1. Introduction
1. En février 2010, une proposition de résolution sur
«l’augmentation du trafic de drogue en provenance d’Afghanistan,
une menace pour la sécurité européenne» a été déposée par M. Sergey
Markov, alors membre de la délégation russe, et par un certain nombre
d’autres membres.
2. La proposition soulignait que des drogues dures comme l’héroïne,
qui provient à 90% d’Afghanistan, menaçaient de plus en plus la
sécurité européenne et elle préconisait un renforcement de la coopération
entre divers services des Etats membres du Conseil de l’Europe pour
combattre la production de drogue en Afghanistan et faire cesser
le trafic organisé à partir de ce pays.
3. Par la suite, la commission a entendu un exposé oral de M.
Markov et procédé à un échange de vues préliminaire sur la question.
M. Markov a aussi élaboré un schéma de rapport et a été autorisé
à faire une mission d’enquête au Tadjikistan et en Turquie, qu’il
n’a pu réaliser.
4. A la suite des élections de décembre 2011 en Russie, M. Markov
a quitté l’Assemblée et a donc cessé d’être rapporteur. En janvier
2012, j’ai été désigné comme nouveau rapporteur.
5. En septembre 2012, la commission a procédé à un échange de
vues sur la base d’une note d’information préparée selon mes instructions
par le Secrétariat. La commission a déclaré qu’elle préférait rester
centrée sur les drogues introduites en contrebande en Europe à partir
de l’Afghanistan, et ne pas élargir son action aux drogues provenant
d’autres régions, telle la cocaïne d’Amérique latine.
6. La commission m’a autorisé à me rendre en mission d’enquête
à Bruxelles (Commission européenne et Service européen pour l’action
extérieure, SEAE), ainsi qu’à la Haye (Office européen de police,
Europol). J’ai effectué ces visites les 7 et 8 novembre 2012. Je
suis reconnaissant aux responsables que j’y ai rencontrés des précieux
renseignements qu’ils m’ont fournis et qui m’ont permis de mieux
comprendre les enjeux du trafic de drogue en provenance d’Afghanistan
et les moyens de le combattre.
7. Le 14 février 2013, je me suis rendu à Ankara (Turquie) où
j’ai rencontré les principaux acteurs, tant au niveau politique
(ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Coopération européenne)
qu’au niveau opérationnel (Police nationale, Gendarmerie, Douanes
et Garde-côtes), chargés de lutter contre le trafic de drogue. Je
suis particulièrement reconnaissant à la délégation turque auprès
de l’Assemblée parlementaire d’avoir organisé cette visite des plus
instructives.
8. En mars 2013, la commission a examiné mon avant-projet de
mémorandum et eu des discussions approfondies sur les questions
qui y sont abordées. Dans le présent rapport, je me suis efforcé
de tenir compte des commentaires utiles qui ont été formulés et
d’apporter des informations supplémentaires, conformément aux suggestions
des membres de la commission. A mon grand regret, je n’ai pu, faute
de temps, effectuer une visite d’information en Russie comme cela
a été évoqué pendant les discussions, mais j’ai ajouté dans mon rapport
quelques données supplémentaires concernant ce pays.
2. Portée
et objectifs du rapport
9. D’entrée de jeu, je souhaite souligner que mon objectif
n’est pas de rédiger un rapport exhaustif sur les problèmes liés
à la drogue: de tels rapports, de sources diverses et compétentes,
sont d’ores et déjà disponibles sur ce sujet.
10. La production, le trafic, le commerce et la consommation de
drogues illicites n’ont rien d’un phénomène nouveau dans nos sociétés,
et font l’objet d’une documentation abondante. La plupart des pays
ont élaboré des politiques nationales antidrogues et mis sur pied
des organismes spécialisés qui produisent chaque année des dizaines
de publications sur les problèmes liés à la drogue
.
11. De plus, le commerce de la drogue étant de nature transnationale,
la coordination et la coopération internationales antidrogues s’opèrent
à divers niveaux, tout comme l’établissement des rapports. Par exemple, les
deux principaux organismes de l’Union européenne engagés dans la
lutte contre la drogue, l’Observatoire européen des drogues et des
toxicomanies (OEDT) et Europol, viennent de publier conjointement
un “Rapport sur le marché de la drogue de l’UE – Une analyse stratégique”
de 160 pages. A l’échelle mondiale, l'Office des Nations Unies contre
la drogue et le crime (ONUDC) publie chaque année un “Rapport mondial
sur les drogues” (l’édition 2012 compte 100 pages), ainsi que des
rapports régionaux ou par substance, y compris sur l’Afghanistan.
12. Le présent rapport vise à donner des informations générales
sur les drogues, grave menace qui pèse sur la société moderne, et
sur l’héroïne et les opiacés d’Afghanistan, qui constituent une
grande partie du marché des drogues illicites en Europe. Il repose
pour l’essentiel sur les publications officielles des organes susmentionnés
des Nations Unies et de l’Union européenne (ONUDC et OEDT), ainsi
que sur les données collectées lors de mes visites.
13. Je l’indiquais précédemment, ce rapport est axé – comme le
suggère la proposition originale – sur les drogues en provenance
d’Afghanistan, et ne s’occupe pas des drogues d’origines autres,
aussi dangereuses qu’elles puissent être pour nos sociétés. En outre,
il se concentre essentiellement sur les politiques d’offre (culture
du pavot, production d’opium et d’héroïne, et trafic) et n’aborde
pas l’aspect de la demande; je suis pourtant pleinement conscient
qu’il faudrait s’intéresser à la fois à l’offre et à la demande
pour réduire la consommation d’héroïne.
14. Il convient de souligner un autre point important: bien que
l’analyse de la situation en Afghanistan et, notamment, de son évolution
possible après le retrait de la Force internationale d'assistance
et de sécurité (FIAS) d’ici 2014, soit indispensable pour comprendre
la dynamique de la production de drogue et proposer des politiques
pour la combattre, ce rapport n’a pas pour ambition d’en étudier
le détail
.
15. Le présent rapport repose avant tout sur le principe que le
Conseil de l'Europe, tout en prenant part aux actions internationales
de lutte contre le trafic de drogue en provenance d’Afghanistan
,
n’entend pas jouer les chefs de file dans ce processus.
16. C’est pourquoi, à mon sens, ce rapport doit viser à obtenir
l’appui politique des Etats membres du Conseil de l’Europe en vue
d’une coopération internationale plus efficace pour: a) lutter contre
la culture du pavot et la production d’héroïne et d’autres opiacés
en Afghanistan; b) démanteler le trafic des opiacés entre l’Afghanistan
et l’Europe, ainsi que les chaînes de distribution en Europe; c)
démanteler les filières de détournement et de contrebande de précurseurs
chimiques; et d) combattre le blanchiment et la réinjection dans
des activités criminelles et terroristes de capitaux tirés du commerce
de drogues illicites.
3. Les drogues, une
grave menace pour la société moderne
17. L’usage et l’abus de stupéfiants est un problème
auquel les sociétés humaines sont confrontées depuis des dizaines,
voire des centaines d’années. Les premières actions menées pour
faire face aux problèmes causés par le trafic de drogue au niveau
international remontent à 1909, année où la première conférence internationale
sur les problèmes liés aux drogues dans le monde (la Commission
internationale de l’opium) s’est tenue à Shanghai. Par la suite,
le premier traité international sur le contrôle des drogues (la
Convention internationale de l’opium) a été signé en 1912 à La Haye.
18. Cependant, un siècle plus tard, le problème de la drogue touche
toujours la quasi-totalité des pays du monde et ses conséquences
sont particulièrement marquées pour les personnes et la société
dans son ensemble. Selon la Déclaration politique adoptée par la
Commission des stupéfiants des Nations Unies dans le cadre d’un
débat à haut niveau (Vienne, 2009):
«(...)
malgré les efforts et les progrès toujours plus soutenus des Etats,
des organisations internationales compétentes et de la société civile,
le problème de la drogue demeure une menace grave pour la santé, la
sécurité et le bien-être de l’humanité tout entière, en particulier
des jeunes, qui constituent notre atout le plus précieux. Par ailleurs,
le problème mondial de la drogue compromet le développement durable, la
stabilité politique et les institutions démocratiques, ainsi que
les efforts déployés pour éliminer la pauvreté, et menace la sécurité
nationale et l’état de droit. Le trafic et l’usage illicite de drogues
font peser une très lourde menace sur la santé, la dignité et les
espoirs de millions d’individus et de leur famille et causent des
pertes en vies humaines.»
19. Selon les estimations de l’ONUDC, près de 230 millions de
personnes sur une population totale de 7 milliards usent de drogues
illicites au moins une fois par an, soit une personne sur 20, âgées
de 15 à 64 ans. Dans le même groupe d’âge, une personne sur 40 use
de drogue au moins une fois par mois et une sur 160, soit 27 millions,
use de drogue d’une façon qui les expose à des problèmes de santé
d’une gravité particulière
. En conséquence,
une personne sur huit qui usent de drogues illicites développe une
accoutumance aux stupéfiants.
20. Il y a quatre grands groupes de drogues illicites: le cannabis,
la cocaïne, les opioïdes (catégorie comprenant l’opium, l’héroïne,
la morphine et les drogues délivrées sur ordonnance, mais consommées
à des fins non médicales) et les stimulants de type amphétamines
(STA).
21. Alors que la plupart des utilisateurs de drogues illicites
consomment du cannabis, près de 17 millions de personnes usent d’opiacés
et avant tout d’héroïne, dans le monde. Les opiacés sont considérés
comme le type de drogues le plus problématique. Il convient de souligner
que la consommation d’héroïne entraîne une accoutumance beaucoup
plus rapidement que les autres drogues: plus de la moitié des héroïnomanes
sont considérés comme dépendants.
22. L’usage de drogues illicites a avant tout des effets de santé
publique néfastes, dont le plus répandu est la mort liée à la toxicomanie
(par surdose, par accident dû à l’abus de drogue, par suicide etc.).
Quelque 200 000 personnes meurent chaque année de l’abus de drogue
dans le monde, dont la moitié par surdose. D’après les estimations
du Service fédéral russe de contrôle des stupéfiants, la consommation
d’héroïne afghane a tué plus d’un million de personnes dans le monde
depuis 2001. En Europe centrale et occidentale, les décès liés à
la toxicomanie représentent 1 % de la mortalité totale au sein de
la population âgée de 15 à 64 ans, soit 7 600 cas environ par an.
En Russie, 9 263 morts liées à la drogue ont été signalées en 2010.
23. La toxicomanie favorise la propagation du VIH et de l’hépatite
de types B et C: selon les estimations de l’ONUDC, 20% environ des
16 millions d’usagers de drogue par injection dans le monde sont
séropositifs, 20% de plus sont contaminés par l’hépatite B et 50 %
par l’hépatite C.
24. Il convient aussi de se rappeler que les toxicomanes ont besoin
d’un traitement, ce qui a un coût considérable pour les intéressés,
leurs proches et la société dans son ensemble. En Europe (non compris
la Russie, l’Ukraine, le Bélarus, la République de Moldova et le
Caucase du sud), près d’un million de personnes ont reçu un traitement
en 2009 pour des problèmes liés à l’usage de drogues illicites.
25. L’abus de drogue entraîne aussi une aggravation des infractions
violentes. Ceux qui sont sous l’influence de la drogue, qui altère
leur état psychologique ou affaiblit leurs inhibitions sociales,
ont plus fréquemment des comportements antisociaux agressifs ou
violents et commettent des infractions pénales portant atteinte
aux personnes ou aux biens. De plus, les toxicomanes qui ont besoin
d’argent pour se procurer de la drogue sont souvent les auteurs
d’infractions telles que fraude, cambriolage, vol, vol à l’étalage,
extorsion de fonds, etc. En Russie, on estime que les toxicomanes
représentent quelque 80 % des auteurs d’actes de délinquance sur
la voie publique
.
Le coût des infractions liées à la toxicomanie est très élevé pour
la société.
26. De plus, des violences et même des meurtres résultent d’affrontements
entre divers groupes criminels impliqués dans le trafic de drogue.
27. Le trafic de drogue est étroitement lié à la criminalité organisée
transnationale et constitue une source essentielle de revenus pour
les groupes criminels organisés. Les experts de l’ONUDC estiment
que le trafic de drogue procure entre un cinquième et un quart des
revenus provenant de la criminalité organisée et près de la moitié
des revenus provenant de la criminalité transnationale organisée
.
28. En conséquence, le trafic de drogues illicites «est la source
de gains financiers et de fortunes importantes qui permettent aux
organisations criminelles transnationales de pénétrer, de contaminer
et de corrompre les structures de l’Etat, les activités commerciales
et financières légitimes et la société à tous les niveaux»
. Il sape donc les structures
légitimes de l’économie et menace la stabilité, la sécurité et la souveraineté
des Etats.
29. Le trafic de drogue a également des effets significatifs sur
les structures et institutions sociales. Ainsi que l’ont souligné
les chercheurs américains Coletta Youngers et Eileen Rosin, «le
trafic international de drogue favorise la délinquance et exacerbe
la violence politique, il aggrave les problèmes de sécurité générale et
défait le tissu social des communautés et des quartiers. Il corrompt
et affaiblit encore les collectivités locales, le système judiciaire
et les forces de police…»
.
30. De plus, il y a des rapports entre le trafic de drogue et
les activités de groupes armés illégaux et d’organisations terroristes.
Selon le rapport mondial sur les drogues 2012 de l’ONUDC:
«On citera notamment les exemples
bien connus des liens entre diverses armées rebelles et la production
et le trafic d’opium et de stimulants de type amphétamine dans l’Etat
Shan du Myanmar, les liens entre le trafic de coca et le Sentier
lumineux au Pérou dans les années 1990, l’utilisation des revenus
générés par le trafic de drogues illicites pour financer les Forces
armées révolutionnaires de Colombie (FARC) dans les années 2000,
et l’utilisation des revenus tirés du trafic d’héroïne pour financer
les activités armées illégales du Parti des travailleurs du Kurdistan
en Turquie. Par ailleurs, nombre des milices qui étaient cause d’instabilités
en Yougoslavie dans les années 1990 recouraient au trafic de drogues,
notamment d’héroïne le long de la route des Balkans, pour financer
leurs activités, et les Taliban en Afghanistan et au Pakistan tirent
une partie de leurs revenus du trafic d’opium et d’héroïne. Al-Qaida
au Maghreb islamique est soupçonné d’utiliser le produit du trafic
de cannabis et de cocaïne, et l’Armée républicaine irlandaise (IRA)
d’être impliquée dans le trafic international de drogues. A Sri
Lanka, les Tigres tamouls auraient tiré une partie de leurs revenus
du trafic d’héroïne avant leur démantèlement en 2009, tandis qu’au
Liban, le Hezbollah a aussi été accusé d’être impliqué dans le trafic
de drogues.»
31. Mes interlocuteurs au sein d’Europol ont confirmé
l’existence de preuves avérées des liens qui unissent trafiquants
de drogue et organisations terroristes internationales, y compris
en Europe. On estime qu’en Afghanistan, au moins 50 % des actions
menées par les insurgés contre la FIAS sont financés par la production
et le trafic de drogue.
32. Selon certains membres des forces de l’ordre à Ankara, le
trafic d’héroïne en provenance d’Afghanistan est une source de revenus
considérable pour le “Parti des travailleurs du Kurdistan” (PKK)
et l’«Union des communautés du Kurdistan» (KCK),
classés comme organisations terroristes par de nombreux Etats et organisations
internationales. Le PKK/la KCK interviendraient à tous les stades
du trafic d’héroïne et prélèveraient de plus un «impôt» auprès d’autres
trafiquants. Ces dernières années, les forces de l’ordre turques
ont dirigé près de 370 opérations impliquant des trafiquants du
PKK; elles ont arrêté 878 personnes et saisi 4 253 kg d’héroïne,
4 305 kg de morphine base, et près de 26 tonnes de précurseurs.
En outre, les autorités turques attirent l’attention sur le rôle
de membres du PKK (dont des enfants) résidant dans des pays européens,
qui se livreraient au commerce de la drogue dans la rue.
33. En conclusion, malgré les nombreuses actions menées par la
communauté internationale, les cultures illicites et la production,
la distribution et le trafic de drogues illicites revêtent de plus
en plus la forme d’un secteur d’activité aux structures criminelles
brassant des sommes considérables, blanchies par le biais des secteurs
financier et non financier. Il est indispensable d’intensifier et
de poursuivre les actions internationales conjointes visant à régler
les graves problèmes posés par le renforcement des rapports entre
trafic de drogue, corruption et autres formes de criminalité transnationale
organisée.
4. L’héroïne dans
la consommation de drogue globale en Europe
34. Les pays d’Europe occidentale occupent la première
place pour la consommation d’héroïne. Alors que la prévalence moyenne
mondiale de l’usage d’opiacés est estimée à 0,3 % à 0,5 % de la
population adulte, les chiffres pour l’Europe se situent entre 1,2 %
et 1,3 %. Ces chiffres sont encore plus élevés en Russie
,
où le nombre de toxicomanes a été multiplié par 10 au cours des
10 dernières années.
35. Voilà pourquoi, les opioïdes restent les drogues les plus
problématiques d’Europe, car ce sont les substances qui sont avant
tout responsables de la demande de traitement de désintoxication
et une cause essentielle des décès liés à la toxicomanie dans les
pays européens. Entre 1,3 et 1,4 million d’Européens (dans l’Union
européenne) sont considérés comme des consommateurs d’opioïdes.
Quelque 700 000 usagers d’opioïdes ont reçu un traitement de substitution
en 2009.
36. Les opioïdes représenteraient les trois quarts des quelque
7 600 décès annuels liés à la toxicomanie dans les pays de l’Union
européenne (plus la Croatie, la Norvège et la Turquie)
. Ainsi, plus de 83 % des 2 334 morts liées
à la toxicomanie en 2010 au Royaume-Uni étaient dus aux opiacés.
Ainsi que cela a été indiqué précédemment, en Russie, 9 263 morts
liées à l’abus de drogue ont été signalées en 2010, dont 6 324 ont
été attribuées à l’abus d’opioïdes
. En Turquie, 88 % des décès
liés à la toxicomanie seraient dus à la consommation d’héroïne
.
5. Dynamique de la
production de drogue ces récentes années en Afghanistan
37. Aujourd’hui, l’Afghanistan est de loin le premier
producteur d’opium dans le monde. Selon les données publiées par
l’ONUDC, ce pays représentait 88 % de la production mondiale d’opium
entre 2005 et 2010
. L’Afghanistan
a produit 5 800 tonnes en 2011 alors que la production potentielle
mondiale d’opium était estimée à 7 000 tonnes cette année-là
.
38. La production d’opium n’a cessé d’augmenter en Afghanistan
de 2001 (185 tonnes) à 2007 (où elle a atteint un record de 8 200 tonnes),
avant de reculer légèrement en 2008-2009.
39. Selon les estimations de l’ONUDC, la production d’opium en
Afghanistan a progressé de 61 % en 2011 par rapport à 2010, année
où elle avait connu une forte chute en raison d’une maladie des
plants de pavot à opium qui a détruit près de la moitié de la récolte
d’opium. Elle constitue 16 % du produit intérieur brut (PIB) de
l’Afghanistan, chiffre très élevé, même s’il faut le mettre en rapport
avec son niveau de 60 % en 2004
. Plus
de 190 000 ménages (5 % de la population totale) se livreraient
à la culture du pavot. Au total, le trafic d’opium (soit la culture
du pavot, la transformation et le trafic) occupe 3,3 millions d’Afghans
sur une population totale de 23 millions (soit plus de 14 %).
40. L’Afghanistan est lui aussi un très gros consommateur de drogues:
près de 3 % de sa population consomment des opiacés, et ce chiffre
est en augmentation.
41. Sous le gouvernement des Talibans, dans la seconde moitié
des années 1990, la taxation à l’exportation d’opium était la principale
source de devises étrangères du régime (de $US 75 à 100 millions
par an). Cependant, sous la menace d’un embargo décrété par les
Nations Unies, en 2000, les Talibans ont interdit la culture de
l’opium. Les paysans afghans ont respecté la consigne et se sont
abstenus d’en planter. En 2001, la récolte était ainsi proche de
zéro. Dans la période post-Talibans, la taxation sur le commerce
de la drogue est devenue la première source de revenus des chefs
de guerre.
42. Depuis 2003, les nouvelles autorités afghanes ont intensifié
leurs efforts pour réduire la culture illicite du pavot à opium
et détruire les plantations de pavot, mais elles n’ont obtenu que
des résultats limités (par exemple 15 300 hectares détruits en 2006,
19 000 ha en 2007 et 9 600 ha en 2012, alors que les champs de pavot
à opium faisaient une superficie estimée à 154 000 ha en 2012
). Dans le même
temps, les équipes chargées de détruire les champs de pavot ont
été attaquées à 48 reprises en 2011, 20 personnes ont été tuées et
45 blessées
. Cependant, l’efficacité des mesures
de destruction est plutôt douteuse, car il est très probable qu’en
l’absence de cultures de substitution présentant la même rentabilité
ces parcelles soient de nouveau utilisées pour cultiver du pavot
à opium.
43. Actuellement, 95 % de la culture de pavot est concentrée dans
les régions du Sud et de l’Est du pays, marquées par une grande
insécurité, où le pouvoir gouvernemental est limité et où les experts
internationaux n’ont quasiment pas accès. La destruction des cultures
de pavot a progressé dans le Nord, mais il reste des dizaines de
laboratoires clandestins, où l’opium est transformé en héroïne dans
cette région. La moitié des 34 provinces afghanes sont considérées
comme ne pratiquant pas la culture du pavot, ce qui signifie que
celle-ci y couvre moins de 100 ha
.
44. La plus grande partie de l’opium est désormais transformée
en Afghanistan même: le nombre de laboratoires clandestins est estimé
entre 300 et 500, et la production annuelle d’héroïne atteint les
380 à 400 tonnes. La contrebande d’héroïne est plus facile que celle
de l’opium, et les produits de plus grande valeur génèrent davantage
de profits.
45. Selon certains experts des services de répression, s’ajoutent
aux produits immédiatement expédiés d’importants stocks d’opium
et d’héroïne dissimulés dans des montagnes reculées d’Afghanistan,
qui peuvent représenter jusqu’à deux ans de production.
46. Les faiblesses des services de répression afghans dans la
lutte contre la culture du pavot et la production de drogue sont
le principal obstacle aux actions internationales menées en ce domaine.
Selon Antonio Maria Costa, ancien directeur exécutif de l’ONUDC,
«alors que 90 % de l’opium mondial proviennent d’Afghanistan, moins
de 2 % y sont saisis. C’est là un échec cuisant pour les services
de répression, alors même qu’il est incomparablement moins cher
et plus facile de détecter et réprimer une activité illicite à la source
plutôt qu’à l’arrivée
». Les interceptions ont
néanmoins quelque peu progressé en Afghanistan ces dernières années.
47. Bien que les Talibans soient supposés contrôler le commerce
de l’opium et gagner plus de $US 50 millions par an, il apparaît
de plus en plus clairement que des fonctionnaires afghans et, parmi
eux, des policiers et des magistrats, sont également très impliqués
dans ce processus. Par conséquent, outre la formation des forces
de l’ordre afghanes, la lutte contre la corruption doit devenir
une priorité dans tous les programmes de coopération avec l’Afghanistan.
48. Avec le retrait prochain de la FIAS, d’ici à 2014, il y a
peu d’espoir que les autorités afghanes soient plus efficaces pour
détruire les plantations de pavot et démanteler la production et
le commerce clandestins d’opiacés. Il est donc crucial, tout en
continuant à soutenir les efforts de mise en œuvre, de privilégier
d’autres voies de développement de l’économie afghane, en particulier
une agriculture durable et des politiques rurales intégrées. Dans
ce contexte, la Déclaration de Lima et les Principes directeurs
internationaux sur le développement alternatif adoptés lors de la
Conférence internationale de haut niveau des Nations Unies sur le
développement alternatif (novembre 2012) sont extrêmement utiles.
6. Principales voies
de trafic d’Afghanistan en Europe, premier consommateur de drogues
afghanes
49. La contrebande d’opiacés, y compris l’héroïne pure,
suit trois grandes voies d’exportation depuis l’Afghanistan vers
les marchés de consommation et avant tout vers l’Europe.
50. La voie du sud passe par le Pakistan, l’un des principaux
consommateurs d’opiacés
.
La drogue est ensuite expédiée par mer et transbordée à maintes
reprises en Afrique, au Moyen-Orient et dans les pays du Golfe.
Les principaux pays destinataires sont l’Allemagne, l’Autriche,
la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse.
On constate par ailleurs une augmentation du trafic direct par la
voie des airs à destination de certains pays européens. On estime
que près de 40% de la drogue produite en Afghanistan emprunte la
voie du sud, considérée comme relativement sûre par les trafiquants
en raison de la porosité de la frontière et des mouvements transfrontaliers
permanents de la population locale (on évalue à près de 30 000 les
ressortissants afghans qui franchissent tous les jours la frontière
pakistanaise). La voie du sud est également considérée comme le
principal point d’entrée des précurseurs.
51. Selon Antonio Maria Costa, ancien directeur exécutif de l’ONUDC,
«la plupart des frontières communes à l’Afghanistan et au Pakistan
sont grandes ouvertes, ce qui permet une contrebande sans grands
risques d’un côté à l’autre de la ligne Durand, en particulier au
Baloutchistan. Pratiquement aucune saisie n’a lieu dans les zones
tribales sous administration fédérale (FATA) et ce, bien que des
milliers de tonnes de drogue transitent par la région. Des violations
de l'accord sur le commerce de transit afghan (ATTA), ainsi que
l’exploitation de liens de parenté séculaires, ont fait de la frontière
entre Afghanistan et Pakistan – déjà connue pour laisser libre cours
aux déplacements des insurgés – une zone de libre-échange massif
et illégal de drogues, de précurseurs chimiques, de capitaux, de
personnes et d’armes.
»
52. La voie occidentale, ou voie des Balkans, qui passe par l’Iran
et la Turquie, avant de traverser les pays du Sud-est et de l’Ouest
de l’Europe, représente 35 % du trafic provenant d’Afghanistan.
L’Iran, premier pays de transit sur cette voie, est aussi l’un des
principaux consommateurs d’opiacés afghans. Selon l’ONUDC, la voie
des Balkans est l’axe majeur pour les opiacés et l’héroïne destinés
à l’Europe occidentale. Pour la police turque, les Pays-Bas sont
le principal pays de destination sur cette route (2 113 kg saisis
en 2011-2012); ils sont suivis par l’Allemagne (721 kg), l’Albanie
(262 kg), la Slovénie (136 kg) et la Grèce (122 kg).
53. Cependant, les autorités iraniennes et turques ont intensifié
leurs efforts pour démanteler le trafic et elles ont obtenu des
résultats significatifs en matière de saisies importantes de drogue
(27 tonnes d’héroïne saisies en 2010 en Iran et 13 en Turquie).
L’Iran et la Turquie totalisent à eux deux plus de la moitié de
toutes les saisies d’héroïne. Pourtant, aucune saisie importante
de précurseurs chimiques n’a eu lieu en Turquie au cours des dernières
années. Cependant, des groupes criminels organisés de différentes
origines ethniques
continuent d’exploiter cette voie, et cherchent
à diversifier aussi bien les circuits entre la Turquie et l’Europe
de l’Ouest
que
les moyens de livraison
. Un peu plus loin sur le trajet
(Grèce, Bulgarie, Roumanie et Balkans occidentaux), le taux d’interception
est de moins de 2 %.
54. Enfin, la voie du nord (également connue sous le nom de route
de la soie) passe par les pays d’Asie centrale (Tadjikistan, Kirghizstan,
Kazakhstan) vers la Fédération de Russie, sa destination principale,
puis une partie de la drogue continue son périple vers le nord et
l’est de l’Europe. Le long de cette route, les pays d’Asie centrale
– autrefois uniquement pays de transit – sont aujourd’hui eux-mêmes
de gros consommateurs. Des groupes criminels composés de Tadjiks
seraient les principaux responsables de ce trafic. Les autorités
ne disposent pas des capacités nécessaires pour maîtriser le flot
de drogue qui traverse ces pays d’Asie centrale. Elles pourraient
même y être mêlées. Les saisies tout au long de cette voie sont
bien moins importantes (seuls 4 % à 5 % du volume total de l’héroïne
transportée sont saisis). La voie du nord serait également utilisée
pour introduire des précurseurs frauduleusement en Afghanistan.
Selon les experts, le trafic d’héroïne à travers l’Asie centrale
devrait vraisemblablement augmenter dans les années à venir, aggravant
encore les problèmes économiques, de santé et de sécurité dans la
région.
7. Précurseurs
55. Les précurseurs de drogue sont des produits chimiques
industriels licites qui sont nécessaires à la fabrication de drogues
illicites. Ces produits ont des utilisations licites diverses et
variées et font l’objet d’échanges commerciaux licites sur les marchés.
Leur commerce ne peut être interdit. Toutefois, ces produits étant
détournés des filières de distribution licites pour produire des
drogues illicites, le contrôle des précurseurs et un élément clé
de la lutte contre la drogue.
56. Le principal précurseur employé dans la fabrication de l’héroïne
est l’anhydride acétique (AA). Il a également de nombreux usages
licites, notamment dans l’industrie pharmaceutique. Selon l’ONUDC,
environ 216 000 tonnes d’AA sont produites chaque année légalement
dans 13 pays
. Entre
1 et 4 litres d’AA sont nécessaires pour produire 1 kg d’héroïne.
57. D’après Europol, l’Europe centrale et du Sud-Est paraissent
être la principale plate-forme de transit utilisée pour détourner
l’AA des échanges intracommunautaires de l’Union européenne. En
2008, la Slovénie et la Hongrie ont saisi 156 tonnes d’AA (soit
plus du tiers requis pour transformer l’opium afghan en héroïne).
58. L’ONUDC pense que l’AA est livré à l’Afghanistan par les mêmes
voies que celles utilisées pour transporter les opiacés, mais dans
la direction opposée. Il est également probable que ce sont les
mêmes bandes criminelles organisées qui sont à l’origine de ce trafic.
Le Pakistan est considéré comme le principal point de regroupement
du passage en contrebande de précurseurs venus d’Asie (Chine et
Corée) vers l’Afghanistan. Pourtant, lors de notre séjour à Ankara,
les services de répression turcs ont déclaré qu’il n’y avait pas
eu de saisies notables d’AA dans le pays ces dernières années.
59. La consolidation du cadre international de contrôle du commerce
d’AA, dans le but d’empêcher le détournement de cette substance
vers le marché illégal et la production d’héroïne, devrait être
un élément central d’une politique de lutte contre l’héroïne. Au
niveau de l’Union européenne, des démarches sont entreprises pour
créer un système de contrôle concernant tous les producteurs d’AA
implantés et enregistrés dans l’Union européenne, les vendeurs et
les consommateurs finaux. Des mesures similaires devraient être prises
au niveau international.
8. Nécessité de renforcer
la coopération internationale
60. Le trafic de drogue en provenance de l’Afghanistan
a un caractère transnational par nature: les produits illicites
traversent de nombreuses frontières et sont vendus par des bandes
criminelles organisées de différentes origines ethniques, voire
multi-ethniques. L’une des solutions pour remédier à ce fléau consiste
à renforcer la coopération entre les représentants de la loi des
pays concernés et les organismes internationaux compétents.
61. Cette coopération existe d’ores et déjà sous des formes variées
et à différents niveaux, qu’il soit mondial (ONUDC, Initiative du
Pacte de Paris), européen (Europol, Eurojust, OEDT), régional (Initiative
de coopération pour l'Europe du Sud-Est – Centre régional pour la
lutte contre la criminalité transfrontière (SECI); Centre de maintien
de l'ordre de l'Europe du Sud-Est (SELEC); Organisation de coopération
de Shanghai (OCS); Organisation du Traité de sécurité collective
(OTSC); Centre d'information et de coordination régionale d'Asie centrale
pour la lutte contre les stupéfiants, les psychotropes et leurs
précurseurs (CARICC); «Sécurité et coopération au cœur de l’Asie»–Processus
d’Istanbul sur la sécurité et la coopération régionale pour un Afghanistan
stable et sûr, etc.), ou encore bilatéral. Il n’en est pas moins
nécessaire de renforcer considérablement cette coopération et de
la rendre moins bureaucratique, plus opérationnelle et axée sur
les résultats.
62. Lors de ma visite à Europol, on m’a dit que cet organisme
de l’Union européenne avait développé de bonnes relations institutionnelles
avec plusieurs pays concernés par le trafic de drogue afghan, mais
que cela ne suffisait pas pour réagir en temps réel à une situation
en constante évolution. C’est pourquoi, Europol a conclu – ou est
sur le point de conclure – des accords opérationnels avec ces pays,
pour permettre un partage rapide des renseignements et soutenir
les opérations de police transfrontalières, ce qui améliorerait
l’efficacité de la coopération. Il y a de fortes chances qu’un tel
accord soit conclu rapidement avec la Russie, mais les choses se
présentent sous de moins bons auspices avec la Turquie.
63. Lors de mon séjour à Ankara, j’ai insisté auprès de mes interlocuteurs
turcs sur l’importance qu’attachait Europol à la conclusion d’un
accord opérationnel avec leur pays. J’ai été satisfait d’apprendre
que le Gouvernement turc avait rédigé des projets de loi relatifs
à la protection des données dans la droite ligne des normes de l’Union
européenne et qu’il éliminerait les obstacles s’opposant à la conclusion
d’un accord opérationnel avec Europol. Les forces de l’ordre turques
étaient toutefois inquiètes à l’idée qu’un tel accord ne leur permette
pas de participer pleinement au processus de prise de décision au
sein d’Europol (un organisme de l’Union européenne).
64. En attendant, les forces de l’ordre turques ont instauré une
coopération bilatérale avec des collègues de 19 pays européens,
et rapporté 180 enquêtes menées conjointement ces dernières années
avec des partenaires européens, dont 70 livraisons contrôlées, qui
ont conduit à 876 arrestations.
65. Pendant ma visite à Ankara, j’ai également été impressionné
par le travail accompli par l'Académie internationale turque contre
les drogues et le crime organisé (TADOC), qui fait partie du Département
de lutte contre la contrebande et le crime organisé de la Police
nationale (KOM). Outre une formation continue du personnel des forces
de l’ordre turques et des recherches scientifiques en matière de
drogue et de crime organisé, elle offre aussi aux policiers d’autres
pays des programmes de formation internationaux, que ce soit sur
une base bilatérale ou en coopération avec des organisations internationales
.
Ces dernières années, elle a proposé des programmes de formation
à plus de 7 100 participants de 86 pays, parmi lesquels l’Afghanistan (1 009
stagiaires), le Turkménistan (300), le Kazakhstan (263), le Pakistan
(226), l’Ouzbékistan (197), le Tadjikistan (184) et le Kirghizstan
(164), c’est-à-dire des pays concernés par le trafic de drogue en
provenance d’Afghanistan. Elle dispense par ailleurs à 500 cadets
de la police afghane des formations policières de base sur six mois.
Ces initiatives sont extrêmement importantes pour améliorer les
compétences opérationnelles des forces de l’ordre de ces pays, et
devraient être adoptées par d’autres partenaires.
66. Comme indiqué plus haut (voir paragraphe 15), le Conseil de
l’Europe n’est pas le principal intervenant dans les actions internationales
de lutte contre le trafic de drogue en provenance d’Afghanistan.
Toutefois, certains de ses instruments et organes pourraient être
mieux exploités dans ce cadre.
67. Tout d’abord, le Groupe de coopération en matière de lutte
contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (l’Accord partiel
du Conseil de l'Europe, connu sous le nom de Groupe Pompidou
) devrait contribuer davantage à la
lutte contre le trafic de drogue provenant d’Afghanistan, par ses
activités de prévention du détournement et de la production illégale
de précurseurs chimiques et d’amélioration de la détection des drogues
dans les aéroports européens, ainsi que par l’offre de formations
aux experts en drogue de l’Afghanistan et des pays avoisinants.
68. Il conviendrait de réorganiser les activités des mécanismes
de suivi du Conseil de l’Europe comme le GRECO
et MONEYVAL
afin que la lutte contre le blanchiment
de capitaux dans le cadre du trafic de drogue provenant d’Afghanistan
figure en bonne place dans leur programme de travail, tout comme
la coopération destinée à empêcher que ces revenus soient réinjectés
pour financer la criminalité et le terrorisme.
69. En outre, la Convention du Conseil de l'Europe relative au
blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des
produits du crime et au financement du terrorisme (STCE n° 198,
«Convention de Varsovie») est un instrument important à utiliser
pour renforcer la coopération afin de tarir les flux financiers
liés au trafic de drogue en provenance d’Afghanistan. Elle a été
ouverte à la signature le 16 mai 2005 et est entrée en vigueur le
1er mai 2008. A l’heure actuelle, 23 Etats
membres du Conseil de l’Europe sont Parties à cette convention et
13 autres
l’ont signée
mais pas encore ratifiée. Les Etats membres suivants n’en sont pas signataires:
Allemagne, Andorre, Azerbaïdjan, Irlande, Liechtenstein, Lituanie,
Monaco, Norvège, République tchèque, Royaume-Uni et Suisse. La convention
est également ouverte à la signature des Etats non membres ayant
participé à son élaboration
,
et à l’adhésion des autres Etats non membres.
9. Conclusions
70. Tout au long de mes visites, la plupart de mes interlocuteurs
ont admis que depuis ces dix dernières années, le trafic illicite
d’opiacés en provenance d’Afghanistan constitue l’une des plus graves
menaces à l’échelle mondiale dans le domaine de la criminalité transnationale
organisée, avec de graves conséquences pour la santé, la sécurité,
l’ordre public et la gouvernance. Aussi est-ce bien l’une des principales
menaces pesant sur la sécurité aux niveaux national, européen et
international.
71. La quasi-totalité des Etats membres du Conseil de l’Europe
pâtissent des conséquences de l’abus de drogues illicites et paient
un prix élevé pour ce fléau, qui frappe les individus, les familles,
les institutions et la société dans son ensemble.
72. Les opiacés, et avant tout l’héroïne, sont les drogues les
plus nocives consommées en Europe. Ils sont à l’origine de trois
quarts des morts liées à la toxicomanie.
73. L’Afghanistan est de la loin la première source d’héroïne
et des autres opiacés consommés en Europe, laquelle, y compris la
Russie, est la principale destination du trafic d’opiacés provenant
d’Afghanistan.
74. Il serait urgent de mobiliser les efforts de l’ensemble des
pays européens pour réduire la production d‘opium et d’héroïne en
Afghanistan et démanteler les réseaux de trafic de drogue provenant
de ce pays.
75. En conséquence, l’Assemblée devrait appeler les autorités
des Etats membres du Conseil de l'Europe:
en ce qui concerne l’Afghanistan:
- à faire de la politique
de lutte contre la drogue une priorité des programmes de coopération
et d’assistance concernant le Gouvernement afghan;
- à renforcer les capacités des forces de l’ordre afghanes
dans le but de démanteler les filières à la source, en mettant l’accent
sur la lutte contre la corruption;
- à accroître l’appui destiné à renforcer les capacités
des forces de l’ordre afghanes et à multiplier les programmes de
formation destinés à leur personnel;
- à développer les opérations conjointes avec les forces
de l’ordre afghanes compétentes ciblant les laboratoires clandestins
producteurs d’héroïne et les groupes criminels organisés, tout en
redoublant d’efforts pour promouvoir le développement rural intégré,
la construction d’infrastructures et le soutien aux paysans ayant
opté pour une production alternative;
- à aider l’Afghanistan à développer son économie et à diversifier
son agriculture de manière à réduire sa dépendance à l’égard des
revenus tirés du commerce de drogues illicites, conformément à la Déclaration
de Lima et aux Principes directeurs internationaux sur le développement
alternatif (novembre 2012);
- à soutenir pleinement l’Initiative du Pacte de Paris et
à coopérer véritablement dans ce cadre pour lutter contre les opiacés
en provenance d’Afghanistan;
en ce qui concerne
les pays voisins:
- à accroître l’appui
destiné à renforcer les capacités des forces de l’ordre des pays
d’Asie centrale et à multiplier les programmes de formation destinés
à leur personnel;
- à promouvoir davantage la coopération antidrogue au niveau
régional, en y associant les pays d’Asie centrale, l’Iran, le Pakistan,
l’Inde et la Chine, ainsi que les cadres de coordination et de coopération actuels;
- à créer, en concluant le cas échéant des accords spécifiques,
les conditions voulues pour intensifier la coopération opérationnelle
entre les forces de l’ordre, y compris en ce qui concerne le partage d’informations
et de renseignements, l’échange de bonnes pratiques et les enquêtes
communes;
- à intensifier la coopération internationale pour lutter
contre le détournement des précurseurs de drogue et à réfléchir
aux moyens de renforcer le contrôle du commerce d’anhydride acétique
(AA) en créant des bases de données et en partageant des informations
sur les producteurs licites d’AA, les vendeurs et les consommateurs
finaux;
- à intensifier la coopération concernant la confiscation
et le recouvrement des avoirs issus du commerce de drogues illicites.