1. Introduction
1. Ce rapport trouve son origine dans la proposition
de résolution sur l’égalité des sexes en Europe du Sud-Est déposée
le 2 février 2011 (
Doc.
12517). La proposition part du postulat que «les femmes d’Europe
du Sud-Est sont confrontées à des problèmes communs dans le domaine
de l’égalité des sexes. Cela s’explique dans une grande mesure par
l’histoire récente de la région. Le passage du socialisme à la démocratie
a affecté la situation des femmes au sein de la société, car il
s’est accompagné d’un retour aux valeurs traditionnelles. De plus,
la guerre a contribué à écarter les femmes des processus décisionnels
au profit des hommes, qui sont considérés comme des décideurs plus
déterminés».
2. La portée géographique de mon rapport s’étendra aux Etats
de l’ex-Yougoslavie. D’ailleurs, à l’exception de la Slovénie qui
est déjà devenue membre, tous ces Etats se veulent, à plus ou moins
court terme, membres de ou candidats à l’Union européenne (la Bosnie-Herzégovine,
la Croatie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», le Monténégro et la Serbie). Cette
région relève depuis plus d’une décennie maintenant un double défi:
la transition vers l’économie de marché et simultanément la consolidation
de la démocratie.
3. Etant donné que l’égalité de genre est l’un des objectifs
des membres de l’Union européenne, j’espère que ces Etats pourront
trouver dans ce rapport quelques outils pour les accompagner dans
ce processus d’adhésion et dans le respect de leurs obligations
en tant que membres du Conseil de l’Europe.
4. Dans le cadre de la préparation de ce rapport, je me suis
rendu à Zagreb, Belgrade et Sarajevo en février et septembre 2012
pour effectuer trois visites d’information. Je tiens à remercier
les autorités de Croatie, Serbie et Bosnie-Herzégovine pour l’organisation
de ces visites ainsi que l’ensemble de mes interlocuteurs qui m’ont
permis de collecter nombre d’informations et de données pertinentes.
2. Les politiques
et instruments juridiques d’égalité de genre
2.1. Croatie
5. Le processus d’adhésion de la Croatie entamé il y
a plusieurs années déjà l’a fait progresser rapidement vers l’harmonisation
de sa législation aux normes de l’Union européenne, y inclus en
matière d’égalité de genre. L’adhésion de la Croatie à l’Union européenne
prendra effet dès 2013. La loi égalité hommes-femmes adoptée le
15 juillet 2008 a révisé la loi de 2003 à cette fin. Cette loi proscrit
toute forme de discrimination sur la base du sexe, du statut marital
ou familial et de l’orientation sexuelle. Elle étend l’interdiction
de la discrimination à l’emploi, au travail et à l’éducation. Elle
prévoit également la mise en place de commissions pour l’égalité
hommes-femmes au niveau des structures administratives régionales
et dans la ville de Zagreb. La loi anti-discrimination du 1er janvier
2009 vient compléter l’arsenal législatif de lutte contre toute
forme de discrimination dont peuvent faire l’objet les femmes mais
également les hommes.
6. La Croatie est Partie à la Convention du Conseil de l'Europe
sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197), et
à la Convention internationale des Nations Unies sur l'élimination
de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle n’est
pas encore Partie à la Convention du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul»). Toutefois,
différents interlocuteurs que j’ai rencontrés m’ont informé qu’un
groupe de travail étudie actuellement la mise en conformité de la
législation nationale nécessaire à la ratification de cette convention d’ici
à 2013.
7. Différents mécanismes institutionnels ont été créés dans le
domaine de l’égalité de genre:
- une
Commission parlementaire pour l’égalité de genre depuis 2000;
- un Médiateur pour l’égalité de genre depuis 2003;
- un Bureau gouvernemental pour l’égalité de genre depuis
2004;
8. Une politique nationale pour la promotion de l’égalité hommes-femmes
a été adoptée par le parlement en 2006 et une stratégie nationale
pour la protection contre la violence domestique a été adoptée pour
la période 2011-2016.
9. Le programme national pour la protection et la promotion des
droits de l’homme 2008-2011 a intégré pleinement la notion d’égalité
hommes-femmes. Il souligne que l’application des lois anti-discrimination
est indispensable pour la protection et la promotion des droits
des femmes. Cependant, son efficacité est compromise par le manque
de ressources affectées à sa mise en œuvre.
2.2. Serbie
10. La Serbie est Partie à la Convention du Conseil de
l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et à la
Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de
discrimination à l’égard des femmes. Elle a signé la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique le 4 avril 2012 mais
ne l’a pas encore ratifiée.
11. Le principe d’égalité est inscrit dans la Constitution de
la République de Serbie adoptée en 2006, dont l’article 15 prévoit
que l’Etat garantit l’égalité entre femmes et hommes et développe
des politiques d’égalité des chances. L’article 15 introduit également
le principe d’interdiction de la discrimination, y inclus sur des critères
de genre.
12. La loi sur l’égalité de genre adoptée en 2009 impose à toutes
les autorités publiques de poursuivre activement cet objectif, de
contrôler la mise en œuvre du principe d’égalité hommes-femmes et
de superviser l’application des normes internationales et des droits
constitutionnels dans la limite de leurs compétences. La loi étend
le principe d’égalité à l’emploi, la santé, les relations familiales,
l’éducation, la culture, le sport, la politique et la vie publique
et la protection juridique.
13. Une Stratégie nationale pour améliorer la situation des femmes
et promouvoir l’égalité hommes-femmes a été adoptée en février 2009,
mettant en exergue la participation des femmes à la vie publique
et à la prise de décisions, à l’économie, à l’éducation et à la
santé. Elle met également l’accent sur la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et l’élimination des stéréotypes basés sur le
genre dans les médias.
14. Toutefois, malgré l’inscription de ces principes dans les
textes de loi, l’écart entre l’égalité voulue par les textes et
la réalité reste important, d’autant que les moyens financiers et
techniques mis à disposition pour appliquer ces lois semblent limités.
2.3. «L’ex-République
yougoslave de Macédoine»
15. «L’ex-République yougoslave de Macédoine» est Partie
à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains et à la Convention internationale sur l'élimination
de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle a
signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et
la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique le 8 juillet 2011 mais ne l’a pas encore ratifiée.
16. Au niveau des mécanismes institutionnels mis en place, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» a établi une Unité pour l’égalité de genre
depuis 1997 au sein du ministère du Travail et des politiques sociales avec
pour objectif d’influer sur le rôle des femmes en conformité avec
les normes internationales. Dix commissions sur l’égalité de genre
ont été intégrées aux 10 conseils municipaux du pays dès 2000. Enfin,
en 2003, le parlement a mis en place une commission parlementaire
sur l’égalité des chances des femmes et des hommes travaillant sur
toutes les questions d’égalité de genre en général et sur l’harmonisation
de la législation aux normes européennes.
17. La loi sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes
adoptée en 2006 régit les principes de base de l’égalité de genre
et liste des mesures spécifiques pour l'égalité des chances, et
les responsabilités, les tâches et les obligations des institutions
publiques. L'objectif principal de la loi est de promouvoir le principe de
l'égalité des chances pour les femmes et les hommes dans la vie
politique, économique, sociale, éducative et dans tous les autres
domaines. La loi interdit toute forme de discrimination entre les
sexes dans les secteurs public et privé. Les organismes responsables
de la mise en œuvre des principes et des mesures sont le parlement,
le gouvernement, les ministères et les autres services publics.
18. Enfin, un plan d’action national pour l’égalité de genre 2007-2012
a été adopté en 2007 avec quatre objectifs stratégiques:
- augmenter le taux d’emploi des
femmes;
- améliorer et renforcer le statut économique des femmes;
- encourager la transition de l’économie informelle à l’économie
formelle dans le domaine des services;
- augmenter le taux d’emploi des femmes dans les régions
rurales.
2.4. Slovénie
19. La Slovénie a adhéré à l’Union européenne en 2004.
Elle est Partie à la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte
contre la traite des êtres humains et à la Convention internationale
sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des
femmes. Elle a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique le 8 septembre 2011 mais ne l’a pas encore
ratifiée.
20. La loi sur l'égalité des chances a été adoptée en juillet
2002 et fournit une base commune pour créer l'égalité des chances
pour les femmes et les hommes:
- elle
définit et interdit la discrimination directe et indirecte;
- elle permet des mesures positives pour assurer l'égalité;
- elle prévoit la création d'un médiateur qui gérera le
cas d'inégalité de traitement.
21. Par ailleurs, la loi sur les Relations au travail du 1er janvier
2003 a introduit un certain nombre de nouvelles dispositions sur
l'égalité des chances et l'égalité de traitement entre les femmes
et les hommes.
22. L'égalité des sexes est actuellement sous la responsabilité
du Bureau de l'égalité des chances mis en place en 2003 qui veille
à la surveillance et à la coordination des questions d'égalité de
genre dans tous les ministères et participe à l'élaboration des
lois et règlements en conformité avec les normes internationales.
2.5. Monténégro
23. Le Monténégro est Partie à la Convention du Conseil
de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et à
la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes
de discrimination à l’égard des femmes. Il a signé la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique le 11 mai 2011 mais
ne l’a pas encore ratifiée.
24. L’article 8 de la Constitution proscrit la discrimination
directe ou indirecte, quel qu’en soit le motif et garantit l’égalité
entre les femmes et les hommes. Une loi-cadre pour l'égalité des
sexes a été adoptée en 2007 et a été assortie d'un plan d'action
adopté en 2008. Celui-ci est évalué chaque année, voire révisé en
fonction des mesures qui ont ou non été mises en œuvre.
2.6. Bosnie-Herzégovine
25. La Bosnie-Herzégovine est Partie à la Convention
du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
et à la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes
de discrimination à l’égard des femmes. Elle n’a pas encore signé
la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
même si les interlocuteurs rencontrés lors de ma visite d’information
en septembre 2012 m’ont assuré qu’elle s’y emploie activement. Le
Conseil des Ministres a également adopté en juillet dernier un plan
d’action pour la lutte contre la violence domestique (2012-2017) dont
l’un des objectifs est la signature de la Convention d’Istanbul.
Par ailleurs, la Commission sur l’égalité de genre de l’Assemblée
nationale, en partenariat avec l’Agence pour l’égalité de genre
de la Bosnie-Herzégovine, la Commission sur l’égalité et la non-discrimination
de l’Assemblée parlementaire et la mission de l’Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Bosnie-Herzégovine,
a organisé un séminaire parlementaire le 21 novembre dernier pour
promouvoir la signature et la ratification de la Convention d’Istanbul.
26. La loi sur l’égalité de genre de 2003 a été révisée en 2009,
intégrant la notion de discrimination directe ou indirecte, y inclus
la discrimination basée sur le genre. Le harcèlement sexuel y est
reconnu comme infraction pénale passible de six mois à cinq ans
de prison. De plus, la loi sur l’interdiction de la discrimination adoptée
en 2009 complète le cadre législatif et développe la notion de harcèlement
sexuel comme autre forme de discrimination.
2.7. Remarques d’ordre
général
27. Du point de vue des politiques et des normes juridiques
on observe clairement que l’appartenance au Conseil de l’Europe
et le processus d’adhésion à l’Union européenne ont contribué positivement
à l’introduction d’une politique de genre dans les pays de cette
région en mutation. Il a notamment contribué:
- à l’introduction d’une nouvelle législation de genre;
- à l’introduction de mécanismes institutionnels pour le
développement de l’égalité de genre;
- à offrir un soutien aux organisations de défense des droits
des femmes en renforçant leur légitimité et leur influence.
28. Grâce à l’intégration de la donnée «genre» dans leurs travaux,
les institutions de statistiques nationales donnent certains indicateurs
sur l’état de la société. Toutefois, certains sujets demeurent tabous
– notamment les questions de violence à l’intérieur de la cellule
familiale – et ne sont, de fait, pas intégrés dans ces données statistiques.
Cela rend difficile de réels exercices d’analyse.
29. De fait, une des principales difficultés demeure l’évolution
des mentalités qui demande du temps mais également des moyens logistiques
et financiers et une ferme volonté politique. Les stéréotypes traditionnels sur
les rôles respectifs des femmes et des hommes restent présents dans
de nombreux domaines de la société et les programmes scolaires véhiculent
encore des modèles stéréotypés.
3. Participation à
la vie publique et politique
3.1. Croatie
30. A l’heure actuelle, le Parlement croate a 23,84%
de femmes dans sa composition (elles étaient 25,49 % dans la précédente
législature). Les femmes représentent 21 % des présidents de commissions parlementaires.
De même, en 2010, les femmes représentaient 15% des postes d’ambassadeurs
(contre 8 % en 2000).
31. La nomination d’une femme au poste de ministre des Affaires
étrangères et de l’intégration européenne, un poste clé s’il en
est, est indéniablement une évolution dans le bon sens dans un gouvernement
où seulement 18,18 % des membres sont des femmes (une vice-présidente
du gouvernement et trois ministres sur 22 membres).
32. La loi sur l’égalité de genre prévoit qu‘à partir de 2013
les listes des partis politiques à toutes les élections doivent
comprendre 40 % de membres du sexe sous-représenté et prévoit des
sanctions de 20 000 à 50 000 Kunas (3 000 à 7 000 euros) pour les
partis ne respectant pas cette disposition, même si celles-ci ne
sont pas appliquées systématiquement.
3.2. Serbie
33. Au sein du gouvernement mis en place en juillet 2012,
cinq postes de ministres ont été attribués à des femmes, y inclus
un poste de vice-premier ministre en charge de l’intégration européenne.
34. Depuis mai 2012, le Parlement serbe est composé de 84 femmes,
soit 34 % des parlementaires (en nette progression par rapport à
la législature précédente qui était composée à 20,4 % de femmes).
La loi électorale pour l’élection des députés nationaux de 2004
prévoit que les listes des partis politiques contiennent au moins
30 % de représentants de chaque sexe et que la quatrième place de
chaque bloc de quatre places soit réservée au sexe le moins représenté.
Si ces conditions ne sont pas remplies, la Commission électorale de
la République doit déclarer l’invalidité de la liste. La progression
du nombre de femmes montre que les quotas assortis des sanctions
les plus strictes permettent de progresser vers une réelle égalité.
35. Au niveau local, les mêmes quotas s’appliquent. A l’heure
actuelle, dans les 24 villes (gradovi),
23 maires (gradonačelnik)
sont des hommes et un seul est une femme.
36. Dans le secteur du judiciaire, le nombre de femmes est en
constante augmentation: 64 % des postes de juges et de procureurs;
69 % des juges de première instance; 67 % des juges de tribunaux
commerciaux; et 73 % des juges dans les tribunaux correctionnels.
3.3. «L’ex-République
yougoslave de Macédoine»
37. Le parlement
compte 38 femmes (30,9 %) depuis les élections législatives de 2011
et six femmes sont membres du gouvernement, dont la vice-premier
ministre chargée de l’intégration européenne. La loi électorale
prévoit un quota de 30 % du sexe sous-représenté dans les listes
électorales avec refus de l’enregistrement de la liste par la commission
électorale centrale en cas de non respect de ce quota.
3.4. Slovénie
38. Un système de quotas pour les listes de candidats
des partis politiques a été instauré en 2006 avec une obligation
de 25 % des candidats devant être du sexe sous-représenté et prévoyant
le rejet de la liste si le quota n’est pas rempli. Aucune femme
n’est ministre du gouvernement actuel, mais cinq femmes sont secrétaires
d’Etat (au développement économique et à l’industrie; à l’éducation,
à la science, à la culture et au sport; à la Santé; à l’Intérieur;
et au Travail et aux affaires familiales et sociales). Lors des
dernières élections en 2011, 29 femmes (32,2 %) ont été élues au
parlement. Une seule femme est membre du Sénat
(soit 2,5 %).
39. Pour la constitution des listes électorales, la loi prévoit
qu’à partir de 2014, la première moitié de la liste présente un
homme puis une femme alternativement.
3.5. Monténégro
40. Au Monténégro, le parlement compte 11 femmes (13,58 %)
depuis les élections d’octobre 2012 (en légère progression par rapport
au 12,3 % de la législature précédente) et deux femmes sont ministres
au sein du gouvernement. A l’automne 2001, le parlement a introduit
un quota électoral pour les femmes dans la loi électorale, prévoyant
30 % de femmes sur les listes électorales mais aucun ordre n’est
imposé dans la composition de la liste. La Commission électorale
peut refuser une liste qui ne respecte pas ces conditions.
3.6. Bosnie-Herzégovine
41. Le parlement actuel compte neuf femmes (soit 21,4 %)
et deux femmes sont membres du Sénat. Le gouvernement investi en
février 2012 ne compte aucune femme parmi ses membres. La loi électorale
prévoit qu’un tiers des listes soit du sexe sous-représenté mais
ne prévoit pas de sanction en cas de non respect du quota.
3.7. Remarques d’ordre
général
42. En ce qui concerne la participation à la vie publique
et politique, quelques chiffres clés montrent une évolution encourageante
même si, malgré certaines avancées, la représentation des femmes
dans le processus de décision politique reste globalement inéquitable.
Au niveau des systèmes de quotas, il apparaît que les systèmes les
plus stricts soient les seuls à assurer une progression de la représentation
des femmes dans les institutions publiques. A ce sujet l’exemple
du Parlement serbe est remarquable.
43. Les femmes font encore face à des obstacles significatifs
pour apporter leur contribution réelle et significative à la vie
politique et publique. Les quotas de femmes dans les listes électorales
ont été imposés dans les textes législatifs mais ne sont pas reflétés
dans la composition des parlements nationaux. Le fait que les lois
ne soient pas mises en œuvre s’explique soit par l’absence de sanctions
soit par des sanctions pas assez contraignantes.
4. Violence à l’égard
des femmes
4.1. Croatie
44. Le cadre juridique comprend une loi spécifique sur
la protection contre la violence domestique, certaines dispositions
du Code Pénal et la Loi sur l’égalité de genre. La question de la
violence domestique est suivie depuis 2004. La première Stratégie
nationale de protection contre la violence domestique couvre la
période 2011-2016. Les instances de police doivent se conformer
scrupuleusement à un Code de conduite détaillé dans les cas de violence
domestique.
45. Soulignons le «Protocole sur les procédures à suivre en cas
de violence domestique» de 2008 qui vise à assurer la meilleure
protection possible aux victimes et de coordonner les mesures à
prendre par les différents services concernés. Ce protocole appelle
à une coopération entre les forces de police, les centres de protection
sociale, les établissements de santé et d’enseignement et les instances
judiciaires. A noter également l’adoption en 2010 d’une procédure
de fonctionnement standard pour la police, présentant dans le détail
les divers modes d’intervention des fonctionnaires à partir du signalement
de la violence: arrivée sur les lieux, prise en charge de l’auteur
et de la victime, recueil du témoignage de la victime, transfert
de l’auteur au commissariat pour la suite de l’enquête
.
46. Toutefois, les organisations non gouvernementales (ONG) rencontrées
lors de ma visite en Croatie ont souligné que les femmes n’ont pas
confiance en ces institutions. De nombreux témoignages attestent
trop souvent d’un accueil inadéquat par la police ou les services
sociaux qui minimisent les faits lorsqu’ils se déroulent au sein
de la cellule familiale ou si la victime ne présente pas de traces
physiques graves de violence.
4.2. Serbie
47. Selon une étude de 2004 de la Société de victimologie,
une femme sur deux souffre de violence psychologique en milieu familial,
une femme sur trois souffre de violence physique et une femme sur
quatre est menacée de violence.
48. Selon la législation en vigueur, la violence conjugale est
une infraction passible d'une peine d'emprisonnement de six mois
à 10 ans, selon la gravité. La loi sur la famille adoptée en 2005
met en place un système de protection juridique de la famille contre
la violence familiale qui:
- interdit
strictement la violence domestique,
- accorde un droit à la protection contre la violence familiale
aux membres de la famille,
- prévoit cinq mesures juridiques de protection contre la
violence domestique,
- réglemente les procédures judiciaires relatives à la protection
contre la violence domestique.
49. La Serbie a également lancé une stratégie nationale pour lutter
contre la violence sexuelle et liée au genre, en coopération avec
le Programme des Nations Unies pour le développement (2009-2011).
4.3. «L’ex-République
yougoslave de Macédoine»
50. La réforme du droit de la famille en 2004 a permis
la première législation sur la violence domestique et a donné lieu
à une série de mesures individuelles de protection des victimes.
Elle définit juridiquement la violence domestique
et
donne la possibilité au Centre pour le travail social et aux ONG
travaillant dans le domaine de l'éducation et de la prévention de
la violence domestique de mettre en place un système coordonné de
protection des victimes.
51. La première enquête sur la violence domestique a été réalisée
en 2000. Cette enquête – qui portait sur 600 femmes – a montré que
72,28 % des femmes avaient subi une agression physique ou des menaces
au sein de la famille, 10,4 % avaient été victimes d'une agression
sexuelle ou de menaces, 12,87 % avaient subi des agressions physiques
ou sexuelles et 4,46 % n'ont pas répondu au questionnaire. C’est
également en 2000 qu’a été ouvert le premier centre d'hébergement
(maison pour les femmes victimes de violence domestique) accueillant
les femmes et leurs enfants avec une antenne d’assistance psychologique,
médicale et juridique aux victimes.
52. De 2000 à 2011, 3 011 femmes ont été accueillies dans ces
centres pour des séjours allant d‘un jour à plusieurs années. En
2007, six centres pour les femmes victimes de violences domestiques
ont été ouverts au niveau national. Actuellement, quatre abris institutionnels
et un abri mis en place par une ONG sont ouverts. Au cours des cinq
dernières années, plusieurs centres d’aide juridique pour les victimes
de violence domestique ont été mis en place par ONU Femmes, mais
certains ont fermé lorsque le financement a pris fin
.
4.4. Slovénie
53. Un programme national pour la prévention de la violence
familiale (2009-2014) a été adopté en 2009 sous l’autorité du ministère
du Travail et des Affaires familiales et sociales. Il met en place
des mesures et des objectifs pour réduire la violence familiale
et établit un groupe de travail pour mettre en œuvre des actions
dans les ministères. Le gouvernement doit présenter au parlement
un rapport sur ce plan d’action national tous les deux ans.
4.5. Monténégro
54. Le Code pénal a été amendé en 2002 pour intégrer
la violence domestique au sein de la famille en tant qu’infraction
criminelle. En 2010, le Monténégro a adopté une loi sur la prévention
de la violence domestique inspirée de celles adoptées par les pays
voisins. Le parlement a ensuite adopté une stratégie nationale de prévention
de la violence domestique.
55. Des statistiques fournies par Monstat (statistiques nationales)
montrent que les femmes représentent un tiers des victimes des infractions,
75 % des victimes de violence domestique et 95 % des violences sexuelles.
En 2010, la police monténégrine a enregistré 385 plaintes pour violence
domestique dont 79,6 % des victimes étaient des femmes. 94 % des
auteurs des ces crimes étaient des hommes et 31 % d’entre eux avait
déjà été condamnés pour la même infraction.
4.6. Bosnie-Herzégovine
56. La loi sur la protection contre la violence domestique
de 2005 contient des dispositions concernant les mesures de protection
contre la violence domestique et les sanctions à l’égard des auteurs.
Un plan d’action pour atteindre l’égalité de genre (2012-2017) a
été adopté par le gouvernement en juillet 2012. Il contient une section
particulière sur la violence à l’égard des femmes. Cette section
prévoit les différentes activités, agences responsables de la mise
en œuvre et le calendrier des actions à mener jusqu’en 2017, dont
la ratification de la Convention d’Istanbul.
57. Une autre forme de violence fut celle des viols de guerre
commis lors du conflit bosniaque. La pratique des violences sexuelles
utilisées comme un instrument de nettoyage ethnique a été qualifiée
de «torture» et de «crime contre l’Humanité» par le Tribunal pénal
international, à l’issue d’un procès contre trois militaires serbes
en 2001. Toutefois, la justice nationale n’a pas été rendue et les
auteurs de ces atrocités n’ont pas été jugés. De plus, de nombreuses
femmes se trouvent quotidiennement face à leurs bourreaux de l’époque.
Mais il demeure difficile de trouver des interlocuteurs, en Bosnie
ou dans les autres pays ayant subi cette guerre, pour aborder ce
sujet tant il demeure tabou.
4.7. Remarques d’ordre
général
58. La violence à l’égard des femmes est un fléau qui
touche de nombreuses femmes dans la région. Ici, comme ailleurs,
cette pratique demeure acceptée dans certaines catégories de la
population et n’est, de fait, que partiellement déclarée et enregistrée.
De nombreuses ONG travaillent à la sensibilisation des femmes à leurs
droits. Elles tentent de sensibiliser également les acteurs politiques
à cette réalité. Il convient également de s’attaquer aux tabous
culturels persistants par le biais de l’éducation et ce, dès le
premier âge. Le soutien des pouvoirs publics est indispensable et
notamment l’implication du ministère de l’Education dans la lutte contre
la violence domestique, par exemple au niveau de l’enseignement
scolaire.
59. Même si différents programmes sont mis en place pour former
les juges et procureurs ainsi que les forces de police, les femmes
sont encore réticentes à porter plainte, notamment du fait de la
lenteur des actions en justice pendant lesquelles les victimes ne
sont pas protégées du conjoint violent qui n’est pas écarté. Les statistiques
montrent que, dans la majorité des affaires de violence domestique,
les agresseurs restent au domicile même s’ils ne sont pas propriétaires
ou même locataires attitrés. En l’absence de protection des victimes
et de procédures de référé ou d’urgence pour les affaires de violence
domestique, les victimes restent vulnérables.
5. Participation au
marché du travail et autonomisation économique
5.1. Croatie
60. L’écart de salaire entre les hommes et les femmes
est de 12 % en moyenne à parité de travail. De plus, les femmes
sont généralement recrutées à des niveaux plus bas que les hommes
à qualification égale et même si elles atteignent des niveaux universitaires
supérieurs.
61. Selon la Banque Mondiale
, en 2010 le salaire
moyen d’une femme était de $US 12 934 contre $US 19 360 pour un
homme.
62. Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est une pratique
répandue. En 2011, la Médiatrice pour l’Egalité des genres de Croatie
avait enregistré 80 plaintes pour harcèlement sexuel sur le lieu
de travail. La première condamnation pour ce type de délit par les
tribunaux croates date du 3 mars 2011 (l’accusé a été condamné à
six mois de prison) et constitue un précédent encourageant pour
les femmes qui craignent encore de porter plainte par peur de représailles.
5.2. Serbie
63. Les femmes représentent 55 % de la population active
mais seulement 30 % des femmes occupent des postes de direction.
Selon la Banque Mondiale
en 2010,
le salaire moyen est de $US 7 654 pour une femme et de $US 12 900
pour un homme.
5.3. «L’ex-République
yougoslave de Macédoine»
64. Le taux d’emploi des femmes est inférieur à celui
des hommes: en 2008 les hommes représentaient 50,7 % de la population
employée alors que les femmes n’en représentaient que 32,9 %. En
termes de population active, 76,6 % des hommes sont considérés comme
actifs alors que seulement 50,2 % des femmes le sont. L’écart des
salaires entre hommes et femmes est de l’ordre de 20 % et plus.
65. Selon la Banque Mondiale
en
2010, le salaire moyen d’une femme est de $US 5 956 contre $US 12 247 pour
un homme.
66. Par ailleurs, dans son rapport de 2008 sur «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», Amnesty International indique qu'il y
a discrimination constante envers les filles et jeunes femmes Roms,
qui sont privées d'éducation, de travail ou d'assurance-santé. Il
est estimé que plus de 66 % de ces femmes ne peuvent trouver du
travail que sur le marché de l’économie dite «grise».
5.4. Slovénie
67. La législation visant à défendre et promouvoir les
droits des femmes ainsi que leur participation au marché du travail
et à la vie politique représente également un réel progrès vers
l’égalité de genre. Toutefois, cette législation n’a encore qu’un
impact limité sur la situation des femmes représentant moins d’un
tiers des chefs d’entreprise et hauts fonctionnaires et peu de responsables
politiques malgré une scolarité et une éducation plus poussées que
les hommes.
68. Sur le marché du travail, il y a une concentration des femmes
dans certains secteurs d’activité ou à certains niveaux de la hiérarchie
professionnelle, indépendamment du secteur d’activité concerné.
Les femmes dominent dans les industries de services, y compris la
santé, le travail social, l’éducation, l’intermédiation financière,
la restauration et le tourisme. Elles représentent moins d'un tiers
de la population active dans les secteurs de l'ingénierie et de
la construction.
5.5. Monténégro
69. Les femmes représentent 46 % de la population active
en 2011 contre 54 % pour les hommes
. L’écrasante majorité de la main
d'œuvre féminine est employée au titre de contrats à durée déterminée,
ce qui non seulement les placent dans des situations précaires et
entrave leur autonomie financière, mais en pratique cela entrave
également la jouissance du droit à un congé maternité.
5.6. Bosnie-Herzégovine
70. Dans un pays où le taux de chômage est particulièrement
élevé (43 %), les femmes sont moins nombreuses à entrer sur le marché
du travail
.
Le taux de chômage des femmes en 2010 s’élevait à 30 % contre 25,6 %
pour les hommes. Les femmes sont victimes de discrimination au travail,
leurs salaires sont plus faibles que ceux des hommes pour le même
type de travail et elles reçoivent moins de promotions. Les emplois des
femmes sont les premiers à être éliminés lors d’une restructuration.
5.7. Remarques d’ordre
général
71. En termes de conditions d’accès au marché du travail
et à l’emploi, des caractéristiques communes se retrouvent dans
l’ensemble de la région:
- le
taux d’emploi des femmes est relativement bas;
- les femmes font des études plus avancées que les hommes
mais n’accèdent pas aux postes à responsabilité correspondants;
- les responsabilités des femmes dans la famille demeurent
plus importantes que celles des hommes;
- les femmes rurales sont plus marginalisées que les femmes
urbaines, notamment du fait du faible niveau d'instruction et d’un
environnement social plus traditionnel. Elles ont un accès limité
à la propriété de la terre, à la formation, aux techniques agricoles
modernes, aux financements et aux équipements. Dans l'agriculture,
elles travaillent généralement comme ouvriers non qualifiés;
- les femmes sont plus souvent recrutées pour des contrats
à durée déterminée ce qui permet de contourner le droit au congé
maternité inscrit dans les lois;
- le harcèlement sexuel demeure une pratique répandue et
peu sanctionnée.
6. Conclusions
72. Au lendemain de la guerre qui a suivi l’éclatement
de la Yougoslavie, les pays de la région ont relevé le double défi de
la transition vers l’économie de marché et la consolidation de la
démocratie.
73. En moins de dix ans, de sérieux progrès ont été faits dans
l’introduction de cadres législatifs pour mettre en conformité les
textes par rapport aux normes internationales et européennes, mais
l’égalité de genre est encore loin d‘être une réalité. Les gouvernements
ont tendance à gérer les situations économiques et politiques –
surtout en cette période difficile de crise financière et économique
– sans intégrer la dimension genre, alors que celle-ci doit être
abordée de façon globale et transversale.
74. Malheureusement, l’absence de contrôle effectif de la mise
en œuvre des lois et de réels moyens financiers et techniques rend
l’application des lois adoptées, souvent conformes aux normes du
Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, lente et incohérente.
75. Les statistiques intégrant la notion de genre ne sont pas
toujours disponibles. Un relevé régulier et détaillé des données
de genre est pourtant un point de départ crucial pour une réelle
politique globale de genre.
76. Les pays de la région devraient intensifier leurs efforts
pour sensibiliser davantage l’ensemble des acteurs économiques et
sociaux à la nécessité d’autonomiser les femmes. Celles-ci doivent
réaliser leur plein potentiel dans la participation politique, économique
et sociale au développement global national et même régional.
77. Conformément aux priorités du Conseil de l’Europe et à la
situation décrite dans le présent rapport, des mesures devraient
être prises notamment en vue:
- d’intensifier
les efforts pour la participation des femmes à la vie politique,
aux niveaux national et local, ainsi que leur participation à la
vie publique;
- de promouvoir des actions et des campagnes de sensibilisation
à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique, ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique et gérer la question de la violence à l’égard
des femmes de façon globale et transversale;
- de lutter activement contre le harcèlement sexuel, notamment
sur le lieu de travail;
- de développer les mesures de lutte contre la discrimination
envers les femmes et les discriminations multiples en vue d’en faire
des actrices économiques et sociales à part entière;
- de sensibiliser la population aux droits des femmes, notamment
en organisant des campagnes d’information et en intégrant la dimension
genre dans les curricula scolaires et universitaires;
- de poursuivre et intensifier les efforts visant à promouvoir
l’égalité de genre en travaillant à réduire l’écart de salaire entre
hommes et femmes et en encourageant les femmes à accéder à des postes
aux plus hauts niveaux et dans tous les domaines;
- d’allouer les ressources humaines et financières nécessaires
à la mise en œuvre des plans d’action nationaux en matière d’égalité
et en assurer l’évaluation régulière, notamment en soutenant financièrement
les ONG actives dans ces domaines;
- de permettre l’accès au marché du travail des femmes rurales,
en favorisant tout particulièrement leur accès à un niveau d'instruction
élémentaire, à la propriété foncière, à la formation, aux techniques agricoles
modernes, aux financements et aux équipements.