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Résolution 1917 (2013) Version finale
Le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan
1. L’Azerbaïdjan a adhéré au Conseil
de l’Europe le 21 janvier 2001. Lors de son adhésion, il s’est engagé à
respecter les obligations que l’article 3 du Statut du Conseil de
l’Europe impose à chaque Etat membre concernant la démocratie pluraliste,
la prééminence du droit et les droits de l’homme. Il a également
pris un certain nombre d’engagements spécifiques dont la liste figure
dans l’Avis n° 222 (2000) de l’Assemblée parlementaire relatif à la demande d’adhésion
de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe.
2. Conformément à la procédure de suivi établie dans la Résolution 1115 (1997) et modifiée par les Résolutions 1431 (2005) et 1515 (2006), l’Assemblée a évalué les progrès accomplis
par l’Azerbaïdjan dans l’exécution de ses obligations et de ses
engagements dans les Résolutions
1305 (2002) et 1545 (2007) sur le respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan,
et dans les Résolutions
1358 (2004), 1398 (2004), 1456 (2005), 1614 (2008) et 1750 (2010) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Azerbaïdjan.
3. L’Assemblée reconnaît le contexte géopolitique de l’Azerbaïdjan,
qui est situé au carrefour de l’Europe et de l’Asie, placé entre
la Fédération de Russie, l’Iran et l’Arménie, et peuplé par des
habitants dont l’écrasante majorité est musulmane. L’Assemblée est
également tout à fait consciente du conflit en cours avec l’Arménie
à propos de la région du Haut-Karabakh, affrontement qui domine
dans une large mesure l’agenda de la politique extérieure de l’Azerbaïdjan.
L’Assemblée regrette que les négociations n’aient jusqu’ici donné aucun
résultat tangible et que les résolutions de l’Assemblée parlementaire,
du Parlement européen, de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de sécurité des Nations
Unies n’aient toujours pas été mises en œuvre.
4. L’Assemblée rappelle avec satisfaction que les autorités ont
toujours exprimé leurs aspirations pro-européennes et poursuivi
une politique d’intégration avec les structures euro-atlantiques.
Les relations avec l’Union européenne sont régies par l’Accord de
partenariat et de coopération entre l’Union européenne et l’Azerbaïdjan.
En outre, l’Azerbaïdjan participe à la politique européenne de voisinage
depuis son lancement en 2004, contribue au partenariat oriental
depuis 2009 et est membre fondateur d’Euronest.
5. Depuis son adhésion, l’Azerbaïdjan a accompli des progrès
importants concernant la signature et la ratification des instruments
juridiques du Conseil de l’Europe. L’Azerbaïdjan a signé et a ratifié
tous les instruments juridiques, sauf un, inclus dans sa liste d’engagements.
L’Assemblée invite l’Azerbaïdjan à ratifier la convention restante
– la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE
no 148) –, qu’il a signée en 2001.
6. Des progrès ont clairement été accomplis dans l’établissement
d’un cadre législatif dans certains domaines cruciaux pour le fonctionnement
d’institutions démocratiques conformes aux normes européennes. En
particulier, l’instauration en 2005 du Conseil juridique et judiciaire
a constitué une étape importante dans la réforme judiciaire du pays.
D’autres progrès ont été accomplis dans ce domaine, comme en témoignent
les actes juridiques, adoptés récemment, qui prévoient une procédure
révisée de recrutement des juges et modifient la loi relative à
la lutte contre la corruption ainsi que le Code pénal concernant
l’incrimination de la corruption. L’Assemblée félicite les autorités
azerbaïdjanaises de leur coopération fructueuse avec la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
La demande d’assistance récente des autorités pour rédiger une nouvelle
loi sur la diffamation est un bon exemple de cette coopération.
7. Malheureusement, les progrès concernant l’application de certaines
lois n’ont pas été satisfaisants. L’application restrictive ou les
violations de certaines d’entre elles soulèvent des préoccupations
croissantes concernant l’Etat de droit et le respect des droits
de l’homme.
8. Depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe,
aucune élection législative ou présidentielle n’a été totalement
conforme aux normes démocratiques, comme l’ont confirmé les arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme dans sept affaires sur
les 35 considérées comme recevables, liées aux élections législatives
de 2005. De nombreuses affaires liées aux élections de 2010 sont
en instance devant la Cour. Il y a lieu de remédier, avant les prochaines
élections, à un certain nombre de carences et de dysfonctionnements
dans le processus électoral, notamment en ce qui concerne le code
électoral, la composition des commissions électorales, l’inscription
des candidats, le rôle des observateurs et la procédure de plainte
et de recours.
9. L’Assemblée est profondément convaincue qu’il est dans l’intérêt
supérieur du processus démocratique et du parti au pouvoir lui-même
d’affronter l’opposition au sein d’un organe représentatif et d’établir
un vrai dialogue politique au sein du parlement. Cependant, depuis
les dernières élections législatives de 2010, certains partis d’opposition
azerbaïdjanais bien connus ne sont pas représentés au parlement
et le parti au pouvoir est le seul qui peut légitimement constituer
un groupe politique. Les élus indépendants, même s’ils critiquent
souvent le gouvernement, ont peu de chances de faire entendre leur
voix.
10. Malheureusement, il n’y a pas de dialogue politique avec les
partis d’opposition en dehors du parlement. L’Assemblée est préoccupée
par le cadre restrictif imposé aux activités de l’opposition extraparlementaire,
qui se plaint des entraves imposées à la liberté d’expression et
à la liberté de réunion, et du manque d’accès aux médias publics.
11. Il faut, pour établir un système politique ouvert à tous et
un environnement politique vraiment concurrentiel et non restrictif,
respecter pleinement les libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression,
la liberté de réunion et la liberté d’association. La situation
en Azerbaïdjan est préoccupante et l’Assemblée exprime sa vive inquiétude
à cet égard.
12. Les amendements au Code pénal et au Code administratif récemment
adoptés, qui ont alourdi les sanctions contre les organisateurs
des manifestations «non autorisées» et les personnes qui y participent,
sont préoccupants. Combinés à l’interdiction générale de manifester
dans le centre de Bakou, décrétée par les autorités, ces amendements
risquent d’avoir une incidence négative supplémentaire sur la liberté
de réunion et la liberté d’expression. L’utilisation restrictive
de certains articles du Code pénal, en particulier les articles 221
et 233, contre les personnes qui participent à des manifestations
pacifiques, bien que non autorisées, est un autre sujet de préoccupation.
13. L’Assemblée rappelle que l’indépendance de la justice est
une des conditions préalables fondamentales de l’Etat de droit et
du principe démocratique de séparation et d’équilibre des pouvoirs.
Le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire est un problème en
Azerbaïdjan, où le pouvoir exécutif, dans certains cas particuliers,
continue de faire pression sur lui. Les questions relatives à l’équité
des procès, notamment pendant leur phase préliminaire, et à l’égalité
des armes sont aussi d’importants sujets d’inquiétude.
14. L’Assemblée est alarmée par les informations émanant de défenseurs
des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales
(ONG) nationales et internationales selon lesquels des chefs d'inculpation
seraient fabriqués de toutes pièces contre des militants et des
journalistes. La mise en œuvre restrictive des libertés combinée
au manque d’équité des procès et à l’ingérence injustifiée du pouvoir
exécutif débouchent sur la détention systématique de personnes qui
peuvent être considérées comme des prisonniers d’opinion.
15. Des cas présumés de torture et d’autres formes de mauvais
traitements dans les commissariats de police, pendant l’enquête
et dans les établissements pénitentiaires, ainsi que l’impunité
des auteurs sont également une cause de vive inquiétude.
16. L’Assemblée est préoccupée par les critiques formulées aux
niveaux national et international concernant les irrégularités observées
pendant la campagne d’expropriation engagée à Bakou en 2009. Elle demande
instamment aux autorités de garantir la transparence du processus,
la conformité avec la Constitution et la loi interne, et le respect
absolu des droits de l’homme. Elle demande également la révision des
affaires dont la conformité avec la loi soulève des doutes fondés
et des préoccupations légitimes, ainsi que des enquêtes sur les
allégations d’abus et de violations commis dans le cadre des procédures
d’expropriation et de reconstruction, suivies d’indemnisations adéquates
et de poursuites judiciaires contre ceux qui ont violé la loi.
17. Malgré le fait que les progrès accomplis dans la mise en place
d’un cadre législatif visant à lutter contre la corruption et la
criminalité organisée sont indéniables, le principal défi réside
désormais dans son application effective. Les résultats de la campagne
de lutte contre la corruption, lancée en 2011, se font encore attendre.
18. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande aux autorités
azerbaïdjanaises:
18.1. concernant
le fonctionnement de la démocratie pluraliste:
18.1.1. de remédier aux carences et
aux dysfonctionnements recensés par les observateurs internationaux
au cours des dernières élections législatives et présidentielle,
et de modifier le Code électoral conformément aux recommandations
de la Commission de Venise en temps voulu pour la prochaine élection
présidentielle;
18.1.2. de créer un environnement politique ouvert à tous et non
restrictif, et d’établir un vrai dialogue avec l’opposition extraparlementaire;
18.1.3. de traiter la question du financement des partis politiques
conformément à la Recommandation Rec(2003)4 du Comité des Ministres
sur les règles communes contre la corruption dans le financement
des partis politiques et des campagnes électorales;
18.1.4. de renforcer l’application réelle du principe de séparation
des pouvoirs, garanti par la Constitution, et d’accentuer le contrôle
parlementaire du pouvoir exécutif, en particulier:
18.1.4.1. de réviser le règlement intérieur
du parlement en vue de renforcer les possibilités d’action parlementaire
des députés qui ne sont pas membres du groupe parlementaire du parti
au pouvoir;
18.1.4.2. de réviser le règlement intérieur du parlement en vue
d’abaisser le nombre de députés exigé pour créer un groupe parlementaire
jusqu’à entre 3 et 5 % comme dans les autres Etats européens;
18.2. concernant le pouvoir judiciaire:
18.2.1. de garantir l’indépendance totale du pouvoir judiciaire,
notamment vis-à-vis du pouvoir exécutif, et de s’abstenir de toute
pression à son égard;
18.2.2. d’inscrire dans la loi que le Conseil juridique et judiciaire
joue un rôle de garant de l’indépendance de la justice, et d’appliquer
cette disposition de manière effective;
18.2.3. de fixer un âge de départ à la retraite valable pour tous
les juges;
18.2.4. d’effectuer une analyse des carences de la pratique judiciaire
et d’accorder toute l’attention requise aux rapports sur des dysfonctionnements
présumés ayant débouché sur des procès inéquitables, en vue d’y
remédier;
18.2.5. d’élaborer une stratégie en matière de ressources humaines
qui encourage le professionnalisme, l’indépendance et l’intégrité,
et d’établir un mécanisme cohérent et uniforme d’évaluation de l’action
des juges, lié à l’évolution de carrière;
18.2.6. de créer un système unique et efficace d’attribution aléatoire
des affaires à l’échelle nationale;
18.2.7. de s’abstenir de toute pression sur les avocats qui défendent
les militants et les journalistes qui critiquent les autorités, et
de veiller à ce que tous les cas de pression signalés fassent l’objet
d’une enquête effective en vue de traduire leurs auteurs en justice
conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5);
18.2.8. de mener des enquêtes efficaces dans toutes les affaires
de corruption présumée au sein du système judiciaire;
18.2.9. d’encourager la participation de la société civile à la
définition et au suivi d’autres stratégies visant à réformer le
système judiciaire;
18.3. concernant la corruption et la criminalité organisée:
18.3.1. d’intensifier leurs efforts
pour appliquer effectivement les lois existantes relatives à la lutte
contre la corruption;
18.3.2. de donner suite aux recommandations du Groupe d'Etats
contre la corruption (GRECO);
18.3.3. de poursuivre leurs travaux concernant l’élaboration d’un
projet de loi sur la prévention des conflits d’intérêts;
18.3.4. d’encourager la participation de la société civile à la
définition et au suivi des stratégies concernant la lutte contre
la corruption et la criminalité organisée;
18.4. concernant les prisonniers politiques présumés et les
prisonniers d’opinion:
18.4.1. d’examiner
les affaires concernant les défenseurs des droits de l’homme, les
militants et les journalistes placés en détention à la suite de
procès pénaux dont la conformité avec les normes de protection des
droits de l’homme est contestée par la société civile et la communauté internationale;
18.4.2. d’utiliser tous les outils juridiques disponibles pour
libérer les prisonniers dont la détention soulève des doutes fondés
et des préoccupations légitimes;
18.4.3. de libérer pour des motifs humanitaires les prisonniers
politiques présumés dont l’état de santé est préoccupant;
18.4.4. de mettre pleinement en œuvre les résolutions de l’Assemblée
se rapportant aux prisonniers politiques présumés en Azerbaïdjan;
18.5. concernant la torture et les mauvais traitements infligés
par les agents des forces de l’ordre:
18.5.1. de poursuivre les efforts déployés pour mettre fin aux
abus commis par des agents des forces de l’ordre en appliquant de
manière effective les mesures visant à éliminer l’impunité et l’absence
de responsabilité pour ces abus, notamment en menant une enquête
en bonne et due forme dans chaque cas;
18.5.2. de mener des enquêtes effectives dans toutes les affaires
concernant des actes de torture ou de mauvais traitement présumés
en vue de traduire leurs auteurs en justice;
18.5.3. d’adopter des mesures et des garanties procédurales plus
efficaces contre les mauvais traitements et la torture dans les
commissariats de police, en conformité avec les normes européennes,
telles que l’installation de caméras;
18.5.4. d’encourager la société civile à assurer un suivi et de
développer les mesures de sensibilisation et de formation;
18.5.5. de poursuivre les efforts déployés dans la mise en œuvre
du mécanisme national de prévention de la torture et des mauvais
traitements, et d’associer la société civile à ce processus;
18.6. concernant la liberté d’expression:
18.6.1. de poursuivre leurs efforts visant à élaborer une nouvelle
loi sur la diffamation, en coopération avec la Commission de Venise;
18.6.2. de créer des conditions favorables à l’exercice du métier
de journaliste et de s’abstenir de toute forme de pression;
18.6.3. de mettre fin aux poursuites à l’encontre des journalistes
ou d’autres personnes exprimant des avis critiques;
18.6.4. de mener des enquêtes effectives sur les meurtres de MM.
Elmar Huseynov et Rafiq Tagi, et de traduire les auteurs en justice;
18.6.5. de mener des enquêtes effectives sur tous les cas de passage
à tabac signalés par des journalistes et de traduire les auteurs
en justice;
18.7. concernant la liberté de réunion:
18.7.1. de garantir le respect de la liberté de réunion, en particulier:
18.7.1.1. de trouver une solution de compromis
permettant d’autoriser des manifestations dans certains secteurs
du centre de Bakou, qui respecte les exigences de sécurité et soit
acceptable pour les organisateurs et pour les pouvoirs publics;
18.7.1.2. de s’abstenir de recourir de manière disproportionnée
à la force par la police contre des manifestants pacifiques;
18.7.1.3. de s’abstenir de faire un usage restrictif de certains
articles du Code pénal, en particulier les articles 221 et 233,
contre les participants à des manifestations pacifiques, même non
autorisées;
18.8. concernant la liberté d’association:
18.8.1. de réviser la loi relative aux
ONG en vue de répondre aux préoccupations exprimées par la Commission
de Venise;
18.8.2. d’améliorer et de faciliter le processus d’enregistrement
des ONG internationales;
18.8.3. de créer un environnement propice aux activités des ONG,
y compris celles exprimant des avis critiques;
18.9. concernant la liberté de conscience et de religion:
18.9.1. de réviser la loi sur la liberté
de religion en tenant compte des préoccupations exprimées par la
Commission de Venise;
18.9.2. d’améliorer et de faciliter les procédures d’enregistrement
pour les groupes religieux minoritaires.
19. L’Assemblée encourage les autorités à intensifier leurs efforts
pour mettre en œuvre la législation dans les domaines qui sont cruciaux
pour le bon fonctionnement des institutions démocratiques. Dans
ce contexte, l’Assemblée décide de poursuivre son suivi du respect
des obligations et des engagements de l’Azerbaïdjan.