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Rapport | Doc. 13092 | 17 janvier 2013

L'égalité de genre dans les pays de l’ex-Yougoslavie

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteur : M. Jean-Charles GARDETTO, Monaco, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc 12517, Renvoi 3757 du 11 avril 2011. 2013 - Commission permanente de mai

Résumé

Les Etats de l’ex-Yougoslavie relèvent depuis plus d’une décennie le double défi de la transition vers l’économie de marché et de la consolidation de la démocratie. Une politique de genre et un cadre législatif ont été introduits mais l’égalité est encore loin d’être une réalité. L’application demeure problématique: l’absence de contrôle effectif de la mise en œuvre des lois et le défaut de réels moyens financiers et techniques rendent lente et incohérente l’application effective de nouvelles lois, souvent conformes aux normes européennes.

Des mesures doivent encore être prises pour améliorer la mise en œuvre des lois et des politiques, ainsi que pour sensibiliser davantage l’ensemble des acteurs économiques et sociaux à la nécessité d’autonomiser les femmes, afin qu’elles réalisent leur plein potentiel dans la participation politique, économique et sociale, tant au niveau national que régional.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 3 décembre
2012.

(open)
1. Depuis plus d’une décennie, les Etats de l’ex-Yougoslavie relèvent un double défi: la transition vers l’économie de marché et la consolidation de la démocratie. Aujourd’hui, ceux qui ne le sont pas encore aspirent tous, à plus ou moins court terme, à devenir membres de l’Union européenne.
2. L’Assemblée parlementaire considère que la discrimination à l’égard des femmes est une atteinte aux droits humains et un frein au développement démocratique et économique de tout pays. De plus, dans la situation de crise économique actuelle, il existe un risque de régression des droits des femmes dans la mesure où les gouvernements concentrent leurs efforts sur d’autres priorités.
3. L’Assemblée se félicite de l’introduction d’une politique de genre dans les pays de l’ex-Yougoslavie qui a notamment permis l’introduction de nouvelles législations et de mécanismes institutionnels pour le développement de l’égalité de genre; d’offrir un soutien aux organisations de défense des droits des femmes en renforçant leur légitimité et leur poids et l’intégration de la donnée «genre» dans les travaux des institutions de statistiques nationales donnant certains indicateurs sur l’état de la société.
4. De sérieux progrès ont été faits dans l’introduction de cadres législatifs et de leur mise en conformité par rapport aux normes internationales et européennes, mais l’égalité de genre est encore loin d‘être une réalité. De fait, les gouvernements ont tendance à gérer les situations économiques et politiques sans intégrer la dimension genre alors que celle-ci doit être abordée de façon globale et transversale. L’application des normes adoptées demeure problématique: l’absence de contrôle effectif de la mise en œuvre des lois et le défaut de réels moyens financiers et techniques rend l’application effective de nouvelles lois, souvent conformes aux normes européennes, à la fois lente et incohérente.
5. L’Assemblée est consciente que les stéréotypes traditionnels sur les rôles respectifs des femmes et des hommes restent présents dans la société et que les programmes scolaires les véhiculent encore. De fait, l’une des principales difficultés demeure l’évolution des mentalités qui demande du temps mais également des moyens techniques et financiers et une ferme volonté politique.
6. La violence à l’égard des femmes est un fléau répandu dans la région. Ici, comme ailleurs, cette pratique demeure acceptée dans certaines catégories de la population et n’est que partiellement déclarée et enregistrée.
7. L’Assemblée se félicite des progrès faits visant à intégrer les femmes dans l’économie et la politique et tout particulièrement de l’instauration de quotas dans les partis politiques et sur les listes électorales, qui permettent, comme par exemple en Serbie, une meilleure représentation des femmes dans les parlements nationaux.
8. Elle soutient le travail considérable entrepris par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) travaillant à la sensibilisation des femmes à leurs droits ainsi que des acteurs politiques à cette réalité. Elle souligne cependant qu’un rôle actif des pouvoirs publics est indispensable et notamment l’implication du ministère de l’Education dans la lutte contre les stéréotypes et contre la violence domestique, par exemple au niveau de l’enseignement scolaire et universitaire.
9. Les pays de la région devraient donc intensifier leurs efforts pour sensibiliser davantage l’ensemble des acteurs économiques et sociaux à la nécessité d’autonomiser les femmes afin qu’elles réalisent leur plein potentiel dans la participation politique, économique et sociale au développement global national et même régional. Des mesures devraient être prises en vue d’accélérer la mise en œuvre des lois adoptées existantes et conformes aux normes européennes.
10. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats de la région à prendre des mesures sans plus attendre en vue:
10.1. d’intensifier les efforts pour la participation des femmes à la vie politique, aux niveaux national et local, ainsi que leur participation à la vie publique;
10.2. de promouvoir les actions et campagnes de sensibilisation à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210) et gérer la question de la violence à l’égard des femmes de façon globale et transversale;
10.3. de lutter activement contre le harcèlement sexuel, notamment sur le lieu de travail;
10.4. de développer les mesures de lutte contre la discrimination envers les femmes et les discriminations multiples en vue d’en faire des actrices économiques et sociales à part entière;
10.5. de sensibiliser la population aux droits des femmes, notamment en organisant des campagnes d’information et en intégrant la dimension genre dans les curricula scolaires et universitaires;
10.6. de poursuivre et intensifier les efforts visant à promouvoir l’égalité de genre en travaillant à réduire l’écart de salaire entre hommes et femmes et en encourageant les femmes à accéder à des postes aux plus hauts niveaux et dans tous les domaines;
10.7. d’allouer les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre des plans d’action nationaux en matière d’égalité de genre et à assurer l’évaluation régulière de leur efficacité, notamment en soutenant financièrement les ONG actives dans ces domaines;
10.8. de permettre l’accès au marché du travail des femmes rurales, en favorisant tout particulièrement leur accès à un niveau d'instruction élémentaire, à la propriété foncière, à la formation, aux techniques agricoles modernes, aux financements et aux équipements.

B. Exposé des motifs, par M. Gardetto, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Ce rapport trouve son origine dans la proposition de résolution sur l’égalité des sexes en Europe du Sud-Est déposée le 2 février 2011 (Doc. 12517). La proposition part du postulat que «les femmes d’Europe du Sud-Est sont confrontées à des problèmes communs dans le domaine de l’égalité des sexes. Cela s’explique dans une grande mesure par l’histoire récente de la région. Le passage du socialisme à la démocratie a affecté la situation des femmes au sein de la société, car il s’est accompagné d’un retour aux valeurs traditionnelles. De plus, la guerre a contribué à écarter les femmes des processus décisionnels au profit des hommes, qui sont considérés comme des décideurs plus déterminés».
2. La portée géographique de mon rapport s’étendra aux Etats de l’ex-Yougoslavie. D’ailleurs, à l’exception de la Slovénie qui est déjà devenue membre, tous ces Etats se veulent, à plus ou moins court terme, membres de ou candidats à l’Union européenne (la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», le Monténégro et la Serbie). Cette région relève depuis plus d’une décennie maintenant un double défi: la transition vers l’économie de marché et simultanément la consolidation de la démocratie.
3. Etant donné que l’égalité de genre est l’un des objectifs des membres de l’Union européenne, j’espère que ces Etats pourront trouver dans ce rapport quelques outils pour les accompagner dans ce processus d’adhésion et dans le respect de leurs obligations en tant que membres du Conseil de l’Europe.
4. Dans le cadre de la préparation de ce rapport, je me suis rendu à Zagreb, Belgrade et Sarajevo en février et septembre 2012 pour effectuer trois visites d’information. Je tiens à remercier les autorités de Croatie, Serbie et Bosnie-Herzégovine pour l’organisation de ces visites ainsi que l’ensemble de mes interlocuteurs qui m’ont permis de collecter nombre d’informations et de données pertinentes.

2. Les politiques et instruments juridiques d’égalité de genre

2.1. Croatie

5. Le processus d’adhésion de la Croatie entamé il y a plusieurs années déjà l’a fait progresser rapidement vers l’harmonisation de sa législation aux normes de l’Union européenne, y inclus en matière d’égalité de genre. L’adhésion de la Croatie à l’Union européenne prendra effet dès 2013. La loi égalité hommes-femmes adoptée le 15 juillet 2008 a révisé la loi de 2003 à cette fin. Cette loi proscrit toute forme de discrimination sur la base du sexe, du statut marital ou familial et de l’orientation sexuelle. Elle étend l’interdiction de la discrimination à l’emploi, au travail et à l’éducation. Elle prévoit également la mise en place de commissions pour l’égalité hommes-femmes au niveau des structures administratives régionales et dans la ville de Zagreb. La loi anti-discrimination du 1er janvier 2009 vient compléter l’arsenal législatif de lutte contre toute forme de discrimination dont peuvent faire l’objet les femmes mais également les hommes.
6. La Croatie est Partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197), et à la Convention internationale des Nations Unies sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle n’est pas encore Partie à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul»). Toutefois, différents interlocuteurs que j’ai rencontrés m’ont informé qu’un groupe de travail étudie actuellement la mise en conformité de la législation nationale nécessaire à la ratification de cette convention d’ici à 2013.
7. Différents mécanismes institutionnels ont été créés dans le domaine de l’égalité de genre:
  • une Commission parlementaire pour l’égalité de genre depuis 2000;
  • un Médiateur pour l’égalité de genre depuis 2003;
  • un Bureau gouvernemental pour l’égalité de genre depuis 2004;
8. Une politique nationale pour la promotion de l’égalité hommes-femmes a été adoptée par le parlement en 2006 et une stratégie nationale pour la protection contre la violence domestique a été adoptée pour la période 2011-2016.
9. Le programme national pour la protection et la promotion des droits de l’homme 2008-2011 a intégré pleinement la notion d’égalité hommes-femmes. Il souligne que l’application des lois anti-discrimination est indispensable pour la protection et la promotion des droits des femmes. Cependant, son efficacité est compromise par le manque de ressources affectées à sa mise en œuvre.

2.2. Serbie

10. La Serbie est Partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et à la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique le 4 avril 2012 mais ne l’a pas encore ratifiée.
11. Le principe d’égalité est inscrit dans la Constitution de la République de Serbie adoptée en 2006, dont l’article 15 prévoit que l’Etat garantit l’égalité entre femmes et hommes et développe des politiques d’égalité des chances. L’article 15 introduit également le principe d’interdiction de la discrimination, y inclus sur des critères de genre.
12. La loi sur l’égalité de genre adoptée en 2009 impose à toutes les autorités publiques de poursuivre activement cet objectif, de contrôler la mise en œuvre du principe d’égalité hommes-femmes et de superviser l’application des normes internationales et des droits constitutionnels dans la limite de leurs compétences. La loi étend le principe d’égalité à l’emploi, la santé, les relations familiales, l’éducation, la culture, le sport, la politique et la vie publique et la protection juridique.
13. Une Stratégie nationale pour améliorer la situation des femmes et promouvoir l’égalité hommes-femmes a été adoptée en février 2009, mettant en exergue la participation des femmes à la vie publique et à la prise de décisions, à l’économie, à l’éducation et à la santé. Elle met également l’accent sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et l’élimination des stéréotypes basés sur le genre dans les médias.
14. Toutefois, malgré l’inscription de ces principes dans les textes de loi, l’écart entre l’égalité voulue par les textes et la réalité reste important, d’autant que les moyens financiers et techniques mis à disposition pour appliquer ces lois semblent limités.

2.3. «L’ex-République yougoslave de Macédoine»

15. «L’ex-République yougoslave de Macédoine» est Partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et à la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique le 8 juillet 2011 mais ne l’a pas encore ratifiée.
16. Au niveau des mécanismes institutionnels mis en place, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a établi une Unité pour l’égalité de genre depuis 1997 au sein du ministère du Travail et des politiques sociales avec pour objectif d’influer sur le rôle des femmes en conformité avec les normes internationales. Dix commissions sur l’égalité de genre ont été intégrées aux 10 conseils municipaux du pays dès 2000. Enfin, en 2003, le parlement a mis en place une commission parlementaire sur l’égalité des chances des femmes et des hommes travaillant sur toutes les questions d’égalité de genre en général et sur l’harmonisation de la législation aux normes européennes.
17. La loi sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes adoptée en 2006 régit les principes de base de l’égalité de genre et liste des mesures spécifiques pour l'égalité des chances, et les responsabilités, les tâches et les obligations des institutions publiques. L'objectif principal de la loi est de promouvoir le principe de l'égalité des chances pour les femmes et les hommes dans la vie politique, économique, sociale, éducative et dans tous les autres domaines. La loi interdit toute forme de discrimination entre les sexes dans les secteurs public et privé. Les organismes responsables de la mise en œuvre des principes et des mesures sont le parlement, le gouvernement, les ministères et les autres services publics.
18. Enfin, un plan d’action national pour l’égalité de genre 2007-2012 a été adopté en 2007 avec quatre objectifs stratégiques:
  • augmenter le taux d’emploi des femmes;
  • améliorer et renforcer le statut économique des femmes;
  • encourager la transition de l’économie informelle à l’économie formelle dans le domaine des services;
  • augmenter le taux d’emploi des femmes dans les régions rurales.

2.4. Slovénie

19. La Slovénie a adhéré à l’Union européenne en 2004. Elle est Partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et à la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique le 8 septembre 2011 mais ne l’a pas encore ratifiée.
20. La loi sur l'égalité des chances a été adoptée en juillet 2002 et fournit une base commune pour créer l'égalité des chances pour les femmes et les hommes:
  • elle définit et interdit la discrimination directe et indirecte;
  • elle permet des mesures positives pour assurer l'égalité;
  • elle prévoit la création d'un médiateur qui gérera le cas d'inégalité de traitement.
21. Par ailleurs, la loi sur les Relations au travail du 1er janvier 2003 a introduit un certain nombre de nouvelles dispositions sur l'égalité des chances et l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes.
22. L'égalité des sexes est actuellement sous la responsabilité du Bureau de l'égalité des chances mis en place en 2003 qui veille à la surveillance et à la coordination des questions d'égalité de genre dans tous les ministères et participe à l'élaboration des lois et règlements en conformité avec les normes internationales.

2.5. Monténégro

23. Le Monténégro est Partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et à la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Il a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique le 11 mai 2011 mais ne l’a pas encore ratifiée.
24. L’article 8 de la Constitution proscrit la discrimination directe ou indirecte, quel qu’en soit le motif et garantit l’égalité entre les femmes et les hommes. Une loi-cadre pour l'égalité des sexes a été adoptée en 2007 et a été assortie d'un plan d'action adopté en 2008. Celui-ci est évalué chaque année, voire révisé en fonction des mesures qui ont ou non été mises en œuvre.

2.6. Bosnie-Herzégovine

25. La Bosnie-Herzégovine est Partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et à la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle n’a pas encore signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique même si les interlocuteurs rencontrés lors de ma visite d’information en septembre 2012 m’ont assuré qu’elle s’y emploie activement. Le Conseil des Ministres a également adopté en juillet dernier un plan d’action pour la lutte contre la violence domestique (2012-2017) dont l’un des objectifs est la signature de la Convention d’Istanbul. Par ailleurs, la Commission sur l’égalité de genre de l’Assemblée nationale, en partenariat avec l’Agence pour l’égalité de genre de la Bosnie-Herzégovine, la Commission sur l’égalité et la non-discrimination de l’Assemblée parlementaire et la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Bosnie-Herzégovine, a organisé un séminaire parlementaire le 21 novembre dernier pour promouvoir la signature et la ratification de la Convention d’Istanbul.
26. La loi sur l’égalité de genre de 2003 a été révisée en 2009, intégrant la notion de discrimination directe ou indirecte, y inclus la discrimination basée sur le genre. Le harcèlement sexuel y est reconnu comme infraction pénale passible de six mois à cinq ans de prison. De plus, la loi sur l’interdiction de la discrimination adoptée en 2009 complète le cadre législatif et développe la notion de harcèlement sexuel comme autre forme de discrimination.

2.7. Remarques d’ordre général

27. Du point de vue des politiques et des normes juridiques on observe clairement que l’appartenance au Conseil de l’Europe et le processus d’adhésion à l’Union européenne ont contribué positivement à l’introduction d’une politique de genre dans les pays de cette région en mutation. Il a notamment contribué:
  • à l’introduction d’une nouvelle législation de genre;
  • à l’introduction de mécanismes institutionnels pour le développement de l’égalité de genre;
  • à offrir un soutien aux organisations de défense des droits des femmes en renforçant leur légitimité et leur influence.
28. Grâce à l’intégration de la donnée «genre» dans leurs travaux, les institutions de statistiques nationales donnent certains indicateurs sur l’état de la société. Toutefois, certains sujets demeurent tabous – notamment les questions de violence à l’intérieur de la cellule familiale – et ne sont, de fait, pas intégrés dans ces données statistiques. Cela rend difficile de réels exercices d’analyse.
29. De fait, une des principales difficultés demeure l’évolution des mentalités qui demande du temps mais également des moyens logistiques et financiers et une ferme volonté politique. Les stéréotypes traditionnels sur les rôles respectifs des femmes et des hommes restent présents dans de nombreux domaines de la société et les programmes scolaires véhiculent encore des modèles stéréotypés.

3. Participation à la vie publique et politique

3.1. Croatie

30. A l’heure actuelle, le Parlement croate a 23,84% de femmes dans sa composition (elles étaient 25,49 % dans la précédente législature). Les femmes représentent 21 % des présidents de commissions parlementaires. De même, en 2010, les femmes représentaient 15% des postes d’ambassadeurs (contre 8 % en 2000).
31. La nomination d’une femme au poste de ministre des Affaires étrangères et de l’intégration européenne, un poste clé s’il en est, est indéniablement une évolution dans le bon sens dans un gouvernement où seulement 18,18 % des membres sont des femmes (une vice-présidente du gouvernement et trois ministres sur 22 membres).
32. La loi sur l’égalité de genre prévoit qu‘à partir de 2013 les listes des partis politiques à toutes les élections doivent comprendre 40 % de membres du sexe sous-représenté et prévoit des sanctions de 20 000 à 50 000 Kunas (3 000 à 7 000 euros) pour les partis ne respectant pas cette disposition, même si celles-ci ne sont pas appliquées systématiquement.

3.2. Serbie

33. Au sein du gouvernement mis en place en juillet 2012, cinq postes de ministres ont été attribués à des femmes, y inclus un poste de vice-premier ministre en charge de l’intégration européenne.
34. Depuis mai 2012, le Parlement serbe est composé de 84 femmes, soit 34 % des parlementaires (en nette progression par rapport à la législature précédente qui était composée à 20,4 % de femmes). La loi électorale pour l’élection des députés nationaux de 2004 prévoit que les listes des partis politiques contiennent au moins 30 % de représentants de chaque sexe et que la quatrième place de chaque bloc de quatre places soit réservée au sexe le moins représenté. Si ces conditions ne sont pas remplies, la Commission électorale de la République doit déclarer l’invalidité de la liste. La progression du nombre de femmes montre que les quotas assortis des sanctions les plus strictes permettent de progresser vers une réelle égalité.
35. Au niveau local, les mêmes quotas s’appliquent. A l’heure actuelle, dans les 24 villes (gradovi), 23 maires (gradonačelnik) sont des hommes et un seul est une femme.
36. Dans le secteur du judiciaire, le nombre de femmes est en constante augmentation: 64 % des postes de juges et de procureurs; 69 % des juges de première instance; 67 % des juges de tribunaux commerciaux; et 73 % des juges dans les tribunaux correctionnels.

3.3. «L’ex-République yougoslave de Macédoine»

37. Le parlement compte 38 femmes (30,9 %) depuis les élections législatives de 2011 et six femmes sont membres du gouvernement, dont la vice-premier ministre chargée de l’intégration européenne. La loi électorale prévoit un quota de 30 % du sexe sous-représenté dans les listes électorales avec refus de l’enregistrement de la liste par la commission électorale centrale en cas de non respect de ce quota.

3.4. Slovénie

38. Un système de quotas pour les listes de candidats des partis politiques a été instauré en 2006 avec une obligation de 25 % des candidats devant être du sexe sous-représenté et prévoyant le rejet de la liste si le quota n’est pas rempli. Aucune femme n’est ministre du gouvernement actuel, mais cinq femmes sont secrétaires d’Etat (au développement économique et à l’industrie; à l’éducation, à la science, à la culture et au sport; à la Santé; à l’Intérieur; et au Travail et aux affaires familiales et sociales). Lors des dernières élections en 2011, 29 femmes (32,2 %) ont été élues au parlement. Une seule femme est membre du Sénat 
			(2) 
			Le Sénat slovène ou
Conseil national est élu au scrutin indirect et par des collèges
électoraux spécifiques où aucun quota de sexe sous-représenté n’est
imposé. (soit 2,5 %).
39. Pour la constitution des listes électorales, la loi prévoit qu’à partir de 2014, la première moitié de la liste présente un homme puis une femme alternativement.

3.5. Monténégro

40. Au Monténégro, le parlement compte 11 femmes (13,58 %) depuis les élections d’octobre 2012 (en légère progression par rapport au 12,3 % de la législature précédente) et deux femmes sont ministres au sein du gouvernement. A l’automne 2001, le parlement a introduit un quota électoral pour les femmes dans la loi électorale, prévoyant 30 % de femmes sur les listes électorales mais aucun ordre n’est imposé dans la composition de la liste. La Commission électorale peut refuser une liste qui ne respecte pas ces conditions.

3.6. Bosnie-Herzégovine

41. Le parlement actuel compte neuf femmes (soit 21,4 %) et deux femmes sont membres du Sénat. Le gouvernement investi en février 2012 ne compte aucune femme parmi ses membres. La loi électorale prévoit qu’un tiers des listes soit du sexe sous-représenté mais ne prévoit pas de sanction en cas de non respect du quota.

3.7. Remarques d’ordre général

42. En ce qui concerne la participation à la vie publique et politique, quelques chiffres clés montrent une évolution encourageante même si, malgré certaines avancées, la représentation des femmes dans le processus de décision politique reste globalement inéquitable. Au niveau des systèmes de quotas, il apparaît que les systèmes les plus stricts soient les seuls à assurer une progression de la représentation des femmes dans les institutions publiques. A ce sujet l’exemple du Parlement serbe est remarquable.
43. Les femmes font encore face à des obstacles significatifs pour apporter leur contribution réelle et significative à la vie politique et publique. Les quotas de femmes dans les listes électorales ont été imposés dans les textes législatifs mais ne sont pas reflétés dans la composition des parlements nationaux. Le fait que les lois ne soient pas mises en œuvre s’explique soit par l’absence de sanctions soit par des sanctions pas assez contraignantes.

4. Violence à l’égard des femmes

4.1. Croatie

44. Le cadre juridique comprend une loi spécifique sur la protection contre la violence domestique, certaines dispositions du Code Pénal et la Loi sur l’égalité de genre. La question de la violence domestique est suivie depuis 2004. La première Stratégie nationale de protection contre la violence domestique couvre la période 2011-2016. Les instances de police doivent se conformer scrupuleusement à un Code de conduite détaillé dans les cas de violence domestique.
45. Soulignons le «Protocole sur les procédures à suivre en cas de violence domestique» de 2008 qui vise à assurer la meilleure protection possible aux victimes et de coordonner les mesures à prendre par les différents services concernés. Ce protocole appelle à une coopération entre les forces de police, les centres de protection sociale, les établissements de santé et d’enseignement et les instances judiciaires. A noter également l’adoption en 2010 d’une procédure de fonctionnement standard pour la police, présentant dans le détail les divers modes d’intervention des fonctionnaires à partir du signalement de la violence: arrivée sur les lieux, prise en charge de l’auteur et de la victime, recueil du témoignage de la victime, transfert de l’auteur au commissariat pour la suite de l’enquête 
			(3) 
			Mme Karmela Martinović-Grčić,
Cheffe de la Direction de la délinquance juvénile des services de
police du comté d’Osječko-Baranjska (Croatie) a présenté ce protocole
à la commission à l’occasion d’une audition sur l'accueil par la police
des femmes victimes de violence organisée par le Réseau parlementaire
pour le droit des femmes de vivre sans violence, Strasbourg, 25
avril 2012..
46. Toutefois, les organisations non gouvernementales (ONG) rencontrées lors de ma visite en Croatie ont souligné que les femmes n’ont pas confiance en ces institutions. De nombreux témoignages attestent trop souvent d’un accueil inadéquat par la police ou les services sociaux qui minimisent les faits lorsqu’ils se déroulent au sein de la cellule familiale ou si la victime ne présente pas de traces physiques graves de violence.

4.2. Serbie

47. Selon une étude de 2004 de la Société de victimologie, une femme sur deux souffre de violence psychologique en milieu familial, une femme sur trois souffre de violence physique et une femme sur quatre est menacée de violence.
48. Selon la législation en vigueur, la violence conjugale est une infraction passible d'une peine d'emprisonnement de six mois à 10 ans, selon la gravité. La loi sur la famille adoptée en 2005 met en place un système de protection juridique de la famille contre la violence familiale qui:
  • interdit strictement la violence domestique,
  • accorde un droit à la protection contre la violence familiale aux membres de la famille,
  • prévoit cinq mesures juridiques de protection contre la violence domestique,
  • réglemente les procédures judiciaires relatives à la protection contre la violence domestique.
49. La Serbie a également lancé une stratégie nationale pour lutter contre la violence sexuelle et liée au genre, en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (2009-2011).

4.3. «L’ex-République yougoslave de Macédoine»

50. La réforme du droit de la famille en 2004 a permis la première législation sur la violence domestique et a donné lieu à une série de mesures individuelles de protection des victimes. Elle définit juridiquement la violence domestique 
			(4) 
			Selon le droit de la
famille (2004), la violence domestique peut être le recours à la
force, des menaces pour la famille, l’intimidation, des lésions
corporelles, des abus psychologiques, sexuels ou matériels, l’exploitation
sexuelle ou le travail forcé d'un autre membre de la famille. et donne la possibilité au Centre pour le travail social et aux ONG travaillant dans le domaine de l'éducation et de la prévention de la violence domestique de mettre en place un système coordonné de protection des victimes.
51. La première enquête sur la violence domestique a été réalisée en 2000. Cette enquête – qui portait sur 600 femmes – a montré que 72,28 % des femmes avaient subi une agression physique ou des menaces au sein de la famille, 10,4 % avaient été victimes d'une agression sexuelle ou de menaces, 12,87 % avaient subi des agressions physiques ou sexuelles et 4,46 % n'ont pas répondu au questionnaire. C’est également en 2000 qu’a été ouvert le premier centre d'hébergement (maison pour les femmes victimes de violence domestique) accueillant les femmes et leurs enfants avec une antenne d’assistance psychologique, médicale et juridique aux victimes.
52. De 2000 à 2011, 3 011 femmes ont été accueillies dans ces centres pour des séjours allant d‘un jour à plusieurs années. En 2007, six centres pour les femmes victimes de violences domestiques ont été ouverts au niveau national. Actuellement, quatre abris institutionnels et un abri mis en place par une ONG sont ouverts. Au cours des cinq dernières années, plusieurs centres d’aide juridique pour les victimes de violence domestique ont été mis en place par ONU Femmes, mais certains ont fermé lorsque le financement a pris fin 
			(5) 
			Awareness raising campaigns
on family-related violence, Ms Verica Stamenkova Trajkova, Institute
of Social Work and Social Policy, Comments paper – FYR Macedonia
for the European Commission, Justice, Round table on Exchange of
good practices on gender equality, Awareness-raising activities
to fight violence against women and girls, Royaume-Uni, 7-8 février
2012 (anglais seulement)..

4.4. Slovénie

53. Un programme national pour la prévention de la violence familiale (2009-2014) a été adopté en 2009 sous l’autorité du ministère du Travail et des Affaires familiales et sociales. Il met en place des mesures et des objectifs pour réduire la violence familiale et établit un groupe de travail pour mettre en œuvre des actions dans les ministères. Le gouvernement doit présenter au parlement un rapport sur ce plan d’action national tous les deux ans.

4.5. Monténégro

54. Le Code pénal a été amendé en 2002 pour intégrer la violence domestique au sein de la famille en tant qu’infraction criminelle. En 2010, le Monténégro a adopté une loi sur la prévention de la violence domestique inspirée de celles adoptées par les pays voisins. Le parlement a ensuite adopté une stratégie nationale de prévention de la violence domestique.
55. Des statistiques fournies par Monstat (statistiques nationales) montrent que les femmes représentent un tiers des victimes des infractions, 75 % des victimes de violence domestique et 95 % des violences sexuelles. En 2010, la police monténégrine a enregistré 385 plaintes pour violence domestique dont 79,6 % des victimes étaient des femmes. 94 % des auteurs des ces crimes étaient des hommes et 31 % d’entre eux avait déjà été condamnés pour la même infraction.

4.6. Bosnie-Herzégovine

56. La loi sur la protection contre la violence domestique de 2005 contient des dispositions concernant les mesures de protection contre la violence domestique et les sanctions à l’égard des auteurs. Un plan d’action pour atteindre l’égalité de genre (2012-2017) a été adopté par le gouvernement en juillet 2012. Il contient une section particulière sur la violence à l’égard des femmes. Cette section prévoit les différentes activités, agences responsables de la mise en œuvre et le calendrier des actions à mener jusqu’en 2017, dont la ratification de la Convention d’Istanbul.
57. Une autre forme de violence fut celle des viols de guerre commis lors du conflit bosniaque. La pratique des violences sexuelles utilisées comme un instrument de nettoyage ethnique a été qualifiée de «torture» et de «crime contre l’Humanité» par le Tribunal pénal international, à l’issue d’un procès contre trois militaires serbes en 2001. Toutefois, la justice nationale n’a pas été rendue et les auteurs de ces atrocités n’ont pas été jugés. De plus, de nombreuses femmes se trouvent quotidiennement face à leurs bourreaux de l’époque. Mais il demeure difficile de trouver des interlocuteurs, en Bosnie ou dans les autres pays ayant subi cette guerre, pour aborder ce sujet tant il demeure tabou.

4.7. Remarques d’ordre général

58. La violence à l’égard des femmes est un fléau qui touche de nombreuses femmes dans la région. Ici, comme ailleurs, cette pratique demeure acceptée dans certaines catégories de la population et n’est, de fait, que partiellement déclarée et enregistrée. De nombreuses ONG travaillent à la sensibilisation des femmes à leurs droits. Elles tentent de sensibiliser également les acteurs politiques à cette réalité. Il convient également de s’attaquer aux tabous culturels persistants par le biais de l’éducation et ce, dès le premier âge. Le soutien des pouvoirs publics est indispensable et notamment l’implication du ministère de l’Education dans la lutte contre la violence domestique, par exemple au niveau de l’enseignement scolaire.
59. Même si différents programmes sont mis en place pour former les juges et procureurs ainsi que les forces de police, les femmes sont encore réticentes à porter plainte, notamment du fait de la lenteur des actions en justice pendant lesquelles les victimes ne sont pas protégées du conjoint violent qui n’est pas écarté. Les statistiques montrent que, dans la majorité des affaires de violence domestique, les agresseurs restent au domicile même s’ils ne sont pas propriétaires ou même locataires attitrés. En l’absence de protection des victimes et de procédures de référé ou d’urgence pour les affaires de violence domestique, les victimes restent vulnérables.

5. Participation au marché du travail et autonomisation économique

5.1. Croatie

60. L’écart de salaire entre les hommes et les femmes est de 12 % en moyenne à parité de travail. De plus, les femmes sont généralement recrutées à des niveaux plus bas que les hommes à qualification égale et même si elles atteignent des niveaux universitaires supérieurs.
61. Selon la Banque Mondiale 
			(6) 
			Gender wage gap in
Western Balkan countries, Biljana Apostolova, document préparé pour
la Conférence internationale de la Banque mondiale sur «Poverty
and Social Inclusion in the Western Balkans», Bruxelles, 14-15 décembre
2010 (anglais seulement)., en 2010 le salaire moyen d’une femme était de $US 12 934 contre $US 19 360 pour un homme.
62. Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est une pratique répandue. En 2011, la Médiatrice pour l’Egalité des genres de Croatie avait enregistré 80 plaintes pour harcèlement sexuel sur le lieu de travail. La première condamnation pour ce type de délit par les tribunaux croates date du 3 mars 2011 (l’accusé a été condamné à six mois de prison) et constitue un précédent encourageant pour les femmes qui craignent encore de porter plainte par peur de représailles.

5.2. Serbie

63. Les femmes représentent 55 % de la population active mais seulement 30 % des femmes occupent des postes de direction. Selon la Banque Mondiale 
			(7) 
			Ibid. en 2010, le salaire moyen est de $US 7 654 pour une femme et de $US 12 900 pour un homme.

5.3. «L’ex-République yougoslave de Macédoine»

64. Le taux d’emploi des femmes est inférieur à celui des hommes: en 2008 les hommes représentaient 50,7 % de la population employée alors que les femmes n’en représentaient que 32,9 %. En termes de population active, 76,6 % des hommes sont considérés comme actifs alors que seulement 50,2 % des femmes le sont. L’écart des salaires entre hommes et femmes est de l’ordre de 20 % et plus.
65. Selon la Banque Mondiale 
			(8) 
			Ibid. en 2010, le salaire moyen d’une femme est de $US 5 956 contre $US 12 247 pour un homme.
66. Par ailleurs, dans son rapport de 2008 sur «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Amnesty International indique qu'il y a discrimination constante envers les filles et jeunes femmes Roms, qui sont privées d'éducation, de travail ou d'assurance-santé. Il est estimé que plus de 66 % de ces femmes ne peuvent trouver du travail que sur le marché de l’économie dite «grise».

5.4. Slovénie

67. La législation visant à défendre et promouvoir les droits des femmes ainsi que leur participation au marché du travail et à la vie politique représente également un réel progrès vers l’égalité de genre. Toutefois, cette législation n’a encore qu’un impact limité sur la situation des femmes représentant moins d’un tiers des chefs d’entreprise et hauts fonctionnaires et peu de responsables politiques malgré une scolarité et une éducation plus poussées que les hommes.
68. Sur le marché du travail, il y a une concentration des femmes dans certains secteurs d’activité ou à certains niveaux de la hiérarchie professionnelle, indépendamment du secteur d’activité concerné. Les femmes dominent dans les industries de services, y compris la santé, le travail social, l’éducation, l’intermédiation financière, la restauration et le tourisme. Elles représentent moins d'un tiers de la population active dans les secteurs de l'ingénierie et de la construction.

5.5. Monténégro

69. Les femmes représentent 46 % de la population active en 2011 contre 54 % pour les hommes 
			(9) 
			Données du Bureau national
de statistiques du Monténégro, Monsat, n° 45, publié à Podgorica
le 5 mars 2012.. L’écrasante majorité de la main d'œuvre féminine est employée au titre de contrats à durée déterminée, ce qui non seulement les placent dans des situations précaires et entrave leur autonomie financière, mais en pratique cela entrave également la jouissance du droit à un congé maternité.

5.6. Bosnie-Herzégovine

70. Dans un pays où le taux de chômage est particulièrement élevé (43 %), les femmes sont moins nombreuses à entrer sur le marché du travail 
			(10) 
			Voir Gender and employment in Bosnia and Herzegovina:
a country study, Lejla Somun-Krupalija; International Labour
Office, Bureau for Gender Equality, 2011, Genève (anglais seulement)
[ISBN: 9789221255017; 9789221255024 (web pdf)].. Le taux de chômage des femmes en 2010 s’élevait à 30 % contre 25,6 % pour les hommes. Les femmes sont victimes de discrimination au travail, leurs salaires sont plus faibles que ceux des hommes pour le même type de travail et elles reçoivent moins de promotions. Les emplois des femmes sont les premiers à être éliminés lors d’une restructuration.

5.7. Remarques d’ordre général

71. En termes de conditions d’accès au marché du travail et à l’emploi, des caractéristiques communes se retrouvent dans l’ensemble de la région:
  • le taux d’emploi des femmes est relativement bas;
  • les femmes font des études plus avancées que les hommes mais n’accèdent pas aux postes à responsabilité correspondants;
  • les responsabilités des femmes dans la famille demeurent plus importantes que celles des hommes;
  • les femmes rurales sont plus marginalisées que les femmes urbaines, notamment du fait du faible niveau d'instruction et d’un environnement social plus traditionnel. Elles ont un accès limité à la propriété de la terre, à la formation, aux techniques agricoles modernes, aux financements et aux équipements. Dans l'agriculture, elles travaillent généralement comme ouvriers non qualifiés;
  • les femmes sont plus souvent recrutées pour des contrats à durée déterminée ce qui permet de contourner le droit au congé maternité inscrit dans les lois;
  • le harcèlement sexuel demeure une pratique répandue et peu sanctionnée.

6. Conclusions

72. Au lendemain de la guerre qui a suivi l’éclatement de la Yougoslavie, les pays de la région ont relevé le double défi de la transition vers l’économie de marché et la consolidation de la démocratie.
73. En moins de dix ans, de sérieux progrès ont été faits dans l’introduction de cadres législatifs pour mettre en conformité les textes par rapport aux normes internationales et européennes, mais l’égalité de genre est encore loin d‘être une réalité. Les gouvernements ont tendance à gérer les situations économiques et politiques – surtout en cette période difficile de crise financière et économique – sans intégrer la dimension genre, alors que celle-ci doit être abordée de façon globale et transversale.
74. Malheureusement, l’absence de contrôle effectif de la mise en œuvre des lois et de réels moyens financiers et techniques rend l’application des lois adoptées, souvent conformes aux normes du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, lente et incohérente.
75. Les statistiques intégrant la notion de genre ne sont pas toujours disponibles. Un relevé régulier et détaillé des données de genre est pourtant un point de départ crucial pour une réelle politique globale de genre.
76. Les pays de la région devraient intensifier leurs efforts pour sensibiliser davantage l’ensemble des acteurs économiques et sociaux à la nécessité d’autonomiser les femmes. Celles-ci doivent réaliser leur plein potentiel dans la participation politique, économique et sociale au développement global national et même régional.
77. Conformément aux priorités du Conseil de l’Europe et à la situation décrite dans le présent rapport, des mesures devraient être prises notamment en vue:
  • d’intensifier les efforts pour la participation des femmes à la vie politique, aux niveaux national et local, ainsi que leur participation à la vie publique;
  • de promouvoir des actions et des campagnes de sensibilisation à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et gérer la question de la violence à l’égard des femmes de façon globale et transversale;
  • de lutter activement contre le harcèlement sexuel, notamment sur le lieu de travail;
  • de développer les mesures de lutte contre la discrimination envers les femmes et les discriminations multiples en vue d’en faire des actrices économiques et sociales à part entière;
  • de sensibiliser la population aux droits des femmes, notamment en organisant des campagnes d’information et en intégrant la dimension genre dans les curricula scolaires et universitaires;
  • de poursuivre et intensifier les efforts visant à promouvoir l’égalité de genre en travaillant à réduire l’écart de salaire entre hommes et femmes et en encourageant les femmes à accéder à des postes aux plus hauts niveaux et dans tous les domaines;
  • d’allouer les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre des plans d’action nationaux en matière d’égalité et en assurer l’évaluation régulière, notamment en soutenant financièrement les ONG actives dans ces domaines;
  • de permettre l’accès au marché du travail des femmes rurales, en favorisant tout particulièrement leur accès à un niveau d'instruction élémentaire, à la propriété foncière, à la formation, aux techniques agricoles modernes, aux financements et aux équipements.