1. Introduction
1. En 2008, le Conseil de l’Europe et les Nations Unies
ont décidé d’élaborer conjointement une étude sur «Le trafic d'organes,
de tissus et de cellules et la traite des êtres humains aux fins
de prélèvement d'organes». L’étude conjointe, publiée en octobre
2009, concluait à la nécessité de préparer un instrument juridique international
établissant une définition du trafic d’organes, de tissus et de
cellules d’origine humaine et énonçant les mesures à prendre pour
prévenir ce trafic et protéger ses victimes ainsi que les mesures
de droit pénal destinées à le réprimer.
2. Parallèlement, l’Assemblée parlementaire, alertée par les
récits décrits dans les mémoires de Carla Del Ponte
, a initié une enquête
sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic
illicite d’organes humains au Kosovo
. Cette
enquête a donné lieu à l’adoption de la
Résolution 1782 (2011) portant le même titre, dans laquelle l’Assemblée partageait
la conclusion de l’étude conjointe selon laquelle il convenait d’élaborer
un instrument juridique international en la matière.
3. Aussi, lorsqu’en juillet 2011, le Comité des Ministres a décidé
de mettre en place un Comité d’experts chargé de l’élaboration d’un
projet de convention contre le trafic d’organes humains, cela marquait l’aboutissement
de plusieurs années d’efforts menés par le Conseil de l’Europe dans
ce domaine. Il convient néanmoins de rappeler que le principe selon
lequel le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que
tels, source de profit fait partie de l’acquis de l’Organisation
depuis déjà 1978
. En 1997, la
Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine (STE no 164)
dite «d’Oviedo» est venue réaffirmer ce principe dans un instrument
juridiquement contraignant (article 21) et, sur cette même base,
son Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes
et de tissus d’origine humaine (STE no 186)
a interdit le trafic d’organes (article 22). A ce jour encore, le
protocole constitue le seul instrument international juridiquement
contraignant à établir une telle interdiction.
4. Le mandat du Comité d’experts sur le trafic d’organes, de
tissus et de cellules humains (PC-TO) prévoyait l’élaboration d’un
projet de convention de droit pénal contre le trafic d’organes humains
et, si nécessaire, un projet de protocole additionnel au projet
de convention précité relatif à la lutte contre le trafic de tissus
et de cellules humains. A cette fin, le PC-TO a tenu quatre réunions
. Au nom
de l’Assemblée et plus particulièrement de sa commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable, j’ai eu le privilège
de participer aux trois premières réunions du PC-TO. Par ailleurs,
lors de la partie de session de l’Assemblée de juin 2012, notre
commission a eu un échange de vues avec le Dr Hans-Holger Herrnfeld, Président
du PC-TO. Ce fut l’opportunité de présenter le point de vue de l’Assemblée
dans le cadre du processus d’élaboration de la convention. Dans
ce même contexte, la version précédente de ce rapport où le point
de vue de l’Assemblée était largement développé a été transmise
au PC-TO.
5. Le 19 octobre 2012, le PC-TO a adopté la version finale de
l’avant-projet de convention contre le trafic d’organes humains.
Par ailleurs, il a décidé qu’à ce stade, il n’était pas opportun
de procéder à l’élaboration d’un protocole additionnel relatif à
la lutte contre le trafic de tissus et de cellules humains. L’avant-projet
de convention sera prochainement examiné par le Comité directeur
pour les problèmes criminels (CDPC) à sa réunion plénière du 4 au
7 décembre 2012
. Le CDPC prendra position
notamment sur les questions où un consensus n’a pu être trouvé au
niveau du PC-TO et adoptera un projet de convention qu’il soumettra
au Comité des Ministres.
2. Une convention
de droit pénal
6. Le mandat du PC-TO prévoyait avant tout l’élaboration
d’un projet de convention de droit pénal contre le trafic d’organes
humains. Ce faisant, le PC-TO était chargé de veiller à ce que le
texte apporte une valeur ajoutée, notamment sur les questions de
la criminalisation et de la prévention du trafic d’organes humains, ainsi
que sur l’assistance aux victimes et la coopération internationale.
7. Tel qu’il est finalisé par le PC-TO, l’avant-projet de convention
est une convention de droit pénal classique avec des dispositions
consacrées principalement à la définition des actes constituant
le trafic d’organes (volet matériel) et aux règles relatives à la
poursuite de ces actes (volet procédural). Certes, des mesures de
protection des victimes, de prévention du trafic et de coopération
y sont proposées, mais elles sont soit axées sur le droit pénal,
soit abordées de façon succincte. Ainsi, si le texte est très développé
lorsqu’il s’agit de la coopération internationale «en matière pénale»
ou de la protection des droits et des intérêts des victimes dans
le cadre des «procédures pénales», il l’est beaucoup moins lorsqu’il
s’agit des mesures de prévention ou de protection des victimes en
dehors du contexte pénal. A titre d’exemple, pour prévenir le trafic
d’organes, il propose, entre autres, des systèmes de transplantation
transparents et un accès équitable à ses services, sans pour autant
souligner la nécessité de prendre les mesures qui pourraient permettre
de faire face à la pénurie d’organes, alors même qu’une des raisons
principales du trafic d’organes est justement cette pénurie. Le
fait de préciser dans l’avant-projet de rapport explicatif que l’«accès
équitable aux services de transplantation» signifie aussi que les
Parties doivent s’efforcer de disposer d’une offre d’organes suffisante
vient, à mon avis, à réduire la question cruciale de la pénurie
à celle de l’accès, ce qui n’est pas approprié. De même, le texte prévoit
que les victimes soient assistées dans leur rétablissement physique,
physiologique et social sans pour autant mentionner les moyens pour
assurer une telle assistance, par exemple en leur garantissant l’accès
aux soins médicaux d’urgence. Par ailleurs, la seule mesure de coopération
(en dehors du champ pénal) que le texte propose est celle de désigner
un point de contact responsable de l’échange d’informations se rapportant au
trafic d’organes humains.
8. Cette approche, qui privilégie l’aspect pénal du futur instrument
juridique, semble être cohérente avec le mandat du PC-TO tel que
défini par le Comité des Ministres, du moins au premier regard
. Cependant, elle l’est
moins avec la démarche adoptée pour les conventions récentes du
Conseil de l’Europe dites aux «4-P», qui traitent une problématique
donnée non sous le seul axe du droit pénal (poursuite des auteurs
des faits), mais également sous celui de la prévention des crimes,
de la protection des victimes et la promotion des politiques adaptées
ainsi qu’une coopération nationale et internationale
. Cette approche globale a, en effet, le
mérite de garantir une plus grande valeur ajoutée par rapport à
la question traitée. Il me paraît important d’insister sur ce décalage
entre l’avant-projet de convention et les conventions dites aux
«4-P». En effet, en se lançant dans l’élaboration du premier instrument
international juridiquement contraignant dédié exclusivement au
trafic d’organes, le Conseil de l’Europe tente de relever un défi
important. Un tel défi, quel que soit les difficultés rencontrées,
implique avant tout une grande responsabilité, qui est celle d’élaborer
un instrument le plus complet possible afin de prévenir et combattre
ce phénomène de dimension mondiale d’une extrême gravité, contraire
aux normes les plus élémentaires des droits humains et de la dignité
de la personne.
9. En conséquence, j’estime qu’il est essentiel de compléter
les dispositions de l’avant-projet de convention relatives aux mesures
de prévention du trafic d’organes, à la protection des victimes
et à la coopération nationale et internationale pour combattre ce
trafic. Ceci n’exige pas nécessairement l’ajout de dispositions
extrêmement détaillées; on peut opter pour des formulations générales
qui pourraient être complétées par des exemples qui figureront dans
le rapport explicatif. Dans ce contexte, la convention devrait préconiser
avant tout la mise en place de mesures susceptibles de faire face
à la pénurie d’organes. A cet égard, elle pourrait suggérer notamment
l’établissement d’un système de consentement présumé pour le prélèvement
d’organes sur les personnes décédées. Par ailleurs, le rapport explicatif
pourrait faire référence à d’autres systèmes tel le registre officiel
et obligatoire des volontés (quant au souhait d’être ou non un donneur).
Il pourrait également suggérer l’organisation de campagnes de sensibilisation
des citoyens au don d’organes afin d’augmenter le nombre de donneurs.
En matière de coopération internationale, il convient d’envisager
la mise en place d’une entité interétatique et/ou régionale de transplantation
centralisant les demandes d’organes et les organes disponibles,
cela afin d’accroître l’efficacité des transplantations effectuées
en améliorant notamment la sélection du receveur qui correspond
le mieux parmi les patients de la liste d’attente
.
De même, des dispositifs spéciaux aux frontières pourraient être
prévus en vue de détecter les cas qui pourraient relever du trafic
d’organes. Enfin, au niveau national, des moyens concrets de détection du
trafic d’organes pourraient être suggérés, telle l’identification
des cas de patients qui «disparaissent» des listes d’attente et
de ceux demandant des traitements anti-rejet.
3. La décision quant
à l’élaboration d’un protocole additionnel relatif à la lutte contre
le trafic de tissus et de cellules humains
10. Le PC-TO a décidé que, à ce stade, il n’était pas
opportun de procéder à l’élaboration d’un protocole additionnel
relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de cellules humains.
Cette décision est due, en grande partie, au caractère «inachevé»
ou insuffisant des réglementations nationales régissant le prélèvement,
la conservation, la distribution et l’utilisation ultérieure des
tissus et cellules d’origine humaine, voire parfois à leur inexistence
, ainsi qu’à l’extrême diversité
entre les réglementations en question. Si certains instruments internationaux
établissent des principes généraux en la matière, ces derniers ne
couvrent pas toute la gamme d’utilisations possibles des tissus
et cellules. En effet, les principes figurant dans le Protocole
additionnel à la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine,
relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine
(STE no 186), applicables également aux
cellules, régissent le seul domaine de la transplantation, tandis
que ceux figurant dans la Recommandation Rec(2006)4 du Comité des
Ministres sur la recherche utilisant du matériel biologique (y compris
cellules et tissus) se limitent au domaine de la recherche
.
11. Tout comme le trafic d’organes, le trafic de tissus et de
cellules humains constitue une grave menace aux droits humains et
la santé publique et individuelle. Les cas relatés dans les médias
révélant un éventuel commerce de parties de cadavres d’origine douteuse
destinées à la fabrication de produits médicaux (telles des greffes
osseuses)
et les points soulevés dans l’étude
conjointe du Conseil de l’Europe et des Nations Unies ne font que
confirmer ce constat et témoignent ainsi de la nécessité d’élaborer
un instrument juridique international contre le trafic de tissus
et de cellules humains. Toutefois, compte tenu des difficultés exposées au
paragraphe précédent, il serait judicieux de procéder par étape,
et de commencer par établir les principes généraux communs en matière
de prélèvement, conservation, distribution et utilisation des tissus
et cellules sachant que ces principes devraient couvrir l’ensemble
des domaines de leur utilisation. Ensuite, sur la base de ces principes,
dont le non-respect pourrait servir de base pour définir les actes
constituant le trafic de tissus et de cellules, un protocole additionnel
contre ce trafic pourrait être élaboré.
12. Si cette proposition est retenue, les principes généraux communs
en la matière pourraient être établis dans le cadre d’un instrument
contraignant, éventuellement sous la forme d’un protocole additionnel
à la Convention d’Oviedo, pendant la période 2014-2015. Les travaux
pour l'élaboration d'un protocole additionnel relatif à la lutte
contre le trafic de tissus et cellules pourraient démarrer immédiatement
après l’entrée en vigueur de ce premier texte.
4. Questions de droit
et d’éthique
13. L’article 4 de l’avant-projet de convention définit
le prélèvement illicite d’organes. L’article 4.1 est libellé comme
suit:
«1. Chaque Partie prend
les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale,
conformément à son droit interne, lorsque l’acte a été commis intentionnellement,
le prélèvement d’organes humains de donneurs vivants ou décédés:
a. si
le prélèvement est réalisé sans le consentement libre, éclairé et
spécifique du donneur vivant ou décédé, ou, dans le cas d’un donneur
décédé, sans que le prélèvement soit autorisé en vertu du droit
interne;
b. si, en échange du prélèvement
d’organes, le donneur vivant, ou une tierce personne, s’est vu offrir
ou a obtenu un profit ou un avantage comparable;
c. si, en échange du prélèvement
d’organes sur un donneur décédé, une tierce personne s’est vu offrir
ou a obtenu un profit ou un avantage comparable.»
14. Cet article est formulé de façon à laisser à la discrétion
des Etats Parties, le soin de déterminer qui sont les personnes
passibles de sanctions dans le cas d’un prélèvement illicite. Aussi,
l’avant-projet de convention ne prend pas de position quant à la
question difficile de savoir s’il faut sanctionner ou non le donneur
et le receveur lorsqu’ils sont impliqués dans le trafic d’organes
.
Sans préjudice d’un débat de principe sur la légitimité, voire même
l’utilité de sanctionner ces deux catégories de personnes, il est
nécessaire, dans la détermination des sanctions susceptibles de
leur être appliquées, de prendre en compte la spécificité de leur situation.
En effet, la plupart du temps, le contexte dans lequel se trouvent
le donneur et/ou le receveur les rend extrêmement vulnérables; pour
un donneur, le fait de vendre un organe pourrait présenter le seul
moyen de sortir éventuellement de la misère, tandis que pour le
receveur atteint d’une maladie potentiellement mortelle, acheter
un organe pourrait être le seul moyen de survie. Ainsi, afin de
garantir que le futur instrument juridique soit adapté aux réalités
du phénomène du trafic d’organes et plus particulièrement pour que d’éventuelles
sanctions à l’encontre des donneurs et/ou des receveurs soient équitables
et proportionnées, une disposition sur les «circonstances atténuantes»
devrait être ajoutée à l’avant-projet de convention. Cette disposition
devrait inclure notamment la prise en compte de la vulnérabilité
particulière du donneur et/ou du receveur d’organe ayant commis
les infractions établies dans la convention. Alternativement, le
rapport explicatif à la convention pourrait faire référence à cette
vulnérabilité particulière précisant qu’elle devrait, le cas échéant,
être prise en compte dans la détermination des peines susceptibles
d’être appliquées aux donneurs et aux receveurs
.
15. En lien avec le point ci-dessus, je note avec satisfaction
que l’avant-projet de convention considère le fait de commettre
les infractions qu’elle établit à l’encontre d’un enfant comme une
circonstance aggravante. En effet, dans la mesure où les enfants
sont particulièrement exposés à cette forme de criminalité, il est
très important que la future convention consacre une telle disposition.
16. Une autre question qui mérite d’être abordée est celle du
«tourisme de transplantation», à savoir la pratique consistant,
pour certains patients, à se rendre à l’étranger pour obtenir des
organes moyennant un paiement. Dans un contexte où cette pratique
représente, selon une estimation de l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) en 2004, 10 % de l’ensemble des transplantations dans
le monde, il paraît essentiel de se donner les moyens pour appliquer
les mesures qui sont visées dans la convention au-delà des territoires
des Etats Parties. Autrement, des «zones de non-droit» risque de
limiter l’impact de la convention de façon considérable. Un des
moyens consiste à éliminer, en rapport avec les infractions prévues
dans la convention, la règle habituelle de la double incrimination
.
L’objectif d’une telle approche serait de combattre le phénomène
du «tourisme de transplantation», ce qui correspondrait parfaitement
à l’esprit et au but de la future convention. Cette possibilité
était initialement prévue dans l’avant-projet de convention, avant
d’être supprimée à la dernière réunion du PC-TO. Je propose donc
qu’elle y soit réintégrée.
17. Toujours en lien avec le «tourisme de transplantation», la
pratique consistant à se procurer des organes dans des pays qui
autorisent la transplantation d’organes prélevés sur des prisonniers
et/ou des détenus exécutés mérite une attention particulière
. Conformément à l’article 4.1.
b et
c de
l’avant-projet de convention, une telle pratique devrait être considérée
comme un prélèvement illicite si elle implique le paiement d’une certaine
somme en contrepartie de l’organe prélevé. Même en l’absence d’un
tel paiement, on peut avancer que les prisonniers ne sont pas réellement
en mesure de donner librement leur consentement et peuvent être soumis
à des coercitions
.
En réalité, cela pourrait s’appliquer de manière générale à toute
personne privée de liberté. En l’absence d’un tel consentement,
on tombe également sous le coup du prélèvement illicite (article 4.1.
a).
18. Au regard des problèmes liés notamment au consentement des
personnes privées de leur liberté, il me semble important que la
convention prohibe purement et simplement le prélèvement et l’utilisation
d’organes de ces personnes (vivantes ou décédées) à des fins de
transplantation. Par ailleurs, sans qu’elles soient privées de leur
liberté, le même type de problème pourrait exister pour les personnes
n’ayant pas leur (pleine) capacité juridique, notamment les enfants,
lesquels méritent une protection spéciale en la matière. Aussi,
la convention pourrait prévoir une disposition accordant une protection
spéciale, y compris en matière de consentement, aux enfants (de
moins de 18 ans) et aux personnes n’ayant pas leur (pleine) capacité
juridique.
5. Suivi de la mise
en œuvre de la convention
19. Depuis le début des travaux du PC-TO, je souligne
l’importance d’une mise en œuvre rigoureuse et efficace des conventions
de droit pénal, notamment de celles traitant d’actes de criminalité
transfrontalière comme c’est le cas en général pour le trafic d’organes.
J’avance également depuis le début que le comité des parties est
rarement le mécanisme de suivi le plus efficace, en particulier
en l’absence d’obligations de communication. J’avais donc proposé
que des obligations de communication pour les Parties soient intégrées dans
la convention. Alternativement, j’avais proposé de confier aux comités
compétents, à savoir le CDPC et le Comité de bioéthique (DH-BIO),
un plus grand rôle dans le suivi et/ou de prévoir un mécanisme de
suivi plus spécifique pour la convention, semblable par exemple
à celui prévu par la Convention d’Istanbul ou la Convention de Varsovie.
20. L’avant-projet de convention établit un comité des parties,
dont la tâche est de surveiller l’application de la convention ainsi
que de faciliter la collecte, l’analyse et l’échange d’informations,
d’expériences et de bonnes pratiques entre les Etats, l’usage et
la mise en œuvre effectifs de la convention et, le cas échéant,
d’exprimer un avis sur toute question relative à l’application de
celle-ci ainsi qu’adresser des recommandations spécifiques aux Parties
au sujet de sa mise en œuvre. Il est prévu que l’Assemblée, le CDPC,
ainsi que les autres comités intergouvernementaux ou scientifiques
compétents du Conseil de l’Europe désignent chacun un représentant
au comité des parties. Il est également prévu que le CDPC soit tenu
régulièrement informé des activités de ce dernier, qui établira
lui-même son règlement intérieur.
21. Selon l’avant-projet de rapport explicatif, le règlement qu’adoptera
le Comité des parties doit être rédigé de façon à ce que la mise
en œuvre de la Convention fasse l’objet d’un suivi efficace. La
participation d’organes autres que les Parties au mécanisme de suivi
comme l’Assemblée est prévue dans le but de garantir une approche
véritablement multisectorielle et multidisciplinaire.
22. En l’absence d’obligations de communication, l’efficacité
d’un tel système de suivi dépendra de la bonne volonté des Etats
Parties. Cela revient, à mon avis, à prendre le risque d’adopter
une convention qui ne sera pas ou pas intégralement mise en œuvre.
Ceci n’est pas compatible avec les efforts du Conseil de l’Europe consistant
à avoir une plus grande valeur ajoutée de ses travaux. Aussi, j’invite
le Comité des Ministres à intégrer des obligations de communication
pour les Parties, tout en encourageant le Comité des parties à exécuter
ses fonctions en gardant à l’esprit l’objectif d’assurer une mise
en œuvre rigoureuse et efficace de la convention.
6. Champ d’application
géographique de la convention
23. Le PC-TO a décidé de s’en remettre au CDPC concernant
le champ d’application géographique de la convention. A cet égard,
il existe actuellement deux propositions: celle qui prévoit l’ouverture
à la signature de la convention aux Etats non membres du Conseil
de l’Europe dès son adoption par le Comité des Ministres
et celle qui leur prévoit la possibilité
d’adhérer à la convention une fois entrée en vigueur
.
Tant l’ouverture à la signature que l’adhésion sont soumises à l’invitation
du Comité des Ministres sachant que dans ce dernier cas, il est
prévu que ladite invitation soit soumise à la consultation et l’assentiment
unanime des Parties à la convention.
24. Compte tenu du fait que le trafic d'organes est un phénomène
d’envergure mondiale dépassant le territoire des Etats membres du
Conseil de l'Europe, l’Assemblée devrait plaider en faveur d’un
champ d’application géographique aussi large que possible pour cette
convention. A cet égard, je tiens à réitérer que la convention,
une fois adoptée, sera le premier instrument international juridiquement
contraignant dédié exclusivement au trafic d’organes. Ainsi, celle-ci
comblera un vide flagrant au niveau international et il serait extrêmement
regrettable d’exclure de son champ d’application les Etats non membres.
Dans ce contexte, la possibilité pour les Etats non membres de participer
à la convention devrait être rendue possible dès l’adoption du texte
par le Comité des Ministres et avant même son entrée en vigueur.
Cela encouragerait la participation à la convention d’un nombre
le plus large possible d’Etats non membres. Reporter cette possibilité
à l’entrée en vigueur de la convention et selon une procédure extrêmement
alourdie (à savoir la soumission de l’invitation du Comité des Ministres
à la consultation et à l’assentiment unanime des Parties à la convention)
revient quasiment à supprimer une telle possibilité. A cet égard,
il est important de rappeler que la convention du Conseil de l’Europe
sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires
menaçant la santé publique (STCE no 211,
«convention Médicrime»), qui traite également d’un problème d’envergure internationale,
a opté pour la possibilité pour les Etats non membres de participer
à celle-ci, avant même son entrée en vigueur, et qu’un Etat non
membre du Conseil de l’Europe l’a récemment signée
(un
autre Etat non membre a exprimé son souhait de le faire prochainement).
25. Toujours en lien avec ce point, je note avec satisfaction
la première proposition, qui fixe au nombre de cinq les ratifications,
acceptations ou approbations requises pour l’entrée en vigueur de
la convention
. L’Assemblée
devrait soutenir une telle proposition dont le but est de ne pas
retarder inutilement l’entrée en vigueur de la convention, tout
en traduisant la conviction qu’un nombre minimal de Parties est
nécessaire pour pouvoir commencer à relever le défi que pose la
lutte contre le trafic d’organes.
7. Conclusions
26. Elaborer un instrument juridique international contre
le trafic d’organes humains est une tâche ardue. Le domaine est
en effet très peu commode en raison notamment du caractère technique
des questions concernant la transplantation d’organes et de la divergence
des législations nationales en la matière. Le PC-TO a ainsi relevé
un énorme défi et ne peut qu’être félicité pour la qualité du travail
qu’il a accompli.
27. Désormais, il revient respectivement au CDPC et au Comité
des Ministres de remédier aux questions exposées dans ce rapport.
Les propositions que je fais à cet égard peuvent se résumer comme
suit:
- compléter les dispositions
de l’avant-projet de convention relatives aux mesures de prévention
du trafic d’organes, à la protection des victimes et à la coopération
nationale et internationale pour combattre ce trafic;
- prévoir une disposition dans la convention sur les «circonstances
atténuantes» incluant notamment la prise en compte de la vulnérabilité
particulière du donneur et/ou du receveur d’organe ayant commis
les infractions établies dans la convention, ou faire référence
à cette vulnérabilité particulière dans le rapport explicatif à
la convention, en précisant qu’elle devrait être prise en compte
dans la détermination des peines susceptibles d’être appliquées à
ces deux catégories de personnes;
- prévoir une disposition dans la convention éliminant la
règle habituelle de la double incrimination;
- prévoir une disposition dans la convention interdisant
le prélèvement et l’utilisation aux fins de transplantation d’organes
de personnes privées de liberté, vivantes ou décédées;
- prévoir une disposition dans la convention accordant une
protection spéciale, y compris en matière de consentement, aux enfants
(de moins de 18 ans) et aux personnes n’ayant pas leur (pleine)
capacité juridique;
- intégrer des obligations de communication pour les Parties
tout en encourageant le Comité des parties à exécuter ses fonctions
en gardant à l’esprit l’objectif d’assurer une mise en ouvre rigoureuse
et efficace de la convention;
- opter pour l’ouverture à la signature de la convention
aux Etats non membres du Conseil de l’Europe, dès son adoption par
le Comité des Ministres;
- décider d’une feuille de route pour l’élaboration du protocole
additionnel relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de
cellules humains.