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Rapport | Doc. 13080 | 18 décembre 2012

Egalité des sexes, conciliation vie personnelle–vie professionnelle et coresponsabilité

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Carmen QUINTANILLA, Espagne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12541, Renvoi 3760 du 15 avril 2011. 2013 - Première partie de session

Résumé

Malgré les progrès accomplis sur la voie de l’égalité entre femmes et hommes, une division traditionnelle des rôles entre les deux est encore largement répandue. Les hommes jouissent d’une position privilégiée sur le marché du travail, tandis que les femmes se voient attribuer la plus grande partie des responsabilités de leurs foyers.

La conciliation vie privée–vie professionnelle représente un défi tant pour les femmes que pour les hommes. Un cadre législatif et des politiques adéquates sont indispensables pour réaliser l’égalité entre les conjoints mais également pour faciliter l’accès des femmes au monde du travail. De plus, ils contribueraient à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Au-delà de l’action des autorités publiques, un changement profond des mentalités est nécessaire. En effet, l’organisation du travail devrait permettre à tous ceux qui le souhaitent d’exercer une activité professionnelle et de pouvoir concilier leur activité professionnelle avec leur vie personnelle. Par ailleurs, le principe de coresponsabilité, qui veut que femmes et hommes partagent leurs responsabilités au sein du foyer en dépassant la division traditionnelle des rôles, devrait être la référence pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques de conciliation efficaces.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 3 décembre
2012.

(open)
1. Malgré les progrès accomplis sur la voie de l’égalité entre femmes et hommes, une division traditionnelle des rôles entre les deux est encore largement répandue en Europe. Les hommes jouissent d’une position privilégiée sur le marché du travail, tandis que les femmes conservent une partie prépondérante des tâches ménagères et des soins aux personnes non autonomes (enfants et personnes âgées).
2. En même temps, la crise financière et économique a eu des répercussions sur le rapport de forces entre femmes et hommes dans le monde du travail. Dans de nombreuses économies, des secteurs employant les hommes de façon plus importante ont été affectés plus sévèrement par les conséquences de la crise (c’est le cas des bâtiments et travaux publics, des transports et plus généralement de l’industrie, tandis que le secteur des services a mieux tenu ses niveaux d’occupation et de rentabilité).
3. Aujourd’hui la conciliation entre vie privée et vie professionnelle représente un défi tant pour les femmes que pour les hommes. Cependant, des inégalités persistent dans le monde du travail au détriment des femmes, en matière de rémunération et en raison de discriminations à l’embauche, ainsi que dans la progression des carrières.
4. L’Assemblée parlementaire estime que des mesures systématiques et cohérentes de conciliation devraient être adoptées par tous les Etats membres, permettant à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent d’exercer une activité professionnelle et de pouvoir l’harmoniser avec leur vie personnelle et familiale. Ces mesures doivent améliorer la conciliation vie personnelle–vie professionnelle tant des femmes que des hommes et promouvoir l’égalité de genre.
5. Une meilleure conciliation vie personnelle–vie professionnelle passe également par une prise de conscience de l’importance de la coresponsabilité, ou partage des responsabilités entre femmes et hommes au sein des familles. La coresponsabilité concerne tout aspect de la vie familiale et inclut la coresponsabilité parentale, mais ne se limite pas à celle-ci.
6. Des politiques de conciliation sont également nécessaires pour prévenir et lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. En effet, les parents obligés de quitter leur emploi à cause d’une organisation du travail incompatible avec les engagements familiaux, ou de réduire leur engagement professionnel et par conséquent leur revenu, présentent un risque accru de pauvreté et d’exclusion.
7. L’Assemblée estime qu’une meilleure conciliation vie personnelle–vie professionnelle exige une collaboration de tous les acteurs de la société, les Etats, les entreprises, la société civile et les individus et que ces derniers, femmes et hommes, partagent leurs responsabilités au sein des familles.
8. L’Assemblée, tenant compte des meilleures pratiques recensées, appelle donc les autorités publiques des Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à offrir des services d’assistance de niveau adéquat aux personnes non autonomes (enfants et personnes âgées);
8.2. à introduire un régime de congé parental permettant aux parents, femmes ou hommes, de s’occuper des enfants sur un pied d’égalité;
8.3. à introduire des mécanismes de soutien financier adaptés aux besoins des familles, notamment liés aux soins et à l’éducation des enfants;
8.4. à réformer la législation du travail afin de permettre et d’encourager des formes d’organisation plus souples, telles que les horaires différenciés et flexibles ainsi que le télétravail;
8.5. à introduire dans la législation du travail le principe selon lequel ces formes de travail ne devraient pas porter atteinte aux progressions de carrière;
8.6. à encourager les entreprises à appliquer à titre volontaire des mesures de conciliation plus avantageuses que celles prévues comme obligatoires par la législation;
8.7. à introduire un soutien financier (crédits à taux zéro ou réduit) pour soutenir les mesures de conciliation adoptées par les entreprises;
8.8. à encourager les recherches sur l’impact des difficultés pour concilier vie personnelle–vie professionnelle sur le taux d’emploi et la compétitivité des économies respectives;
8.9. à encourager la collecte et l’analyse des données sur l’efficacité des mesures de conciliation adoptées;
8.10. à mener des campagnes de sensibilisation ciblant le grand public au sujet de la coresponsabilité entre femmes et hommes au sein des familles et dans la société;
8.11. à mener des activités d’éducation et de sensibilisation dans les écoles au sujet de la coresponsabilité et du respect des droits de tous les membres de la famille indépendamment de leur âge et genre;
8.12. à établir un dialogue avec les partenaires sociaux et la société civile afin de promouvoir les principes énoncés dans la présente résolution.

B. Exposé des motifs, par Mme Quintanilla, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. «Je suis absolument convaincue que les femmes peuvent tout avoir (et les hommes aussi). Je crois que nous pouvons tout avoir en même temps. Mais pas maintenant, pas de la façon dont l’économie et la société sont structurées actuellement.» Avec un article paru dans le magazine The Atlantic en juillet 2012, l’académicienne américaine Anne-Marie Slaughter a relancé le débat sur la conciliation entre vie professionnelle et responsabilités familiales auprès du grand public, dans son pays et ailleurs 
			(2) 
			Why women still can’t have it all,
Anne-Marie Slaughter, The Atlantic,
juillet-août 2012, <a href='www.theatlantic.com/magazine/archive/2012/07/why-women-still-cant-have-it-all/309020/'>www.theatlantic.com/magazine/archive/2012/07/why-women-still-cant-have-it-all/309020/</a>..
2. Malgré les nombreux progrès accomplis sur la voie de l’égalité entre femmes et hommes, une division traditionnelle des rôles est encore largement répandue en Europe. Ainsi, si les hommes jouissent encore d’une position privilégiée sur le marché du travail, les femmes conservent une partie prépondérante des responsabilités ménagères et des soins des enfants et des personnes âgées.
3. Le résultat est que la conciliation entre vie privée et vie professionnelle est plus difficile pour les femmes que pour les hommes. A cela s’ajoutent les inégalités en matière de rémunération et de nombreuses discriminations à l’embauche et dans les conditions de travail. L’ensemble de ces éléments décourage une participation plus importante des femmes au monde du travail.
4. Des mesures s’imposent pour permettre à tous ceux qui le souhaitent d’exercer une activité professionnelle et de pouvoir l’harmoniser avec la vie privée et familiale. Il s’agit notamment de créer des services diffusés et accessibles d’assistance aux personnes (aux enfants, en particulier aux nouveau-nés et aux personnes âgées), d’encourager le partage des responsabilités familiales dans les couples et de transformer l’organisation du travail afin d’introduire des éléments de flexibilité (horaires différenciés, télétravail) sans porter atteinte aux possibilités de carrière.
5. Ces mesures ont été préconisées par le Conseil de l’Europe à plusieurs reprises, depuis la Recommandation No R (96) 5 du Comité des Ministres jusqu’à la Recommandation 1768 (2006) de l’Assemblée parlementaire sur la nécessaire réconciliation de la vie professionnelle et la vie familiale. Il est temps de vérifier quelles initiatives ont été prises au niveau européen et quel impact elles ont eu sur l’économie et la société.
6. Toutefois, je tiens à souligner que, sans un changement important des mentalités au sein des familles et de la société en général, l’action des autorités publiques, certes fondamentale, restera insuffisante. Comme dans d’autres domaines, le principe de subsidiarité entre autorités publiques et société civile est d’une importance majeure.

2. Partage inégal des responsabilités familiales et conséquences sur le monde du travail

7. Le thème de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle occupe de plus en plus de place dans les programmes internationaux et nationaux, comme le note le Bureau International du Travail, qui a examiné ce thème lors de la réunion de novembre 2011 de son Conseil d’administration 
			(3) 
			Equilibre entre vie privée et vie professionnelle, BIT, Ordre du jour de la 312e session
du Conseil d’administration, <a href='www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_164329.pdf'>www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_164329.pdf</a>.. Cette question revêt un intérêt croissant du fait d’un ensemble de facteurs, dont l’essor du travail atypique, le vieillissement démographique et l’évolution des structures familiales.
8. Comme le souligne le chercheur Roland Pfefferkorn, les relations conjugales se sont transformées au cours de ces dernières décennies de façon remarquable, avec le développement de la cohabitation hors mariage, du divorce et du célibat. «Mais une fois entrées dans des relations conjugales et/ou familiales, [les femmes] se retrouvent le plus souvent dans un espace domestique au sein duquel peu de choses ont changé par rapport à la situation d’antan. 
			(4) 
			Roland Pfefferkorn, Le partage inégal des «tâches ménagères», Les Cahiers de Framespa, 7/2011, <a href='http://framespa.revues.org/646?lang=en'>http://framespa.revues.org/646?lang=en</a>.»
9. La deuxième «Enquête européenne sur la qualité de vie – vie de famille et travail» a confirmé en 2010 que le taux de participation des femmes et des hommes au travail domestique et familial est très différent. En moyenne, 80 % des femmes sont impliquées dans ce type de travail quotidiennement, contre seulement 45 % des hommes. L’inégalité varie dans les différents pays, entre un minimum de 17 % des hommes qui participent aux tâches domestiques en Turquie et 70 % en Suède 
			(5) 
			Second
European Quality of Life Survey: Family life and work,
Eurofound 2010, <a href='www.eurofound.europa.eu/publications/htmlfiles/ef1002.htm'>www.eurofound.europa.eu/publications/htmlfiles/ef1002.htm</a>..
10. Cette étude montre également que, dans l’ensemble, la population est consciente de cette inégalité, puisque les réponses des femmes et des hommes aux questions croisées relatives au partage du travail au sein de la famille sont très cohérentes entre elles.
11. D’après une enquête effectuée au Royaume–Uni par l’Institute for Public Policy Research (IPPR), un institut de recherche indépendant, huit femmes sur dix font plus de travail domestique que leurs partenaires. Seulement 13 % des femmes interviewées dans le cadre de cette recherche disent que leur mari travaille plus qu’elles à la maison 
			(6) 
			Forty
years of feminism – but women still do most of the house work, The Guardian, 10 mars 2012, <a href='www.guardian.co.uk/society/2012/mar/10/housework-gender-equality-women'>www.guardian.co.uk/society/2012/mar/10/housework-gender-equality-women</a>..
12. En France, une étude de l’Institut national d’études démographiques de novembre 2009 affirme que «Les femmes assument 80 % des tâches ménagères. Huit sur dix s’occupent ‘toujours’ ou le plus souvent du repassage, sept sur dix de la préparation des repas, la moitié de l’aspirateur et des courses d’alimentation, quatre sur dix de la vaisselle et de la tenue des comptes». L’étude montre également que l’arrivée d’un ou plusieurs enfants modifie ce partage en augmentant progressivement cette inégalité 
			(7) 
			L’arrivée
d’un enfant modifie-t-elle la répartition des tâches domestiques
au sein du couple?, Arnaud Régnier-Loilier, Ined, novembre
2009, <a href='http://www.servicesalapersonne.gouv.fr/Public/P/ANSP/Actus/2009/Dec/200911_INED.pdf'>www.servicesalapersonne.gouv.fr/Public/P/ANSP/Actus/2009/Dec/200911_INED.pdf</a>..
13. Une recherche menée par l’Université de Valladolid en 2008-2010 souligne l’influence des facteurs culturels et traditionnels sur la conception et l’application des mesures de conciliation. Cette recherche indique que les pays de l’Europe méditerranéenne ont une attitude contradictoire sur les rôles des femmes et des hommes. D’une part, le principe d’égalité au sein de la famille est largement accepté, de l’autre, l’idée que la femme doit donner priorité aux responsabilités familiales est largement répandue 
			(8) 
			Relaciones
de género, maternidad, corresponsabilidad familiar y políticas de
protección familiar en España y en el contexto europeo,
Universidad de Valladolid, février 2010, <a href='www.seg-social.es/prdi00/groups/public/documents/binario/131348.pdf'>www.seg-social.es/prdi00/groups/public/documents/binario/131348.pdf</a>. .
14. Le rapport annuel 2011 de Banca d’Italia, la Banque centrale Italienne, qui consacre un chapitre au rôle des femmes dans l’économie, décrit une situation d’inégalité entre les hommes et les femmes, notamment en ce qui concerne le taux de participation de celles-ci dans le marché du travail. L’étude indique comme première cause de cette situation le manque de services et d’infrastructures permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale, notamment pour les femmes ayant des enfants en bas âge 
			(9) 
			Relazione
annuale 2011, Banca d’Italia, 31 mai 2012, <a href='www.bancaditalia.it/pubblicazioni/relann/rel11/rel11it'>www.bancaditalia.it/pubblicazioni/relann/rel11/rel11it</a>..
15. En Italie, le taux d’emploi féminin dans la tranche d’âge 15-64 ans est de 46,5 %, soit 21 points de moins que chez les hommes. Le différentiel était de 31 points en 1993. L’étude souligne que ce différentiel s’est réduit constamment, y compris au cours de la crise économique actuelle, car celle-ci a eu un impact négatif plus important sur le taux d’emploi des hommes.
16. «Au sein des familles, y comprises celles où les deux conjoints travaillent, les tâches ménagères et de soin aux personnes sont prises en charge par les femmes de façon disproportionnée» ajoute ce texte, qui conclut: «Les différences d’attitudes entre les femmes et les hommes peuvent donner lieu à des discriminations involontaires». Les inégalités encore existantes dans l’organisation du travail au sein des familles se reflètent inévitablement sur le marché du travail, notamment sur la place occupée par les femmes.
17. Pour pouvoir faire face à leurs multiples engagements, un grand nombre de femmes acceptent des emplois temporaires ou à temps partiel ou interrompent leur carrière. D’après le rapport de 2011 de la Commission européenne sur le Progrès dans l’égalité entre les femmes et les hommes, presque un tiers des femmes avec des responsabilités familiales ont des emplois à temps partiel ou sont inactives 
			(10) 
			Progress
on Equality between Women and Men in 2011, Union européenne, <a href='http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/progress_on_equality_between_women_and_men_in_2011.pdf'>http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/progress_on_equality_between_women_and_men_in_2011.pdf</a>..
18. D’une part, les politiques de conciliation sont conçues en tant qu’outils pour améliorer l’égalité entre hommes et femmes et, d’autre part, la perte de revenus et la difficulté de réinsertion professionnelle pour les femmes qui ont dû quitter leur travail engendrent un risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Les politiques de conciliation sont donc utiles non seulement pour atteindre l’égalité de genre mais aussi, comme le souligne la Confédération des organisations familiales de l’Union européenne (COFACE), pour prévenir et lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale 
			(11) 
			<a href='www.coface-eu.org/en/upload/15_Capacity_Building/Factsheet%20WG1%20Reconciliation%20fr.pdf'>www.coface-eu.org/en/upload/15_Capacity_Building/Factsheet%20WG1%20Reconciliation%20fr.pdf</a>..
19. Les femmes peuvent-elles concilier leur activité professionnelle et leur vie personnelle et familiale? L’exemple d’Anne-Marie Slaughter, universitaire qui a occupé un poste de haute responsabilité au plus haut niveau de l’administration de son pays, auteure de l’article cité au début de ce rapport, semblerait nier cette possibilité. Après dix-huit mois passés au sein du Secrétariat d’Etat sous Hillary Clinton, Mme Slaughter a décidé de quitter son poste à Washington et de reprendre son activité de professeure à l’Université de Princeton, pour pouvoir mieux s’occuper de sa famille et notamment de ses enfants adolescents.
20. Pourtant la réponse que Mme Slaughter donne à cette question dans son article n’est pas tout à fait négative. En premier lieu, elle n’a pas renoncé à travailler tout court: elle a choisi de revenir à une occupation lui permettant de gérer son emploi du temps de façon plus autonome. En second lieu, la thèse qu’elle propose est que les femmes ne peuvent pas concilier leur vie familiale avec n’importe quel travail et dans le cadre actuel: dans l’absolu, cette conciliation serait possible, à condition de réformer l’organisation du travail.
21. Le débat qui a fait suite à la publication de cet article a démontré que la conciliation est plus que jamais d’actualité et toujours perçue comme un problème à résoudre. Toutefois, un certain nombre de femmes des nouvelles générations semblent moins disposées à sacrifier les responsabilités familiales pour l’épanouissement professionnel.
22. Certains, même en Europe, ont interprété cela comme une «involution culturelle» et le signe d’un retour d’idées dépassées qui voyaient les femmes comme destinées «naturellement» à s’occuper de la maison. La philosophe féministe française Elisabeth Badinter a dénoncé dans son livre «Le Conflit, la femme et la mère» une «tyrannie de la maternité» 
			(12) 
			Elisabeth
Badinter, Le conflit, la femme et la
mère, Flammarion, 2010.. La société actuelle ferait pression sur les femmes pour qu’elles se consacrent davantage à la famille. Rentrerait dans ce cadre, par exemple, la promotion de l’allaitement au sein menée avec un zèle excessif par de nombreux pédiatres.

3. La conciliation vie personnelle–vie professionnelle, une question qui concerne également les hommes

23. Le ratio entre les hommes et les femmes exerçant un métier s’est modifié au cours des dernières décennies. En 2009, le Canada est devenu le premier pays où les femmes représentaient la majorité des effectifs sur le marché du travail 
			(13) 
			Women
outnumber men in Canadian workforce, The Canadian
Press, 5 Septembre 2009, <a href='http://www.ctvnews.ca/women-outnumber-men-in-canadian-workforce-1.431861'>www.ctvnews.ca/women-outnumber-men-in-canadian-workforce-1.431861</a>.. Le phénomène s’est reproduit l’année suivante aux Etats-Unis où, en même temps, les femmes obtenaient trois diplômes universitaires sur cinq.
24. En Europe, les femmes occupent six des huit millions de nouveaux emplois créés depuis l’an 2000 
			(14) 
			We
did it!, The Economist,
30 décembre 2009, <a href='www.economist.com/node/15174489'>www.economist.com/node/15174489</a>.. La crise économique qui a frappé une partie des pays industrialisés ces dernières années a contribué à ces développements, car elle a affecté plus lourdement des secteurs de l’économie qui occupent majoritairement des hommes, tels que l’industrie.
25. En conclure que la société post-industrielle moderne est plus adaptée aux femmes et que la «fin des hommes» est arrivée 
			(15) 
			Hanna Rosin, The End
of Men, The Atlantic, juillet-août
2010, <a href='www.theatlantic.com/magazine/archive/2010/07/the-end-of-men/308135/'>www.theatlantic.com/magazine/archive/2010/07/the-end-of-men/308135/</a>. serait certainement exagéré. Toutefois, la situation des deux sexes dans le monde du travail devient de plus en plus similaire.
26. La conciliation entre la vie personnelle et familiale et les engagements professionnels ne concerne donc pas uniquement les femmes. La division traditionnelle des rôles entre femmes et hommes affecte également ces derniers: en effet, un homme qui essaye de partager pleinement ses responsabilités familiales risque d’être considéré insuffisamment motivé et impliqué dans son activité professionnelle.
27. Le débat ouvert par Anne-Marie Slaughter a été relancé quelques mois plus tard par son nouvel article, cette fois sur la conciliation vie privée–vie professionnelle comme une question qui concerne également les hommes 
			(16) 
			Anne-Maria
Slaughter, Work–Life Balance as a Men’s Issue, Too, The Atlantic, 31 octobre 2012, <a href='www.theatlantic.com/sexes/archive/2012/10/work-life-balance-as-a-mens-issue-too/264273/'>www.theatlantic.com/sexes/archive/2012/10/work-life-balance-as-a-mens-issue-too/264273/</a>.. De nombreux témoignages provenant d’hommes de différents milieux sociaux et professionnels prouvaient leur souhait et leur difficulté de concilier la sphère privée et familiale avec celle du travail.

4. Conciliation et coresponsabilité

28. La question de la conciliation est donc commune aux femmes et aux hommes – bien que plus répandue et plus pressante auprès des femmes. J’estime donc que souligner le conflit potentiel ou actuel entre les sexes dans l’organisation du travail n’est pas utile. Il est préférable de rechercher les possibilités d’entente et d’harmonisation entre les besoins et les aspirations des uns et des autres. Pour cette raison, un concept qui me tient particulièrement à cœur est celui de la coresponsabilité, ou partage des responsabilités au sein de la famille.
29. La coresponsabilité se réalise de façon remarquable par rapport à la filiation: on parle dans ce cas de coresponsabilité parentale, qui consiste à partager les tâches liées aux soins des enfants et à l’éducation. Toutefois, elle ne se limite pas à cela. Toutes les responsabilités familiales, qu’il s’agisse des tâches ménagères ou de l’assistance des personnes non autonomes, de la gestion des comptes ou des rapports avec l’administration, devraient être partagées au sein d’un couple de façon équitable et si possible égale.
30. L’élément «responsabilité» est central dans ce concept, car il ne s’agit pas simplement de partager des activités. Il est de plus en plus commun qu’un conjoint «aide» l’autre, mais cela ne met pas en discussion les rôles au sein du couple. La coresponsabilité, par contre, implique que les tâches familiales ne soient pas à la charge d’un seul conjoint, mais qu’elles soient partagées par les deux.
31. Ce partage égal garantit tout d’abord la réalisation effective de l’égalité des conjoints. En second lieu, ce qui est aussi important est qu’il place les femmes et les hommes sur un pied d’égalité face au travail. Un engagement égal au sein de la famille permet une égalité de chances dans l’accès, la permanence et l’avancement dans le monde du travail rémunéré.
32. La coresponsabilité est liée à des facteurs essentiellement culturels que la loi ne saurait pas imposer aux individus. Cependant, il est possible et nécessaire de promouvoir ce concept par le biais de campagnes d’éducation et de sensibilisation.
33. En Espagne, des campagnes de ce type ont été menées, entre autres, par les autorités de la communauté autonome d’Andalousie, avec la distribution dans les collèges et les lycées d’une publication appelée Guìa para chicas, «Guide pour les filles». Le texte expliquait de façon simple et claire comment chaque membre de la famille peut exiger le respect et demander que tous contribuent à la gestion familiale.

5. Instruments juridiques du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne

34. Dès 1996, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation qui est un point de repère important en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. La Recommandation N° R (96) 5 présente, d’une part, la situation courante à l’époque de son adoption, et de l’autre, indique un certain nombre de mesures nécessaires afin de faciliter la conciliation de la vie professionnelle avec la vie familiale.
35. Ce texte rappelle que les femmes continuent d’assumer le plus souvent l’essentiel des responsabilités familiales, et que le partage insuffisant de celles-ci contribue à la discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail. Par ailleurs, il souligne que les femmes et les hommes expriment de plus en plus la volonté de partager d’une façon plus égalitaire les responsabilités familiales et que de nombreux obstacles, notamment sociaux et culturels, s’y opposent.
36. Quant aux mesures préconisées pour permettre «aux hommes et aux femmes, sans discrimination, de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale», la recommandation énonce le «droit d’occuper un emploi ou de l’obtenir sans faire l’objet de discrimination et, dans la mesure du possible, sans conflit entre leurs responsabilités professionnelles et familiales». L’annexe à la recommandation introduit, entre autres, le principe qu’«il importe de permettre aux travailleurs d’assumer leurs responsabilités croissantes à l’égard des autres membres de leur famille qui sont à leur charge, et en particulier de leurs parents âgés ou handicapés».
37. La Charte sociale européenne révisée (STE no 163 (1996)) traite à l’article 27 du «droit des travailleurs ayant des responsabilités familiales à l’égalité des chances et de traitement». Cet article stipule notamment que «les Etats s'engagent à prendre des mesures appropriées pour permettre aux travailleurs ayant des responsabilités familiales d'entrer et de rester dans la vie active ou d'y retourner après une absence due à ces responsabilités, de tenir compte de leurs besoins en ce qui concerne les conditions d'emploi et la sécurité sociale ainsi que de développer ou promouvoir des services, publics ou privés, en particulier les services de garde de jour d'enfants et d'autres modes de garde».
38. L’Assemblée parlementaire s’est penchée sur la question des politiques de conciliation en 2006, lorsqu’elle a adopté la Recommandation 1769 (2006) sur la nécessaire réconciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Ce texte préconise tout d’abord que les Etats membres donnent pleine application à la Recommandation R (96) 5 du Comité des Ministres.
39. Quant aux mesures spécifiques recommandées, elles comprennent l’égalité salariale effective entre les femmes et les hommes, la mise en place de conditions de travail flexibles, une rémunération ou indemnisation suffisante durant le congé de maternité, l’introduction d’un congé paternité rémunéré, ainsi qu’un congé parental rémunéré utilisable par le père et la mère et la garantie d’une place à la crèche pour les enfants si les parents le souhaitent.
40. La stratégie de Lisbonne, l’axe majeur de politique économique et de développement de l’Union européenne adopté en 2000, avait fixé comme objectif d’atteindre un taux d’emploi des femmes de 60 % en 2010 avec des services de prise en charge pour au moins 33 % des enfants de moins de 3 ans et 90 % des enfants entre l’âge de 3 ans et celui de l’école obligatoire, en vue de promouvoir une meilleure conciliation de la vie familiale et professionnelle ainsi qu’une plus grande égalité des sexes.
41. En 2009, seuls neuf pays membres avaient atteint l’objectif de 33 % d’enfants de moins de 3 ans dans des services de prise en charge formels et sept avaient atteint celui de 90 % pour les enfants de plus de 3 ans. Quant au taux d’emploi des femmes, 11 pays sur les 27 de l’Union européenne ont atteint les 60 % en 2010. Le taux d’emploi des femmes est passé de 57,3 % en moyenne en Europe en 2000 à 62,1 % en 2010 (alors qu’il est de 75,1 % pour les hommes).
42. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle le Traité de Lisbonne confère une valeur juridiquement contraignante, interdit toute discrimination fondée sur le sexe et consacre le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines.
43. La mise en œuvre de ce principe d’égalité est appuyée par la stratégie de la Commission pour l’Egalité entre les hommes et les femmes 2010-2015. Celle-ci identifie certaines mesures de conciliation entre la vie professionnelle et familiale, telles qu’améliorer les services de prise en charge d’enfants en dessous de l’âge de l’école obligatoire, comme étant des actions clés pour l’égalité des genres 
			(17) 
			Stratégie
pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015,
Commission de l’Union européenne, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52010DC0491:FR:NOT'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52010DC0491:FR:NOT</a>..
44. La Commission a également établi la Stratégie Europe 2020 qui a, parmi ses objectifs, un taux d’emploi de 75 % pour les femmes et les hommes entre 20 et 64 ans (seule la Suède a actuellement atteint cet objectif) 
			(18) 
			Commission
de l’Union Européenne, EUROPE 2020 –
Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:2020:FIN:FR:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:2020:FIN:FR:PDF</a>..
45. De son coté, le Conseil de l’Union européenne a adopté en mars 2011 un Nouveau pacte européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes qui met les politiques de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale au premier plan 
			(19) 
			 Conseil de l’Union
européenne, Nouveau pacte européen pour
l'égalité entre les hommes et les femmes couvrant la période 2011-2020, <a href='www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/lsa/119631.pdf'>www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/lsa/119631.pdf</a>.. Ce pacte met l’accent sur l’importance de promouvoir un meilleur équilibre entre la vie familiale et le travail, pour les femmes comme pour les hommes.
46. La Directive 2010/18/UE va dans le même sens, en étendant le congé parental obligatoire de trois à quatre mois (avec au minimum un mois ne pouvant pas être transféré d’un parent à l’autre afin d’encourager les pères à prendre en charge les enfants). En outre, elle prévoit une protection contre les traitements défavorables des employés qui prennent leur congé parental.

6. Aperçu des politiques de conciliation dans les pays européens

6.1. Congé parental

47. Le congé parental est un moyen essentiel de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale. M. Andrea Rigoni (Italie, ADLE) prépare actuellement un rapport sur «Le congé parental, moyen d’encourager l’égalité des sexes». Je renvoie à ce rapport pour une analyse plus détaillée de ce dispositif.
48. En Europe la tendance est à l’extension de ce congé. Aux Pays-Bas, le congé parental est passé de 13 à 26 semaines en 2009 et en Estonie, où le système de congé parental est exceptionnellement généreux depuis 2004, il y a 575 jours de congés payés (dont les 140 premiers ne peuvent être réclamés que par les mères).
49. Cependant, ce sont très majoritairement les femmes qui en bénéficient, interrompant ainsi leurs carrières et perpétuant la ségrégation professionnelle, tandis que les congés pris par les hommes sont la plupart du temps beaucoup plus courts. Depuis 2002, la Suède a mis en place un système qui prévoit 13 mois de congé parental, avec deux mois réservés aux pères. Bien que cela constitue une avancée certaine, les pères ne prennent en moyenne que 22 % du total des jours de congé parental. La Finlande a également mis en place un «Daddy Month» de congé de paternité qui a été étendu de 12 jours ouvrés en 2010.
50. Au Luxembourg, les six mois de congé parental à temps plein sont pris en grande majorité par les femmes. En effet, en 2009, 2,15 % des parents ayant bénéficié du congé parental étaient des hommes.
51. En 2007, l’Allemagne a mis en place de nouvelles allocations pour les parents prenant un congé parental (Elterngeld), et malgré des restrictions budgétaires en 2011, ce système a abouti à ce que davantage de pères prennent leur congé parental.
52. Le développement du congé de paternité est un pas important vers plus d’égalité dans la prise en charge par les parents des responsabilités relatives aux enfants. En Espagne, la loi sur l’Egalité entre les femmes et les hommes a introduit en 2007 un congé de paternité de 13 jours, qui s’ajoute aux deux jours déjà prévus. Le Gouvernement espagnol s’est engagé à étendre la durée à quatre semaines en 2013. En Pologne, elle est passée de une à deux semaines en 2012. La Turquie commence également à introduire ce type de congé, qui n’est cependant que de trois jours et seulement dans le secteur public, ainsi que la Grèce, qui offre deux jours de congé de paternité aux pères.
53. Il y a cependant encore un certain nombre de pays qui ne propose aucun congé de paternité, et d’autres, comme l’Estonie, où les allocations prévues pour les congés de paternité ont été suspendues jusqu’à fin 2012 en raison de la crise économique.
54. Au Danemark, la grande majorité des pères utilisent leur congé de paternité, mais ce congé ne constitue que 8 % des congés combinés de maternité, paternité et parental pris par les deux parents. De plus, depuis janvier 2009, le paiement des indemnités pour les congés de paternité a également été interrompu en raison de la crise économique.

6.2. Services de prise en charge

55. Bien que les systèmes évoluent, une vue traditionnelle du rôle des hommes et des femmes prévaut dans de nombreux pays.
56. L’une des recommandations de la Commission européenne a donc consisté à promouvoir une conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale en fournissant des services abordables de prise en charge des enfants. En effet, au Danemark, 79 % des mères qui prennent un congé parental retournent au travail comme avant, et la haute qualité des services de prises en charge des enfants est un facteur important.
57. En 2009, à Chypre, seuls 22 % des enfants âgés de moins de 3 ans étaient inscrits dans un programme public de prise en charge pendant la journée. Bien que cela soit inférieur à la moyenne européenne, la famille dans ce pays est le noyau de la société et de la culture et ce sont donc les grands-parents qui sont nombreux à s’occuper de leurs petits-enfants. En Grèce, seuls 11 % des enfants de moins de 3 ans sont inscrits dans des services de prise en charge, bien en dessous de la moyenne européenne des 27 % en 2009.
58. Les services de prise en charge sont très développés dans les pays tels que la Suède, qui a établi une limite légale du prix des crèches (proportionnelle au revenu des parents et au nombre d’enfants), et où la prise en charge publique des enfants est garantie à tous les parents et est gratuite pour les enfants de 3 à 6 ans jusqu’à 15 heures par semaine. En conséquence, 63 % des enfants de moins de 3 ans et 94 % des enfants de 3 à 6 ans sont inscrits dans des services de garde d’enfants.
59. En Finlande, tout enfant de moins de 7 ans bénéficie d’un droit inconditionnel à être inscrit dans un service de prise en charge et l’éducation pré-primaire est gratuite. De plus, les parents qui n’utilisent pas les services de prise en charge municipale ont droit à un congé payé supplémentaire après la fin du congé parental. Cela leur permet de s’occuper de leurs enfants de moins de 3 ans sans abandonner leur travail.
60. L’Italie a également un système de prise en charge gratuit, mais non obligatoire, des enfants dans le secteur public, et comme le Danemark et l’Allemagne, 90 % des enfants de 3 à 6 ans y sont inscrits.
61. En Fédération de Russie, les services de prise en charge des enfants traversent une phase de restructuration. Le pays a un réseau d’institutions préscolaires très étendu. Cependant, surtout dans le milieu rural, ceci n’est pas encore suffisant, face à une demande croissante 
			(20) 
			Early
childhood care and education in the Russian Federation, Unesco 2007, <a href='http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001491/149142e.pdf'>http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001491/149142e.pdf</a>..
62. La situation est semblable en Ukraine, où seulement 56 % des enfants bénéficient de services de prise en charge. Le ministère de l’Education, qui fournit ces données, précise que le nombre d’institutions préscolaires (environ 15 500 en 2010) s’accroît de 200 à 300 unités chaque année 
			(21) 
			<a href='www.kyivpost.com/content/ukraine/education-ministry-some-44-percent-of-children-una-78029.html'>www.kyivpost.com/content/ukraine/education-ministry-some-44-percent-of-children-una-78029.html.</a>.
63. Depuis 2010, une année de crèche est gratuite en Irlande, et pour les familles à faible revenu, le Programme amélioré de Subvention de la garde des enfants par la communauté, introduit en 2010, permet aux parents bénéficiant de ce programme de ne payer qu’environ 33 % des frais de scolarité.
64. En France, les services de prise en charge des enfants sont de haute qualité et ont des heures d’ouverture longues et flexibles. Cependant, il est difficile de trouver des places dans les crèches, le gouvernement s’est donc engagé à créer 200 000 places supplémentaires pour les enfants de moins de 3 ans avant 2012.
65. De même, le Gouvernement autrichien a investi 45 milliards d’euros de 2008 à 2010 pour l’extension des crèches et, depuis 2011, il s’est fixé pour objectif de créer 5 000 places supplémentaires annuellement.
66. Au Luxembourg, c’est la multiplication des «Maisons Relais» (110 en 2009), qui rend plus facile de concilier travail et vie familiale, grâce également à leur flexibilité.
67. La tendance est donc à l’amélioration et à l’extension des services de prise en charge afin de permettre aux mères, en particulier, de ne pas interrompre ou freiner leurs carrières. Une loi de 2006 demande à toutes les autorités locales au Royaume-Uni de fournir une prise en charge suffisante des enfants pour répondre aux besoins de parents employés. Le gouvernement a mis en place des centres «Sure Start Children» pour conseiller et soutenir les parents et les aides.

7. Modèles de législation

68. De nombreux pays ont mis en place des lois pour améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes sur le lieu du travail ainsi que des lois permettant une meilleure conciliation de la vie professionnelle et familiale, en prévoyant des conditions de travail plus flexibles.
69. En Espagne, la loi de réforme du Statut des travailleurs, approuvée en 1999, est connue précisément comme «Loi sur la conciliation de la vie familiale et professionnelle». Celle-ci introduit ou réforme des mesures telles que les congés de maternité et de paternité, les congés pour allaitement et les réductions de l’horaire de travail pour raisons familiales.
70. Aux Pays-Bas, un projet a été introduit en 2006 permettant aux employés d’économiser 10 % de leur revenu annuel, jusqu’à 210 % au maximum, pour financer une période de congé non payé dans le futur. Cela crée une certaine flexibilité; cependant, seuls 4 % des employés en font usage car le projet est compliqué à appliquer. Le gouvernement a également mis en place un «Income-dependent combination tax credit» en 2009 pour le partenaire qui gagne le moins afin de l’encourager à effectuer un plus grand nombre d’heures de travail.
71. En Belgique, on ne peut pas demander aux parents d’enfants de moins de 12 ans de faire des heures supplémentaires, de travailler la nuit ou les week-ends sans qu’ils donnent leur consentement. Dans le même esprit, l’Autriche a mis en place en 2010 des allocations pour la garde d’enfant liées aux revenus des parents pour leur donner plus d’opportunités de se soustraire du marché du travail pendant une certaine période de temps afin de garder leur enfant.
72. Afin d’essayer d’avoir une représentation plus équilibrée des sexes dans les postes de décision, la France a adopté une loi en janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, et à l’égalité professionnelle, instaurant progressivement des quotas pour aller vers la féminisation des instances dirigeantes des grandes entreprises.

8. Bonnes pratiques

73. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont également développé des pratiques variées relatives à la conciliation de la vie professionnelle et familiale.
74. En Belgique, le gouvernement a adopté, en 2009, un Plan famille pour les indépendants, visant à réduire l’écart entre les prestations sociales offertes aux travailleurs indépendants face aux salariés 
			(22) 
			Plan famille
pour les indépendants, 2009, <a href='http://www.planfamillepourlesindependants.be/'>www.planfamillepourlesindependants.be/</a>.. Ce plan prévoit, entre autres, l’amélioration du congé de maternité et l’introduction d’un congé parental ouvert également aux pères, des allocations familiales égales pour les enfants des salariés et des indépendants, des crèches et des gardes d’enfants adaptées et la possibilité d’accéder à un prêt sans garanties, à des conditions avantageuses.
75. En Suisse, le Canton de Berne a adopté un plan qui met l’accent sur le développement continu de places d'accueil pour les enfants. Les garderies et les «parents de jour» sont subventionnés par le canton, ce qui permet aux familles de payer des tarifs réduits. Depuis le 1er août 2010, les communes ont l’obligation de mettre en place un module d’école à journée continue 
			(23) 
			<a href='www.fambe.sites.be.ch/fambe_sites/fr/index/navi/index/kinder_und_beruf/foerderung_im_kanton_bern.html'>www.fambe.sites.be.ch/fambe_sites/fr/index/navi/index/kinder_und_beruf/foerderung_im_kanton_bern.html</a>..
76. Le «Bonus de l’égalité de genre» en Suède, introduit en 2008, est destiné à rendre plus facile le retour au travail des mères après l’accouchement et à encourager les pères à prendre plus de congé parental afin qu’ils puissent partager les responsabilités relatives aux enfants de façon plus équilibrée.
77. La Suède a également créé en 2003 le prix «Golden Dummy» pour les entreprises qui prennent en compte la vie familiale, qui attire un nombre croissant de candidats (80 en 2010). Ce type d’entreprises est également encouragé en Allemagne, où la Gezinsbond (ligue des familles) a été lancée en 2009 pour créer un forum pour la promotion d’une culture d’entreprise qui prenne en compte la vie familiale et pour permettre aux entreprises de faire leur publicité.
78. Un grand nombre de pratiques ont aussi été développées pour améliorer les services de prise en charge. En Estonie, le Partenariat de développement estonien «Children taken care of, mothers at work» crée de nouveaux services de prise en charge depuis 2005. La CNAF en France a créé en 2009 le site Monenfant.fr qui conseille, guide et propose des solutions aux parents pour trouver des services de prise en charge de leur enfant.

9. Initiatives des entreprises

79. La conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée ne dépend pas exclusivement de mesures législatives ou de structures et service offerts par l’Etat. Dans un certain nombre de cas, les entreprises publiques et privées, ainsi que les administrations publiques, ont également adopté des mesures pour aider leurs employés à mieux gérer le temps de travail et les engagements personnels.
80. D’après une enquête publiée en 2011 par le centre de recherche Fondazione per la diffusione della responsabilità sociale delle Imprese/Italian Centre for Social Responsibility (ICSR) 
			(24) 
			People first!, Italian
Centre for Social Responsibility – ICSR, <a href='www.i-csr.org/home/index.php?option=com_content&view=article&id=90%3Apople-firstle-dimensioni-del-bilanciamento-tra-vita-personale-e-professionalele-nuove-prassi-italiane&catid=1%3Aricerche&Itemid=88&lang=en'>www.i-csr.org/home/index.php?option=com_content&view=article&id=90%3Apople-firstle-dimensioni-del-bilanciamento-tra-vita-personale-e-professionalele-nuove-prassi-italiane&catid=1%3Aricerche&Itemid=88&lang=en</a>., les bonnes pratiques adoptées par ces acteurs économiques comprennent:
  • flexibilité des temps et lieux de travail (horaires flexibles, temps partiel, programmes de congés flexibles);
  • politiques de soutien à la maternité et paternité (congés pour des raisons familiales, réinsertion après de longs congés, création de crèches ou conventions avec structures externes);
  • formation des employés et communication interne.
81. L’étude montre également que la plupart des grandes et moyennes entreprises considèrent que le bien-être des employés représente un atout stratégique, qui permet d’améliorer la productivité et la qualité des produits et services offerts. Plus de la moitié (55 %) des organisations qui ont participé à l’enquête affirment que les bonnes pratiques en matière de conciliation entre vie privée et vie professionnelle ont amélioré le climat interne. Cela s’est reflété sur les rapports entre collaborateurs et avec les supérieurs hiérarchiques, par une augmentation de la satisfaction et de la motivation des employés.
82. Cette étude souligne aussi que la crise économique actuelle est susceptible d’encourager les entreprises à modifier leur organisation interne en introduisant des mesures de conciliation vie privée–vie professionnelle. La situation de faible croissance et le manque de ressources financières dans la plupart des pays pourraient produire cet effet inespéré pour deux raisons. En premier lieu, le capital humain devient la ressource la plus importante pour la réussite de l’entreprise. Par conséquent, celle-ci est amenée à essayer d’augmenter le taux de satisfaction des employés, afin de les motiver et de les fidéliser. En second lieu, dans un climat difficile caractérisé par une compétition accrue, certaines entreprises seraient prêtes à expérimenter des changements majeurs de leur organisation interne en vue de la quête de leur productivité.
83. L’expérience française de l’Observatoire de la parentalité en entreprise confirme une attention accrue du monde industriel vers cette thématique. Créé en 2008 sur la base d’une Charte de la parentalité en entreprise, l’Observatoire est soutenu par 388 entreprises et associations signataires qui s’engagent entre autres:
  • à faciliter la conciliation vie professionnelle–vie personnelle des salariés-parents;
  • à aménager les conditions de travail pour les femmes enceintes;
  • à prévenir et éliminer les pratiques discriminantes pour les salariés-parents.
84. Dans le cadre de ses activités de collecte, d’analyse et de diffusion d’informations sur la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale de ceux qui ont des responsabilités parentales, l’Observatoire a publié de nombreux documents. Parmi ceux-ci, un Guide télétravail et un Guide crèches et entreprises, qui sont conçus comme des «aides à la réflexion et à l’action». En effet, ils fournissent des éléments utiles aux entreprises souhaitant introduire de nouvelles formes d’organisation qui répondent aux besoins des employés ayant des enfants.

10. Conclusions

85. La division traditionnelle des rôles entre femmes et hommes au sein de la famille représente un obstacle majeur sur le chemin vers l’égalité. Si les inégalités sur le marché du travail se réduisent progressivement, la charge des responsabilités familiales pèse toujours, de façon prépondérante, sur les femmes. Par conséquent, la difficulté de concilier la vie familiale et la vie professionnelle empêche les femmes de jouir d’une réelle égalité des chances.
86. En même temps, la mentalité dominante dans le monde du travail actuelle, reflétant encore en partie des stéréotypes sexistes et une organisation du travail qui n’a pas suffisamment évolué, empêchent également les hommes d’assumer pleinement leurs responsabilités à l’intérieur de la famille.
87. Dans ce contexte, les programmes de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale revêtent une importance majeure dans les politiques pour l’égalité de genre et de qualité de vie.
88. Faciliter la conciliation entre ces deux sphères est un impératif pour nos sociétés. Les mesures nécessaires à cette fin comprennent une nouvelle organisation du travail (flexibilité en termes d’horaires et de lieux), des services accessibles de soins aux personnes (notamment enfants et personnes âgées) ainsi qu’un soutien financier aux familles. Ces mesures exigent une coordination de tous les acteurs du monde du travail, publics et privés.
89. Le climat économique actuel, caractérisé par une faible croissance et un manque de ressources financières, ne doit pas retarder l’adoption de politiques de conciliation. Au contraire, ces politiques deviennent encore plus urgentes. La crise actuelle qui a affecté des secteurs économiques qui emploient un plus grand nombre d’hommes a eu l’effet de réduire l’inégalité dans les taux d’emploi des deux sexes. Cependant, il ne faudrait pas accepter que les inégalités soient «nivelées vers le bas». Permettre tant aux femmes qu’aux hommes de mieux concilier leur vie professionnelle avec les responsabilités familiales permettrait de limiter les effets néfastes de la crise. Une participation accrue des uns et des autres au monde du travail représenterait un facteur de croissance de l’économie dans son ensemble et de développement plus équilibré.
90. En outre, les politiques de conciliation sont nécessaires pour prévenir et lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. En effet, les parents obligés de quitter leur poste à cause d’une organisation du travail incompatible avec les engagements familiaux, très souvent les mères, présentent un risque accru de pauvreté et d’exclusion.
91. La possibilité de concilier vie privée et vie professionnelle doit donc représenter un objectif prioritaire de toute politique d’égalité. Il s’agit de combattre les inégalités entre hommes et femmes, de créer les conditions d’épanouissement des parents à la maison et dans le monde du travail, d’augmenter la croissance économique et d’améliorer la cohésion de la société dans son ensemble.