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Résolution 1909 (2012)

L’adoption internationale: garantir le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 30 novembre 2012 (voir Doc. 13059, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Rupprecht).

1. L’adoption internationale compte parmi les possibilités de prise en charge offertes aux enfants privés de soins parentaux. Cette possibilité est parfois la meilleure lorsque la sécurité de l’enfant ne peut être assurée autrement (en particulier pour les enfants qui, dans leur pays d’origine, se trouvent confrontés à l’extrême pauvreté, à la négligence, à l’exploitation et/ou à des situations de conflit).
2. Cependant, l’adoption internationale représente aussi une atteinte aux droits fondamentaux et à l’identité personnelle de l’enfant. Avant tout conçu comme un acte humanitaire, le transfert d’un enfant du milieu de sa famille biologique, de son milieu familial et de son pays natal vers un pays étranger et une nouvelle famille est forcément une expérience traumatisante; il doit donc être mené avec un maximum de précautions et d’égards quant à la situation individuelle de l’enfant.
3. Dans cette perspective, l’Assemblée parlementaire met en avant le rôle central de la Convention des Nations Unies de 1989 relative aux droits de l’enfant, laquelle prévoit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération première dans toutes les décisions le concernant. Les enfants doivent grandir dans un milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension. Le principal but de l’adoption est de trouver une famille pour un enfant et non un enfant pour une famille.
4. L’Assemblée s’inquiète des rapports qui continuent de faire état de cas d’adoption internationale qui, à l’évidence, n’ont pas respecté en priorité l’intérêt supérieur de l’enfant ou ont gravement bafoué ses droits humains. Certains enfants deviennent les victimes de pratiques de «blanchiment d’enfant», se traduisant par l’enlèvement et la vente d’enfants, la contrainte ou la manipulation des parents biologiques et de leur milieu familial, la falsification de documents et la corruption. Aussi les pays d’origine et d’accueil concernés par l’adoption internationale doivent-ils, l’un comme l’autre, se montrer à la hauteur de leurs responsabilités pour empêcher et combattre de telles activités criminelles au niveau mondial.
5. L’Assemblée attire l’attention sur les principales références juridiques dans ce domaine: la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (1993) et, au niveau du Conseil de l’Europe, la Convention européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) (STCE no 202). De son côté, l’Assemblée s’est régulièrement penchée sur la situation des enfants dans les procédures d’adoption internationale; par exemple, avec sa Recommandation 1443 (2000) «Pour un respect des droits de l’enfant dans l’adoption internationale» et sa Recommandation 1828 (2008) sur la disparition des nouveau-nés aux fins d’adoption illégale en Europe.
6. Compte tenu de récentes tendances qui continuent de faire de l’adoption internationale une solution de prise en charge possible et intéressante pour beaucoup d’enfants, l’Assemblée appelle une nouvelle fois les Etats membres du Conseil de l’Europe à renforcer leurs politiques visant à appliquer la pratique de l’adoption internationale dans des conditions sécurisées tout en respectant l’intérêt supérieur de l’enfant, et ce par le biais des mesures suivantes:
6.1. en signant et en ratifiant, si ce n’est déjà fait, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et la Convention européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) en tant que textes complémentaires, afin d’assurer une protection efficace de l’enfant dans le cadre des adoptions internationales;
6.2. en signant et en ratifiant, si ce n’est déjà fait, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) ainsi que la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201), afin de protéger les enfants contre les crimes pouvant être liés à l’adoption internationale;
6.3. en développant des politiques nationales cohérentes visant à établir des procédures d’adoption internationale entièrement supervisées par une autorité centrale publique, qui peut – grâce à un niveau suffisant de ressources – fonctionner comme un centre de compétences et garantir un certain contrôle des normes et des pratiques d’adoption;
6.4. en développant des règles et des normes strictes pour la mise en place, le fonctionnement et la supervision d’agences spécialisées dans l’adoption d’enfants afin d’éviter que leur multiplication incontrôlée et leur concurrence conduisent à des procédures d’adoption insuffisamment surveillées ou à d’autres pratiques peu sûres;
6.5. en veillant à ce que les origines et l’identité personnelle des enfants soient pleinement établies par des documents tout au long de la procédure d’adoption et au-delà, et que les enfants aient la possibilité d’accéder à toutes les informations les concernant à l’âge de 18 ans au plus tard;
6.6. en veillant à ce que les services et agences d’adoption travaillent dans le respect de l’enfant ainsi que le préconise la Recommandation CM/Rec(2011)12 du Comité des Ministres sur les droits de l’enfant et les services sociaux adaptés aux enfants et aux familles, en particulier en ce qui concerne la participation des enfants aux décisions les concernant;
6.7. en établissant un cadre formel propice à des échanges internationaux réguliers et à une coopération solide en la matière afin de pouvoir lutter efficacement contre les activités criminelles liées à l’adoption internationale et de poursuivre en justice les contrevenants;
6.8. s’agissant des pays d’accueil des enfants à adopter en particulier, en mettant en place des politiques et des procédures d’adoption nationale selon les principes suivants:
6.8.1. élaborer un système national solide en matière d’adoption, qui permettrait de satisfaire en toute sécurité l’intérêt des futurs adoptants et d’éviter qu’ils ne recourent à des organismes non agréés ou à des adoptions indépendantes pouvant les exposer à des activités illégales;
6.8.2. établir des procédures d’autorisation assurant que les futurs adoptants conviennent à l’adoption et les obligeant à suivre une formation spécifique pour se préparer à accueillir un enfant étranger, voire un enfant présentant des besoins spéciaux (en raison d’une maladie ou d’un handicap);
6.8.3. veiller à ce que les enfants étrangers adoptés soient rigoureusement suivis, avant, pendant et après l’acte juridique même d’adoption pendant un nombre suffisant d’années, et à ce que les familles bénéficient d’un soutien tout au long du processus d’adoption et après;
6.8.4. décréter des moratoires si, pour une raison quelconque (catastrophes humanitaires, par exemple), il n’est plus possible d’assurer des procédures d’adoption sécurisées, mais maintenir la communication entre les autorités centrales concernées afin d’éviter les vides juridiques et les incertitudes traumatisantes pour les enfants;
6.9. s’agissant des pays d’origine en particulier, en mettant en place des politiques et des procédures d’adoption nationale selon les principes suivants:
6.9.1. établir des procédures d’autorisation assurant que l’enfant destiné à une adoption internationale en a véritablement besoin et qu’il n’existe pas de meilleure solution de prise en charge dans son pays d’origine;
6.9.2. renforcer les services de planning familial, améliorer les conditions de vie des familles en situation d’extrême pauvreté et renforcer le soutien qui leur est fourni, et ce afin d’éviter que ces familles ne considèrent l’adoption internationale comme une solution de prise en charge de leurs enfants et, ainsi, ne soient exposées au risque d’être impliquées dans des activités de «blanchiment d’enfant»;
6.10. au niveau du Conseil de l’Europe, où les droits de l’enfant sont promus par divers textes et activités, en veillant à ce que la question de l’adoption internationale soit prise en compte dans les travaux liés à la Stratégie sur les droits de l’enfant (2012-2015) et au Plan d’action proposé pour sa mise en œuvre;
6.11. s’il y a lieu, en pratiquant et en favorisant des échanges internationaux pour aider les pays qui en ont besoin à développer, à l’échelon national, d’autres solutions de prise en charge pour les enfants privés de soins parentaux ainsi que des services de protection de l’enfance efficaces, notamment pour les enfants présentant des besoins spéciaux (en raison de maladies ou de handicaps).