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Rapport | Doc. 13207 | 13 mai 2013

Le congé parental, moyen d'encourager l’égalité des sexes

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteur : M. Andrea RIGONI, Italie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12654, Renvoi 3812 du 3 octobre 2011. 2013 - Commission permanente de mai

Résumé

Le congé parental désigne le congé accordé aux parents, indépendamment de leur genre, pour s’occuper d’un enfant. Le fait que ce congé puisse être pris aussi bien par les hommes que par les femmes en fait un instrument précieux pour assurer que les hommes et les femmes partagent les droits et les responsabilités relatifs à l’éducation et à la prise en charge de leurs enfants. Le congé parental contribue également de manière significative à une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale et à améliorer l’équilibre entre les femmes et les hommes sur le marché du travail et dans la société en général.

Il existe de grandes disparités dans les politiques de congé parental des différents Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment en termes de durée du congé, de flexibilité et de montant des allocations versées aux parents.

Le congé parental ne peut avoir d’impact à long terme sur l’égalité de genre que si une partie significative d’hommes en profitent. Pour les encourager dans ce sens, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient organiser des campagnes d’information et de sensibilisation et mettre en place des mesures incitatives.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 23 avril
2013.

(open)
1. Le congé parental, qui désigne le congé accordé aux parents, indépendamment de leur genre, pour s’occuper d’un enfant, est l’un des piliers des politiques de conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée ainsi qu’un moyen de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des familles, au travail et, plus globalement, dans la société. Il répond aussi au besoin de plus en plus exprimé par les hommes de disposer de plus de temps pour s’occuper d’un nouveau-né, d’un jeune enfant ou d’un enfant récemment adopté, besoin qui traduit une tendance, déjà visible dans la société, à s’affranchir de la conception traditionnelle où les femmes s’occupent des personne dépendantes et les hommes se préoccupent exclusivement de subvenir aux besoins de la famille.
2. L’Assemblée parlementaire se félicite de la mise en place ces dernières années du congé parental, sous une forme ou autre, dans presque tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Pour autant, elle note, d’une part, la grande disparité entre les différents modèles et, d’autre part, le recours limité à ce type de congé dans la pratique. Par conséquent, elle propose des mesures visant à réexaminer les systèmes existants en introduisant des éléments destinés à encourager les pères à prendre un congé parental et en coordonnant le congé parental avec d’autres politiques.
3. Au vu de ces considérations et rappelant sa Résolution 1921 (2013) sur l’égalité des sexes, la conciliation vie privée-vie professionnelle et la coresponsabilité, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
3.1. à introduire des régimes de congé parental permettant aux parents, indépendamment de leur genre, de s’occuper des enfants sur un pied d’égalité. Ces systèmes devraient remplir les critères suivants:
3.1.1. réserver une partie du congé au père, non transmissible à l’autre parent et perdue si elle n’est pas utilisée et prévoir un système de bonus pour les cas où les deux parents prendraient le congé, afin d’inciter les pères à prendre un congé parental;
3.1.2. être souples et offrir aux parents la possibilité de prendre le congé en une ou plusieurs fois et de le combiner avec un travail à temps plein ou partiel;
3.1.3. être accessibles à tous les travailleurs, indépendamment de leur type de contrat de travail (dont les contrats à durée déterminée, à temps partiel ou temporaire) et de leur employeur (qu’il soit public ou privé et quelle que soit la taille de l’entité);
3.2. à lancer des campagnes d’information et de sensibilisation à l’intention des parents et du grand public sur les régimes de congé parental qui existent et visant à encourager les hommes à faire valoir leur droit à ce type de congé;
3.3. à intégrer le congé parental dans un cadre de politiques visant à concilier la vie professionnelle et la vie privée, en mettant notamment l’accent sur des politiques adaptées dans le domaine de l’accueil et de l’éducation de la petite enfance.
4. A long terme, l’Assemblée encourage les Etats membres du Conseil de l’Europe à remplacer les différents types de congés actuellement en place (maternité, paternité, parental et garde d'enfants) par un congé parental unique, accessible aux mères comme aux pères et à répartir de manière égale entre eux.
5. Convaincue que les partenaires sociaux – organisations d’employeurs et organisations de travailleurs – ont un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre des régimes de congé parental, l’Assemblée les encourage à lever les obstacles et les freins pour créer une culture du travail qui facilite le recours au congé parental, en particulier par les travailleurs masculins.
6. L’Assemblée invite notamment les employeurs et leurs organisations à garantir aux parents la possibilité d’exercer leur droit à un congé parental quel que soit leur genre, sans conséquences négatives pour leurs perspectives de carrière et leur évolution professionnelle.

B. Exposé des motifs, par M. Rigoni, rapporteur

(open)

1. Introduction

«Quand ils deviennent père, les hommes n’ont toujours droit qu'à un congé de paternité de deux semaines. Cette règle met les femmes sous tutelle et marginalise les hommes. Elle repose sur une conception de la vie où les femmes restent à la maison et les pères sont les seuls à subvenir aux besoins de la famille. Ce système édouardien n’a pas sa place en Grande-Bretagne au XXIe siècle. (...) De plus en plus de pères souhaitent s’occuper activement de leurs jeunes enfants, mais un grand nombre d’entre eux ont la sensation de ne pas pouvoir le faire. Cette culture doit changer.»

1. Tels étaient les termes que le vice-Premier ministre britannique, Nick Clegg, a employés en 2011 pour annoncer une refonte complète du système de congé parental au Royaume-Uni. Je trouve ses propos particulièrement éloquents et révélateurs de la réalité qui existe actuellement en Europe.
2. De plus en plus d’hommes participent activement aux soins et à l’éducation de leurs enfants dès le plus jeune âge. Cette évolution marque un changement de mentalité, qui tend à abolir ou pour le moins à atténuer la répartition traditionnelle des rôles entre les sexes.
3. D’après une étude réalisée au Royaume-Uni, aujourd’hui, les pères consacrent 800 % plus de leur temps à leurs enfants que dans les années 1970 
			(2) 
			Adrienne
Burgess, «The role of fatherhood», 2007.. Même si elle est toujours faible, la proportion des pères au foyer a aussi augmenté: en 2011, «62 000 étaient répertoriés comme ‘économiquement inactifs’ et pères au foyer, soit trois fois plus qu’en 1996 (21 000). Ce chiffre n’englobe pas les pères qui travaillent à domicile ou à temps partiel pour être le parent le plus présent au foyer. Une enquête (…) de la compagnie d’assurances Aviva révèle qu’ils pourraient être 600 000 hommes ou 6 % des pères britanniques dans ce cas, soit une hausse supplémentaire par rapport aux chiffres (…), où le nombre d'hommes britanniques s'occupant en priorité de leurs enfants s’élevait à 192 000 en 2009 et à 119 000 en 1993» 
			(3) 
			The
Guardian, «Why stay-at-home dads are still the invisible
men of the house», 29 janvier 2012..
4. Le présent rapport porte sur le congé parental, qui est le congé accordé aux parents, quel que soit leur sexe, pour s’occuper d’un enfant. Le fait que ce congé puisse être pris aussi bien par les hommes que par les femmes en fait un instrument précieux pour assurer que les hommes et les femmes partagent les droits et les responsabilités relatifs à l’éducation et à la prise en charge de leurs enfants. Cela permet également de l’appliquer aux familles homoparentales, qui représentent une partie croissante des foyers européens.
5. Les politiques relatives au congé parental varient considérablement entre les différents Etats membres du Conseil de l’Europe. Ce rapport présente les modèles les plus développés et efficaces dans l’optique de promouvoir les bonnes pratiques. Il propose aussi des mesures pour que le congé parental ne soit pas seulement une bonne politique en théorie mais aussi un dispositif effectivement utilisé dans la pratique, en particulier par les hommes.
6. Pendant la préparation du rapport, j’ai effectué une visite d’information en Suède, car j’estimais utile de rassembler des informations dans le pays où le congé parental avait été «inventé» dès 1974. Mes interlocuteurs pendant cette visite – des membres du gouvernement et du parlement, ainsi que des représentants du milieu universitaire et d’organisations non gouvernementales – m’ont fourni d’utiles informations de première main sur l’application concrète du congé parental et sur son impact sur la société suédoise. J’ai tenu compte de ces éléments pour comprendre le potentiel des régimes de congé parental à la fois en Suède et dans toute l’Europe et pour identifier les bonnes pratiques à inclure dans le projet de résolution.
7. J’aimerais encore une fois remercier la délégation suédoise, à la fois les parlementaires et le secrétariat, pour leur chaleureuse hospitalité et la parfaite organisation de la visite.

2. Définitions: congé parental, de maternité et de paternité

8. Les régimes de sécurité sociale offrent diverses formes de congés pour prendre soin des enfants. Deux grandes approches peuvent être distinguées:
  • la première, la plus ancienne et répandue, correspond au traditionnel «congé de maternité» réservé aux femmes;
  • la seconde élargit le droit à un congé aux pères, soit en mettant en place un congé pour la naissance d’un enfant qui ne peut être pris que par les hommes (congé de paternité), soit en optant pour un «congé parental» qui est neutre (auquel peuvent prétendre à la fois les femmes et les hommes) mais qui, souvent, comporte des périodes réservées exclusivement à la mère ou au père.
9. Ces deux approches ne sont pas mutuellement exclusives: dans de nombreux pays, le congé parental suit le congé de maternité et ne s’y substitue pas. Comme le congé parental n’est pas uniquement lié à la naissance et au fait de prendre soin du nouveau-né, sa durée est également plus longue.
10. Dans la mesure où il fait directement suite à la grossesse et à l'accouchement, dans la plupart des cas, le congé de maternité est traditionnellement considéré comme une mesure de santé publique. En revanche, le congé parental est plutôt une mesure d’aide sociale et constitue clairement également un moyen d’améliorer l’équilibre entre les femmes et les hommes et de concilier la vie professionnelle et la vie familiale.
11. Accroître l'égalité entre les femmes et les hommes est un objectif à la fois pour les foyers et la société dans son ensemble. Le congé parental permet aux pères d’avoir davantage de temps pour prendre soin d’un nouveau-né, d’un jeune enfant ou d’un enfant adopté qui vient d’arriver au sein du foyer. Il permet par ailleurs de s’affranchir des rôles traditionnellement affectés aux hommes et aux femmes au sein de la famille – les femmes ayant pour tâche de s’occuper du foyer et les hommes de subvenir aux besoins de la famille. Ce type de congé peut avoir des incidences sur l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale, aussi bien pour les femmes que pour les hommes, et sur le partage des responsabilités entre les parents. Il peut aussi contribuer à plus d’égalité entre les femmes et les hommes sur le marché du travail en atténuant l’un de principaux motifs de discrimination envers les femmes.

3. Ce qui a évolué ces dix dernières années

12. L’Assemblée a pris position en faveur du congé parental à de maintes reprises, à commencer par sa Résolution 1018 (1994) relative à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, dans laquelle elle invitait les Etats membres à introduire dans leur législation le principe du congé parental et le concept des congés rémunérés pour que l’un des deux parents puisse s’occuper de leurs enfants.
13. L’Assemblée a renouvelé cette recommandation en 2002 en adoptant un texte plus complet, la Résolution 1274 (2002), dans laquelle elle demandait aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
  • d’adopter des lois visant à encourager la responsabilité parentale par le biais, notamment, d’un horaire flexible et du travail à temps partiel, y compris à domicile;
  • de prendre les mesures nécessaires pour faciliter la réinsertion des parents dans le monde du travail à la fin du congé parental;
  • de lancer des campagnes de sensibilisation sur la nécessité de prévoir des systèmes d’aide pour la garde des enfants;
  • de créer des structures d’accueil pour les enfants.
14. En lisant l’exposé des motifs de la Résolution 1274 (2002), plus de dix ans après son adoption, je réalise que les Etats membres du Conseil de l’Europe se sont activement employés à introduire des régimes de congé parental et même à élargir les critères d’éligibilité. Cela étant, la mise en œuvre des politiques et de la législation reste le principal défi à relever et ce à deux égards:
  • il existe de grandes disparités dans la prise du congé parental entre les différents Etats membres du Conseil de l’Europe;
  • un déséquilibre persiste entre hommes et femmes quant au recours effectif à ce type de congé.

4. Répartition par sexe des personnes qui prennent un congé parental

15. Les régimes de congés permettant de s’occuper d’enfants diffèrent considérablement d’un pays à l’autre en Europe et sont difficiles à comparer. De même, le niveau de recours à ce type de congé varie en fonction de plusieurs facteurs, tels que les critères d’éligibilité à remplir par les parents et selon que le congé est payé ou non. Ces critères peuvent être liés au type de contrat de travail, sachant que les travailleurs indépendants et les travailleurs temporaires ne sont pas toujours éligibles, ou au type d’employeur dans la mesure où les petites entreprises peuvent être dispensées d’appliquer les politiques de congés. En outre, comme le soulignent les experts du «réseau spécialisé dans les politiques de congé», on ne dispose pas de données sur les congés non payés 
			(4) 
			<a href='http://www.leavenetwork.org/fileadmin/Leavenetwork/overviews_2011/overview_09_take_up.pdf'>www.leavenetwork.org/fileadmin/Leavenetwork/overviews_2011/overview_09_take_up.pdf</a>..
16. Ce sont majoritairement les femmes qui prennent un congé parental. Dans l’Union européenne, elles ont très largement recours à ce type de congé dans les pays nordiques ou d’Europe centrale comme la République tchèque, la Hongrie et la Pologne, mais aussi en Allemagne et en Italie. Elles sont moins nombreuses à le faire (entre un tiers et deux tiers des mères) en France, aux Pays-Bas et en Espagne. Leur nombre est beaucoup plus faible dans les pays où le congé parental n’est pas payé, dont Chypre, la Grèce, l’Irlande, le Portugal et le Royaume-Uni 
			(5) 
			Parental leave in European
companies, Eurofond, <a href='http://www.eurofound.europa.eu/pubdocs/2006/87/en/1/ef0687en.pdf'>www.eurofound.europa.eu/pubdocs/2006/87/en/1/ef0687en.pdf</a>..
17. Comparativement aux mères, le nombre de pères prenant un congé parental présente des variations difficiles à interpréter. Ils sont relativement nombreux dans les pays nordiques. Par contre, dans plusieurs autres pays où de nombreuses femmes prennent un congé parental, rares sont les hommes qui font valoir leur droit à ce type de congé (7 % en Italie, 6 % au Danemark, 5 % en Allemagne, 3 % en France, 2 % en Pologne).
18. Des données publiées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2007 indiquent la proportion de pères utilisant leur droit au congé par rapport aux mères (sur la base du nombre de pères et de mères prenant au moins un jour de congé parental). Cet indicateur confirme qu’il existe de grandes divergences entre les pays européens: tandis qu’en Suède, le taux était de 77 pères pour 100 mères, les chiffres correspondants dans des pays comme Chypre, l'Estonie, la Finlande, la France, l'Allemagne et la République slovaque étaient inférieurs à 10. EIGE, l'Institut européen pour promouvoir l'égalité des genres, qui a utilisé ces données dans son Bilan de 2011 sur la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing, explique la cause de ces différences. Le taux de recours à ce type de congé est particulièrement faible dans les pays où le congé parental est considéré comme un droit familial plutôt que comme un droit individuel et où il n’est pas bien payé 
			(6) 
			EIGE, Review of the Implementation of the Beijing
Platform for Action: Women and the Economy. Reconciliation of Work
and Family Life as a Condition of Equal Participation in the Labour
Market, <a href='http://eige.europa.eu/sites/default/files/Reconciliation of Work and Family Life as a Condition of Equal Participation in the Labour Market - Main findings_0.pdf'>http://eige.europa.eu/sites/default/files/Reconciliation%20of%20Work%20and%20Family%20Life%20as%20a%20Condition%20of%20Equal%20Participation%20in%20the%20Labour%20Market%20-%20Main%20findings_0.pdf</a>..

5. Un cercle vicieux

19. En Europe, les pères ont accès au congé parental depuis plusieurs décennies. Pourtant, un déséquilibre net persiste en la matière entre les pères et les mères. Plusieurs causes y contribuent, dont avant tout des considérations culturelles et les écarts de salaires entre les hommes et les femmes.
20. Les considérations culturelles sont essentiellement liées aux rôles incombant traditionnellement aux hommes et aux femmes au sein de la famille. La situation à laquelle le congé parental est censé parer reste un obstacle à sa pleine mise en œuvre. En d'autres termes, la réalité sociale actuelle résiste au changement.
21. Le risque qu’une sorte de cercle vicieux s’installe en matière de congé parental subsiste dans de nombreux pays européens. En effet, ce congé est souvent présenté comme une mesure visant à l’égalité des chances. Toutefois, si l'objectif est de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes aussi bien au sein du foyer que sur le marché du travail, le congé parental doit être utilisé autant par les hommes que par les femmes. Or, cela exige que l’égalité entre les femmes et les hommes soit déjà une réalité ou, pour le moins, à un stade de réalisation plus avancé qu’actuellement. Dans le cas contraire, le congé parental est susceptible de retarder, voire même de réduire à néant les avancées accomplies dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes.

6. Existe-t-il un système de congé parental qui soit meilleur que les autres?

22. Les régimes de congé parental varient considérablement entre les différents systèmes de sécurité sociale européens. Leurs principales différences portent sur la durée, le montant des allocations versées, la souplesse et la nature du droit en question. Ces éléments peuvent se combiner de diverses manières.
a. Nature du droit
  • Le congé parental peut être considéré comme:
    • un droit familial qui peut être réparti entre les parents selon leur choix (c’est le cas de nombreux pays européens comme l’Autriche, le Danemark, la France et l’Allemagne);
    • un droit individuel (comme en Belgique, en Croatie, en Grèce, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et dans d’autres pays);
    • un droit mixte, en partie familial et en partie individuel (comme c’est le cas en Islande, en Norvège, au Portugal et en Suède).
  • Certains régimes dans lesquels le congé parental présente un caractère individuel permettent de transférer les droits non utilisés au partenaire. Certains autres écartent cette possibilité: dans ce cas, les droits non utilisés sont perdus. La Norvège est le premier pays à avoir introduit, en 1993, une quote-part pour les pères en vertu du principe «tout droit non utilisé est perdu». A en juger par le grand nombre de pères qui prennent un congé parental dans ce pays, ce système s’est révélé un succès dès sa mise en place.
  • Globalement, il est important de savoir qu’en règle générale, les droits légaux ne sont pas accessibles à tous: souvent, les critères d’éligibilité excluent certains groupes de travailleurs, tels que les travailleurs indépendants ou les travailleurs occupant des emplois plus précaires ou marginaux.
b. Souplesse
  • Elle peut prendre diverses formes. Les parents peuvent par exemple choisir d'utiliser toute la période prévue ou juste une partie. Le congé parental peut être pris en une seule fois ou être fractionné sur une période plus longue. Il peut par ailleurs prendre la forme d’un temps plein ou d’un temps partiel et donc être combiné avec un travail à temps partiel. Certains régimes permettent en outre aux parents d’opter pour un congé plus long et une allocation inférieure ou pour un congé plus court dont l’allocation sera plus élevée. Dans certains cas, les droits au congé parental peuvent même être transférés à la personne qui prend soin de l’enfant mais qui n’est pas un de ses parents. Le degré de souplesse est variable: la Slovénie, par exemple, propose six options différentes aux parents, la Croatie cinq, l’Allemagne, la Norvège et la Suède quatre.
c. Allocation
  • La plupart des pays prévoient le versement d’une allocation aux parents qui prennent un congé parental. Les politiques en matière d’allocation diffèrent considérablement d’un pays à l’autre. En règle générale, l’allocation versée est faible lorsqu’elle est de longue durée et plus conséquente dès lors que le congé parental n’excède pas six mois. Les régimes prévoient généralement un plafond global au versement de cette allocation. Dans quelques cas, notamment en Autriche, en République tchèque, en Estonie, en France et en Allemagne, tous les parents ayant des jeunes enfants peuvent prétendre à une allocation, qu’ils prennent ou non un congé.
d. Durée du congé pour s’occuper d’enfants et niveau de prestations liées aux revenus
  • Les pays européens peuvent être répartis en trois grands groupes:
    • neuf mois ou plus, avec un taux de remplacement de deux tiers ou plus. Une période de congé parental est toujours comprise. Ce modèle est celui des cinq pays nordiques, de certains pays d’Europe centrale et orientale (Croatie, Estonie, Hongrie et Slovénie), et de l’Allemagne;
    • de quatre à six mois, mais uniquement pour le congé de maternité. Un congé parental est prévu, mais pas avec un niveau élevé de prestations liées aux revenus. Ce groupe comprend plusieurs pays d’Europe occidentale. L’Irlande fait partie de ce groupe, mais l’effet du plafond appliqué aux prestations liées aux revenus doit être pris en compte;
    • quatre mois de congé postnatal au maximum, en fonction des revenus. Ce groupe inclut l’Autriche, la République tchèque, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Fédération de Russie et la Suisse.
23. En 1974, la Suède a mis en place un congé parental neutre, qui s’applique donc aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Ce régime de congé parental unique a été une véritable révolution. Pour la première fois, les hommes avaient le droit de prendre un congé payé pour s’occuper de leurs enfants en bas-âge. En 1967, la Hongrie avait également introduit un congé parental, mais ce dernier était un congé qui suivait le congé de maternité et était réservé aux femmes. A l’inverse, en Suède, cette initiative était le fruit du climat culturel et politique d’un pays où les citoyens étaient largement en faveur d’une égalité entre les femmes et les hommes. Le principe d’un processus mutuel où les femmes entrent dans un univers traditionnellement masculin et les hommes entrent dans un univers traditionnellement féminin a été le fondement idéologique de la politique de la famille et de l’égalité en Suède au cours de ces quarante dernières années 
			(7) 
			Roger Klinth, «The
best of both worlds? Fatherhood and gender equality in Swedish paternity
leave campaigns, 1976-2006», Fathering,
volume 6, n° 1, 2008..
24. Dans l’intervalle, tous les pays nordiques ont élaboré et mis en place des systèmes complets et plutôt généreux de congé postnatal lié aux revenus, dont une période de congé parental. En outre, ils analysent et contrôlent leurs politiques et pratiques, parfois par le biais de projets commandés par le Conseil nordique des ministres. A titre d’exemple récent, le projet nordique sur les politiques de l’enfance a mis l’accent sur la paternité et le rôle des pères dans l’éducation des enfants.
25. Actuellement, l’Islande semble être le pays d’Europe qui garantit aux pères et aux mères le meilleur niveau d'égalité en matière de droit à un congé parental. Après l’adoption d’une loi novatrice en 2000, le pays a connu quelques revers avec la crise survenue en 2008, qui s’est notamment traduite par une baisse du plafond des allocations. Cependant, en décembre 2012, le Parlement islandais a adopté une nouvelle loi, qui prévoit un congé parental payé de cinq mois pour les pères, de cinq mois pour les mères et de deux mois partageables entre les deux parents. Par ailleurs, le délai pour exercer ces droits est porté à 24 mois. Ces modifications entreront progressivement en vigueur entre 2013 et 2016 
			(8) 
			<a href='http://thjodmalastofnun.hi.is/sites/thjodmalastofnun.hi.is/files/skrar/eydal_and___gislason-_paid_parental_leave_in_iceland-_2012_dvelopmen__ts-1.pdf'>http://thjodmalastofnun.hi.is/sites/thjodmalastofnun.hi.is/files/skrar/eydal_and___gislason-_paid_parental_leave_in_iceland-_2012_dvelopmen__ts-1.pdf</a>..
26. En novembre 2012, le gouvernement britannique a annoncé son intention de réformer le régime national de congé de maternité et de le remplacer par un système de congé parental, souple. Dans le cadre de cette proposition, la durée totale de 52 semaines, actuellement accordée aux mères, pourrait être répartie de manière égale entre les deux parents.
27. Même si cette réforme va dans le bon sens, elle ne semble pas encourager les pères à prendre un congé. En effet, il est prévu que les parents puissent librement décider comment ils souhaitent se partager la durée du congé. Or, comme le montrent les expériences déjà menées dans d’autres pays, cette possibilité conduit généralement à ce que les mères continuent à prendre la plus grande partie du congé.
28. Le Président français, François Hollande, a également annoncé récemment qu’un projet de loi de réforme du système de congé parental serait présenté avant mai 2013. La réforme aurait pour but à la fois de réduire le temps que les femmes passent en dehors du monde du travail, qui peut potentiellement être préjudiciable à leur perspectives de carrière, et d’encourager le père à partager les responsabilités dans l’éducation des enfants. La réforme prévoit en particulier un bonus quand le second parent prend son congé parental.
29. Dans mon pays, l’Italie, une loi adoptée en 2012 pour réformer le marché du travail en vue d’augmenter la croissance économique fixe, entre autres, des règles sur la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle et le partage des responsabilités du ménage entre les époux. Le décret d’application de cette loi introduit des allocations réservées aux mères pour couvrir les frais de baby-sitting ou du jardin d’enfants pour une période allant jusqu’à six mois après la période du congé de maternité, mais prévoit aussi un congé parental obligatoire et un congé parental optionnel pour les pères. Comme ces périodes sont limitées respectivement à un et deux jours, la mesure est de toute évidence en deçà d’une norme minimale raisonnable. Bien que le nombre de jours soit simplement symbolique, j’estime qu’il s’agit d’un premier pas dans la bonne direction, sous réserve que des réformes en augmentation soient adoptées rapidement.

7. Campagnes d’information

30. Quand le congé parental a été instauré en Suède, l'idée de le rendre obligatoire pour les hommes ne faisait pas partie du débat politique. Dans la mesure où il s’agissait d’une forme d’allocation familiale totalement nouvelle, qui ne reflétait pas les rôles traditionnels des hommes et des femmes au sein de la cellule familiale, le législateur avait préféré le concevoir comme une option librement choisie plutôt que comme une obligation.
31. Toutefois, pour que la réforme puisse atteindre son objectif final, à savoir améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes par la responsabilité partagée de l’éducation des enfants, il était nécessaire qu’un nombre significatif de pères optent pour ce nouveau régime. Plusieurs campagnes d’information ont donc été lancées à cette fin à compter de 1976.
32. Les autorités ont activement encouragé un changement de mentalité au sujet de l’éducation des enfants, du congé parental et du rôle de chacun des deux parents au moyen de spots télévisés, d’affiches, de brochures, de cours d’éducation prénatale et postnatale ou de réunions d'information, tant au niveau national que local. Dans un premier temps, à la fin des années 1970 et au cours des années 1980, les campagnes étaient basées sur des images de pères dans des rôles non traditionnels, prenant soin de nouveau-nés, changeant leurs couches, poussant des balançoires sur des aires de jeux, etc.
33. La première campagne nationale mettait en scène Lennart «Hoa Hoa» Dahlgren, un haltérophile. L’objectif était de montrer que même un homme dont la masculinité est incontestable peut prendre soin d’enfants. Cette campagne encourageait les hommes à partager les tâches au sein du foyer tout en précisant que cela ne porterait pas pour autant atteinte à leur virilité.
34. Cependant, cette représentation des hommes dans des rôles non traditionnels prêtait parfois à controverse. Dans les campagnes suivantes, des messages plus subtils ont été choisis pour souligner, par exemple, les différences entre les femmes et les hommes et la complémentarité entre les parents. Un article de magazine consacré au congé parental, publié par le Conseil national de la santé et de la protection sociale, autorité suédoise de santé publique, titrait en 1991 «Both are needed because we are different».
35. Par la suite, entre 2002 et 2006, les campagnes ont mis l’accent sur la nécessité du partage des responsabilités. Elles soulignaient davantage les similitudes entre les femmes et les hommes en termes de droits et de capacités que leurs différences. L’objectif d’établir une égalité entre les femmes et les hommes est alors devenue plus explicite, ce qui a conduit à mettre en avant les avantages liés au congé parental, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.
36. Des campagnes visant à promouvoir le congé parental ont été lancées dans de nombreux pays d’Europe, dans la mesure où des études avaient révélé qu’en règle générale, les pères et le grand public n’étaient pas suffisamment sensibilisés aux avantages dont les parents pouvaient bénéficier.
37. Au Royaume-Uni, la campagne de sensibilisation qui a duré un mois, baptisée «Dads at Work», lancée en 2010 par le ministère des Entreprises, de l’Innovation et des Compétences, est un parfait exemple d’initiatives plus récentes prises en la matière. Les recherches menées par ce ministère avaient en effet révélé que, si dans l’ensemble les pères appréciaient la possibilité de jouir d’une certaine souplesse dans leur travail et de s’occuper de leurs enfants, un grand nombre d’entre eux ignoraient leurs droits en la matière et notamment comment bénéficier d’aménagements spécifiques, comme des horaires flexibles, le temps partiel, le travail à domicile ou le congé parental.
38. L’étude avait révélé que 91 % des pères ayant des enfants de moins de 16 ans considéraient qu’il était important qu’un père puisse choisir de prendre un congé de paternité payé. 62 % estimaient que l’absence du père au sein du foyer après la naissance de l’enfant pouvait avoir des répercussions négatives sur la relation père-enfant. En revanche, un père sur trois ignorait que la législation en vigueur prévoyait la possibilité de prendre un congé de paternité payé et près d’un sur cinq (22 %) ne savait pas que la date limite pour déposer une demande de congé de paternité était fixée à 15 semaines avant la naissance de l’enfant 
			(9) 
			<a href='http://homedad.org.uk/?p=38'>http://homedad.org.uk/?p=38</a>..
39. La campagne «Dads at Work» reposait sur des affiches et des brochures d’information distribuées dans les cabinets médicaux, les centres hospitaliers et les cliniques prénatales, qui renvoyaient vers un site internet spécifique pour obtenir des informations plus détaillées sur le sujet. La publicité en ligne sur des sites internet visant un public constitué majoritairement de pères faisait également partie de cette campagne. Cette dernière offrait ainsi aux pères des informations précises sur leurs droits, en particulier concernant le congé de paternité et le congé parental 
			(10) 
			<a href='http://www.direct.gov.uk/en/Parents/Moneyandworkentitlements/WorkAndFamilies/'>www.direct.gov.uk/en/Parents/Moneyandworkentitlements/WorkAndFamilies/</a>..

8. Donner l’exemple

40. Les actes sont plus éloquents que les mots. Il serait, évidemment, opportun que des hommes célèbres, des personnalités respectées ou des dirigeants politiques eux-mêmes donnent l’exemple en prenant un congé parental et en montrant ainsi qu’il est possible de concilier des responsabilités politiques, par exemple, et le rôle de père.
41. En 1998, le Premier ministre finlandais, Paavo Lipponen, a créé l’événement en prenant un congé parental alors qu’il était en fonction. A l’époque, les journaux du monde entier avaient qualifié ce comportement d’original, si ce n’est d’extravagant. Cela étant, les opinions ont évolué depuis. Il y a quelques années, certains leaders d’opinion ont désapprouvé le choix de plusieurs dirigeants politiques de ne pas prendre un congé pour passer du temps avec leur nouveau-né, comme cela a été le cas en France et au Royaume-Uni.
42. Dans les pays nordiques, les exemples de ministres et d’autres hauts responsables politiques qui prennent un congé de paternité ou parental se multiplient. Ainsi, en 2011, deux ministres du Gouvernement norvégien, M. Knut Storberget (justice) et M. Audun Lysbakken (famille), ont pris un congé parental après la naissance de leur enfant respectif. Le Premier ministre, M. Jens Stoltenberg, à qui l’on demandait de commenter l'événement, a déclaré: «Je regrette leur absence, (…) mais il n’y a pas de raison que des hommes soient plus indispensables dans leur travail – ou au sein d’un gouvernement – que des femmes.»

9. Mesures visant à inciter les pères à prendre un congé parental

43. Dans la mesure où les salaires moyens des femmes sont inférieurs à ceux des hommes, les mères ont plus tendance à demander un congé parental que les pères. Dès lors que la période de congé parental n’est pas rémunérée ou que l’allocation versée n’est pas proportionnelle au salaire, le choix d’un père de prendre un congé parental peut se traduire par une baisse plus importante des revenus du foyer. Pour remédier à cette situation, il serait nécessaire de lutter contre les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et/ou de prévoir des mesures incitatives bien plus attractives pour encourager les hommes à prendre un congé parental.
44. Les régimes de congé parental neutres sur le plan du genre et qui, donc, englobent implicitement les hommes ne semblent pas encourager une plus grande implication des pères. Pour prendre un congé parental, ces derniers ont besoin de mesures incitatives plus attractives et de plus de garanties. Le recours moins fréquent à ce type de congé par des pères occupant des emplois plus précaires ou peu réglementés traduit clairement l’effet dissuasif de la perte financière. Qui plus est, un bon niveau de souplesse contribuerait à ce qu’un plus grand nombre de pères prennent un congé parental.
45. Il est important de continuer à suivre les évolutions dans les pays d’autres régions du monde, en particulier dans ceux qui ont l’habitude de vérifier et d’évaluer leurs politiques, y compris en matière de congé parental. A titre d’exemple, l’Australie a introduit en janvier 2013 le règlement «Dad and Partner Pay», inspiré d’auditions et d’études réalisées les années précédentes. Une étude récente conclut qu’un plus grand nombre de pères prendront un congé parental si le gouvernement assortit ce congé d’un bon niveau d’allocation et de conditions souples, spécifiques à la situation des parents et connues du public.
46. La culture du milieu de travail continue à avoir une incidence majeure sur le recours au congé parental, en particulier pour les pères. Les employeurs jouent un rôle capital dans la manière dont ils conçoivent et mettent en œuvre dans leurs entreprises ou organisations les dispositions relatives au temps de travail. Des études comparatives effectuées dans des entreprises européennes montrent que l’existence de droits légaux tend effectivement à contribuer largement au recours, dans les entreprises, au congé parental ou à d’autres possibilités de congés prolongés pour s’occuper d’enfants. Les entreprises suivent différentes stratégies pour gérer les départs en congés parental qui illustrent, dans une certaine mesure, la situation du marché du travail national. Les pays européens où le système de congé est assorti d’un taux de remplacement du revenu élevé ont aussi la plus grande proportion d’entreprises où les employés (hommes) prennent un congé parental.
47. Une étude sur les travailleurs du savoir dans deux entreprises norvégiennes a révélé que ce type de travail à l'ère postindustrielle est à la fois attractif et exigeant. De telles entreprises proposent de nouvelles formes d’organisation du travail et de souplesse, mais souvent dans l’intérêt de la productivité, pas de la paternité.
48. Un autre moyen d’accroître la proportion de pères qui décideraient de prendre un congé parental serait d’introduire des éléments obligatoires dans les régimes. Comme indiqué précédemment, plusieurs pays, notamment dans la région nordique, ont choisi cette voie. Au Danemark et en Norvège, par exemple, un mois de la période prolongée de congé parental est une option de type «tout droit non utilisé est perdu» pour les pères: libre à eux d’en profiter ou pas, mais ils n’ont pas la possibilité de transférer cet avantage à la mère de l’enfant.
49. La Norvège, la Suède et l'Islande prévoient ainsi une période exclusivement réservée aux pères 
			(11) 
			Ekberg, Eriksson, Friebel, «Parental leave – A policy evaluation of the
Swedish “Daddy-Month” Reform», 2005, Institute for the
Study of Labour: <a href='http://ftp.iza.org/dp1617.pdf'>http://ftp.iza.org/dp1617.pdf</a>.. L'Islande a procédé en 2000 à une réforme radicale de son régime de congé parental. La durée a été portée à neuf mois, dont un tiers doit être utilisé par les mères, un tiers par les pères et le dernier tiers est réparti entre les parents comme ils l'entendent. La part du père ne peut donc pas être inférieure à un tiers de la durée totale 
			(12) 
			Gislason, «Parental Leave in Iceland – Bringing the fathers
in. Developments in the wake of new legislation in 2000», 2007,
ministère islandais des Affaires sociales: <a href='http://www.jafnretti.is/D10/_Files/parentalleave.pdf'>www.jafnretti.is/D10/_Files/parentalleave.pdf</a>.. Depuis, la réforme de 2012 a marqué un autre pas dans la même direction (voir paragraphe 25).
50. Une autre mesure d'incitation destinée aux pères prévoit d’autres types d’avantages, tels que des jours de congés supplémentaires, comme c’est déjà le cas dans sept pays. En Finlande, les pères peuvent prendre 24 jours de congés supplémentaires à condition qu’ils prennent les deux dernières semaines du congé parental.
51. La Suède a mis en place une «prime pour l’égalité entre les femmes et les hommes», qui est une mesure économique destinée aux familles pour inciter une répartition plus équitable du congé parental. Le parent qui prend le plus grand nombre de jours du congé parental bénéficie d’une déduction fiscale pendant le temps où l’autre parent est en congé parental. Plus les parents partagent le congé parental de manière équitable et plus l’avantage qui leur est accordé est intéressant (environ 1 210 € au maximum par enfant).
52. En Allemagne, la durée du versement des prestations est étendue à 14 mois pour les pères qui prennent au minimum deux mois de congé. Même si cette solution consistant à ajouter deux mois à la durée de congé standard s’est accompagnée de coûts nettement supérieurs à l’option plus punitive de type «tout droit inutilisé est perdu», elle a été d’une importance stratégique, car elle a permis au Gouvernement allemand de surmonter la résistance politique à une mesure considérée comme capitale pour augmenter la proportion de pères prenant un congé paternel.
53. Au Portugal, une prime est versée aux familles dont le père partage avec la mère le congé de maternité. Des propositions visant à souligner l’importance de la répartition du congé entre la mère et le père ont été préparées par voie d'auditions et de débats publics, destinés à commander une étude sur les attentes des pères, ainsi que de négociations avec les partenaires sociaux. Le Portugal est également le seul pays qui impose aux pères de prendre deux semaines de congés.

10. Conclusions et recommandations

54. Comme le Président Obama l’a dit: «J’ai compris l’importance du rôle du père par son absence – dans ma vie et dans la vie de tant d’autres. J’ai compris que le vide qu’un homme laisse quand il abandonne les responsabilités qu’il a envers ses enfants est un vide qu’aucun Etat ne peut combler. Nous pouvons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour offrir à nos enfants de bons emplois, de bonnes écoles et des rues sans danger, mais ce ne sera jamais assez pour combler entièrement la perte.»
55. Le congé parental peut être un excellent moyen de surmonter la répartition rigide des rôles entre les femmes et les hommes et de promouvoir leur égalité, aussi bien dans la vie familiale que dans la vie professionnelle. C’est aussi une très bonne façon de répondre au besoin que de nombreux hommes ressentent de s’occuper activement de leurs enfants.
56. Pour que ces objectifs puissent être atteints, les régimes de congé parental doivent être correctement conçus et appliqués avec efficacité. Les critères de durée, d’aide financière et de souplesse devraient être combinés de manière à maximiser leur impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
57. Les pays nordiques ont été les pionniers du congé parental et continuent à montrer la voie. Ils ont été les premiers à le mettre en place, à le promouvoir et à évaluer sa mise en œuvre. Même si cela n'implique pas que le modèle scandinave peut être exporté en tant que tel vers n’importe quel Etat membre du Conseil de l'Europe, l’expérience de ces pays nous aide à identifier certaines caractéristiques efficaces.
58. Mes interlocuteurs pendant ma visite d'information en Suède ont clairement affirmé que le congé parental faisait partie du paysage culturel et social du pays et qu’il a fortement influencé les mentalités. Si l’égalité parfaite entre femmes et hommes n’est pas encore atteinte dans le monde du travail et dans la vie familiale, les responsabilités parentales et domestiques sont de plus en plus partagées entre les partenaires, et les hommes en assument une part considérable.
59. Un élément qui est ressorti de nos rencontres est le fait que les autorités tout comme la population suédoise sont conscients de l’importance du congé parental et qu’il est peu probable que ce système soit remis en question ou réduit. C’est une indication même pour des pays qui connaissent actuellement un processus de révision des dépenses: même si le congé parental peut être onéreux, ses effets positifs en termes de participation des femmes à la vie économique et de croissance économique équilibrée entre femmes et hommes font de lui un atout précieux.
60. Mes principales recommandations sont les suivantes:
60.1. S’agissant de la conception des régimes de congé parental:
  • les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas déjà fait devraient introduire des systèmes de congé parental accessibles tant aux pères qu’aux mères, visant à permettre et à encourager une répartition des responsabilités entre les parents en matière d'éducation des enfants;
  • réserver une partie du congé aux hommes, non transmissible à l’autre parent et perdue si elle n’est pas utilisée, augmente la probabilité que les pères prennent un congé parental, de la même façon que les systèmes de bonus incitent les deux parents à prendre un congé parental;
  • les régimes de congé parental devraient être suffisamment souples et notamment offrir la possibilité de prendre le congé en une seule fois ou de le fractionner en plusieurs périodes et de le combiner avec un travail à temps plein ou un travail à temps partiel;
  • le congé parental devrait être accessible à tous les travailleurs quel que soit le type de leur contrat de travail (dont ceux à durée déterminée, à temps partiel ou temporaire);
  • deux politiques essentielles doivent être prises en compte dans l’analyse des cadres de politiques visant à soutenir les travailleurs parents de jeunes enfants: le congé parental et l’accueil et l’éducation de la petite enfance. Il convient plus particulièrement d’examiner si elles sont coordonnées ou pas, en d'autres termes, si le droit à un congé parental entraîne automatiquement un droit à un service d’accueil et d’éducation de la petite enfance ou coïncide avec un tel droit;
  • les parents devraient bénéficier du droit à un travail à temps partiel ou d’horaires de travail flexibles en raison de l’âge de leurs enfants ou parce que ceux-ci sont atteints d’un handicap; l’employeur devrait avoir l'obligation d'examiner de telles demandes et ne les refuser que si l'activité l’exige clairement;
  • le congé parental ne se rapporte pas qu’à l’égalité entre les femmes et les hommes, ou au marché du travail; les intérêts de l'enfant sont tout aussi importants et devraient être pris en compte dans la conception d’une politique de congé;
  • dans une optique à long terme, les responsables de l’élaboration des politiques devraient envisager de remplacer les différents types de congés (maternité, paternité, parental et garde d'enfants) par un congé parental unique, avec une quote-part équivalente pour les mères et pour les pères. S’il est entendu que le congé de maternité continue à se justifier pour des questions de santé et de bien-être, tant pour les mères que pour les nouveau-nés, ce congé ne devrait pas, pour autant, nuire à la situation économique et sociale des femmes. A cet égard, le modèle conçu en Islande présente un intérêt particulier en répartissant une période postnatale unique entre la mère, le père et les deux parents.
60.2. S’agissant des mesures visant à encourager le recours au congé parental:
  • les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient organiser des campagnes d’information et de sensibilisation. Des messages ciblant spécifiquement les hommes devraient être diffusés, à la fois pour les informer sur les systèmes de congé parental disponibles et pour leur en présenter les avantages;
  • dans toute l'Europe, les partenaires sociaux – organisations représentatives des employeurs et des travailleurs – ont une influence essentielle sur la mentalité à l’égard du congé parental et sur les pratiques dans ce domaine. C’est pourquoi, ils devraient être encouragés à lever les obstacles et les freins pour créer une culture du travail qui facilite le recours au congé parental, en particulier par les travailleurs masculins.