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Recommandation 2017 (2013) Version finale

Nanotechnologie: la mise en balance des avantages et des risques pour la santé publique et l’environnement

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 avril 2013 (18e séance) (voir Doc. 13117, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Sudarenkov). Texte adopté par l’Assemblée le 26 avril 2013 (18e séance).

1. La nanotechnologie est la manipulation de la matière à l’échelle atomique et moléculaire. Les nanomatériaux sont constitués de structures dont les dimensions sont, typiquement, comprises entre 1 et 100 nanomètres (nm), un nanomètre représentant un milliardième de mètre (ou 10-9 m). A cette échelle, les matériaux peuvent présenter des propriétés physiques, biologiques et/ou chimiques très différentes de celles des mêmes matériaux à des tailles plus grandes, ce qui ouvre un éventail de nouvelles possibilités sur le plan technologique.
2. La nanotechnologie et sa myriade d’applications présentent d’énormes avantages potentiels (en particulier dans le domaine de la «nanomédecine»), mais elles peuvent également avoir des effets dommageables graves. Comme c’est le cas avec la plupart des nouvelles technologies, de nombreux risques, à la fois pour la santé publique et pour l’environnement, ne sont pas encore bien connus. Toutefois, les applications commerciales de la nanotechnologie sont déjà utilisées couramment. La réglementation a du mal à suivre le rythme des innovations scientifiques.
3. Cela fait des années que l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe prônent la nécessité d’une culture de précaution qui intègre le principe de précaution au sein des processus scientifiques et technologiques, dans le respect de la liberté de recherche et d’innovation. En 2005, les chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe se sont engagés, dans la Déclaration finale du 3e Sommet du Conseil de l’Europe, à «garantir la sécurité de nos citoyens dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales» et à relever, dans ce contexte, «les défis inhérents aux progrès de la science et de la technique».
4. L’Assemblée estime que, conformément à ces engagements, le Conseil de l’Europe – en tant que seule organisation paneuropéenne dont le mandat englobe la protection des droits humains – devrait élaborer des normes juridiques relatives à la nanotechnologie, fondées sur des connaissances scientifiques et sur le principe de précaution, qui protégeront 800 millions d’Européens contre les risques de dommages graves liés à la nanotechnologie, tout en encourageant l’utilisation potentiellement avantageuse de cette dernière.
5. L’Assemblée recommande par conséquent au Comité des Ministres d’élaborer des lignes directrices sur la mise en balance des avantages et des risques de la nanotechnologie pour la santé publique et l’environnement. Ces lignes directrices devront:
5.1. respecter le principe de précaution en tenant compte de la liberté de recherche et en encourageant l’innovation;
5.2. pouvoir être appliquées de manière systématique à tous les nanomatériaux soumis à réglementation au-delà des frontières et quelles que soient leurs origines (synthétiques, naturelles, fortuites, manufacturées, artificielles) ainsi que leurs utilisations pratiques et leur devenir biologique;
5.3. viser l’harmonisation des cadres réglementaires, notamment en ce qui concerne les méthodes d’évaluation et de gestion des risques, la protection des chercheurs et des travailleurs de l’industrie de la nanotechnologie, la protection et l’éducation des consommateurs et des patients (avec des prescriptions en matière d’étiquetage tenant compte des obligations du consentement éclairé), ainsi que les obligations de notification et d’enregistrement, afin d’établir une norme commune;
5.4. être négociées suivant un processus ouvert et transparent, avec la participation de nombreux acteurs (gouvernements nationaux, organisations internationales, Assemblée parlementaire, société civile, experts et scientifiques), dans le cadre d’un dialogue dépassant les frontières de la zone géographique couverte par le Conseil de l’Europe;
5.5. pouvoir servir de modèle pour les normes réglementaires du monde entier;
5.6. prendre dans un premier temps la forme d’une recommandation du Comité des Ministres, mais faire place également à un instrument juridique contraignant si la majorité des Etats membres le souhaite, par exemple à un protocole additionnel à la Convention de 1997 pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE no 164, «Convention d’Oviedo»);
5.7. prévoir la création d’un centre interdisciplinaire international qui servira dans un proche avenir de pôle mondial des connaissances en matière de sécurité de la nanotechnologie, sans préjudice de la continuité du soutien apporté, y compris sur le plan financier, aux projets de recherche actuels visant à déterminer les risques potentiels des nanomatériaux;
5.8. promouvoir le développement d’un système d’évaluation des règles éthiques, des matériels publicitaires et des attentes des consommateurs, concernant les projets de recherche et les produits de consommation dans le domaine de la nanotechnologie ayant des répercussions sur les êtres humains et l’environnement.
6. L’Assemblée recommande que le Comité de bioéthique (DH-BIO) du Conseil de l’Europe soit chargé d’une étude de faisabilité sur l’élaboration d’éventuelles normes dans ce domaine, fondées sur le paragraphe 5 de la présente recommandation, en tant que première étape en vue de l’ouverture de négociations sur ce thème selon une approche impliquant de multiples acteurs. Cette étude devrait couvrir, en tout état de cause, la recherche scientifique menée actuellement au niveau international pour déterminer les risques liés aux nanomatériaux. La communauté scientifique participerait ainsi activement à l'élaboration de toute proposition d’ordre normatif et/ou législatif.