1. Introduction
1. Le 11 mai 2010, M. Luca Volontè et plusieurs de ses
collègues ont déposé une proposition de recommandation sur «Les
jeunes Européens: un défi éducatif à relever d’urgence», qui a été
renvoyée à la commission pour rapport le 21 juin 2010. Cette dernière
a désigné Mme Elvira Kovács comme rapporteure sur ce thème à sa
réunion du 22 juin 2010
. Je l’ai remplacée
le 2 octobre 2012. Je remercie Mme Kovács pour sa contribution à
la préparation de l’avant-projet de rapport. Dans le cadre de la
célébration du 40e anniversaire du secteur
de la jeunesse du Conseil de l’Europe, une audition le 27 juin 2012
avec la participation de M. Jean-Claude Mignon, Président de l’Assemblée
parlementaire, de Mme Snežana Samardžić-Marković, directrice générale
de la démocratie au Conseil de l’Europe, de Mme Maria Paschou, présidente
du Conseil consultatif pour la jeunesse, de Mme Hranush Shahnazaryan,
présidente de Loesje, et de M. Alberto Cottica, modérateur du projet
«Edgeryders». Ces travaux ont été utiles à l’élaboration du présent
rapport.
2. L’Assemblée parlementaire a maintes fois reconnu que les perspectives
d’avenir des jeunes Européens d’aujourd’hui étaient de plus en plus
incertaines. Les questions en suspens de la nécessaire évolution
de la structure démocratique, démographique et économique de l’Europe,
et l’austérité croissante appliquée aux dépenses publiques, compromettent
directement les perspectives éducatives et professionnelles des
jeunes européens. Le passage de l’éducation formelle à l’emploi
s’avère chaque fois plus difficile, et les taux élevés du chômage
des jeunes en Europe discréditent naturellement l’enseignement formel,
et posent la question de la qualité du système actuel. Même si de
nombreux pays ont cherché à résoudre ces difficultés en adoptant des
réformes organisationnelles et structurelles, les systèmes actuels
d’éducation formelle ont du mal à répondre aux nouveaux besoins.
3. Le présent rapport propose des solutions politiques susceptibles
d’aider les jeunes à acquérir – par le biais de l’éducation formelle,
non formelle et informelle, et d’autres formes d’apprentissage –
toutes les compétences et qualifications nécessaires pour relever
les défis de l’Europe du XXIe siècle,
jouir d’une citoyenneté active et participer pleinement à la société.
Le présent rapport vise à définir dans les grandes lignes des propositions
de mesures envisageables concernant les politiques éducatives en
Europe
. Néanmoins, l’éducation, quoique très importante,
n’est qu'un des aspects des politiques en Europe visant à réduire
le taux de chômage. Ce taux n'est pas nécessairement directement
lié à la qualité des systèmes scolaires.
2. Attentes
des jeunes en matière d’éducation
4. Les jeunes traversent une étape de leur vie qui se
caractérise par le passage de l’enfance à l’âge adulte. Il s’agit
d’une phase difficile pendant laquelle ils doivent prendre en peu
de temps un grand nombre de décisions importantes qui détermineront
leur avenir. Le système éducatif est censé les aider à faire les
bons choix.
5. Ces dernières décennies, les conditions sur le marché du travail
ont radicalement changé, fragilisant la sécurité et la stabilité
de l’emploi, alors que les mécanismes de soutien disponibles ont
diminué. Ces changements ont non seulement aggravé les difficultés
que doivent surmonter les jeunes d’aujourd’hui, mais ils les ont
également marginalisés davantage et suscité un sentiment d’insécurité
par rapport à l’avenir. Je suis très préoccupée par le fait que
le chômage des jeunes a atteint le niveau moyen historique de 22,4 %
dans les pays de l’Union européenne. Parmi les jeunes actifs, presque
la moitié (42 %) occupent des emplois temporaires par rapport à
11 % des 25-59 ans.
6. Il convient de noter que la situation des jeunes en Europe
est très inégale; il faut donc tenir compte des différences importantes
qui existent entre les pays européens. En effet, alors que le chômage
des jeunes monte en flèche depuis 2007, il reste inférieur à 10 %
en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche et en Norvège. La plupart
des pays européens, surtout au sud, enregistrent toutefois des taux
bien supérieurs à ce chiffre: plus de 50 % en Espagne et dans les
Balkans, ce qui est particulièrement inquiétant
. Compte tenu de cela, il
est évident que les différences dans les taux d'emploi dans toute
l'Europe sont aussi une conséquence de l'orientation économique
passée dans certains Etats (à savoir l’accent sur les industries
à forte main d’œuvre).
7. Je suis aussi très profondément préoccupée par l’augmentation
du nombre de suicides et de cas d’automutilation chez les adolescents.
Au moins 100 000 jeunes se suicident chaque année dans le monde, et
ces chiffres sont en augmentation dans la majorité des pays européens
.
Chez les adolescents, les passages à l’acte sont très souvent liés
à une peur de l’échec. La consommation de drogue y joue un rôle
dans près de 70 % des cas. Les adolescents victimes de violences
et d’intimidations de la part de leurs camarades ont 3,3 fois plus
de risques d’avoir des pensées suicidaires, et des antécédents dépressifs
multiplient par cinq le risque de tentative de suicide. Chaque année,
16 enfants se suicident en moyenne au Royaume-Uni en raison du harcèlement
qu’ils subissent à l’école.
8. Cette situation ébranle le principe selon lequel l’éducation
garantit une vie décente
,
et bouscule les idées et les vérités établies depuis longtemps sur
ce qu’est une éducation de qualité. Depuis quelques années, on accorde
une importance nouvelle au rôle que peut jouer l’éducation en encourageant
l’apprentissage continu, la citoyenneté active et l’esprit d’entreprise;
il a été reconnu que les individus apprennent tout au long de leur
vie, dans le cadre de l’éducation formelle, mais aussi en dehors
de ce cadre. Cette nouvelle approche repose dans une grande mesure
sur l’idée que les individus sont responsables de leur apprentissage,
ce qui exige de dispenser une éducation formelle efficace et de
bonne qualité, capable «d’apporter aux individus les connaissances,
les capacités et les compétences nécessaires pour conceptualiser,
examiner et résoudre les problèmes qui se posent à l’échelle locale
et mondiale»
. Pour beaucoup de jeunes, il s’agit là de
compétences qu’ils ont jusqu’à présent acquises et développées par
le biais de l’éducation non formelle et des activités pour la jeunesse,
qui ont joué un rôle important en comblant les lacunes de l’éducation
formelle.
2.1. Perspectives d’apprentissage:
pourquoi les offres traditionnelles d’éducation formelle perdent-elles
de leur attrait?
9. Le fait que les jeunes puissent influencer leur propre
éducation et leur vie quotidienne renforce leur sentiment d’être
les acteurs du projet éducatif, ce qui suscite chez eux un plus
grand intérêt, une participation plus active, une motivation plus
profonde, et aboutit en fin de compte à un apprentissage plus efficace.
Il reste pourtant difficile pour les jeunes en Europe d’influer
sur leur propre éducation. Les établissements d’enseignement doivent
reconnaître l’expertise et le rôle actif des jeunes en les associant
à la prise de décisions et en leur demandant leur avis sur les méthodes
et les documents pédagogiques utilisés en classe, ainsi que sur
d’autres questions relatives à la vie scolaire.
10. Pour l’OBESSU
, le fait
que l’éducation formelle ne réponde pas aux besoins des différents
apprenants est l’une des lacunes majeures du système. Dans beaucoup
d’établissements scolaires, les méthodes pédagogiques appliquées
sont archaïques et dépassées. Les cours sont axés sur l’écrit, alors
que nombreux sont les élèves qui auraient besoin d’une combinaison
plus diversifiée de matières théoriques, créatives et pratiques
pour les encourager à exploiter différentes capacités et à utiliser
différentes méthodes d’apprentissage à l’école. En outre, quand
l’enseignement consiste à soumettre aux élèves des solutions à retenir
plutôt que des problèmes à résoudre, les élèves sont réduits au
rôle de récepteurs passifs de l’information. Ils devraient au contraire
jouer un rôle actif en classe et dans le cadre de leur propre processus d’apprentissage.
11. Il peut également y avoir un écart entre les attentes des
jeunes et la réalité de l’éducation formelle, notamment de l’enseignement
supérieur, qui peut les conduire à abandonner leurs études. Le coût
financier individuel lié aux études supérieures et à l’achèvement
de l’enseignement secondaire, et l’incertitude quant à leur utilité
pour l’avenir professionnel, doivent être considérés comme des éléments
susceptibles d’influencer le choix des jeunes en ce qui concerne
l’éducation formelle. De ce fait, l’orientation est un outil important
pour informer les étudiants des possibilités dont ils disposent
dans le cadre de l’éducation à la fois formelle et non formelle.
Un service d’information objectif et facilement accessible, où des
professionnels fournissent aux jeunes des conseils et des indications
neutres dans un contexte éducatif, est un moyen de les motiver, d’encourager
leur apprentissage à long terme et de lutter contre le décrochage
scolaire.
2.2. Cadre d’apprentissage:
pourquoi le climat social se détériore-t-il à l’école?
12. L’environnement éducatif joue un rôle majeur dans
l’expérience que font les jeunes de l’éducation et, pour bon nombre
d’entre eux, il détermine leur niveau d’instruction bien plus que
ne le font les programmes scolaires
. On entend par cadre d’apprentissage positif
des bâtiments scolaires sûrs et en bon état de fonctionnement, qui
permettent l’organisation d’une grande diversité de cours et l’application
de nombreuses méthodes pédagogiques, des emplois du temps bien étudiés,
un nombre raisonnable d’enfants par classe, de bons rapports enseignants-élèves
et entre pairs, et une prévention active du harcèlement, de la violence
et de la discrimination.
13. Parmi les éléments qui menacent cet environnement figure la
violence à l’école, qui fait l’objet d’une attention particulière
depuis quelques décennies, notamment depuis que se sont produits
des événements de violence extrême qui ont été très médiatisés (par
exemple les tueries en milieu scolaire survenues en Finlande en
2007 et 2008). Les professionnels, les décideurs et les universitaires
sont toutefois de plus en plus préoccupés par la violence quotidienne
à l’école, notamment le harcèlement sous toutes ses formes
.
Alors que les niveaux de violence physique sont dans l’ensemble
restés stables, la violence non physique a augmenté, comme le harcèlement
verbal. Ces formes mineures de violence sont souvent considérées
comme les manifestations d’un «manque de discipline» plutôt que
comme des expressions de violence. Cependant, comme le montre la
recherche, elles peuvent s’intensifier et verser dans la violence
.
Le «besoin de se sentir important qui découle d’un manque de reconnaissance
peut conduire un individu au harcèlement, la violence étant le chemin
le plus court pour nourrir ce besoin»
. Il apparaît que «la solitude,
le désespoir et le manque d’encouragement à communiquer menant au
renfermement sur soi et, dans le pire des cas, au suicide, et qu’un manque
de rapports avec des groupes accueillants et bienveillants conduit
à la consommation de drogue (sentiment erroné d’union) et à des
grossesses adolescentes»
.
14. La violence et le harcèlement reflètent et reproduisent les
hiérarchies et les normes de la société dans son ensemble
.
Les établissements scolaires doivent combattre activement ces schémas
en élaborant des stratégies et des actions de lutte contre la violence
et la discrimination, afin de promouvoir une culture de respect
mutuel. Outre la discrimination, des travaux de recherche mettent
en évidence d’autres facteurs de violence à l’école, comme le manque
de participation au processus décisionnel de l’établissement, le
nombre d’élèves qui le fréquentent, le niveau de supervision et
de soutien de la part des adultes, et l’environnement de l’établissement
scolaire
.
15. Une récente étude PISA sur les résultats d’apprentissage examine
quelques questions sur le cadre d’apprentissage. Elle montre qu’en
réalité le climat social à l’école s’améliore, avec moins de problèmes
et davantage de rapports positifs enseignant-élève. Elle indique
en particulier qu’un plus grand pourcentage d’élèves ont le sentiment
que leurs professeurs les écoutent, les traitent de manière équitable
et les aident si nécessaire
.
Le fait que l’enseignant et l’élève entretiennent de bonnes relations
a en général un effet positif sur les résultats d’apprentissage,
mais l’étude précise que cela est d’autant plus vrai pour les enfants défavorisés
sur le plan socio-économique, qui acquièrent davantage de connaissances
et qui ont moins de problèmes de discipline quand ils ont le sentiment
que leurs professeurs les prennent au sérieux
;
ces résultats soulignent l’importance de promouvoir une culture
de respect mutuel à l’école, mais aussi parmi tous les acteurs du
milieu scolaire.
2.3. Résultats d’apprentissage:
pourquoi les jeunes ont-ils le sentiment de ne pas acquérir les compétences
nécessaires à leur avenir?
16. La question de savoir si les jeunes acquièrent les
bonnes compétences dans le cadre de l’éducation formelle est de
plus en plus d’actualité à mesure que grossissent les chiffres du
chômage des jeunes en Europe. Ce qui pose problème ici, c’est que
les résultats d’apprentissage sont en général évalués uniquement après
l’obtention d’un diplôme de l’enseignement formel, et bien souvent
par rapport à des perspectives ou des possibilités d’emploi qui
sont, dans une vaste mesure, déterminées par des facteurs extérieurs,
comme les politiques du marché du travail et la conjoncture économique.
17. D’après Business Europe, «quatre millions d’emplois sont vacants
dans l’Union européenne en raison de l’inadéquation entre les compétences
des chômeurs et celles requises pour occuper les emplois disponibles»,
et cette situation est principalement due à des lacunes au niveau
des systèmes européens d’éducation et de formation qui ne parviennent
pas à fournir aux entreprises les compétences dont elles ont besoin
en TCI, en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques
. Les emplois en Europe
se caractérisent de plus en plus par une forte intensité de qualification.
D’après le CEDEFOP, presque 90 % des emplois qui devraient être
créés ou devenir vacants d’ici à 2020 s’adresseront à des travailleurs
spécialisés ou très qualifiés
. Environ 40 % des jeunes Européens
devraient être titulaires d’un diplôme universitaire ou équivalent
d’ici à 2020.
18. Toutefois, l’éducation ne vise pas seulement à former les
jeunes pour qu’ils constituent une main-d’œuvre très qualifiée,
elle a une valeur intrinsèque: «l’éducation de qualité favorise
le développement du talent et de la créativité, et contribue ainsi
à l’épanouissement personnel et professionnel de l’individu, mais
aussi au développement social, culturel, économique, politique et
environnemental de la société dans son ensemble»
.
Notre commission l’a souligné dans le rapport sur «La culture et
l’éducation par les parlements nationaux: les politiques européennes»
, qui mentionne
aussi l’importance d’enseigner les sciences humaines, «dans la mesure
où elles sont la base de la démocratie».
19. En outre, l’éducation formelle ne tient pas compte du fait
que certains jeunes ne souhaitent pas nécessairement suivre la voie
des générations précédentes, mais envisagent de nouveaux parcours,
et visent même de nouveaux objectifs, parmi lesquels la liberté,
l’autoréalisation et la satisfaction au travail et dans la vie privée
.
L’éducation joue également un rôle majeur en ce qu’elle inculque
des habitudes de vie saines (alimentation, exercice physique, etc.),
la discipline, la réflexion, l’introspection, la solidarité, etc.
C’est précisément le type d’éducation qui a pratiquement partout
disparu aujourd’hui, celle qui permet à l’élève de rechercher et
d’apprécier «les activités qui l’aident à réfléchir».
2.4. Egalité à l’école:
pourquoi les enfants ne bénéficient-ils pas tous des mêmes possibilités?
20. Alors que certains groupes sont encore privés d’éducation
parce que victimes de discrimination et de stéréotypes négatifs,
«la scolarisation gratuite est sans doute la seule mesure importante
à avoir eu à ce jour un impact considérable et radical sur la fréquentation
scolaire»
. Beaucoup d’enfants et d’adolescents
sont actuellement exclus de l’éducation parce que leur famille ne
peut pas payer les frais d’inscription ni prendre en charge les
coûts cachés de l’école dite «gratuite», comme les stylos, les cahiers,
les livres et autres manuels, les uniformes ou les transports publics
pour se rendre à l’école. L’accès à l’apprentissage couvre d’autres aspects,
comme l’accès à des institutions culturelles, aux médias et aux
nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Ces dernières, en particulier, doivent être considérées comme une ressource
fondamentale pour l’apprentissage et être mieux utilisées aux fins
d’un processus d’apprentissage prospectif. A cet égard, les politiques
éducatives des Etats membres devraient s’employer à réduire la «fracture
numérique» s’ils veulent réussir à garantir l’égalité des chances
dans le domaine de l’éducation.
21. Les politiques éducatives sont essentielles pour favoriser
la mobilité sociale intergénérationnelle
et réduire
l’impact des inégalités sociales sur la réussite scolaire. Toutefois,
le milieu socio-économique d’un élève a souvent un effet direct
sur ses résultats. Les établissements scolaires qui accueillent
des élèves issus de milieux plus favorisés disposent en général
d’un nombre accru d’enseignants à plein temps qui sont diplômés
de l’enseignement supérieur. Malgré les efforts déployés par plusieurs
pays pour aider les établissements moins favorisés à améliorer leur
taux d’enseignants par élève, les professeurs y sont souvent moins
qualifiés
.
22. Les systèmes d’éducation formelle restent, dans une grande
mesure, conçus pour des groupes d’élèves plutôt homogènes, et ne
sont donc souvent pas adaptés à leur diversité. Alors que pour l’Union
européenne la communication en langue maternelle est l’une des huit
compétences clés pour un apprentissage tout au long de la vie, les
systèmes en vigueur sont incapables de gérer les multiples langues
parlées à l’école en Europe. Quand la langue maternelle d’un enfant
est différente de la principale langue d’instruction, des obstacles évidents
empêchent un apprentissage correct. Puisque la langue maternelle
de chacun sert de base à tous les autres apprentissages, il serait
donc important d’offrir aux élèves concernés des cours de langue
(de leur langue maternelle).
23. Afin de surmonter les claires difficultés liées aux ressources,
des solutions créatives pourraient être trouvées, par exemple par
le biais de partenariats avec des collectivités locales pour développer
cette offre de cours de langue. En moyenne, les élèves issus de
l’immigration (y compris la deuxième génération), et notamment ceux
qui parlent une autre langue chez eux, obtiennent des résultats
nettement inférieurs à ceux de leurs camarades
. Ces résultats n’ont pas évolué entre
2000 et 2009
et
soulignent par conséquent la nécessité pour les systèmes d’éducation
formelle en Europe de mettre tout en œuvre pour combler cet écart. Un
autre écart existe entre les zones urbaines et rurales; les élèves
des villes obtiennent de meilleurs résultats que leurs camarades
des zones rurales, et cela est particulièrement visible en Hongrie
et en Bulgarie
.
24. Même si l’étude PISA met en évidence quelques avancées positives,
l’Europe souffre d’une fracture éducative et la «capacité des établissements
scolaires à réduire les inégalités pendant l’enfance est sous-exploitée»
. Cette situation est non seulement due
au nombre insuffisant de mesures d’accompagnement visant à faciliter
l’intégration sociale et l’accès à l’éducation, mais aussi au fait
que beaucoup de pays possèdent des systèmes d’éducation formelle
qui marginalisent systématiquement et structurellement les enfants
issus de milieux défavorisés. Cela est particulièrement vrai dans
les pays où les élèves doivent très tôt choisir entre des études
générales ou professionnelles, et où, par conséquent, les enfants
déjà défavorisés se retrouvent dans des secteurs moins avantageux
du système éducatif
.
25. En outre, un grand nombre de jeunes issus de milieux défavorisés
appartiennent au groupe dit des «NEET» (Not in Education, Employment
or Training – non scolarisés, sans emploi et ne suivant aucune formation)
.
Certains jeunes courent un plus grand risque de rejoindre ce groupe,
par exemple ceux qui n’ont que peu ou pas du tout de diplômes, qui
ont des problèmes de santé, un handicap ou peu d’ambition. Des réponses
politiques immédiates doivent par conséquent être prises en faveur
de ce groupe.
26. Tous les étudiants devraient avoir accès à des établissements
d’enseignement de qualité élevée, sans discrimination, dans un souci
de promotion de l’égalité, de la tolérance et du respect de la diversité.
De plus, contrairement à ce que l’on pourrait croire, regrouper
les élèves en fonction de leurs capacités dans différentes matières
ne semble pas avoir d’effet positif sur leurs résultats
.
3. Emergence de nouveaux
cadres d’enseignement et d’apprentissage
3.1. Apprentissage tout
au long de la vie
27. Le discours qui prévaut en Europe sur les politiques
éducatives repose sur le passage d’une économie industrielle à une
économie mondialisée fondée sur les connaissances. L’apprentissage
tout au long de la vie en est l’un des piliers, car il contribue
à la réalisation de cet objectif; il est en outre l’outil qui devrait
permettre à la fois aux Etats et aux individus de s’adapter à un
monde et un marché du travail en évolution rapide. La priorité économique
de la Stratégie de Lisbonne (à savoir que l’Union européenne devienne
l’économie fondée sur les connaissances la plus concurrentielle
au monde) – et la crise économique actuelle – signifient que l’apprentissage
continu a été principalement envisagé en termes de contribution
à la croissance économique, et donc que son rôle en matière de cohésion
sociale et de promotion de la démocratie a été minimisé.
28. Même si la priorité est aujourd’hui de fournir au marché du
travail une réserve de travailleurs potentiels très qualifiés, c’est
aussi par le biais de l’apprentissage continu que les citoyens trouvent
leur place dans la société et exercent une citoyenneté active. Ces
aspects de l’apprentissage tout au long de la vie méritent plus d’attention
et de mesures qu’ils n’en ont reçues jusqu’à présent, et sont essentiels
pour promouvoir l’égalité, la démocratie et la cohésion sociale.
L’apprentissage tout au long de la vie devrait donc être envisagé
comme un moyen de prévenir la marginalisation et l’exclusion sociales;
cela signifie qu’il faut prendre des mesures pour proposer aux jeunes
une plus grande diversité de stratégies et de possibilités d’apprentissage,
et reconnaître que les jeunes issus de milieux défavorisés rencontrent
davantage de difficultés pour accéder à l’apprentissage continu
.
29. «Apprendre à apprendre» est l’une des compétences clés de
l’apprentissage tout au long de la vie; elle est considérée comme
une condition indispensable eu égard à l’emploi et à l’intégration
sociale
.
Elle implique pour l’individu de prendre conscience de la manière
dont il apprend, de connaître les possibilités d’apprentissage dont
il dispose, et d’organiser et maîtriser son propre apprentissage.
Elle recouvre aussi la capacité à rechercher et à sélectionner des
informations, à les analyser de manière critique avec leurs sources, et
à les utiliser et à les présenter dans de nouveaux contextes. Il
faut pour ce faire que les programmes scolaires et les classes évoluent,
pour que la priorité accordée aux faits soit remplacée par des cours
et des évaluations axés sur les processus et les connaissances et
que les élèves aient davantage de responsabilités et opèrent une
réflexion continue sur leur propre apprentissage, y compris leur
auto-évaluation, tout au long du processus.
30. L’application pratique des stratégies d’apprentissage tout
au long de la vie reste toutefois difficile
,
ce qui signifie qu’il relève actuellement de la responsabilité de
chacun de gérer et d’actualiser ses connaissances en continu. Cela
exige de bien comprendre non seulement ses propres besoins et méthodes
d’apprentissage, mais aussi les possibilités d’apprentissage et
les sources d’information qui sont disponibles dans l’ensemble de
la société
.
31. Le cadre existant de l’apprentissage tout au long de la vie
ne dispose pas d’un modèle de financement cohérent et durable, ce
qui entrave sa mise en œuvre et réduit les chances d’atteindre des
groupes d’apprenants défavorisés. Afin d’encourager la poursuite
des études et de faire de l’apprentissage tout au long de la vie
une réalité, des mesures doivent être prises pour faciliter et encourager
les transitions entre les différents niveaux et systèmes d’éducation,
notamment entre la formation professionnelle et l’enseignement supérieur
et entre l’éducation formelle et l’emploi, mais aussi depuis le
marché du travail vers l’éducation et la formation.
3.2. Education non formelle
et informelle
32. Conformément au principe de l’apprentissage tout
au long de la vie, certains préconisent d’adopter une approche plus
globale de l’éducation en Europe, et de reconnaître non seulement
l’éducation formelle, mais aussi l’éducation non formelle et informelle
, qui
souffre encore d’un manque de compréhension, notamment concernant
sa nature et son importance pour les individus et la société dans
son ensemble.
33. «L’éducation non formelle couvre tout programme éducatif planifié
destiné à améliorer un ensemble d’aptitudes et de compétences en
dehors d’un cadre d’enseignement formel»
, et le Forum européen
de la jeunesse souligne l’importance de certaines aptitudes et compétences
telles que la résolution des problèmes, la gestion des conflits,
la planification, l’organisation et l’encadrement, le travail d’équipe
et les compétences interpersonnelles et interculturelles
. Sa méthodologie
place l’apprenant au centre du projet éducatif, ce qui l’encourage
à mieux connaître les stratégies et les processus d’apprentissage.
En conséquence, la méthodologie de l’éducation non formelle peut
être utilisée et intégrée dans le cadre de l’éducation formelle, sous
réserve que les enseignants suivent une formation appropriée.
34. Il est manifestement nécessaire d’améliorer la validation
et la reconnaissance des compétences acquises par les jeunes par
le biais de l’éducation non formelle, qu’il convient de considérer
comme étant complémentaire à l’éducation formelle. Cela a été souligné
lors du symposium sur la «Reconnaissance du travail associatif de
la Jeunesse et de la formation/éducation non formelle dans le domaine
de la Jeunesse», organisée conjointement par le Conseil de l'Europe
et la Commission européenne à Strasbourg en novembre 2011, et qui
a conduit à l'adoption d'une Déclaration accompagnée d'un Plan d'Action
. Ce processus est maintenant dénommé
«le processus de Strasbourg» -– un processus politique au niveau
européen comparable à ceux qui influencent et orientent les stratégies
d'apprentissage, tels que le processus de Bologne dans l'enseignement
supérieur ou le processus de Bruges/Copenhague dans l'enseignement
professionnel et la formation.
35. L’OBESSU
propose que les
établissements d’enseignement supérieur reconnaissent l’éducation
non formelle parallèlement à la formation universitaire, non seulement
au niveau du recrutement mais aussi en tant que partie intégrante
de l’enseignement qu’ils proposent; cette démarche pourrait constituer
un instrument important car elle permettrait aux individus d’avoir
accès à d’autres possibilités d’apprentissage, en particulier les
groupes défavorisés qui ne posséderaient pas de qualifications formelles
.
36. Les organisations de jeunesse demandent depuis longtemps un
système européen pour la promotion et la reconnaissance de l’éducation
non formelle, et plusieurs initiatives ont déjà été prises au niveau
national et européen, comme le Portfolio du Conseil de l’Europe
pour travailleurs et animateurs de jeunesse
(qui permet d’identifier, d’évaluer
et de décrire les compétences d’après des normes de qualité européennes),
et le Youthpass du programme Jeunesse en action de l’Union européenne.
Mais même si ces initiatives jouent un rôle important eu égard aux
stratégies d’apprentissage tout au long de la vie, elles doivent
être officiellement reconnues et doivent trouver leur place dans
les politiques de recrutement des établissements d’éducation formelle
et des employeurs.
37. L’éducation informelle est, d’autre part, comprise comme étant
«le processus selon lequel chaque individu acquiert, tout au long
de sa vie, des attitudes, des valeurs, des compétences et des connaissances grâce
aux influences et aux ressources éducatives de son environnement
et à son expérience quotidienne (famille, pairs, voisins, rencontres,
bibliothèque, médias, travail, loisirs, etc.)»
, ce qui signifie qu’elle
n’a pas nécessairement besoin d’une reconnaissance officielle, comme
l’éducation non formelle, et qu’une telle reconnaissance ne lui
serait pas forcément bénéfique.
38. L’éducation, l’entretien des relations et le développement
de la motivation ne se manifestent pas spontanément. Ils ont besoin
d’un terrain fertile pour être semés et grandir. Des espaces dédiés
devraient être mis à la disposition des jeunes pour apprendre de
nouvelles compétences et établir des relations constructives et
durables qui leur permettent de se transcender et de participer
à un projet plus large qui leur donnera un but à atteindre, de l’espoir
et du bonheur, et par conséquent une raison valable de s’y associer.
C’est pourquoi les actions visant à mettre en place de tels espaces
doivent être encouragées, comme par exemple la proposition d’établir
un réseau de centres
–
en zone urbaine ou rurale (afin de mettre en rapport différents
contextes) – que les jeunes (et surtout les plus vulnérables) peuvent
fréquenter pendant une période donnée pour apprendre de nouvelles
compétences et participer à des activités bénévoles (par exemple
les projets «UnMonastery»
).
3.3. L’éducation à la
citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme
39. L’éducation à la citoyenneté démocratique et aux
droits de l’homme
vise à fournir aux individus des connaissances,
des éléments de compréhension, des compétences et des points de
vue qui les aideront à jouer un rôle efficace à leur échelle de
vie – qu’elle soit locale, nationale ou internationale. Elle leur
apprend à connaître leurs droits, leurs responsabilités
et
leurs obligations et elle les aide à prendre conscience qu’ils peuvent
avoir de l’influence et faire changer les choses. En conséquence,
cette nouvelle approche du point de vue des décideurs devrait aussi
être envisagée comme une réponse au déficit démocratique et à la
montée du racisme et de l’intolérance en Europe; c’est en effet
par le biais de l’éducation que les citoyens deviennent des membres
actifs à part entière de la société.
40. Le Conseil de l’Europe reconnaît que l’éducation est essentielle
à la promotion de la démocratie et des droits de l’homme; il a adopté
une Charte sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation
aux droits de l’homme
,
dans laquelle il affirme que les pratiques d’enseignement et d’apprentissage
devraient se fonder sur ces valeurs fondamentales, et recommande
aux Etats membres de promouvoir une gouvernance démocratique dans
tous les établissements d’éducation formelle, de façon à encourager
et à faciliter la participation active de l’ensemble du milieu scolaire.
La Charte souligne également l’importance de l’éducation non formelle
et, en particulier, le rôle des organisations de jeunesse et de
la société civile dans l’éducation aux droits de l’homme. Les Etats
membres devraient intensifier les efforts qu’ils déploient pour
faire appliquer la Charte et en particulier la recommandation aux
Etats membres visant à intégrer l’éducation à la citoyenneté démocratique
et aux droits de l’homme dans les programmes d’études nationaux
tant au niveau de l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire
que dans l’enseignement professionnel et supérieur. Ils devraient
aussi s’employer à promouvoir la gouvernance démocratique dans les
écoles et permettre ainsi aux jeunes d’acquérir les aptitudes et
compétences nécessaires pour prendre part aux processus démocratiques. Ceci
renforcera la capacité des jeunes à régler les conflits sociétaux
par le dialogue avec les pouvoirs publics et d’autres moyens démocratiques.
41. La mise en œuvre de la charte a été examinée lors de la conférence
internationale qui s'est tenue les 29 et 30 novembre 2012 à Strasbourg
dans le cadre de la présidence andorrane du Comité des Ministres
. Les
participants ont préconisé un réexamen dans les cinq ans pour évaluer
l'impact de la charte et pour définir les actions futures. Enfin,
la résolution des Nations Unies récemment adoptée sur «L'enseignement
de la démocratie»
apportera un nouvel élan pour les
processus de réforme visant à mettre en œuvre l'éducation à la citoyenneté
démocratique et les droits de l'homme dans nos Etats membres.
3.4. L’apprentissage
par les pairs
42. Les étudiants travaillent en général seuls et peuvent
même être en concurrence avec leurs camarades pour obtenir des notes
élevées et la reconnaissance du professeur. La notion d’apprentissage
par les pairs vise au contraire à ce que les étudiants s’écoutent
les uns les autres, admettent différentes positions et opinions,
et travaillent ensemble afin de mieux comprendre une matière ou
une question. Ces derniers sont donc encouragés à s’entraider de
manière constructive, à mettre en commun leurs connaissances et
à décider ensemble comment organiser leur processus commun d’échange
et d’apprentissage. L’apprentissage par les pairs est une méthode
qui peut être utilisée pour prévenir le harcèlement, y compris sous
sa forme électronique, et la violence ainsi que le décrochage scolaire
prématuré, et en complément des cours dans certaines matières. Différentes
formes de mentorat et de tutorat sont couramment utilisées.
3.5. La perspective
de l’entreprenariat et du travail indépendant
43. L’éducation à l’entreprenariat reçoit de plus en
plus d’attention de la part des pouvoirs publics, étant donné que
«la conjoncture économique complexe et incertaine requiert que des
individus soient capables de résoudre de nouveaux problèmes de manière
indépendante et responsable»
. L’«esprit d’initiative
et d’entreprise» est l’une des huit compétences clés de l’apprentissage
tout au long de la vie.
44. L’entreprenariat fait référence à la capacité d’un individu
à transformer ses idées en action. Il fait appel à la créativité,
l’innovation, la prise d’initiatives et de risques, et à la capacité
de planifier et de gérer des projets en vue de réaliser des objectifs
. Le but n’est pas que tous les jeunes Européens
deviennent des entrepreneurs, mais d’encourager l’esprit d’entreprise
. L’éducation à l’entreprenariat ne consiste
par conséquent pas à transmettre un enseignement mais plutôt à promouvoir
une culture de l’entreprenariat, ce qui à son tour implique de modifier
les pratiques d’enseignement et d’apprentissage de l’éducation formelle
. Une
difficulté majeure à cet égard réside dans le fait que les enseignants
ont le sentiment de ne pas posséder les compétences suffisantes
ni bénéficier de l’appui de leur établissement pour utiliser des
«méthodes d’apprentissage plus créatives et novatrices»
.
45. Le Forum européen de la jeunesse souligne que «les jeunes
devraient être en mesure d’envisager l’entreprenariat et le travail
indépendant» et propose que les techniques de l’entreprenariat soient
intégrées dans l’éducation formelle. Il estime en outre que c’est
un débat auquel pourraient participer les organisations de jeunesse
.
Il est en réalité déjà possible d’acquérir de nombreuses techniques
de l’entreprenariat par le biais de l’éducation non formelle, en
participant activement aux activités des organisations de jeunesse
et de la société civile. Des mesures politiques doivent par conséquent
être prises pour développer des possibilités de partenariat entre
la société civile et les établissements d’enseignement formel (qui
proposeront une offre éducative à l’entreprenariat aux étudiants),
mais aussi pour faciliter la transmission de savoir-faire approprié aux
professionnels de l’éducation.
4. Solutions stratégiques
4.1. Renforcer le cadre
traditionnel de l’éducation formelle
46. Les gouvernements devraient élaborer des politiques
en matière de mobilité des jeunes
,
d’éducation et d’apprentissage en dehors de l’école, de service
volontaire et d’information et de participation. Ils doivent aider
les jeunes à devenir des adultes capables de prendre des décisions
et de faire des choix en toute responsabilité.
47. Les acteurs du secteur de l’éducation préconisent depuis longtemps
d’investir pas moins de 6 % du produit intérieur brut d’un pays
directement dans l’éducation et la formation, afin de garantir qu’elles bénéficient,
à tous les niveaux, de fonds suffisants pour offrir à tous les élèves
et étudiants un enseignement de qualité élevée
.
Des mesures doivent être prises pour améliorer le statut et la qualité
de la formation professionnelle afin qu’ils soient équivalents à
ceux de la formation universitaire
.
48. Il existe autant de manières d’apprendre qu’il y a d’élèves
dans une classe. Il convient d’agir pour opérer un véritable changement
de modèle et passer de la transmission des faits à un enseignement
axé sur les processus et les compétences, qui place l’apprenant
au cœur du projet éducatif et qui l’encourage à y participer activement,
à exploiter son esprit critique et à appliquer diverses méthodes
d’apprentissage. Les enseignants doivent être formés à la gestion
d’une telle diversité, et encouragés à utiliser de multiples méthodes
et supports pédagogiques, pour aider et encourager les élèves et
les étudiants à explorer et emprunter de nouvelles voies. Les enseignants
devraient également être encouragés à examiner activement avec leurs
élèves les différentes méthodes d’apprentissage, et les associer
à la prise de décisions concernant la stratégie à adopter.
49. Des mesures devraient être prises pour veiller à ce que tous
les établissements d’enseignement disposent d’une politique de lutte
contre la violence et la discrimination qui explique clairement
comment prévenir et gérer les différentes formes de violence, de
harcèlement et de discrimination, et comment mettre en place une
stratégie visant à instaurer une culture de respect mutuel à l’école.
Cet aspect devrait être au cœur de la formation des enseignants,
qui devraient avoir accès à une formation continue dans ce domaine.
50. Pour que l’éducation formelle permette effectivement aux jeunes
de réaliser leurs ambitions et d’exploiter leurs capacités, il est
nécessaire d’investir dans des services efficaces d’orientation
et de conseil pédagogiques afin de les aider à appréhender les différentes
possibilités d’apprentissage et de carrière et à trouver une filière
éducative et/ou professionnelle qui leur convient. Ces services
revêtent une importance particulière pour les jeunes défavorisés
qui peuvent avoir besoin d’informations et d’encouragements supplémentaires,
ne serait-ce que pour envisager de poursuivre leurs études ou de
terminer celles en cours. Un autre groupe important à prendre en
considération est celui des jeunes qui se trouvent en dehors de
tout système d’éducation et de formation, et donc peut-être hors
d’atteinte des politiques et des mesures en vigueur.
51. Des mesures urgentes doivent également être prises pour combattre
le suicide et l’automutilation chez les adolescents. Des actions
de sensibilisation, d’éducation et de conseil
peuvent être très utiles. Le plus important
est de donner aux jeunes un but dans la vie. La structure sociale
à laquelle appartient un individu est un facteur déterminant de
son attachement à la vie et du sens qu’il lui donne. Le manque de
relations stables et positives d’un individu avec d’autres rend
quasiment impossible la collaboration à des projets qui transcendent
sa propre individualité, ce qui nourrit son sentiment d’inutilité
. L’une des meilleures façons d’établir
des relations durables porteuses de valeurs émotionnelles positives
est de rendre service, c’est-à-dire d’aider les autres. Les jeunes
pourraient retirer de nombreux avantages à participer à des projets
qui transcendent leur individualité, étape indispensable pour se
sentir utiles de manière satisfaisante et durable et ne plus avoir
le sentiment d’être seuls. Enfin, les lignes directrices à l’intention
des médias ayant pour but de restreindre le sensationnalisme dans
la présentation des informations sur le suicide des adolescents
et des célébrités, contribuent à réduire le risque d’imitation ou
de vagues de suicides chez les jeunes
.
52. De nombreux pays s’attendent à connaître dans un avenir proche
une pénurie d’enseignants qualifiés, parce que beaucoup d’entre
eux partent à la retraite dès qu’ils le peuvent et que de moins
en moins de jeunes aspirent à exercer ce métier
.
Cette situation doit être examinée de toute urgence par les pouvoirs
publics, qui doivent mettre en place des conditions attrayantes
et chercher de nouvelles façons d’améliorer le statut de la profession.
Le fait d’investir dans les salaires des professeurs a un impact
direct sur les résultats des élèves
. Quand les pouvoirs publics
octroient des fonds supplémentaires à l’éducation formelle, ils
ont tendance à favoriser soit le salaire des enseignants, soit la
réduction du nombre d’enfants par classe, mais ce dernier aspect
n’influence pas dans la même mesure les résultats des élèves. Toutefois,
des travaux de recherche montrent que la surpopulation des établissements
scolaires est une des causes de la violence à l’école
,
c’est pourquoi il est conseillé de réglementer le nombre maximal
d’élèves par classe dans le primaire et le secondaire
.
4.2. Reconnaissance
et développement des nouveaux cadres d’apprentissage
53. Il importe de différencier les diverses formes de
reconnaissance de l’apprentissage non formel et informel qui a lieu
dans le travail de jeunesse, en fonction de la personne qui s’en
charge et de l’objectif visé. La reconnaissance peut être officielle,
sociale et politique, et il existe aussi l’auto-reconnaissance.
54. On entend par reconnaissance officielle la «validation» des
résultats obtenus et la «certification» d’un processus d’apprentissage
et/ou de ces résultats par la délivrance d’un certificat ou d’un
diplôme qui reconnaît officiellement le niveau d’instruction d’un
individu. La reconnaissance politique est la reconnaissance de l’éducation
non formelle dans la législation et/ou l’inclusion de l’éducation/de
l’apprentissage non formel(le) dans les stratégies politiques. La
reconnaissance sociale signifie que les acteurs sociaux reconnaissent
la valeur des compétences acquises dans des cadres non formels et
les travaux effectués dans ce contexte. L’auto-reconnaissance est
l’évaluation par l’individu de ses propres acquis et de sa capacité
à les utiliser dans d’autres domaines. Tous ces aspects doivent
être pris en compte au moment de la validation de l’apprentissage
non formel et informel
.
55. C’est pourquoi il faut intensifier les efforts visant à reconnaître
l’éducation non formelle et informelle, et adopter pour cela une
approche plus globale des résultats de l’éducation et de la formation.
Le «processus de Strasbourg»
, qui regroupe les initiatives
des principaux acteurs dans ce domaine, symbolise le début d’une action
européenne commune sur la question de la reconnaissance et de la
validation de l’apprentissage non formel et informel; il devrait
être reconnu et soutenu par l’ensemble des Etats membres. Il faut
en outre redoubler d’efforts pour que soit mise en pratique la reconnaissance
des acquis dans le cadre du processus de Bologne. La coopération
avec les employeurs doit également être renforcée afin qu’ils connaissent
mieux les avantages et la valeur ajoutée de l’apprentissage non
formel.
56. Des mesures devraient être prises pour permettre aux organisations
de la société civile d’utiliser les locaux de l’éducation formelle
pour offrir à la fois aux élèves et aux enseignants de nouvelles
possibilités d’apprentissage non formel et d’apprentissage tout
au long de la vie. Différentes formes d’expériences pratiques et
professionnelles devraient aussi être encouragées, parce qu’elles
donnent aux élèves l’occasion d’appliquer ce qu’ils ont appris et
de se familiariser avec d’autres parcours professionnels.
4.3. Garantir l’intégration
57. Les programmes d’études devraient être structurés
de façon à inclure le plus grand nombre de personnes vulnérables,
notamment les jeunes handicapés, les jeunes filles enceintes, les
jeunes d’origine ethnique, les jeunes parents et les jeunes travailleurs.
Des mesures spéciales doivent être prises pour garantir l’accès
à l’éducation et l’intégration des enfants de réfugiés, de personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays et de migrants illégaux.
Elles comprendront notamment des actions pour atteindre les jeunes
appartenant à des groupes non établis, notamment des familles roms
sans papiers. L’éducation des enfants et des jeunes placés doit
faire l’objet d’une attention particulière.
58. L’inégalité d’accès à l’éducation et aux possibilités éducatives
devrait être considérée comme une violation du droit à l’éducation.
Il faut prendre des mesures stratégiques pour faciliter l’accès
à l’éducation de tous les enfants et de tous les jeunes, en particulier
ceux qui vivent dans des conditions défavorisées, et pour garantir
la qualité de l’enseignement qui leur est dispensé. L’accès à l’éducation
doit être envisagé dans un contexte le plus vaste possible, afin
de reconnaître non seulement l’accès à tel ou tel parcours scolaire,
mais aussi l’accès aux éléments nécessaires à une expérience réussie
de l’éducation, comme des matériels pédagogiques pertinents et internet.
59. L’accès à la culture et à des activités créatives devrait
aussi être facilité. L’accès à l’art est «particulièrement important
pour les jeunes, notamment ceux de 15 à 25 ans, qui se trouvent
à un moment crucial de leur existence pendant lequel ils construisent
leur devenir de citoyens adultes. Les initier aux ressources culturelles
fait appel à leur sensibilité subjective et à leur imagination créative,
et leur procure une grande liberté d’initiatives (insuffisamment
accordée à cette tranche d’âge)»
.
60. La notion d’égalité des chances exige que les familles connaissent
le système éducatif et ses différentes filières; des mesures devraient
par conséquent être adoptées pour éduquer les parents et les aider
à soutenir les adolescents dans leurs choix éducatifs. Cela est
particulièrement important pour les élèves issus de familles défavorisées.
Des cours hors programme devraient également être proposés pour
combler les écarts de niveau en termes d’acquis et pallier le manque
de soutien familial.
61. Les sociétés multiculturelles doivent prendre des mesures
pour garantir que les établissements scolaires disposent des outils
nécessaires pour gérer la diversité ethnique, culturelle et religieuse.
La formation des enseignants doit fournir à ces derniers des compétences
interculturelles et les préparer à travailler dans un environnement
pluriel.
4.4. Prévention du décrochage
scolaire prématuré
62. Même si la décision de quitter l’école avant la fin
des études est parfois un choix conscient, les chiffres élevés du
décrochage scolaire prématuré doivent être analysés en termes de
facteurs économiques et sociaux. Beaucoup de pays ont décidé de
prolonger la durée de la scolarité obligatoire, soit en la faisant commencer
un an plus tôt, soit en ajoutant un ou deux ans d’études obligatoires
supplémentaires, afin de limiter et de prévenir le décrochage scolaire
prématuré
. Toutefois, la prolongation de la durée
de la scolarité obligatoire exige des moyens financiers appropriés
pour offrir à tous les élèves un enseignement gratuit de qualité
élevée.
63. Des mesures doivent être prises pour prévenir le décrochage
scolaire prématuré et aider les jeunes défavorisés à poursuivre
leurs études, en particulier au-delà de la scolarité obligatoire,
en prévoyant éventuellement de mettre en place une indemnité de
subsistance pour les élèves du secondaire, afin qu’ils puissent
poursuivre des études à plein temps.
64. L’incapacité de répondre aux différents besoins des apprenants
risque de marginaliser ceux qui nécessitent d’autres méthodes d’apprentissage
ou un soutien supplémentaire. Les enseignants doivent être formés
pour gérer la diversité de leurs élèves et encourager différentes
façons d’apprendre et de travailler. La participation démocratique
des élèves joue également un rôle majeur à cet égard, car le fait
qu’ils puissent influer sur leur éducation et la vie de leur établissement
leur donne un sentiment accru de faire partie du projet éducatif.
Différentes formes d’apprentissage par les pairs et de mentorat
devraient également être envisagées pour prévenir le décrochage
scolaire prématuré. Enfin, il convient d’intensifier les efforts
visant à réduire et à prévenir la violence et la discrimination
sous toutes leurs formes à l’école, afin d’assurer le bien-être
de tous les élèves.
5. Conclusions
65. L’Europe doit renouveler son engagement en faveur
de l’éducation, en reconnaissant qu’elle est une condition indispensable
de l’épanouissement personnel, de l’intégration sociale, d’une citoyenneté
active et de l’emploi, mais aussi parce qu’elle apporte aux jeunes
les compétences dont ils ont besoin pour vivre de manière digne
et autonome. L'éducation formelle doit continuer à représenter l'épine
dorsale du système éducatif. Toutefois, il est vrai que des modèles
pour la reconnaissance de l’éducation formelle, non formelle et informelle
devront être développés plus intensément dans l'avenir. Un engagement
renouvelé comprend les éléments suivants:
66. Amélioration continue et financement
approprié – Les pouvoirs publics, qui sont responsables
de l’offre et de la réglementation de l’éducation formelle, devraient
chercher à améliorer sans cesse sa qualité, en reconnaissant qu’elle
est le moyen le plus efficace dont dispose l’Europe pour surmonter
la crise économique actuelle et que le secteur éducatif doit recevoir
un financement et des ressources appropriés. Cette approche suppose
d’investir durablement et suffisamment dans la formation professionnelle
continue des enseignants et du personnel scolaire.
67. Intensification des efforts en
faveur de l’intégration sociale – L’éducation formelle
joue un rôle crucial en ce qu’elle facilite et favorise la mobilité
et la cohésion sociales des jeunes de tous les horizons; or, aujourd’hui, elle
ne parvient pas à remplir correctement cette mission. Des mesures
doivent être prises pour atteindre les jeunes défavorisés et améliorer
leur niveau d’instruction. L’accès à l’enseignement primaire et
secondaire doit être garanti à tous les jeunes, et la poursuite
des études devrait être encouragée et facilitée. Ces mesures incluent
la suppression des frais de scolarité ainsi que la réduction de
l’ensemble des coûts cachés de l’éducation.
68. Prévention du suicide et de l’automutilation
chez les jeunes – La prévention et la prise en charge
de la dépression, des troubles psychologiques et de la consommation
de drogue contribuent à réduire le risque de suicide et d’automutilation.
Les campagnes menées à l’école contre le harcèlement et sur les
solutions pour y faire face et résoudre les problèmes, ainsi que
les services de conseil proposés au sein des établissements, sont
des solutions qui se sont avérées plus efficaces que les campagnes
de sensibilisation abordant directement le suicide. Des lignes directrices
à l’intention des médias sur la présentation des informations relatives
au suicide doivent être élaborées afin de prévenir tout phénomène
d’imitation. Il a été montré que la prise en charge qui suit immédiatement
une tentative de suicide, durant laquelle le jeune reçoit des conseils
et des soins de santé mentale, réduit le risque de récidive.
69. Apprentissage participatif dans
un environnement scolaire démocratique – L’éducation
formelle doit changer de modèle en passant de la simple transmission
de faits à un système davantage axé sur les processus et les compétences,
qui place l’apprenant au centre du projet éducatif. Elle doit encourager
les élèves à réfléchir sur leur propre apprentissage et à le définir,
afin qu’ils élaborent diverses stratégies d’apprentissage et qu’ils
acquièrent la capacité d’apprendre à apprendre. De plus, l’école
joue un rôle fondamental dans la promotion d’une citoyenneté active
et des droits de l’homme; ces aspects devraient par conséquent être
intégrés dans les programmes scolaires. Cette stratégie exige de
modifier les programmes d’études et les méthodes d’enseignement,
ainsi que la formation des enseignants.
70. Adoption d’une approche fondée
sur les droits dans le cadre de l’apprentissage tout au long de
la vie – Il est urgent d’intensifier les efforts visant
à faire de l’apprentissage tout au long de la vie une réalité pour
tous, en reconnaissant le rôle qu’il joue dans la promotion d’une
citoyenneté active, de la démocratie et de la cohésion sociale.
Des stratégies d’apprentissage tout au long de la vie, assorties
d’un modèle de financement global et durable, doivent être définies
au niveau national et européen. Des mesures spéciales doivent être prises
pour garantir l’accès des groupes défavorisés à des possibilités
d’apprentissage tout au long de la vie. Elles devraient être élaborées
en partenariat avec les parties prenantes et les représentants des
groupes concernés. Les institutions européennes jouent un rôle majeur
en promouvant et en offrant des possibilités d’apprentissage par
les pairs.
71. Adoption d’une approche globale
de l’éducation – Conformément au principe de l’apprentissage
tout au long de la vie, les Etats membres doivent adopter une approche
plus globale de l’éducation, en reconnaissant que l’apprentissage
est continu et que toutes les expériences de la vie contribuent
au développement personnel de chacun et à la compréhension de la
société dans laquelle on vit. Des mesures doivent être prises pour
promouvoir la validation et la reconnaissance de l’apprentissage
non formel. La participation active des jeunes à toutes les étapes
des projets les concernant est un élément important qui contribue
considérablement à leur autonomie.
72. Dialogue continu avec les parties
prenantes – La question plus vaste de la qualité de l’éducation
formelle ne peut être examinée que par le biais d’un dialogue continu
avec tous les acteurs dans ce domaine, c’est-à-dire les élèves,
les étudiants, les enseignants, les parents et les employeurs, ainsi
que par une collaboration plus intense entre eux. Les parties prenantes
devraient être consultées lors de l’élaboration, de l’application
et de l’évaluation des nouvelles politiques, de façon à encourager
une approche globale et intégrée des différents processus.
73. Elargissement des perspectives
d’emploi pour les jeunes – Les Etats membres devraient
renforcer l’offre de services d’orientation professionnelle à l’école,
mais aussi dans le cadre de centres d’information et d’une plateforme
de conseil en ligne à l’intention des jeunes, en cherchant à améliorer
la qualité de cette offre et la qualité de l’éducation en général.
Ils devraient en outre accroître le nombre de programmes de formation destinés
aux chômeurs, en fonction des besoins du marché du travail actuel.