1. Combler le fossé intergénérationnel pour défendre
les droits des jeunes: une nécessité cruciale pour la société européenne
1. Le rapport préparé par M. Connarty au nom de la commission
de la culture, de la science, de l’éducation et des médias examine
les progrès réalisés par les politiques de jeunesse du Conseil de
l’Europe et souligne l’échec des Etats membres à proposer des solutions
efficaces pour remédier aux multiples problèmes auxquels les jeunes
sont confrontés. La persistance de la crise économique et sociale,
qui a aggravé les difficultés de la société européenne, fait désormais
peser un fardeau disproportionné sur les épaules de la jeune génération.
Bien que la 9e Conférence des Ministres
responsables de la jeunesse, qui s’est tenue les 24 et 25 septembre
2012 à Saint-Pétersbourg en Fédération de Russie, ait offert une
précieuse occasion de nouer un dialogue entre les hauts responsables
des Etats et les représentants de la jeunesse, elle n’a pas permis d’aboutir
à un consensus sur un éventail complet de mesures destinées à améliorer
l’accès des jeunes aux droits fondamentaux.
2. En janvier 2013, les deux commissions concernées, à savoir
la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des
médias et la commission des questions sociales, de la santé et du
développement durable, ont tenu une réunion conjointe pour débattre
des difficultés rencontrées par les jeunes. Leurs membres partageaient
une même inquiétude quant à l’érosion que connaissent la cohésion
sociale et la justice au sein de la société. Ce malaise traduit
le fossé qui se creuse entre les générations en matière de participation à
la vie économique et politique, de dialogue social, de disparités
de revenus et de patrimoine, d’accès à la prise de décisions et
aux droits humains, ainsi que l’inégalité des chances qui existe
dans les faits en matière d’emploi, d’éducation, de formation, de
logement, de services sociaux et de soins de santé. Ignorer aujourd’hui le
sort de la jeunesse nous conduit vers un avenir incertain et un
véritable risque de perpétuer de génération en génération le cycle
de la pauvreté, alors que combler le fossé intergénérationnel afin
de soutenir davantage les droits des jeunes est une solution «gagnant-gagnant»
pour bâtir une société plus forte, plus juste, plus inclusive et
plus prospère.
3. En réponse aux appels répétés de l’Assemblée demandant au
Comité des Ministres de renforcer le cadre juridique visant à garantir
l’accès des jeunes aux droits fondamentaux
, je ne peux que
souscrire à la principale proposition d’action à cet égard, exposée
dans le projet de recommandation élaboré par la commission de la
culture, de la science, de l’éducation et des médias. Par ailleurs,
je prends note avec satisfaction des diverses mesures proposées
en vue d’une meilleure utilisation des mécanismes du Conseil de l’Europe
pour remédier à ces violations des droits des jeunes et recourir
à des moyens novateurs pour renforcer leur pouvoir d’action.
4. Dans le même esprit, je pense que le projet de recommandation
devrait préciser davantage l’approche globale de l’Assemblée selon
laquelle les droits fondamentaux comprennent non seulement les droits
civils et politiques, mais également les droits sociaux et économiques,
comme le souligne l’exposé des motifs de M. Connarty. La dignité
humaine ne peut en effet se concevoir sans que soit garanti à tout
citoyen l’accès à un travail décent, à un logement abordable et
à des services sociaux de base. Compte tenu de la flambée du chômage
chez les jeunes – avec des taux qui, dans la plupart des pays, sont
sensiblement plus élevés que dans le reste de la population –, il
est évidemment indispensable d’inverser cette tendance fâcheuse.
Le chômage peut conduire à la misère, à l’exclusion et même à la
violence: c’est pourquoi nous devons mettre davantage de détermination
à aider les jeunes afin qu’ils parviennent à s’aider eux-mêmes.
5. Par ailleurs, afin d’assurer un suivi concret des principales
propositions de cette Assemblée, des organisations de jeunesse et
des participants à l’Evénement Jeunesse qui s’est tenu à Saint-Pétersbourg avant
la Conférence ministérielle, je tiens à souligner la nécessité d’utiliser
de manière plus efficace les programmes de «garantie pour la jeunesse»,
qui visent à assurer qu’aucun jeune ne se retrouve, contre son gré,
sans emploi, éducation ni formation durant plus de quatre mois.
Cette approche, testée avec succès dans plusieurs pays européens,
est particulièrement pertinente dans la mesure où l’importance des
programmes de «garantie pour la jeunesse» a été reconnue par l’Organisation
internationale du travail et, à l’échelon européen, par la Commission
européenne dans le «paquet emploi jeunes» présenté en décembre 2012
ainsi que par le Conseil de l’Union européenne (ministres du Travail
et des Affaires sociales) en février 2013. En effet, avec un budget
de 6 milliards d’euros consacré par l’Union européenne pour mener
à bien cette initiative, le Conseil de l’Europe pourrait se joindre
à ces efforts en faveur des jeunes dans une zone géographique aussi
étendue que possible dans le cadre de son partenariat et de ses
projets joints avec l’Union européenne.
6. Comme les discussions de cette commission l’ont montré à plusieurs
reprises, les collectivités locales et régionales jouent un rôle
déterminant dans la fourniture de services publics de qualité aux
populations et sont bien souvent les principales conceptrices de
solutions intégrées ciblées qui répondent véritablement aux «besoins
du terrain», y compris des jeunes. Elles devraient par conséquent
bénéficier d’un soutien sans faille de la part des autorités nationales
et des institutions européennes, même en période d’austérité, afin
qu’elles puissent continuer de rapprocher les générations, de faire
remonter les initiatives, de promouvoir la participation de la jeunesse
locale aux actions de solidarité des citoyens, de renforcer les
capacités des associations de jeunesse et d’offrir des perspectives
professionnelles aux jeunes. A cet égard, le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe pourrait contribuer à
sensibiliser les jeunes générations par l’intermédiaire des responsables
politiques de toute l’Europe et des pays voisins. Il pourrait également aider
à associer les jeunes à une approche du processus de décision fondée
sur les droits à divers niveaux de gouvernance, conformément aux
dispositions de la Charte européenne révisée sur la participation
des jeunes à la vie locale et régionale.
2. Action politique pour impliquer et responsabiliser
les jeunes
7. Je pense que mes collègues de la commission et de
l’Assemblée s’accorderont sur la nécessité pour les responsables
politiques de reconnaître que la voix des jeunes, ainsi que leur
immense potentiel, n’ont pas été convenablement ou suffisamment
pris en compte dans les débats politiques, économiques et sociaux
de nos pays. Lorsqu’il est question de droits, il importe de ne
pas oublier nos responsabilités envers toutes les générations:
notre table ronde peut sembler belle et solide, mais si l’un de
ses pieds est plus court que les autres, son équilibre en sera tôt
ou tard bouleversé. De même, nous devons être plus attentifs et
nous engager davantage afin d’associer et de responsabiliser les
jeunes de manière à ce qu’ils deviennent des citoyens à part entière
au même titre que les générations déjà bien établies au sein de
la société. Nous devrions donner la priorité à une meilleure prise
en compte des besoins des jeunes dans tous les domaines au moyen
d’une action politique à l’échelon local, régional, national et
européen, de manière à nous adapter aux évolutions qui transforment
notre société et à tirer les enseignements des nombreuses occasions
que nous n’avons pas su saisir.
8. Dans ce contexte, je salue le lancement en février 2013, par
la présidence andorrane du Conseil de l’Europe, de la campagne «Faites
grandir les droits de l’homme», qui vise à sensibiliser la société
civile, et tout particulièrement les jeunes, aux droits et libertés
consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5). J’ose le dire, cette Organisation
devrait saisir l’occasion d’aller plus loin encore et de défendre
avec force les droits sociaux et économiques énoncés par la Charte
sociale européenne (révisée) (STE no 163).
Ces droits, avec les droits politiques, constituent les piliers
de la dignité humaine. Comme cette Assemblée l’a souligné à diverses
reprises, nous considérons que les droits humains sont indivisibles, interdépendants
et complémentaires. Il est par conséquent grand temps de réaffirmer
ces droits, avec et pour les jeunes, par une bonne gouvernance dans
notre société.
9. A cette fin, les parlementaires peuvent et devraient prendre
les devants, notamment en rappelant les propositions figurant dans
la
Résolution 1824 (2011) et la
Recommandation
1976 (2011) de l’Assemblée sur le rôle des parlements dans la consolidation
et le développement des droits sociaux en Europe, ainsi que dans la
Résolution 1885 (2012) sur la jeune génération sacrifiée: répercussions sociales,
économiques et politiques de la crise financière. Je propose par
conséquent, au moyen d’amendements, que le projet de recommandation
présenté par la commission de la culture, de la science, de l’éducation
et des médias reflète clairement cette ambition.
3. Conclusions
10. Pour conclure, j’estime que cette commission devrait
soutenir le rapport établi par M. Connarty à la suite de l’initiative
conjointe des présidents des deux commissions concernées. Il importe
que le Conseil de l’Europe, ainsi que ses Etats membres, répondent
plus efficacement aux difficultés que rencontrent les jeunes, qui
sont les plus durement touchés par la crise financière et les politiques
d’austérité. Il devient désormais crucial de renforcer le dialogue
intergénérationnel et de remédier aux inégalités entre les différentes
générations en matière d’accès aux droits fondamentaux, parmi lesquels
figurent les droits sociaux, économiques et politiques. Une action
positive plus forte en faveur des jeunes est nécessaire afin de
les associer pleinement à la vie politique, économique et sociale
et de leur permettre de contribuer aux mécanismes de solidarité
de la société dans laquelle ils vivent et d’en bénéficier.
11. Afin de renforcer le message de notre Assemblée, je propose
donc plusieurs amendements au projet de recommandation, qui visent
à faire ressortir davantage les possibilités inexploitées offertes
par la campagne du Conseil de l’Europe «Faites grandir les droits
de l’homme», les activités destinées aux jeunes à l’échelon local
et régional, le dialogue intergénérationnel et la participation
des organisations de jeunesse.