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Rapport | Doc. 13220 | 05 juin 2013

Projet de protocole n° 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Christopher CHOPE, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13167, Renvoi 3957 du 26 avril 2013. 2013 - Troisième partie de session

Résumé

Le projet de Protocole no 16 à la Convention européenne des droits de l’homme – un protocole additionnel qui n’entrera en vigueur qu’après avoir été ratifié par 10 Parties à la Convention – prévoit que les plus hautes juridictions des Etats puissent obtenir de la Cour européenne des droits de l’homme des avis sur les questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention et ses protocoles.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme est favorable à l’adoption du texte dans son libellé actuel. Une fois en vigueur, ce texte renforcera les liens entre la Cour de Strasbourg et les plus hautes juridictions des Etats en instaurant une plateforme de dialogue juridictionnel, ce qui facilitera l’application de la jurisprudence de la Cour par les juridictions internes; il contribuera à résoudre, en amont plutôt qu’en aval, les questions d’interprétation au niveau national, ce qui préservera les précieuses ressources de la Cour, et permettra le règlement plus rapide des affaires similaires à l’échelon national, renforçant ainsi le principe de subsidiarité.

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet
d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 27 mai 2013.

(open)
1. Le projet de Protocole no 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE n° 5, «la Convention»), dans sa version présentée à l’Assemblée parlementaire en avril 2013 
			(2) 
			Doc. 13167., prévoit la possibilité pour les plus hautes juridictions des Hautes Parties contractantes d’obtenir de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») des avis sur les questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention et ses protocoles.
2. Ce protocole additionnel à la Convention, qui doit être ratifié par 10 Hautes Parties contractantes à la Convention pour entrer en vigueur, est susceptible:
2.1. de renforcer les liens entre la Cour et les plus hautes juridictions des Etats en instaurant une plate-forme de dialogue juridictionnel, ce qui facilitera l’application de la jurisprudence de la Cour par les juridictions nationales;
2.2. de permettre de résoudre, en amont plutôt qu’en aval, un certain nombre de questions d’interprétation des dispositions de la Convention à l’échelon national et de préserver ainsi, à long terme, les précieuses ressources de la Cour; le règlement plus rapide d’affaires similaires au niveau national renforcera également le principe de subsidiarité.
3. L’Assemblée estime par conséquent que ce Protocole, dans son libellé actuel, devrait être adopté par le Comité des Ministres et ouvert à signature et ratification.

B. Exposé des motifs, par M. Chope, rapporteur

(open)

1. Procédure

1. Le 11 avril 2013, le Comité des Ministres (les Délégués des Ministres) a invité l’Assemblée parlementaire à lui rendre un avis sur le projet de Protocole n° 16 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») 
			(3) 
			Doc. <a href=''>13167</a>.. Cette demande d’avis a été renvoyée à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme le 26 avril 2013. La commission m’a nommé rapporteur le 25 avril, en anticipation de la décision prise le 26 avril 2013.

2. Le contexte

2. La décision du Comité des Ministres, qui chargeait le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) d’élaborer ce projet de protocole additionnel à la Convention, a été prise au niveau ministériel le 23 mai 2012 dans le cadre des suites données aux discussions engagées lors des trois conférences de haut niveau tenues à Interlaken (février 2010), Izmir (avril 2011) et Brighton (avril 2012) 
			(4) 
			Comme
c’était le cas pour le projet de Protocole n° 15 à la Convention
européenne des droits de l’homme: voir l’Avis 283 (2013) de l’Assemblée et
le rapport de la commission sur lequel se fondait cet avis, Doc 13093. .
3. La Déclaration finale de la conférence de haut niveau de Brighton sur l’avenir de la Cour (19‑20 avril 2012) est libellée comme suit:
«[La Conférence] note que l’interaction entre la Cour et les autorités nationales pourrait être renforcée par l’introduction dans la Convention d’un pouvoir supplémentaire de la Cour, que les Etats parties pourraient accepter à titre optionnel, de rendre sur demande des avis consultatifs sur l’interprétation de la Convention dans le contexte d’une affaire particulière au niveau national, sans préjudice du caractère non contraignant de ces avis pour les autres Etats parties; invite le Comité des Ministres à rédiger le texte d’un protocole facultatif à la Convention à cet effet d’ici fin 2013; et invite en outre le Comité des Ministres à décider ensuite s’il y a lieu de l’adopter. 
			(5) 
			Paragraphe 12.d.
Texte disponible dans la note de fond «L’avenir de la Cour européenne
des droits de l’homme et la Déclaration de Brighton», AS/Jur (2012)
42: <a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fjdoc42_2012.pdf'>http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fjdoc42_2012.pdf</a>. Voir également le «Document de réflexion» de la Cour
consacré à cette question et publié juste avant la Conférence de Brighton: <a href='http://www.coe.int/t/dgi/brighton-conference/Documents/Court-Advisory-opinions_fr.pdf'>www.coe.int/t/dgi/brighton-conference/Documents/Court-Advisory-opinions_fr.pdf.</a>»
4. Une fois rendu l’avis de l’Assemblée sur ce projet de protocole, et après avoir reçu l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»), qui vient d’être transmis à l’Assemblée et que j’ai joint en annexe au présent exposé des motifs, le Comité des Ministres décidera s’il y a lieu d’adopter ce texte et de l’ouvrir à la signature et à la ratification des Hautes Parties contractantes à la Convention.

3. Projet de Protocole n° 16 à la Convention européenne des droits de l’homme

3.1. Vue d’ensemble des principales dispositions

5. Le projet de Protocole n° 16 à la Convention permet aux juridictions suprêmes des Hautes Parties contractantes d’obtenir l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés consacrés par la Convention et ses protocoles. La procédure proposée par ce protocole additionnel, qui n’entrera en vigueur que lorsque 10 Hautes Parties contractantes à la Convention l’auront ratifié, n’a rien à voir avec une autre compétence de la Cour, prévue par les articles 47 à 49 de la Convention, en vertu de laquelle elle rend au Comité des Ministres des avis consultatifs.
6. Les articles 1 et 10 du Protocole et le rapport explicatif de ces dispositions indiquent quelles sont précisément les «plus hautes juridictions» qui «peuvent» demander des avis consultatifs et les modalités de saisine de la Cour (les motifs de la demande et la nécessité de produire les éléments pertinents en droit et en fait de «l’affaire pendante») 
			(6) 
			Voir le Doc. 13167.. La Cour décide de manière discrétionnaire d’accepter ou non une demande d’avis, la procédure suivie pour la prise de cette décision étant exposée à l’article 2; l’article 4 impose à la Cour de motiver ces avis consultatifs, les juges ayant le droit d’exprimer leur opinion (dissidente ou concordante) séparée. L’article 5 précise que les avis consultatifs ne sont pas contraignants; l’article 3 confère au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe le droit d’intervenir dans la procédure; et l’article 9 interdit toute réserve aux dispositions du protocole.
7. Le protocole est donc conçu pour fonctionner de la manière la plus souple possible: son entrée en vigueur n’exige pas la ratification de l’ensemble des Parties à la Convention; les Parties au protocole peuvent choisir quelles juridictions internes sont habilitées à demander un avis; la Cour est libre de décider quelles demandes accepter et ses avis ne sont pas contraignants pour les juridictions qui les sollicitent (voir cependant le paragraphe 11 ci‑dessous).

3.2. Quelques observations critiques

8. 8. Outre l’omission assez curieuse – dans le rapport explicatif – de la raison pour laquelle le préambule mentionne «les Etats membres du Conseil de l'Europe et les autres Hautes Parties contractantes à la Convention» (ce choix ayant probablement été fait en gardant à l’esprit l’adhésion de l’Union européenne à la Convention), il me semble regrettable que le texte ne prévoie pas expressément un droit d’intervention, devant la Cour, des Parties à une «affaire pendante» interne au sujet de laquelle la Cour a été saisie pour avis (bien que cette possibilité pourra sans doute être prévue par le Règlement de la Cour – voir à ce propos la deuxième phrase de l’article 3 et le paragraphe 10 de l’avis de la Cour joint en annexe). De plus, le fait qu’un collège de cinq juges de la Grande Chambre soit tenu de motiver tout refus d’accepter une demande d’avis consultatif (article 2, paragraphe 1) et les explications fournies à ce sujet au paragraphe 15 du rapport explicatif ne sont pas convaincants, compte tenu de la charge de travail considérable de la Cour. Cette orientation est contraire au souhait de la Cour: voir le paragraphe 9. Mais je suis convaincu que la Cour sera en mesure de satisfaire à cette exigence sans plus de cérémonie. Enfin, je partage totalement les préoccupations formulées par la Cour dans son avis à l’égard des demandes d’avis qui pourraient lui être adressées dans des langues autres que le français ou l’anglais: voir le paragraphe 13 du (projet de) rapport explicatif du Protocole n° 16 et les commentaires de la Cour à ce sujet (paragraphe 14).

3.3. Les avis consultatifs: une plateforme de dialogue juridictionnel

9. En dépit des critiques formulées ci‑dessus, qui n’ôtent rien aux mérites essentiels du projet de protocole, je propose que la commission des questions juridiques et des droits de l’homme indique à l’Assemblée plénière qu’elle est pour l’essentiel favorable à ce texte. Le protocole, dans son libellé actuel, devrait être adopté par le Comité des Ministres et ouvert à signature et ratification. Deux raisons intimement liées justifient selon moi cette position. Une fois le Protocole additionnel ratifié par 10 Etats, la nouvelle procédure enclenchée par les demandes d’avis consultatifs devrait renforcer les liens entre la Cour et les plus hautes juridictions des Etats en instaurant une plateforme de dialogue juridictionnel, ce qui facilitera l’application de la jurisprudence de la Cour par les juridictions nationales. Ces nouvelles démarches contribueront également à résoudre en amont plutôt qu’en aval un certain nombre de questions d’interprétation et d’application des dispositions de la Convention sur la scène nationale, préservant ainsi à long terme les précieuses ressources de la Cour. Le règlement plus rapide d’affaires similaires à l’échelon national renforcera également le principe de subsidiarité.
10. Cette nouvelle procédure générera inévitablement, dans un premier temps, un surcroît de travail pour la Cour, déjà en situation de surcharge (bien qu’on puisse imaginer qu’une affaire donnant lieu à un avis consultatif aurait fort bien pu, dans le cas contraire, aboutir à l’introduction d’une requête individuelle à Strasbourg). Mais, comme l’indique le «document de réflexion» de la Cour 
			(7) 
			Voir la note de bas
de page n° 6 plus haut, notamment les paragraphes 30 et 31, qui
offrent des exemples du type d’affaires qui pourraient donner lieu
à des demandes d’avis consultatifs. Voir également les observations
de Michael O’Boyle, greffier adjoint de la Cour, in <a href='http://www.echr.coe.int/ECHR/FR/ECHR+Publications/50th+Anniversary+Book/Book+home+page/'>La
conscience de l'Europe - 50 ans de la Cour européenne des droits
de l'homme</a> (2010, Conseil de l’Europe/Third Millennium),  «Chapitre
15 – L’avenir», p. 190‑201, p. 198‑199. , elle pourrait permettre de renforcer la cohérence de l’interprétation et de l’application des normes de la Convention par les juges nationaux. En d’autres termes, les avis consultatifs permettront au sein de chaque Etat de résoudre un certain nombre de questions et de prévenir ainsi de futures requêtes répétitives devant la Cour. Cette procédure aura non seulement pour effet d’accroître la légitimité de la Cour, mais également de renforcer l’application du principe de subsidiarité.
11. L’article 5 du Protocole additionnel dispose que «les avis consultatifs ne sont pas contraignants»; cette disposition doit s’interpréter en combinaison avec la teneur du paragraphe 27 du (projet de) rapport explicatif, qui précise que «les avis consultatifs (…) s’insèrent (…) dans la jurisprudence de la Cour, aux côtés de ses arrêts et décisions. L’interprétation de la Convention et de ses protocoles contenue dans ces avis consultatifs est analogue dans ses effets aux éléments interprétatifs établis par la Cour dans ses arrêts et décisions». Ainsi, bien que les avis consultatifs soient dépourvus du caractère contraignant des arrêts de Grande Chambre rendus en matière contentieuse, ils auront néanmoins «d’indéniables effets juridiques» 
			(8) 
			Comme
l’a souligné la Cour interaméricaine des droits de l’homme au sujet
de ses avis consultatifs: voir Reports of the Inter-American Commission
on Human Rights, Advisory Opinion OC-15/97, du 17 novembre 1997,
Série A n° 15, paragraphe 26, <a href='http://www1.umn.edu/humanrts/iachr/b_11_4o.html'>http://www1.umn.edu/humanrts/iachr/b_11_4o.html</a>. Voir également la note de fond, «L’avenir de la Cour européenne
des droits de l’homme et la Déclaration de Brighton», AS/Jur (2012)
42, paragraphes 17-22: 
			(8) 
			<a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fjdoc42_2012.pdf'>http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fjdoc42_2012.pdf</a>..

Annexe – Avis de la Cour européenne des droits de l’homme sur le projet de protocole n° 16 à la Convention européenne des droits de l’homme élargissant la compétence de la Cour afin de lui permettre de rendre des avis consultatifs sur l’interprétation de la Convention 
			(9) 
			Adopté par la Cour
plénière le 6 mai 2013 et transmis par le Président des Délégués
des Ministres au Président de l’Assemblée parlementaire le 15 mai
2013.

(open)

1. Le projet de Protocole est le résultat d’un long processus, qui a abouti à la déclaration de Brighton. Celle-ci invitait le Comité des Ministres à rédiger le texte d’un protocole facultatif avant la fin de l’année 2013.

2. La Cour rappelle qu’elle a déjà contribué au débat sur cette question en rédigeant un document de réflexion, qui a été présenté aux Etats et autres parties intéressées en mars 2012 
			(10) 
			 Document de réflexion
sur la proposition d’élargissement de la compétence consultative
de la Cour (ref. n° 3853040). Ce document figure sur le site Internet
de la Cour sous la rubrique «La Cour/Réforme de la Cour/Rapports
et Notes». . Ce document reflétait la diversité des points de vue au sein de la Cour quant au bien-fondé de la proposition. Dans son présent avis, la Cour se bornera à commenter le modèle élaboré par le Comité directeur pour les droits de l‘homme (CDDH).

3. La Cour se félicite de ce que les rédacteurs du Protocole aient tenu compte des observations contenues dans son document de réflexion, qui prenait lui-même en considération le résultat des précédentes discussions intergouvernementales. Cet exercice constitue donc un bon exemple d’échange constructif d’idées entre les Etats et la Cour.

4. Le but du Protocole – permettre un dialogue entre les plus hautes juridictions nationales et la Cour – est bien décrit dans le troisième paragraphe du préambule au Protocole, qui mentionne le renforcement, d’une part, de l’interaction entre la Cour et les autorités nationales, et, d’autre part, de la mise en œuvre de la Convention conformément au principe de subsidiarité. La Cour souscrit entièrement à ces objectifs.

5. Les principales caractéristiques de la nouvelle procédure sont exposées dans les articles 1 à 5.

6. Au titre de l’article 1 § 1, «les plus hautes juridictions d’une Haute Partie contractante», désignées par la Partie contractante conformément à l’article 10, sont autorisées à solliciter un avis. Le rapport explicatif (paragraphe 8) expose les raisons pour lesquelles cette approche a été adoptée: pour limiter le nombre de juridictions habilitées à recourir à cette procédure, tout en octroyant à la Partie contractante la souplesse nécessaire pour tenir compte des particularités de son système judiciaire. La Cour souscrit à cette approche. Elle observe de plus que la procédure revêt un caractère facultatif, ce qui cadre avec le point de vue qu’elle a exprimé dans son document de réflexion.

7. L’article 1 § 2 précise que la juridiction qui procède à la demande ne peut solliciter un avis consultatif que dans le cadre d’une affaire pendante devant elle. Là encore, cela correspond à ce que la Cour préconisait dans son document de réflexion, notamment en partant du principe qu’il ne doit pas y avoir de contrôle de législation dans l’abstrait.

8. L’article 1 § 3 indique que la juridiction qui procède à la demande doit motiver sa demande d’avis et produire les éléments pertinents du contexte juridique et factuel de l’affaire. S’agissant de l’exigence de motivation, la Cour ne devrait pas avoir à rechercher par elle-même sur quel point la juridiction nationale a besoin de son avis. Pour que la procédure fonctionne correctement, les questions qui se posent au regard de la Convention doivent être identifiées de manière adéquate et discutées au niveau national. Concernant la seconde exigence, le rapport explicatif (paragraphe 11) souligne, à juste titre selon la Cour, la nécessité de lui permettre de se concentrer sur la question de principe qui lui est soumise. En effet, la Cour ne doit pas être amenée à contrôler les faits ou la législation nationale dans le cadre de la procédure en cause. Elle n’a pas non plus à trancher l’affaire pendante devant la juridiction qui a procédé à la demande.

9. L’article 2 traite du rôle de la Grande Chambre. La Cour se félicite de ce que, dans le projet de texte, le collège de la Grande Chambre ait toute latitude pour accepter ou non une demande d’avis consultatif. Le projet prévoit que la Cour motive tout refus d’accepter une demande. Cela va à l’encontre de l’avis émis par la Cour dans son document de réflexion, où elle disait préférer que soient adoptées des lignes directrices sur la portée et le fonctionnement de sa compétence consultative, plutôt que d’être obligée de motiver chaque refus. La Cour admet néanmoins qu’il peut être utile d’indiquer les motifs d’un refus, cela étant de nature à permettre l’établissement d’un dialogue constructif avec les juridictions nationales. La Cour estime que pareille motivation ne sera normalement pas très détaillée.

10. L’article 3 traite de la participation à la procédure de diverses parties, et confère le droit d’intervenir au gouvernement de l’État dont relève la juridiction qui procède à la demande et au Commissaire aux droits de l’homme. Concernant les parties à la procédure interne, la Cour confirme le point de vue exprimé dans la dernière phrase du paragraphe 20 du rapport explicatif, à savoir qu’elle invitera d’office lesdites parties à prendre part à la procédure devant elle, afin que soit respecté le principe d’égalité. Elle envisage de prévoir pareille invitation dans son règlement.

11. L’article 4 dispose que les avis consultatifs de la Cour sont motivés et prévoit pour tout juge la possibilité d’émettre une opinion séparée. Cela est conforme à la disposition pertinente du règlement de la Cour actuellement en vigueur en matière d’avis consultatifs (article 88 § 2), bien que la Cour ait pour pratique, lorsqu’elle émet des avis consultatifs, de s’efforcer de parler d’une seule voix.

12. L’article 5 prévoit que les avis consultatifs ne sont pas contraignants. Cela reflète l’avis de la majorité de la Cour exprimé dans son document de réflexion (paragraphe 24). Le rapport explicatif (paragraphes 25-27) précise pourquoi il en est ainsi. Tout d’abord, il est de la nature même du dialogue que ce soit la juridiction qui a procédé à la demande qui décide des effets de l’avis consultatif sur la procédure interne. Ensuite, comme indiqué plus haut, lorsqu’une partie n’est pas satisfaite de l’avis rendu, elle peut toujours soumettre une requête à la Cour après l’adoption de la décision définitive dans l’ordre interne.

13. La Cour évoque deux questions pratiques importantes et en partie liées. La première est que, comme la procédure interne est suspendue tant que l’avis n’est pas rendu, il faut à l’évidence que la procédure consultative soit achevée dans un délai raisonnablement bref et qu’elle se voie donc accorder une certaine priorité. C’est ce qui est souligné au paragraphe 17 du rapport explicatif, où il est également indiqué que cela implique pour la juridiction qui procède à la demande l’obligation de formuler sa demande de manière précise et complète. La Cour admet la nécessité de traiter les demandes avec célérité et se borne à rappeler que cela suppose la coopération de toutes les parties concernées.

14. La deuxième question est d’ordre linguistique. Le paragraphe 13 du rapport explicatif indique que les demandes peuvent être rédigées dans la langue utilisée dans le cadre de la procédure interne, et l’article 1§3 du projet de Protocole précise que les demandes seront accompagnées en annexe des documents pertinents exposant le «contexte juridique et factuel de l’affaire pendante». La Cour note que la possibilité de soumettre la demande dans la langue de la procédure interne n’est pas prévue dans le texte du Protocole. La Cour est opposée à la proposition que ce soit à elle qu’il incombe de fournir les traductions des demandes et documents y afférents. Même si elle peut comprendre le raisonnement sous-tendant pareille proposition, celle-ci aurait pour effet de lui imposer une charge coûteuse de traduction. Au paragraphe 23, le rapport explicatif indique que la procédure interne ne peut reprendre que lorsque l’avis a été traduit dans la langue de cette procédure. Là encore, la Cour a des hésitations sur la suggestion selon laquelle elle pourrait «coopérer» avec les autorités nationales pour la préparation en temps utile de telles traductions. La Cour considère que cela pourrait entraîner une augmentation considérable de sa charge de travail et que cela pose en réalité la question de savoir qui doit financer les traductions. Il est évident que si la responsabilité de fournir les traductions incombe à la Cour, il faut mettre à sa disposition les ressources budgétaires correspondantes.

Conclusion

15. Le projet de texte tel qu’il est présenté ne pose aucune difficulté sérieuse à la Cour en dehors des réserves exprimées au paragraphe 14 ci-dessus au sujet du régime linguistique proposé. Enfin, la Cour remercie de nouveau le CDDH d’avoir élaboré un projet final qui est en grande partie en accord avec ses propres réflexions sur la question.