journalistes du Bélarus ont été inculpés, sur la base d'accusations apparues comme étant de nature politique, pour avoir organisé des manifestations publiques contre la fraude électorale.
54. Les locaux du site internet d'opposition Charte 97 ont été perquisitionnés et des ordinateurs et des dossiers ont été saisis. La rédactrice en chef, Natalya Radina, a été détenue pendant 39 jours à la suite de son arrestation le 19 décembre 2011 avant de fuir le pays. Ce harcèlement grave des membres de la rédaction de Charte 97 est intervenu suite à la mort suspecte en 2010 d'Aleh Byabenine, qui était alors rédacteur en chef du site.
55. Andrzej Poczobut, correspondant du journal polonais Gazeta Wyborcza, a été condamné pour propos injurieux à l'encontre du président Loukachenko. La journaliste connue du Bélarus, Irina Khalip, a été déclarée coupable d'avoir organisé des manifestations. Ces deux journalistes ont été condamnés à une peine d'emprisonnement avec sursis. De mai à juillet 2011, au moins 12 journalistes et travailleurs des médias ont été détenus ou frappés par la police alors qu'ils couvraient une nouvelle série de manifestations de rue pacifiques de grande ampleur; la police a également saisi des appareils photo et du matériel de radiodiffusion. Après le lancement de 800 ours en peluche depuis un avion au-dessus du Bélarus en signe de protestation politique en juillet 2012, les trois journalistes Anton Souryapine, Ioulia Dorochkevitch et Iryna Kozlik ont été arrêtés pour avoir diffusé des photos des ours; Sergey Bachamirov a été arrêté pour avoir prétendument aidé les pilotes.

4.5. Bulgarie

56. En Bulgarie, en mai 2012, Lidia Pavlova, une journaliste travaillant pour le journal Struma connu pour ses enquêtes sur le crime organisé, a été menacée et sa voiture aurait été détruite à deux occasions. Son fils, qui a témoigné dans un procès pénal contre les dirigeants d'une organisation criminelle bien connue, a été violemment agressé en 2008, puis de nouveau en 2010, et sa voiture a également été incendiée.
57. En 2011, la journaliste d'investigation Mirolyuba Benatova, de la grande chaîne de télévision privée bTV, a fait l'objet d'un véritable assaut de haine en ligne. Selon plusieurs articles de presse, Benatova a été la cible d'une campagne délibérée de propos haineux par des usagers de Facebook et sa page a été suspendue après qu'une organisation l'ait désignée comme ennemie du peuple bulgare.

4.6. Grèce

58. En Grèce, en avril 2012, la police a délibérément attaqué plusieurs journalistes et photographes pendant les manifestations de rue à Athènes et leur a infligé des blessures. L’un d’entre eux, le dirigeant de l'association des photojournalistes grecs, Mario Lolos, a subi une fracture du crâne après avoir été agressé par la police anti-émeute dans le centre d'Athènes. Plusieurs journalistes ont été frappés et ont subi des blessures lors de manifestations antérieures dans le centre d'Athènes en 2011.

4.7. Hongrie

59. En Hongrie, la série de lois sur les médias adoptées fin 2010 par un gouvernement nouvellement élu jouissant d'une majorité incontournable des deux tiers au parlement a suscité de graves inquiétudes de la Commission de Venise, qui a conclu que les nouvelles lois sur les médias, ainsi que les amendements constitutionnels au système judiciaire du pays accordant des pouvoirs étendus au président d'un nouveau Bureau judiciaire national, mettaient en danger les libertés démocratiques fondamentales. Les sujets d'inquiétude concernaient principalement l'incapacité manifeste à garantir l'indépendance politique des organes de régulation des médias, l'attribution de nouveaux pouvoirs de régulation du contenu des médias, y compris la presse écrite, l'exigence d'un soi-disant «équilibre» de l'information et la remise en cause du droit des journalistes à protéger leurs sources.
60. Des amendements à plusieurs aspects des lois sur les médias (par exemple concernant la protection des sources des journalistes) ont été introduits par la suite en réponse aux arrêts de la Cour constitutionnelle hongroise et aux demandes du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne. Cependant, en mai 2012, une nouvelle évaluation réalisée par les experts externes au nom du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe a relevé plusieurs éléments essentiels qui ne sont toujours pas conformes aux normes du Conseil de l'Europe 
			(29) 
			Voir <a href='http://www.coe.int/c/document_library/get_file?uuid=fbc88585-eb71-4545-bc5d-b727e35f59ae&groupId=10227'>www.coe.int/c/document_library/get_file?uuid=fbc88585-eb71-4545-bc5d-b727e35f59ae&groupId=10227.</a>. Le dialogue se poursuit entre le Conseil de l'Europe et les autorités hongroises; la réunion d'experts la plus récente a eu lieu à la fin d’août 2012.

4.8. Italie

61. En Italie, plusieurs journalistes, dont Roberto Saviano, vivent cachés ou reçoivent une forme de protection contre les risques d'agression par des criminels mafieux.
62. Des préoccupations se sont fait jour sur l'ingérence politique à la RAI, le radiodiffuseur de service public, en particulier au cours du mandat du Premier ministre Berlusconi pendant les presque dix dernières années. Ces préoccupations concernaient l'influence exercée par son parti sur les nominations aux postes de rédaction les plus élevés et ses déclarations publiques dénonçant les médias critiques ou qui lui étaient hostiles. La couverture favorable de M. Berlusconi dans certains des organes de la RAI semblait indiquer l'existence d'une ingérence au niveau rédactionnel. En 2011, peu avant de quitter ses fonctions, M. Berlusconi a été accusé d'exercer des pressions sur le radiodiffuseur pour faire interrompre la diffusion de l’émission très critique Annozero.

4.9. Roumanie

63. En Roumanie, les 15 et 16 janvier 2012, plusieurs travailleurs des médias de l'agence de presse Mediafax, de la chaîne de télévision Antena 3 TV et du site d'information DC News ont été agressés par la police alors qu'ils couvraient les manifestations antigouvernementales à Bucarest, bien qu'ils se soient apparemment identifiés comme journalistes.

4.10. Fédération de Russie

64. Bien que des dirigeants politiques de haut niveau se soient engagés à prendre des contre-mesures efficaces, le Centre pour le journalisme en situations extrêmes (Moscou) indique que, en plus des meurtres documentés ici, d'autres agressions contre les journalistes se sont poursuivies au rythme d'environ une par semaine pendant les trois dernières années. Les faits relatifs à de nombreuses agressions de reporters et d'équipes de télévision par la police et d'autres personnels de sécurité ont été établis.
65. En novembre 2010, Oleg Kashin, reporter du quotidien d'affaires Kommersant, a été brutalement agressé par deux hommes devant son domicile à Moscou. Ses agresseurs l'ont frappé de toutes leurs forces avec des barres de fer sur la tête et le corps pendant plus d'une minute avant de prendre la fuite. L'agression a été enregistrée sur une vidéo qui a ensuite été largement diffusée et a suscité de nombreuses condamnations publiques, y compris celle du président russe d'alors, Dimitri Medvedev. Aucun progrès dans les investigations n’a été annoncé à ce jour. Oleg Kashin fait partie de plusieurs journalistes ayant été agressés autour de Khimki (région de Moscou) après avoir publié des allégations de corruption visant plusieurs représentants des autorités régionales, notamment en relation avec le projet de construction d'une autoroute à travers la forêt naturelle de Khimki. Il avait auparavant été menacé.
66. Les 16 et 17 mai 2012, un reporter de Kommersant, Aleksandr Chernykh, a été frappé par la police avec plusieurs autres journalistes alors qu'il couvrait les manifestations publiques organisées à Moscou pour protester contre l'inauguration du troisième mandat du président Poutine. Reporters sans frontières a déclaré que la police s’était comportée avec une brutalité choquante à l'égard de journalistes détenteurs d'une carte de presse. Après les élections législatives de décembre 2011, de nombreux journalistes ont aussi été arrêtés lors de manifestations dans la capitale et à Saint-Pétersbourg.
67. En avril 2012, Elena Milashina, journaliste de Novaya Gazeta, une publication d'opposition, a été violemment frappée sur le chemin de son domicile. Son travail portait fréquemment sur les opérations du Gouvernement russe dans la région du Caucase.
68. Le 29 mai 2102, Sergei Aslanyan, journaliste de la radio Mayak, a été frappé de plusieurs coups de couteau dans le cou et d'autres parties du corps par un homme masqué qui l'attendait à l'extérieur de son domicile du sud de Moscou.
69. Les agressions contre les sources d’information des journalistes sont également très préoccupantes. L’avocat Sergei Magnitsky a été torturé et tué dans une prison russe le 16 novembre 2009 après avoir été placé en détention sans procès pendant 358 jours 
			(30) 
			Voir la Déclaration
écrite no 490 à l’adresse: 
			(30) 
			<a href='http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/EDOC12744.htm'>http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/EDOC12744.htm.</a>. Il avait trouvé des éléments de preuve de la corruption à grande échelle entre des fonctionnaires et des organisations criminelles, ce pour quoi il a même fait l’objet de poursuites après sa mort.
70. En 2010, la commission officielle d'enquête chargée du suivi judiciaire du meurtre de journalistes et d'autres personnes a annoncé que les dossiers relatifs à cinq affaires de meurtres commis pendant les dernières années avaient été rouverts mais que peu de progrès avaient été accomplis. L'adoption d'une loi désignant les crimes contre des journalistes comme une catégorie d'infraction passible de sanctions pénales plus sévères que d'autres représente un développement positif mais cette loi n'a encore eu aucun effet manifeste. En 2011, une nouvelle commission d’enquête a été créée, avec à sa tête le président russe.
71. Le rapport final de l’OSCE/BIDDH sur l’élection présidentielle du 4 mars 2012 a constate que la partialité manifeste des chaînes de télévision contrôlées par l'Etat en faveur du candidat qui l'a emporté, Vladimir Poutine, antérieurement Premier ministre, a contribué en grande partie, ainsi que exclusion des candidats rivaux et l'utilisation d'autres ressources publiques à des fins partisanes, à fausser les résultats du scrutin en sa faveur. Le BIDDH a indiqué qu'une combinaison de facteurs a créé un climat d'intimidation des médias. La période des élections législatives en 2011 a coïncidé avec une augmentation notable du nombre d’arrestations, d'agressions et de menaces visant des journalistes. Il s’est passé la même chose en 2012 avant l’élection présidentielle. Un nombre accru d'enquêtes pénales ont aussi été ouvertes par des organes gouvernementaux à l'encontre de journalistes et de médias.

4.11. Serbie

72. En Serbie, en juillet 2010, un chroniqueur influent de l'hebdomadaire Vreme, Teofil Pančić, a été victime d'une commotion cérébrale et de graves blessures après avoir été agressé dans un bus à Belgrade par deux assaillants masqués qui l'ont frappé avec des barres de fer avant de prendre la fuite. Ses collègues pensent qu'il était visé à cause de ses écrits.
73. La situation générale de la liberté des médias en Serbie a récemment été évaluée par des experts indépendants 
			(31) 
			Voir le rapport <a href='http://www.civilrightsdefenders.org/files/Serbian-Media-Scene-VS-European-Standards.pdf'>www.civilrightsdefenders.org/files/Serbian-Media-Scene-VS-European-Standards.pdf.</a> sur la base de la Résolution 1636 (2008) de l’Assemblée sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie. L’évaluation a révélé notamment des problèmes concernant le pouvoir judiciaire, l’indépendance des autorités de régulation et des radiodiffuseurs de service public, les droits sociaux et droits liés au travail des journalistes, la sécurité des journalistes et la liberté de critiquer des représentants de l’Etat.

4.12. «L'ex-République yougoslave de Macédoine»

74. Dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la licence de radiodiffusion de la grande chaîne de télévision privée TV A1 a été retirée et trois journaux dont Vreme, le journal le plus lu du pays, ont été contraints de fermer à la suite de mesures punitives prises par les autorités. Ces fermetures sont intervenues à la suite d'une longue enquête visant le propriétaire du groupe médiatique qui contrôlait TV A1 et les journaux, qui portait sur des allégations d'irrégularités fiscales et de blanchiment de capitaux et des demandes de remboursement d'importantes dettes en suspens.

4.13. Turquie

75. On estime que la Turquie compte aujourd'hui plus de journalistes en détention qu'aucun autre pays au monde. En avril 2012, d'après un rapport détaillé publié par la Représentante pour la liberté des médias de l'OSCE, pas moins de 95 journalistes étaient en prison où ils attendaient un procès ou purgeaient une peine après avoir été condamnés. Ce nombre s’est même accru par la suite. La liste actualisée des noms de toutes ces personnes est publiée sur le site internet de l’OSCE 
			(32) 
			Voir <a href='http://www.osce.org/fom/89371'>www.osce.org/fom/89371.</a>.
76. La majorité d'entre elles ont été inculpées ou condamnées au titre de lois se rapportant à la lutte contre le terrorisme ou l'incitation à la violence ou à la haine, ou réprimant les propos injurieux à l'égard de la nation turque ou des institutions de l'Etat. Nombre des journalistes emprisonnés ont été arrêtés et inculpés en relation avec la longue enquête «Ergenekon» sur un complot allégué visant à renverser le gouvernement en 2003. D'autres sont poursuivis en relation avec la question de la lutte des Kurdes pour une plus grande autonomie. Plusieurs des journalistes condamnés se sont vu infliger des peines de plus de 50 ans d’emprisonnement. En plus de ceux emprisonnés, plusieurs centaines de journalistes ont fait l’objet d’enquêtes pénales qui ont entraîné pour eux, dans bien des cas, une perte d'emploi ou une interruption grave de leurs activités professionnelles.
77. A l’invitation du Premier Ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, Thorbjørn Jagland, a nommé Gérard Stoudmann le 30 mai 2011 comme son Envoyé spécial chargé d’évaluer la situation de la liberté des médias en Turquie, en se concentrant sur des recommandations précises concernant la mise en œuvre de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme 
			(33) 
			Voir <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1794287&Site=DC'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1794287&Site=DC
 .</a>. En tant que mesures de suivi, des projets d’assistance et de coopération bilatérale sont en cours entre le Conseil de l'Europe et la Turquie, concernant par exemple la future exécution par la Turquie d’anciens arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, ainsi que des visites d’étude de juges turcs dans d’autres pays.
78. Le Commissaire des droits de l’homme, Thomas Hammarberg, a écrit à la suite d’une visite en Turquie effectuée en juillet 2011 que le nombre élevé de journalistes emprisonnés était symptomatique du dysfonctionnement systémique du processus judiciaire en Turquie et que les pratiques actuelles avaient clairement pour effet de restreindre la liberté d’expression. Depuis lors, cependant, le nombre de journalistes emprisonnés en Turquie a presque doublé. Le Commissaire a signalé aux autorités turques un certain nombre de changements fondamentaux qui devraient être introduits dans les lois et les pratiques du pays, afin de les mettre en conformité avec la Convention et avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
79. La situation de l’écrivain Orhan Pamuk, qui a été condamné en 2011 et contraint de verser une amende à la suite d’une procédure civile engagée contre lui par un groupe d’individus invoquant l’article 301, disposition qui incrimine les propos injurieux à l’égard de la nation turque, est préoccupante. Les plaignants, qui ont gagné le procès, ont affirmé s’être sentis personnellement insultés par une interview accordée par Pamuk à un journal suisse, dans laquelle l’écrivain évoquait le refus des Turcs d’aborder la question des massacres à grande échelle d’Arméniens et de Kurdes.
80. En juillet 2011, un jeune homme connu pour ses opinions nationalistes a été condamné à une peine d'emprisonnement de plus de 20 ans pour le meurtre de Hrant Dink en 2009, mais les commanditaires du meurtre n'ont pas été condamnés. Un certain nombre de policiers, d’agents de sécurité et d’autres personnes ont été poursuivis pour différents degrés de participation au meurtre, mais les sanctions judiciaires et disciplinaires imposées à certains d’entre eux ont été légères voire insignifiantes, et d’autres s’en sont même tirés sans aucune sanction.
81. En Turquie, la Représentante pour la liberté des médias de l'OSCE estime qu'au moins 5 000 sites ont été bloqués sur ordre des autorités entre 2008 et 2010, dans le but d'appliquer les restrictions prévues par diverses lois sur la lutte contre le terrorisme, la sécurité de l'Etat et les propos injurieux, qui ont été largement critiquées comme anachroniques et contraire aux normes européennes en matière de droits de l'homme 
			(34) 
			Voir,
par exemple, les affaires pendantes devant la Cour européenne des
droits de l'homme, Yildirim c. Turquie (Requête
no 3111/10) et Akdeniz
c. Turquie (Requête no 20877/10).. Pendant des années, le gouvernement a obligé les fournisseurs de services internet à bloquer le site YouTube après la publication de vidéos dénigrant la figure fondatrice de l'Etat turc, Mustafa Kemal Atatürk, et le drapeau turc. L'accès à Google et à d'autres sites populaires a aussi été bloqué.

4.14. Ukraine

82. S’agissant des enquêtes sur le meurtre en 2000 de Georgiy Gongadze, journaliste d'investigation et fondateur du site internet Ukrainska Pravda (Vérité Ukraine), le procès a démarré en avril 2011 contre Olexiy Pukach, ancien fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, qui aurait avoué avoir joué un rôle direct dans le meurtre de Gongadze. Les journalistes et le public n’ayant pas été autorisés à assister au procès, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a qualifié le secret et les irrégularités du procès de Pukach, ainsi que les précédents échecs à rendre la justice rapidement et en toute impartialité, de revers significatifs dans la lutte contre l’impunité. Le CPJ a indiqué qu’en 2011, les journalistes ukrainiens continuaient d’être exposés de façon persistante à des risques de menaces et d’agressions physiques et qu’ils étaient soumis à la censure.
83. En mars 2010, Vasyl Demyaniv, rédacteur en chef du journal indépendant Kolomyistiy Vestnik, a subi une fracture du crâne et des blessures aux genoux lorsqu’il a été agressé en pleine rue. Deux personnes ont été condamnées pour vol en relation avec ce crime, mais Demyaniv a déclaré que les deux hommes condamnés étaient innocents et qu’il avait été attaqué en représailles pour son traitement critique de certaines questions concernant les autorités locales.
84. L’Institute of Mass Information (IMI), une organisation de surveillance des médias basée à Kiev, a recensé au moins 25 agressions physiques contre des journalistes en relation avec leur travail pendant la période 2010‑2011. L’IMI conteste l’affirmation du ministre de l’Intérieur pour qui la grande majorité de ces agressions contre des journalistes sont sans rapport avec leur travail. L’IMI indique que, dans au moins 10 de ces cas, les auteurs de l’agression étaient des agents des forces de l’ordre ou d’autres fonctionnaires.
85. En Ukraine, l’élection présidentielle de janvier et février 2010 a été entachée par la couverture manifestement partisane de plusieurs médias en faveur de l’un ou l’autre des deux principaux candidats, Viktor Ianoukovitch et Ioulia Timochenko. Les chaînes de télévision ont permis aux candidats d’apparaître contre paiement dans leurs émissions et de diffuser des segments préenregistrés dans le cadre des émissions d’actualités et d’information, ce qui est contraire au principe de l’indépendance et de l’objectivité des médias. La mission d’observation des élections du BIDDH a noté que les médias régionaux ont fait systématiquement preuve de partialité en faveur du(des) parti(s) régional(aux) au pouvoir selon les cas. Le BIDDH a recommandé d’inclure dans les règles concernant la couverture par les médias de l’activité des ministres du gouvernement ou d’autres personnes occupant des fonctions publiques l’interdiction aux radiodiffuseurs de leur accorder un traitement privilégié pendant les périodes de campagne électorale. Il a également recommandé de transformer la société nationale de télévision d’Ukraine en un radiodiffuseur de service public. Le gouvernement a pris certaines initiatives en ce sens et aucun effort ne devrait être épargné pour assurer au plus tôt la mise en œuvre de cette proposition, conformément aux normes du Conseil de l’Europe sur l’impartialité et l’indépendance des médias.

4.15. Royaume-Uni

86. Au Royaume-Uni, plusieurs questions concernant les normes et la déontologie de la presse, ainsi que la relation entre les médias et les représentants publics – y compris les hommes politiques et la police – sont actuellement examinées par une commission publique d’enquête dirigée par un juge qui doit remettre son rapport en 2012. Cette enquête a été ouverte à la suite du scandale provoqué par les révélations d’espionnage téléphonique à grande échelle impliquant des employés du journal News of the World qui écoutaient les messages de téléphonie mobile reçus par des personnalités publiques, des célébrités et des particuliers, ainsi que par les allégations de versement illégal d’argent à des agents de la fonction publique, dont des policiers. La révélation de ces pratiques a conduit à l’arrestation de dizaines de rédacteurs en chef et de journalistes, ainsi que de plusieurs fonctionnaires. Elle a abouti à des accusations de collusion inappropriée entre la presse et des représentants du gouvernement, des hommes politiques de haut niveau et des policiers, et de trafic d’influence ayant pu affecter indûment le résultat de certaines décisions en matière de régulation, notamment les décisions touchant à la concentration de la propriété des médias.

5. Conclusions

87. La liberté d'expression et d'information est la pierre angulaire de la bonne gouvernance et d’une démocratique florissante, ainsi qu’une obligation fondamentale de tout Etat membre en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.
88. Cependant, la police et le système judiciaire de plusieurs Etats membres ont manqué à leur devoir de protéger les journalistes et d’enquêter de façon adéquate sur les agressions physiques commises contre des derniers. La Fédération de Russie reste le pays le plus dangereux d’Europe pour les journalistes, en raison du nombre de journalistes assassinés ainsi que du nombre de cas de meurtres non résolus. Dans ce pays et dans tous les autres pays concernés, les autorités nationales compétentes doivent faire davantage d’efforts pour enquêter sérieusement sur ces cas et traduire en justice les commanditaires de ces meurtres.
89. On estime que la Turquie compte aujourd'hui plus de journalistes en détention qu'aucun autre pays au monde. Les derniers rapports d’observation des élections de l’Assemblée ont constaté un environnement médiatique partial et d’autres lacunes dans plusieurs Etats membres. Dans tous ces pays, la liberté des médias devrait être renforcée en révisant les lois et la pratique des tribunaux et de la police.
90. Des incidents récents de collusion entre les médias et propriétaires de médias et des responsables politiques et fonctionnaires de l’Etat ont ébranlé la confiance de l’opinion publique dans un gouvernement démocratique et dans l’indépendance des médias. Les médias et l’administration publique doivent assumer leurs responsabilités respectives dans la mise en place de mesures contre ces comportements fautifs, en particulier grâce à des mesures légales de lutte contre la corruption ainsi que d’autorégulation des médias et une indépendance éditoriale stricte des journalistes vis-à-vis des propriétaires de médias.
91. De nombreux journalistes travaillent dans des situations précaires et la qualité professionnelle et la déontologie sont souvent mises à mal par les abus des propriétaires de médias et des groupes d’intérêt politiques ou commerciaux. Les Etats membres doivent veiller à ce que les conditions d’emploi des journalistes respectent les dispositions de la Charte sociale européenne révisée (STE no 163).
92. En dépit de la multiplication des médias numériques, les radiodiffuseurs de service public demeurent la principale source d’information en Europe et qui constituent un outil indispensable pour le public en général dans une démocratie éclairée. Par conséquent, les radiodiffuseurs de service public doivent être protégés des ingérences politiques dans leur gestion quotidienne et leur travail éditorial.
93. Dans ce contexte, il convient de saluer le fait que l'Union européenne de radio-télévision (UER) ait pris des initiatives pour que ses membres respectent sa déclaration de valeurs essentielles et pour développer des mesures visant à dénoncer et à sanctionner les membres qui enfreignent ces recommandations 
			(35) 
			Voir <a href='http://www3.ebu.ch/files/live/sites/ebu/files/Knowledge/Initiatives - Policy/Initiatives/v3__WEB_NEW_GRAPHIC_LINE_Lettre_declaration_valeurs_PMS_EN.pdf'>http://www3.ebu.ch/files/live/sites/ebu/files/Knowledge/Initiatives%20-%20Policy/Initiatives/v3__WEB_NEW_GRAPHIC_LINE_Lettre_declaration_valeurs_PMS_EN.pdf</a>. . L’UER elle-même devrait s’abstenir d’organiser des événements dans des pays où la situation des droits de l’homme n’est pas bonne.
94. Le Conseil de l'Europe dans son ensemble et les Etats membres individuellement doivent renforcer leurs efforts de protection de la liberté d'expression et d'information par les médias. Les Etats membres et observateurs, les partenaires pour la démocratie et l’Union européenne devraient être invités à fournir des contributions volontaires pour le financement d’activités supplémentaires dans ce domaine.
95. En vertu de son mandat, la Sous-commission des médias et de la société de l'information est chargée d’examiner les menaces à la liberté d'expression et d'information, y compris la liberté des médias et le pluralisme. Par conséquent, elle peut jouer un rôle actif à cet égard.
96. Tenant compte de ces conclusions, des mesures concrètes sont proposées les projets de résolution et de recommandation contenus dans le présent document.