1. Introduction
1. Le rapporteur salue le rapport de Mme Mailis Reps
visant à relancer les actions anti-corruption dans toute l’Europe,
ainsi que la décision du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
de faire de la lutte contre la corruption l’une des principales
activités de l’Organisation et une priorité budgétaire pour 2014-2015.
Dans une communication récente intitulée «Démocratie, droits de
l’homme et Etat de droit en Europe: renforcer l’impact des activités
du Conseil de l’Europe», publiée le 7 mai 2013, le Secrétaire Général
détaille sa volonté d’action en pointant les lacunes suivantes: «absence
de mécanisme efficace concernant le financement des partis politiques
et des campagnes électorales; application ineffective de la législation
par manque de détection et de répression de la corruption; criminalisation
insuffisante de la corruption des parlementaires et des membres des
autres assemblées existant au niveau national, immunités excessives,
(...)».
2. Ces dernières années, les scandales régulièrement dévoilés
dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe ont alimenté
une défiance croissante des citoyens envers les responsables politiques
et, par extension, les institutions politiques. Fait linguistique
intéressant, en France, le mot «politicien» est devenu péjoratif et
il est désormais remplacé par des synonymes. En outre, la défiance
autrefois centrée sur les forces politiques au pouvoir concerne
maintenant les forces politiques et les institutions en général,
indépendamment de l’alternance
. La corruption,
aggravée par les nombreux scandales politico-financiers que presque
tous les pays européens ont traversés ces dix dernières années,
est l’un des facteurs qui nourrissent la défiance envers la classe
politique et les institutions démocratiques. L’Assemblée alerte
sur ce fléau depuis 2007
. La corruption dans les
prises de décisions est un poison potentiellement mortel: elle ouvre
la voie à des risques sanitaires volontairement sous-estimés, à
la délivrance de permis d’exploitation en dépit de problèmes de sécurité,
etc
.
3. L’arène politique est depuis des siècles un lieu de rencontre
entre l’argent et le pouvoir. Les liens étroits entre partis politiques,
entreprises, syndicats et institutions publiques existent de longue
date. Cependant, dans un contexte de difficultés économiques, de
chômage et de paupérisation, la population se montre de moins en
moins tolérante envers les abus de pouvoir de la part des politiques.
Plus que jamais, l’élite politique et les représentants du peuple
ont le devoir de montrer l’exemple.
4. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette défiance est
aussi un signe positif, puisqu’elle témoigne de la maturité politique
des citoyens. On ne compte plus les initiatives de responsabilisation
mises en place par la société civile. Plus attentifs aux écarts
entre les promesses électorales et les politiques appliquées, les citoyens
connaissent également mieux leurs droits
.
Le Conseil de l’Europe doit profiter de cet élan pour renforcer
ses efforts de lutte contre la corruption, quitte à procéder peut-être
à des ajustements pour pouvoir anticiper les difficultés, les prévenir
et y apporter une réponse rapide et adéquate.
5. Le rapporteur souhaite donc faire le point sur les initiatives
de l’Assemblée visant à une plus grande transparence pour ses propres
membres, avant de présenter quelques propositions supplémentaires concernant
l’action institutionnelle du Conseil de l’Europe, propositions qui
devraient être reflétées dans les projets de recommandation et de
résolution. Le présent avis donne aussi à la commission du Règlement l’occasion
de présenter des observations sur le programme de l’Organisation
pour 2014-2015 concernant les points liés à la lutte contre la corruption.
Le programme a été présenté par le Secrétaire Général le 30 avril 2013,
trop tard pour que l’Assemblée puisse le commenter en débattant
de son
Avis 284 (2013), «Budgets et priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice
biennal 2014-2015
».
2. Travaux de l’Assemblée sur la transparence, la
responsabilité et l’intégrité
6. Rappelant les résolutions et recommandations antérieures
de l’Assemblée sur les différents aspects de la lutte contre la
corruption, citées dans le projet de résolution présenté par la
commission des questions juridiques et des droits de l’homme, le
rapporteur souhaite revenir sur les travaux de l’Assemblée concernant ses
propres règles en matière de transparence, d’intégrité et d’obligation
de rendre des comptes. Lors de ses travaux sur les questions de
démocratie et de lutte contre la corruption dans les années 2000,
l’Assemblée a plusieurs fois souligné la nécessité que les parlementaires
déclarent leurs intérêts financiers. Cela a abouti en 2007 à l’adoption
de la
Résolution 1554
(2007) «Conflit d’intérêts», qui ajoute au Règlement de l’Assemblée l’obligation
pour tous les rapporteurs de l’Assemblée de faire une déclaration
orale concernant tout intérêt professionnel, personnel, financier
ou économique susceptible d’être jugé pertinent ou d’entrer en conflit
avec le sujet du rapport. Tous les membres sont en outre encouragés
à faire une déclaration orale avant de s’exprimer sur un sujet relevant
d’un domaine dans lequel ils ont un intérêt professionnel, personnel,
financier ou économique susceptible d’être jugé pertinent ou source
de conflit. En 2006, un code de conduite pour les corapporteurs
de la commission de suivi a été adopté. Il a ensuite été décidé
de mettre en place un cadre de référence à l’attention de tous les
membres de l’Assemblée pour couvrir la question des cadeaux, offrir
des garanties appropriées contre les offres d’hospitalité en échange
de faveurs politiques et réglementer les activités des groupes d’intérêts.
Le code de conduite pour les membres de l’Assemblée a été adopté
en 2012
. Compte tenu des différents niveaux
de réglementation existant dans les parlements nationaux et de l’environnement
multiculturel de l’Assemblée, le code de conduite réunit les principes
et les politiques qui peuvent être partagés par tous les membres
indépendamment de leur affiliation idéologique ou politique. Il
se compose de principes généraux, traduisant le comportement attendu
des parlementaires, et d’un ensemble de règles traitant entre autres
des conflits d’intérêts, qui doivent être résolus de manière à protéger
l’intérêt général ou rendus publics s’ils ne peuvent être résolus,
et de l’interdiction de la promotion rémunérée d’intérêts. Les activités
de promotion rémunérées sont interdites. En outre, les cadeaux ou
avantages similaires reçus par les membres doivent être enregistrés
auprès du Secrétariat de l’Assemblée si leur valeur dépasse 200
euros
. Un mécanisme
de mise en œuvre est prévu, confiant principalement au Président
de l’Assemblée la tâche d’ouvrir des enquêtes et de décider de sanctions,
en fonction de la gravité et de la fiabilité des informations concernant
les conduites frauduleuses.
7. Cependant, l’obligation de déclarer ou d’enregistrer les cadeaux,
les actes d’hospitalité et les conflits d’intérêts n’a rien d’une
solution magique
. Aucune
règle ne mettra fin aux turpitudes si certains n’ont pas la volonté
de s’y plier de bonne foi. Par conséquent, pour commencer à restaurer
la confiance du public en ce temps de crise et de turbulences, le
premier devoir des élus consiste à se placer soi-même en tête de
la lutte contre la corruption, en montrant l’exemple et en respectant
les règles de
fair play sur
lesquelles repose le modèle démocratique européen.
8. Au sein du Conseil de l’Europe, le Groupe d’Etats contre la
corruption (GRECO) est allé au cœur du financement du système politique
en décidant de s’intéresser au financement des partis politiques
et à la corruption au sein des parlements dans le cadre de ses Troisième
et Quatrième Cycles d’Evaluation. Les premières évaluations du Quatrième
Cycle ont déjà identifié des mesures de prévention efficaces, comme
la plus grande transparence du processus parlementaire et l’usage
accru des nouvelles technologies pour que le public ait plus facilement
accès aux lois en préparation et à l’ordre du jour des parlementaires;
ainsi que certains point problématiques, notamment la participation
de groupes d’intérêts aux travaux parlementaires et l’obligation,
pour les parlementaires, de rendre compte de leurs contacts avec
ces groupes.
9. Le problème du lobbying a également été étudié par la commission
du Règlement au cours de l’élaboration du code de conduite des membres
de l’Assemblée. La plupart des parlements modernes s’acheminent
vers un contrôle resserré des influences extérieures, reconnaissant
que des abus peuvent se produire. Une récente étude affirme que
«quelque 80 % de tous les amendements déposés» au Parlement européen
viennent directement de représentants d’intérêts et que «les 20 %
restants sont souvent inspirés par des acteurs extérieurs au Parlement».
Plusieurs parlements ont mis en place un registre des lobbyistes. Cependant,
une enquête publiée par Transparency International France pour 2009-2010
pointe un écart entre le nombre de groupes officiellement déclarés
et le nombre de groupes réellement impliqués dans la préparation
d’un rapport. En outre, la proposition déposée par quelques députés
européens visant à rendre obligatoire la publication des noms de
tous ceux ayant participé à la rédaction d’un rapport s’est heurtée
à l’opposition de plusieurs parlementaires, désireux de protéger
leurs sources.
10. On voit ici que le lobbying est une question complexe. Les
modalités d’interaction entre les parlementaires et les groupes
d’intérêts sont en train d’évoluer, dans un effort pour concilier
au mieux d’une part le lobbying et les prises de décisions éclairées,
d’autre part la nécessité de préserver l’intérêt public et de placer
toutes les parties prenantes au même niveau. De nouvelles règles
ont été mises en place dans certains pays européens, mais leur impact
reste à mesurer
. Le rapporteur rappelle la
Résolution 1744 (2010) de l’Assemblée sur les acteurs extra-institutionnels
dans un régime démocratique, à la suite de laquelle la Commission
de Venise a décidé de mener une étude spéciale sur ce thème
,
ainsi que la
Recommandation 1908
(2010) sur le lobbying dans une société démocratique (code
européen de bonne conduite en matière de lobbying). L’Assemblée
s’attache à poursuivre l’identification des tendances liées à la
corruption dans ce domaine, à réfléchir aux solutions possibles
et à maintenir son Règlement à jour.
11. Comme le GRECO l’a récemment souligné, il existe «une demande
croissante, en Europe et ailleurs, en faveur de la mise en place
de cadres réglementaires sur le lobbying». Selon le rapporteur,
il serait regrettable que le Comité des Ministres ne profite pas
de cet élan pour envisager une étude qui permettrait d’évaluer la
nécessité d’autres travaux normatifs. Le Conseil de l’Europe est
en pointe sur ce sujet: il peut s’appuyer sur les importants travaux
déjà réalisés, sur les données solides collectées par ses organes
(le GRECO et la Commission de Venise) et sur son excellent réseau
d’experts représentant des gouvernements, des parlements, des groupes
d’intérêts et des ONG pour acquérir une forte visibilité et devenir
la première institution internationale à adopter un document complet
sur la question du lobbying.
3. Inventaire des activités anti-corruption du Conseil
de l’Europe
12. Comme le souligne à juste titre Mme Reps dans son
rapport, la corruption a des conséquences désastreuses sur la protection
des droits de l’homme; elle met en péril la démocratie et la prééminence
du droit. L’actuelle réforme du Conseil de l’Europe, lancée par
le Secrétaire Général en vue de renforcer l’impact de ses activités,
offre l’occasion de se demander si notre Organisation devrait revoir
ses stratégies de lutte contre la corruption, compte tenu de la
dimension multidisciplinaire du problème.
3.1. Nouvelle architecture institutionnelle
13. Aujourd’hui, l’action anti-corruption du Conseil
de l’Europe se compose d’activités normatives, assurées par les
comités intergouvernementaux, d’une assistance technique, avant
tout dans le cadre de programmes conjoints Union européenne–Conseil
de l'Europe, et de mécanismes de suivi, au premier rang desquels
le GRECO, qui regroupe les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe
plus les Etats-Unis et le Bélarus (le Kazakhstan pourrait devenir
un nouveau partenaire). De nombreux organes du Conseil de l’Europe
œuvrent à l’éradication de la corruption sous des angles différents,
et leurs conclusions s’enrichissent mutuellement
. Il est regrettable
qu’une approche potentiellement aussi complète ne soit pas pleinement
exploitée. De fait, la corruption est un phénomène aux multiples
facettes, qui trouve ses racines dans un environnement politique non
concurrentiel, un système d’équilibre des pouvoirs trop faible,
des droits de l’opposition insuffisants, un manque de transparence
du processus de prise de décisions, dont des activités de lobbying
inéquitables, et une réglementation imprécise des partis politiques
et des campagnes électorales. Pour apporter à un problème une réponse
décisive et adaptée, il faut une dimension normative, une bonne
analyse des risques et la conception simultanée de stratégies de
mise en œuvre pour les trois branches du pouvoir. Cette approche transversale
et coordonnée a déjà été adoptée par le Conseil de l’Europe dans
des domaines comme la lutte contre le terrorisme, la protection
de l’enfance et la gouvernance d’Internet. En outre, le Conseil
de l’Europe doit régulièrement faire le point sur les domaines potentiels
de coopération avec d’autres entités internationales comme le mécanisme
de suivi de la Convention des Nations Unies contre la corruption, l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE), les rapports
anti-corruption de l’Union européenne et les travaux des parlementaires
de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
en matière de déontologie, afin de renforcer les échanges de vues
et d’éviter que des initiatives ne se recoupent.
3.2. Nécessité d’un nouveau plan d’action anti-corruption
au Conseil de l’Europe
14. La stratégie anti-corruption du Conseil de l’Europe
remonte aux années 1990. Elle repose sur le Programme d’action contre
la corruption, adopté en 1995, et sur les Vingt principes directeurs
pour la lutte contre la corruption, adoptés en 1997. Le Programme,
élaboré par un Groupe multidisciplinaire contre la corruption, comprenait
un programme de travail détaillé pour 1996-2000, englobant la rédaction
de la Convention pénale sur la corruption
et de la
Convention civile sur la corruption
avec d’éventuels
protocoles additionnels, d’un Code européen pour les agents publics
et d’une recommandation sur
le financement des partis politiques
.
Aujourd’hui, les instruments juridiques en vigueur sont devenus
une référence, servant d’inspiration aux législations nationales.
En outre, plusieurs études sur des sujets tels que les immunités,
le rôle et la responsabilité des journalistes et les sanctions et
mesures pénales ont déjà été menées à bien par les organes du Conseil
de l’Europe dans le cadre du Programme d’action.
15. Malgré les nombreux outils anti-corruption déjà en place,
la corruption reste très présente dans beaucoup d’Etats membres.
Il est donc nécessaire de faire le point sur le contexte actuel
et de répondre aux défis soulevés aujourd’hui par les besoins des
États membres en ce domaine. L’inventaire proposé et la consolidation
du plan anti-corruption vont dans le sens de la proposition du Secrétaire
Général, qui souhaite améliorer l’évaluation et le traitement des
données pour permettre la détection de sources de préoccupation communes
ou de priorités spécifiques par pays et pouvoir agir en conséquence
. Dans l’application de
ses normes anti-corruption, le Conseil de l’Europe tiendra compte
des priorités stratégiques des gouvernements et valorisera les programmes
d’assistance ciblés donnant des résultats notoirement durables,
en se concentrant dans le même temps sur les perspectives à long
terme. Les efforts anti-corruption mettent souvent plusieurs générations
à porter leurs fruits; il faut donc mettre l’accent sur le maintien
de ces efforts.
16. Si nécessaire, les mécanismes de suivi actuels doivent se
voir dotés des compétences dont ils ont besoin pour contribuer de
façon efficace et crédible à la mise en œuvre du nouveau plan d’action.
Par exemple, le champ d’action actuel du GRECO repose sur un mandat
négocié en 1999
. Ce mandat
pourrait être modifié pour s’adapter à la nouvelle stratégie anti-corruption
du Conseil de l’Europe, ce qui répondrait aussi aux critiques actuelles
concernant la faible visibilité de la procédure d’évaluation du
GRECO et de ses mécanismes de suivi, le champ trop limité de son
travail de suivi et son incapacité à repérer les tendances de corruption
par manque d’analyses comparatives
.
4. Coopération avec l’Union européenne
17. En 2007, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
ont conclu un Mémorandum d’accord invitant les deux institutions
à développer des stratégies communes à moyen et long terme et coordonnant
les activités opérationnelles dans des domaines prioritaires, dont
la lutte contre la corruption. Les résultats des procédures d’évaluation
et de conformité du GRECO constituent l’une des sources des rapports
de la Commission européenne sur les progrès réalisés par les pays
candidats et candidats potentiels et des rapports sur l’avancement
des plans d’action de la Politique européenne de voisinage.
4.1. Adhésion de l’Union européenne au GRECO
18. La nécessité d’une plus grande synergie entre les
deux organisations a été affirmée plusieurs fois par le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe et par le Président de l’Assemblée.
La participation formelle de l’Union européenne au GRECO est revenue
à l’ordre du jour depuis l’adoption par l’Union du Programme de Stockholm,
en 2010, et la publication en juin 2011 du «paquet de mesures anti-corruption»
de la Commission européenne. Le GRECO, dont le statut prévoit dès
l’origine une telle participation, s’en est félicité. Cependant, la
récente Communication de la Commission sur la participation au GRECO
a déclenché une controverse au niveau
de l’Union européenne: la Commission propose de procéder en deux
étapes, commençant par un statut de «participant à part entière»
qui autoriserait l’Union à participer à l’évaluation de ses Etats
membres et/ou des pays candidats sans se soumettre elle-même à la
procédure d’évaluation du GRECO.
19. Cette controverse demande à être résolue rapidement, afin
que les deux organisations puissent entamer des pourparlers concrets
sur la forme et le contenu précis d’une telle participation. La
participation de l’Union européenne au GRECO favoriserait des politiques
anti-corruption plus coordonnées en Europe et renforcerait l’impact
des efforts respectifs de l’Union et du GRECO en matière de lutte
contre la corruption. Le rapporteur rappelle que le Mémorandum d’accord
de 2007 confirme le rôle du Conseil de l’Europe comme référence
en matière de droits de l’homme, de démocratie et de prééminence
du droit en Europe et affirme la nécessaire cohérence entre les
systèmes normatifs des deux organisations dans le domaine des droits
de l’homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, alors même
que les décisions prises au niveau de l’Union européenne ont un
impact croissant sur le continent européen en raison de l’élargissement
de l’Union et du renforcement de ses compétences juridiques, l’Union
elle-même n’est pas exempte de corruption: d’après une étude de
la Commission européenne, 73 % des personnes interrogées dans les
pays de l’Union européenne pensent qu’il y a de la corruption au
sein des institutions européennes
. L’attente générale est donc que
les règles de transparence que l’Union européenne exige de ses Etats
membres s’appliquent aussi aux institutions européennes. C’est pour
l’Union une bonne raison supplémentaire d’adhérer au GRECO comme
membre à part entière.
20. Le rapporteur s’inquiète de la décision de la Commission européenne
de mettre en place un autre mécanisme de suivi anti-corruption,
qui générerait des dépenses supplémentaires alors même que le budget de
l’Union européenne est en diminution et que les politiques d’austérité
se renforcent dans les Etats membres
.
En outre, le flou demeure sur la contribution des Etats membres
de l’Union européenne à ce mécanisme. Une révision du mandat du
GRECO serait nécessaire pour regrouper les activités européennes anti-corruption,
faisant du GRECO un mécanisme complet d’analyse, mais aussi d’évaluation
des risques et un forum européen de partage d’informations et de
bonnes pratiques, associant toutes les parties sur un pied d’égalité
et prévoyant une procédure de conformité solide
.
4.2. Programmes conjoints Conseil de l'Europe–Union
européenne pour le renforcement de la bonne gouvernance et la lutte
contre la corruption
21. Inaugurés en 1993, les programmes conjoints entre
le Conseil de l’Europe et l’Union européenne sont devenus l’un des
instruments majeurs de la coopération des deux institutions pour
la poursuite d’un objectif commun, la promotion des droits de l’homme,
des libertés fondamentales et de la prééminence du droit en Europe.
Confirmant une tendance de longue date, les programmes conjoints
de l’année écoulée ont continué de représenter la plus grande source
de financement en faveur des activités de coopération et d’assistance technique
du Conseil de l'Europe. Le processus d’évaluation de la coopération
Conseil de l'Europe-Union européenne par l’Union européenne a souligné
la capacité du Conseil de l’Europe à mobiliser les savoirs dans ses
domaines de spécialité
. Le rapport salue la réflexion en cours
au sein du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne en vue d’une
forme plus structurée de programmes conjoints, intégrée au cadre
financier de l’Union européenne pour 2014-2020 et comprenant les
aspects de lutte contre la corruption. Une phase de préparation
plus courte et davantage de flexibilité permettraient un soutien
rapide aux recommandations du GRECO dans la période d’échanges suivant
l’adoption d’un rapport par pays. Le rapporteur renvoie aux appels de
l’Assemblée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour qu’un
partenariat avec l’Union européenne soit négocié, en vue de mettre
en place un système stable et durable de financement des programmes conjoints,
qui devraient par ailleurs inclure une dimension parlementaire
.
5. Moyens d’améliorer l’action de l’Assemblée parlementaire
contre la corruption
5.1. Renforcer la coopération en matière de financement
des campagnes électorales
22. Dans son
Avis
284 (2013) sur les budgets et priorités du Conseil de l’Europe
pour l’exercice biennal 2014-2015, l’Assemblée appelle à trouver
des synergies pour faire progresser les priorités au niveau du Conseil
de l’Europe, dans le respect des règles statutaires de l’Organisation.
Les membres de l’Assemblée participent régulièrement aux travaux
de plusieurs organes qui traitent des problèmes de corruption
. Les relations entre l’Assemblée
parlementaire et la Commission de Venise sont un exemple de réussite, puisqu’une
bonne part des risques de corruption est étroitement liée à l’ordre
constitutionnel, à une séparation des pouvoirs trop ténue et à l’inefficacité
du mécanisme d’équilibre des pouvoirs. Dans le domaine des élections,
l’Assemblée et la Commission de Venise ont entamé une coopération
régulière. Un mémorandum sur la législation électorale du pays,
soulignant les points les plus importants et les plus problématiques,
est préparé à l’attention des membres des missions d’observation
d’élections de l’Assemblée, et un membre de la Commission de Venise
peut être invité à se joindre à la mission en tant que conseiller
juridique. D’autre part, si le rapport de la mission d’observation
signale des problèmes liés à la législation électorale, le Bureau
de l’Assemblée peut inviter la Commission de Venise à étudier les
moyens d’améliorer cette législation
. L’Assemblée
est reconnaissante envers la Commission de Venise et ses experts
pour l’excellente coopération tissée sur le terrain au cours des
observations d’élections législatives ou présidentielles. Ce tandem
permet au Conseil de l’Europe de parler d’une seule voix, de mieux
mettre en lumière ses missions d’observation et de renforcer la
crédibilité et l’autorité de ses recommandations.
23. Le rapporteur souhaite souligner que les rapports de conformité
et d’évaluation publiés dans le cadre du Troisième Cycle d’Evaluation,
concernant entre autres la transparence du financement des partis,
ont permis au GRECO d’acquérir de vastes connaissances et de mettre
en place une importante base de données concernant la législation
en matière de campagnes électorales et son application pratique.
Par conséquent, afin de renforcer la complémentarité entre les organes
du Conseil de l’Europe et d’améliorer la mise en œuvre des recommandations
formulées dans les rapports des missions d’observation d’élections,
des modalités de coopération pourraient être mises en place entre
l’Assemblée parlementaire et le GRECO, avec entre autres la préparation
d’un mémorandum qui attirerait l’attention des membres d’une mission
d’observation d’élections sur les questions spécifiques liées au
financement de la campagne électorale dans le pays concerné et la participation
d’un membre du GRECO aux missions d’observation.
5.2. Prise en compte des aspects de genre
24. En 2012, le GRECO a ouvert un processus de réflexion
inspiré des politiques d’égalité homme-femme menées par le Conseil
de l’Europe, notamment concernant la prise en compte du genre dans
l’élaboration des politiques, afin de rechercher une éventuelle
dimension de genre dans le phénomène de corruption. Sur la scène
internationale, la question du genre et de la corruption est prise
au sérieux dans le contexte de l’aide au développement, concernant
notamment les droits des femmes, l’impact de la corruption sur les
femmes et les relations entre le niveau de corruption et le niveau
de participation et la représentation des femmes. En juin 2012,
le GRECO a nommé une rapporteure pour l’égalité entre les femmes
et les hommes, afin d’assurer une meilleure communication entre
le GRECO et les autres organes du Conseil de l’Europe sur les questions d’égalité
des sexes et de prise en compte du genre.
25. Le rapporteur aimerait donc encourager la prise en compte
du genre comme élément des stratégies de prévention de la corruption
et, plus largement, comme moyen de renforcer la démocratie et la
prééminence du droit au bénéfice de tous les citoyens – objectif
permanent pour l’Assemblée.
5.3. Renforcer la dimension parlementaire de la lutte
contre la corruption
26. Plusieurs organisations intergouvernementales et
initiatives internationales ont leur propre dimension parlementaire.
Outre qu’elle donne une légitimité démocratique, cette dimension
a aussi des répercussions pratiques, puisque plusieurs sujets peuvent
tomber en dehors du champ direct de l’action gouvernementale. L’Assemblée
parlementaire a déjà élaboré un appui aux campagnes intergouvernementales
du Conseil de l’Europe contre les violences faites aux femmes ou
contre la violence sexuelle à l’égard des enfants. En outre, des
auditions des chefs des délégations nationales concernant la (non-)mise
en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
sont régulièrement organisées par la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme, contribuant au mécanisme de mise en œuvre
des conventions placé sous l’égide du Comité des Ministres.
27. Selon le rapporteur, l’Assemblée parlementaire pourrait contribuer
aux efforts nationaux de lutte contre la corruption, entre autres
en renforçant la visibilité des normes existantes du Conseil de
l’Europe, les échanges de bonnes pratiques et l’application de ces
normes à travers des propositions concrètes d’action politique et
législative. Des réunions régulières pourraient être organisées
pendant les parties de session, au cours desquelles des représentants
des organes du Conseil de l’Europe, des programmes conjoints ou
d’ONG informeraient les membres de problèmes spécifiques de corruption
dans un pays donné ou de la corruption en lien avec un domaine spécifique
(comme le sport, les ressources naturelles, le changement climatique,
la politique, le secteur privé ou la responsabilité des entreprises).
Cela permettrait aux membres de prendre connaissance des derniers
chiffres et des dernières préoccupations en date, ainsi que d’intégrer
la lutte contre la corruption aux actions de l’Assemblée dans divers
domaines. Le rapporteur souhaite spécialement souligner la nécessité
d’une plus grande participation de la société civile et des ONG.
L’Assemblée a récemment adopté une résolution
qui reconnaît le
rôle précieux joué par les ONG pour sensibiliser la population aux
problèmes, faire entendre la voix des victimes et promouvoir les
politiques nationales et locales.
6. Propositions
28. A la lumière des considérations ci-dessus, la commission
du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles souhaiterait
compléter les projets de résolution et de recommandation présentés
par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
par les ajouts suivants:
- mettre
l’accent sur le principe de leadership et le devoir d’exemplarité
qui incombe aux membres de l’Assemblée;
- souligner la volonté de l’Assemblée de continuer à détecter
les nouvelles tendances en matière de transparence et de risques
de corruption au sein des parlements;
- inviter le Comité des Ministres à réévaluer et à consolider
la stratégie du Conseil de l’Europe dans le domaine de la lutte
contre la corruption en faisant le point sur les réussites et les
écueils actuels, en envisageant de nouvelles priorités pour répondre
aux défis rencontrés actuellement par les Etats membres et en donnant
aux organes concernés du Conseil de l’Europe, comme le GRECO, les
moyens d’appliquer effectivement la nouvelle stratégie;
- inviter l’Union européenne à adhérer à la Convention pénale
sur la corruption et à accélérer les négociations sur la participation
de l’Union européenne au GRECO afin de favoriser une meilleure coordination
des politiques anti-corruption en Europe et de renforcer l’impact
des efforts respectifs de l’Union européenne et du GRECO;
- saluer l’actuel partenariat Union européenne–Conseil de
l'Europe dans le cadre des programmes conjoints, notamment dans
le domaine de la lutte contre la corruption, et affirmer la nécessité
de renforcer ce partenariat et d’y inclure une dimension parlementaire;
- inviter le GRECO à renforcer sa coopération avec l’Assemblée,
notamment dans le cadre des missions d’observation d’élections,
à travers un meilleur échange d’informations concernant le financement
des campagnes électorales;
- inviter le Comité des Ministres à lancer une étude de
faisabilité sur le lobbying, qui pourrait servir de point de départ
à d’autres travaux normatifs;
- saluer l’étude du GRECO sur la prise en compte du genre
dans son suivi des problèmes de corruption, qui entre dans l’effort
global de l’Assemblée pour renforcer la démocratie, les droits de
l’homme et la prééminence du droit au bénéfice de tous;
- renforcer le rôle de l’Assemblée parlementaire sur les
questions de lutte contre la corruption en organisant régulièrement
des rencontres entre les membres de l’Assemblée et des représentants
des organes du Conseil de l’Europe, des programmes conjoints ou
d’ONG au cours desquelles seraient abordées des préoccupations spécifiques
concernant un pays donné ou un domaine en particulier (sport, ressources
naturelles, pétrole et gaz, changement climatique, politique, secteur
privé, responsabilité des entreprises etc.).