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Résolution 1938 (2013) Version finale
La promotion d’alternatives à l’emprisonnement
1. L’Assemblée parlementaire, se référant
à sa Recommandation 1257
(1995) sur les conditions de détention dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe, réaffirme le principe en vertu duquel l’emprisonnement
devrait être une mesure prise en dernier ressort. Elle partage le
point de vue du Comité des Ministres, qui a constaté, dès sa Résolution
(76) 10 sur certaines mesures pénales de substitution aux peines privatives
de liberté, une tendance à éviter le plus possible l'application
des peines privatives de liberté, en raison de leurs multiples inconvénients
et par respect pour les libertés individuelles, convaincu que cette politique
pourrait être poursuivie sans mettre en danger la sécurité publique.
Les sanctions appliquées dans la communauté devraient représenter
la peine choisie en priorité, sauf lorsque la gravité de l’infraction
interdit toute peine autre que la privation de liberté.
2. Elle prend note avec un intérêt particulier des données comparatives
suivantes, publiées dans les Statistiques pénales annuelles du Conseil
de l’Europe (SPACE I – 2010):
2.1. la
population carcérale varie considérablement d’un pays européen à
l’autre. L’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Lettonie, la Fédération de
Russie et l’Ukraine dépassent, de plus du double, la moyenne des Etats
membres du Conseil de l’Europe de 149 détenus pour 100 000 habitants,
tandis qu’Andorre, la Bosnie-Herzégovine, le Danemark, la Finlande,
l’Islande, le Liechtenstein, Monaco, les Pays-Bas, la Norvège, Saint-Marin,
la Slovénie, la Suède et la Suisse affichent des taux d’emprisonnement correspondant
à la moitié ou moins de la moitié de la moyenne européenne. La plupart
des pays d’Europe ont enregistré une tendance générale à l’augmentation
de ces chiffres au cours des dix dernières années;
2.2. un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe
connaissent de graves problèmes de surpopulation carcérale. Vingt
et un Etats membres dépassent les 100 détenus pour 100 places de détention.
Selon les Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe,
les six pays où la situation est la pire sont: la Serbie avec 172
détenus, l’Italie avec 153 détenus, Chypre avec 151 détenus, la Grèce
avec 123 détenus, la Turquie avec 115 détenus et la France avec
108 détenus pour 100 places;
2.3. le coût de l’emprisonnement est considérable pour les
contribuables européens. Il équivaut en moyenne, parmi les Etats
membres du Conseil de l’Europe, à 100 euros par détenu et par jour.
3. L’Assemblée juge la surpopulation carcérale inacceptable,
tant par principe au regard des droits de l’homme, notamment sur
le plan de la protection contre les traitements inhumains et dégradants
(article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, STE
no 5), que pour les conséquences négatives
concrètes de cette surpopulation sur les intéressés et la société
en général, qui risque de pâtir de taux de récidive élevés et de
la perte de la contribution à la vie économique et sociale des personnes
dont la réinsertion est compromise par la surpopulation carcérale.
4. Etant donné le coût élevé de la construction et de l’entretien
des nouveaux établissements pénitentiaires, l’Assemblée recommande
de concentrer les maigres ressources budgétaires sur l’amélioration des
conditions de détention des prisons existantes, plutôt que d’augmenter
la capacité du parc pénitentiaire.
5. L’Assemblée observe avec satisfaction que le Royaume-Uni a
réussi à introduire et à promouvoir, au cours de ces dernières années,
de nouvelles formes de peines non privatives de liberté, qui représentent autant
d’alternatives à l’emprisonnement, tout en préservant les besoins
légitimes de la société en matière de sécurité.
6. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée invite tous les Etats
membres à promouvoir énergiquement l’utilisation des peines non
privatives de liberté, notamment pour les primo-délinquants, les
délinquants qui n’ont commis aucun acte de violence, les jeunes
délinquants et les femmes. Elle invite également les Etats membres
à promouvoir l’utilisation de mesures de contrôle alternatives à
la détention provisoire.
7. Elle souligne que les peines non privatives de liberté devraient
être infligées en remplacement des peines d’emprisonnement, sans
élargir davantage le champ d’application des sanctions pénales.
Il importe aussi que les infractions mineures qui n’étaient jusqu’ici
suivies d’aucune sanction pénale ne soient pas non plus sanctionnées
par des peines non privatives de liberté.
8. L’Assemblée rappelle que les peines non privatives de liberté,
qui sont évidemment préférables aux peines d’emprisonnement dans
tous les cas, sauf les plus graves, doivent respecter des exigences élémentaires
en matière de droits de l’homme, comme le précisent les Règles minima
des Nations Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de
liberté (Règles de Tokyo, 1990) et les Règles européennes du Conseil
de l’Europe sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté
(Recommandation no R (92) 16 du Comité
des Ministres), dont:
8.1. le principe
de légalité, ce qui signifie que les mesures qui doivent être appliquées,
les conditions de leur application et les autorités chargées de
leur application doivent être prévues par la loi;
8.2. l’interdiction de toute discrimination dans l’application
de mesures non privatives de liberté;
8.3. le respect du principe de proportionnalité entre la gravité
de l’infraction et l’intensité du caractère afflictif, et l’ingérence
dans les droits du délinquant de la mesure appliquée;
8.4. l’obligation d’obtenir le consentement de l’intéressé
lorsque les mesures non privatives de liberté sont appliquées avant
ou en lieu et place de la procédure officielle ou d’un procès;
8.5. le droit au contrôle de ces mesures, c’est-à-dire à l’existence
de garanties juridictionnelles et de voies de recours;
8.6. le respect des droits des délinquants à la vie privée
et à la dignité humaine;
8.7. la protection contre tout risque excessif de dommage physique
ou mental.
9. Les peines non privatives de liberté suivantes méritent une
attention particulière, à la lumière de l’expérience pratique des
pays qui réussissent à faire respecter la loi et à maintenir l’ordre
public avec un taux d’emprisonnement comparativement bas:
9.1. les amendes, qu’il convient
de calculer proportionnellement au revenu dont dispose le délinquant,
afin qu’elles soient comparables à des périodes de détention;
9.2. les peines d’emprisonnement assorties de sursis, que ce
soit intégralement ou par rapport à la dernière partie d’une peine
privative de liberté;
9.3. la libération anticipée d’un détenu pour raisons humanitaires,
en cas d’évolution imprévue concernant sa santé ou sa vie privée;
9.4. les peines purgées de manière intermittente ou les week-ends,
qui permettent à un détenu de continuer à mener sa vie professionnelle
et familiale, tout en étant privé de liberté pendant son temps libre;
9.5. l’aide et la surveillance des agents de probation, notamment
la participation à des «programmes de gestion des comportements
délictueux» (alcool au volant, gestion de la colère, violence domestique);
9.6. les mesures de désintoxication et de réinsertion des toxicomanes
(prise en charge thérapeutique et ordonnances de mise à l'épreuve);
9.7. les obligations de travaux d’intérêt général et les mesures
de «remboursement de la collectivité»;
9.8. les mesures de justice réparatrice qui prennent activement
en compte les victimes de la criminalité;
9.9. les programmes innovants de réinsertion des délinquants
auxquels participe la société civile, comme le programme des «cercles
de soutien» mis en place au Royaume-Uni;
9.10. les heures de rentrée imposées, l’assignation à résidence
et les mesures restrictives et d'exclusion, contrôlées par des moyens
technologiques.
10. L’Assemblée observe que les dernières avancées technologiques
ont élargi les possibilités d’utilisation des appareils de suivi
électronique, tels que les bracelets électroniques ou le GPS, et
ont amélioré leur rapport coût-efficacité. Elle considère que ces
appareils, en particulier lorsqu’ils sont associés à d’autres mesures
plus classiques, permettent d’élargir le champ d’application des
peines non privatives de liberté aux infractions plus graves, qui
étaient jusqu’ici sanctionnées par des peines d’emprisonnement.
11. L’Assemblée encourage par conséquent tous les Etats membres
du Conseil de l’Europe:
11.1. à
compléter, si besoin est, leur législation pénale pour mettre à
la disposition de leurs autorités judiciaires la panoplie complète
des sanctions non privatives de liberté, en prévoyant des alternatives viables
à l’emprisonnement dans tous les cas où elles seraient pertinentes;
11.2. à élaborer et tester de nouvelles formes et combinaisons
de peines non privatives de liberté et de sanctions appliquées dans
la communauté, tout en respectant les exigences énoncées au paragraphe
8 en matière de droits de l’homme;
11.3. à échanger des informations sur les réussites et les difficultés
qu’ils ont rencontrées, en utilisant les instruments de coopération
du Conseil de l’Europe en matière de droit pénal.