Imprimer
Autres documents liés
Addendum au rapport | Doc. 13223 Add. | 26 juin 2013
Lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et sur l’identité de genre
Commission sur l'égalité et la non-discrimination
1. Amendements proposés aux projets de résolution et de recommandation
Amendement A
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 5, insérer le paragraphe suivant:
«L’Assemblée déplore tout particulièrement l’approbation unanime par la Douma russe du projet de loi sur la prétendue “propagande pour des relations sexuelles non traditionnelles auprès de mineurs” qui, s’il est aussi approuvé par le Conseil de la Fédération, sera la première disposition législative sur l’interdiction de la propagande homosexuelle instaurée au niveau national en Europe».
Amendement B
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 5, insérer le paragraphe suivant:
«Dans ce contexte, l’Assemblée prend acte de l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur la question de l’interdiction de la prétendue ‟propagande homosexuelleˮ au vu de la législation récente élaborée dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe; elle partage son analyse et approuve ses conclusions selon lesquelles notamment ‟les mesures en question paraissent incompatibles avec les valeurs fondamentales de la [Convention européenne des droits de l’homme], outre qu’elles ne répondent pas aux conditions justifiant les restrictions énoncées aux articles 10, 11 et 14 de la Convention”.»
Amendement C
Dans le projet de résolution, remplacer le paragraphe 7.5 par le paragraphe suivant:
«au Conseil de la Fédération de Russie de rejeter la loi sur la prétendue ‟propagande pour des relations sexuelles non traditionnelles auprès de mineursˮ;»
Amendement D
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.5, insérer le paragraphe suivant:
«au Parlement de l’Ukraine de ne pas poursuivre l’examen du projet de loi sur l’interdiction de la ‟propagande homosexuelleˮ;»
Amendement E
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.6, insérer le paragraphe suivant:
«au Parlement de la Lituanie de ne pas poursuivre l’examen des propositions visant à instaurer des sanctions administratives pour le prétendu “dénigrement public des valeurs morales constitutionnelles et des fondements constitutionnels de la vie de familleˮ».
Amendement F
Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 5.1, insérer le paragraphe suivant:
«d’accorder une attention particulière à la question de la législation sur la prétendue “propagande homosexuelle” et de s'assurer que les Etats membres du Conseil de l'Europe respectent les recommandations formulées par la Commission de Venise dans son avis sur cette question;»
2. Exposé des motifs, par M. Haugli, rapporteur
2.1. Introduction
1. Depuis l’approbation de mon rapport sur le thème
«Lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
et l’identité de genre», le 24 mai 2013, d’importants faits nouveaux
se sont produits. Le présent addendum vise à exposer ces faits et
à proposer quelques modifications aux projets de résolution et de recommandation.
2.2. Avis de la Commission de Venise sur les lois interdisant la prétendue propagande homosexuelle
2. Suite à une demande de la commission sur l’égalité
et la non‑discrimination, la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) a adopté, à sa réunion plénière
des 14 et 15 juin 2013, un avis sur la question de l’interdiction
de la prétendue «propagande homosexuelle» au vu de la législation récente
élaborée dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe .
3. Après avoir analysé en détail les lois et projets de loi en
République de Moldova, Fédération de Russie et Ukraine, la Commission
de Venise conclut que ces textes législatifs font problème car:
- ils ne sont pas formulés avec suffisamment de précision;
- les motifs avancés pour interdire la «propagande homosexuelle» ne répondent pas aux critères essentiels de nécessité et de proportionnalité énoncés à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5);
- ils instaurent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
4. Par souci de clarté, je voudrais citer un passage des conclusions
de l’avis:
«80. Dans l’ensemble, il semble que ces mesures n’aient pas tant pour but de défendre et de promouvoir les valeurs et attitudes traditionnelles vis‑à‑vis de la famille et de la sexualité que de réprimer celles qui ne sont pas traditionnelles en sanctionnant leur expression et leur promotion. A ce titre, les mesures en question apparaissent incompatibles avec les valeurs fondamentales de la CEDH, outre qu’elles ne répondent pas aux conditions justifiant les restrictions énoncées aux articles 10, 11 et 14 de la Convention.
81. Au vu de ce qui précède, la Commission de Venise estime que les textes législatifs interdisant la «propagande homosexuelle» sont incompatibles avec la CEDH et les normes internationales en matière de droits de l'homme.» (traduction non officielle)
2.3. Fédération de Russie
5. Il est décevant de constater que la Douma russe a
décidé d’inscrire à son ordre du jour l’examen du projet de loi
sur la «propagande homosexuelle» avant
l’approbation de l’avis par la Commission de Venise, bien que le
Secrétaire Général du Conseil de l'Europe et moi‑même lui ayons
demandé à plusieurs reprises de reporter cet examen.
6. Il est encore plus décevant de constater que le projet de
loi a été adopté à l’unanimité, après deux lectures qui ont eu lieu
le même jour. Le libellé a changé puisque la loi se réfère à présent
à «la propagande pour des relations sexuelles non traditionnelles»,
mais le fond reste le même.
7. Cette loi doit être examinée en relation avec ladite «loi
sur les agents étrangers» qui a récemment instauré des dispositions
faisant obligation aux organisations à but non lucratif qui reçoivent
des fonds de l’étranger et mènent des «activités politiques» de
se faire enregistrer auprès du ministère de la Justice à titre d’«agents
étrangers». En juin 2013, l’organisation non gouvernementale (ONG)
«Coming Out», dont la directrice par intérim, Polina Savchenko,
a participé à la Conférence sur la liberté d’expression des personnes LGBT
organisée par la commission sur l’égalité et la non-discrimination
(Varsovie, 19 mars 2013), a été jugée coupable d’enfreindre cette
législation. Dans cette affaire, l’«activité politique» consistait
à faire du piquetage en scandant le slogan «Nous sommes pour les
valeurs traditionnelles: amour, famille, respect de la dignité humaine»,
à organiser une campagne contre l’adoption de la loi sur la «propagande»
à Saint-Pétersbourg et à publier une brochure sur le thème «La discrimination
à l’égard des LGBT: quelle est sa nature, comment se manifeste-t-elle
et pourquoi?».
8. Commentant ces initiatives, l’ONG ILGA-Europe les a récemment
qualifiées d’«homophobie d’Etat» . En
fait, je crains qu’en conséquence de ce cadre législatif, les ONG
qui œuvrent à la promotion de l’égalité et de la non-discrimination
n’aient plus d’autre choix que de mettre un terme à leurs activités
ou de s’exposer à des sanctions et à des peines qui rendront leur
fonctionnement impossible, outre qu’elles verront leur image complètement
ternie par l’accusation d’être des espions étrangers portée contre
elles.
2.4. Lituanie
9. Dans mon rapport, j’ai déjà signalé que la Lituanie
– qui est membre à la fois du Conseil de l'Europe et de l’Union
européenne – envisage aussi d’instaurer une loi sur l’interdiction
de la «propagande homosexuelle».
10. En juin, un groupe de parlementaires a proposé l’amendement
ci‑après à l’article 170 du Code pénal (sur l’incitation au harcèlement
et à la violence contre des groupes): «La critique des comportements
ou pratiques sexuelles, des convictions ou croyances, ou encore
la persuasion de changer de comportement, de pratiques, de convictions
ou de croyances ne peuvent être en soi qualifiées de harcèlement,
dénigrement, incitation à la haine, discrimination ou incitation
à la discrimination.» (traduction non officielle)
2.5. Conclusions
11. Je suis très inquiet de ces récents développements.
Ce qui est en péril ici, c’est la conception commune des valeurs
et des normes en matière de droits de l'homme et leur respect. Je
pense que le Conseil de l'Europe devrait se montrer très ferme face
à toute tentative de ses Etats membres de remettre en question les
droits de l’homme fondamentaux tels que la liberté d’expression,
de réunion et d’association ou d’y faire des entorses.
12. Si nous ne réagissons pas maintenant, à propos des LGBT, qui
seront les prochaines victimes?