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Demande d'avis | Doc. 13289 | 13 août 2013

Projet de Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d’organes humains

Auteur(s) : Comité des Ministres

1. Lettre du Président des Délégués des Ministres au Président de l’Assemblée parlementaire du 18 juillet 2013

Lors de leur 1176e réunion (10 juillet 2013), les Délégués des Ministres ont décidé de transmettre à l’Assemblée parlementaire, pour avis, le projet de Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains.

J’ai le plaisir de vous faire parvenir ci-joint ce projet de convention ainsi que, pour information, le projet de rapport explicatif y afférent.

Dans l’attente de recevoir dès que possible l’avis que formulera l’Assemblée, je vous prie de croire à l’assurance de ma haute considération.

[signé]

Armen Papikyan

Président des Délégués des Ministres

2. Projet de Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains

2.1. Préambule

Les Etats membres du Conseil de l’Europe et les autres signataires de la présente Convention :

Ayant à l'esprit la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, et la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (1950, STE n° 5) ;

Ayant à l'esprit la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (1997, STE n° 164) et le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine (2002, STE n° 186) ;

Ayant à l'esprit le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000) et la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2005, STCE n° 197) ;

Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres ;

Considérant que le trafic d’organes humains constitue une atteinte à la dignité humaine et au droit à la vie et fait peser une grave menace sur la santé publique ;

Déterminés à contribuer de manière significative à l’éradication du trafic d’organes humains par l’instauration de nouvelles infractions venant compléter les instruments juridiques internationaux existant dans le domaine de la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes ;

Considérant que le but de la présente Convention est de prévenir et de combattre le trafic d’organes humains et que la mise en œuvre des dispositions de la Convention relatives au droit pénal matériel devrait être effectuée en tenant compte de ce but, ainsi que du principe de proportionnalité ;

Reconnaissant que, pour lutter de manière efficace contre la menace mondiale que constitue le trafic d’organes humains, une coopération internationale étroite entre Etats membres et Etats non membres du Conseil de l'Europe devrait être encouragée,

Sont convenus de ce qui suit :

2.1.1. Chapitre I – But, champ d’application et terminologie

2.1.1.1. Article 1 – But

1. La présente Convention vise :
a. à prévenir et à combattre le trafic d’organes humains, en prévoyant l’incrimination de certains actes ;
b. à protéger les droits des victimes des infractions établies conformément à la présente Convention ;
c. à faciliter la coopération aux niveaux national et international pour la lutte contre le trafic d’organes humains.
2. Afin d’assurer une mise en œuvre efficace de ses dispositions par les Parties, la présente Convention met en place un mécanisme de suivi spécifique.

2.1.1.2. Article 2 – Champ d’application et terminologie

3. La présente Convention s’applique au trafic d’organes humains à des fins de transplantations ou à d’autres fins, et à d’autres formes de prélèvement illicite et d’implantation illicite.
4. Aux fins de la présente Convention, les termes :
  • « trafic d’organes humains » désigne toute activité illicite liée à des organes humains telle que visée à l’article 4, paragraphe 1, et aux articles 5, 7, 8 et 9 de la présente Convention ;
  • « organe humain » désigne une partie différenciée du corps humain, constituée de différents tissus, qui maintient, de façon largement autonome, sa structure, sa vascularisation et sa capacité à exercer des fonctions physiologiques; une partie d’organe est également considérée comme un organe si elle est destinée à être utilisée aux mêmes fins que l’organe entier dans le corps humain, les critères de structure et de vascularisation étant maintenus.

2.1.1.3. Article 3 – Principe de non-discrimination

5. La mise en œuvre des dispositions de la présente Convention par les Parties, en particulier le bénéfice des mesures visant à protéger les droits des victimes, doit être assurée sans discrimination aucune fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, l’âge, la religion, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, l’orientation sexuelle, l’état de santé, le handicap ou toute autre situation.

2.1.2. Chapitre II – Droit pénal matériel

2.1.2.1. Article 4 – Prélèvement illicite d’organes humains

6. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, lorsque l’acte a été commis intentionnellement, le prélèvement d’organes humains de donneurs vivants ou décédés :
a. si le prélèvement est réalisé sans le consentement libre, éclairé et spécifique du donneur vivant ou décédé, ou, dans le cas du donneur décédé, sans que le prélèvement soit autorisé en vertu du droit interne ;
b. si, en échange du prélèvement d’organes, le donneur vivant, ou une tierce personne, s’est vu offrir ou a obtenu un profit ou un avantage comparable ;
c. si, en échange du prélèvement d’organes sur un donneur décédé, une tierce personne s’est vue offrir ou a obtenu un profit ou un avantage comparable.
7. Tout Etat ou l'Union européenne peut, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, préciser qu'il se réserve le droit de ne pas appliquer le paragraphe 1.a du présent article au prélèvement d'organes humains de donneurs vivants, dans des cas exceptionnels et conformément aux garanties ou dispositions appropriées sur le consentement en vertu de son droit interne. Toute réserve faite conformément au présent paragraphe comporte un bref exposé du droit interne pertinent.
8. L’expression « un profit ou un avantage comparable », aux fins du paragraphe 1, b et c, n’inclut pas l’indemnisation du manque à gagner et de toutes autres dépenses justifiables causées par le prélèvement ou par les examens médicaux connexes, ni l’indemnisation en cas de dommage non inhérent au prélèvement d’organes.
9. Chaque Partie doit envisager de prendre les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, le prélèvement d’organes humains de donneurs vivants ou décédés, s’il est réalisé hors du cadre de son système interne de transplantation ou quand le prélèvement est réalisé en violation des principes essentiels des lois ou des réglementations nationales en matière de transplantation. Si une Partie érige des infractions pénales conformément à cette disposition, elle s'efforce également d'appliquer les articles 9 à 22 à ces infractions.

2.1.2.2. Article 5 – Utilisation d’organes prélevés de manière illicite à des fins d’implantation ou à d’autres fins que l’implantation

10. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, lorsque l’acte a été commis intentionnellement, l’utilisation d’organes prélevés de manière illicite, telle qu’elle est décrite à l’article 4, paragraphe 1, à des fins d’implantation ou à d’autres fins que l’implantation.

2.1.2.3. Article 6 – Implantation d’organes hors du système interne de transplantation ou en violation des principes essentiels des lois nationales en matière de transplantation

11. Chaque Partie doit envisager de prendre les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, lorsque l’acte a été commis intentionnellement, l’implantation d’organes humains de donneurs vivants ou décédés, si cette implantation est réalisée hors du cadre du système interne de transplantation ou lorsque l’implantation est effectuée en violation des principes essentiels des lois ou des réglementations nationales en matière de transplantation. Si une Partie érige des infractions pénales conformément à cette disposition, elle s'efforce également d'appliquer les articles 9 à 22 à ces infractions.

2.1.2.4. Article 7 – Sollicitation et recrutement illicites, offre et demande d’avantages indus

12. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, lorsque l’acte a été commis intentionnellement, la sollicitation et le recrutement d’un donneur ou d’un receveur d’organes en vue d’un profit ou d’un avantage comparable pour la personne qui sollicite ou recrute ou pour une tierce personne.
13. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, lorsque l’acte a été commis intentionnellement, la promesse, l’offre ou le don, direct ou indirect, par toute personne, d’un avantage indu à des professionnels de la santé, à ses fonctionnaires ou à des personnes qui, à quelque titre que ce soit, dirigent ou travaillent pour une entité du secteur privé, afin que ces personnes procèdent à un prélèvement ou à une implantation d’un organe humain ou facilitent un tel acte, quand un tel prélèvement ou une telle implantation sont effectués dans des circonstances décrites à l’article 4, paragraphe 1, ou à l’article 5 et, le cas échéant, à l’article 4, paragraphe 4, ou à l’article 6.
14. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, lorsque l’acte a été commis intentionnellement, le fait pour des professionnels de la santé, ses fonctionnaires ou des personnes qui, à quelque titre que ce soit, dirigent ou travaillent pour une entité du secteur privé, de solliciter ou de recevoir un avantage indu visant à ce que ces personnes procèdent à un prélèvement ou une implantation d’un organe humain ou facilitent un tel acte, quand un tel prélèvement ou une telle implantation sont effectués dans les circonstances décrites à l’article 4, paragraphe 1, ou à l’article 5 et, le cas échéant, à l’article 4, paragraphe 4, ou à l’article 6.

2.1.2.5. Article 8 – Préparation, préservation, stockage, transport, transfert, réception, importation et exportation d’organes humains prélevés de manière illicite

15. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, lorsque l’acte a été commis intentionnellement :
a. la préparation, la préservation et le stockage des organes humains prélevés de manière illicite visés à l’article 4, paragraphe 1, et, le cas échéant, à l’article 4, paragraphe 4;
b. le transport, le transfert, la réception, l’importation et l’exportation des organes humains prélevés de manière illicite, visés à l’article 4, paragraphe 1, et, le cas échéant, à l’article 4, paragraphe 4.

2.1.2.6. Article 9 – Complicité et tentative

16. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale toute complicité, lorsqu’elle a été commise intentionnellement, en vue de la commission de toute infraction pénale établie conformément à la présente Convention.
17. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour ériger en infraction pénale la tentative intentionnelle de commettre toute infraction pénale établie conformément à la présente Convention.
18. Tout Etat ou l’Union européenne peut, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, dans une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, préciser qu’il se réserve le droit de ne pas appliquer, ou de n’appliquer que dans des cas ou conditions spécifiques, le paragraphe 2 en ce qui concerne les infractions établies conformément à l’article 7 et à l’article 8.

2.1.2.7. Article 10 – Compétence

19. Chaque Partie prend les mesures législatives ou autres qui se révèlent nécessaires pour établir sa compétence à l’égard de toute infraction établie conformément à la présente Convention, lorsque l’infraction est commise :
a. sur son territoire ; ou
b. à bord d’un navire battant pavillon de cette Partie ; ou
c. à bord d’un aéronef immatriculé selon les lois de cette Partie ; ou
d. par l’un de ses ressortissants ; ou
e. par une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire.
20. Chaque Partie s’efforce de prendre les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir sa compétence à l’égard de toute infraction établie conformément à la présente Convention, lorsque l’infraction est commise à l’encontre de l’un de ses ressortissants ou d’une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire.
21. Tout Etat ou l’Union européenne peut, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, dans une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, préciser qu’il se réserve le droit de ne pas appliquer, ou de n’appliquer que dans des cas ou conditions spécifiques, les règles de compétence définies aux alinéas d et e du paragraphe 1 du présent article.
22. Pour la poursuite des infractions établies conformément à la présente Convention, chaque Partie prend les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’établissement de sa compétence au titre des alinéas d et e du paragraphe 1 du présent article ne soit pas subordonné à la condition que la poursuite soit précédée d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation de l’Etat du lieu où l’infraction a été commise.
23. Tout Etat ou l’Union européenne peut, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, préciser qu’il se réserve le droit de ne pas appliquer le paragraphe 4 du présent article ou de l’appliquer uniquement dans des cas spécifiques.
24. Chaque Partie prend les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir sa compétence à l’égard de toute infraction établie conformément à la présente Convention, lorsque l’auteur présumé est présent sur son territoire et qu’elle ne peut l’extrader vers un autre Etat uniquement en raison de sa nationalité.
25. Lorsque plusieurs Parties revendiquent leur compétence à l’égard d’une infraction présumée établie conformément à la présente Convention, les Parties concernées se concertent, s’il y a lieu, afin de déterminer laquelle est la mieux à même d’exercer les poursuites.
26. Sans préjudice des règles générales du droit international, la présente Convention n’exclut aucune compétence pénale exercée par une Partie conformément à son droit interne.

2.1.2.8. Article 11 – Responsabilité des personnes morales

27. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour que les personnes morales puissent être tenues pour responsables des infractions établies conformément à la présente Convention, lorsqu’elles ont été commises pour leur compte par toute personne physique, agissant soit individuellement, soit en tant que membre d’un organe de la personne morale, qui exerce un pouvoir de direction en son sein, sur les bases suivantes :
a. un pouvoir de représentation de la personne morale ;
b. une autorité pour prendre des décisions au nom de la personne morale ; 
c. une autorité pour exercer un contrôle au sein de la personne morale.
28. Outre les cas déjà prévus au paragraphe 1 du présent article, chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour s’assurer qu’une personne morale puisse être tenue pour responsable lorsque l’absence de surveillance ou de contrôle de la part d’une personne physique mentionnée au paragraphe 1 a rendu possible la commission d’une infraction établie conformément à la présente Convention pour le compte de ladite personne morale par une personne physique agissant sous son autorité.
29. Selon les principes juridiques de la Partie, la responsabilité d’une personne morale peut être pénale, civile ou administrative.
30. Cette responsabilité est établie sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes physiques ayant commis l’infraction.

2.1.2.9. Article 12 – Sanctions et mesures

31. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour que les infractions établies conformément à la présente Convention soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Celles-ci incluent, pour les infractions établies conformément à l’article 4, paragraphe 1, et, le cas échéant, à l’article 5 et aux articles 7 à 9, commises par des personnes physiques, des sanctions privatives de liberté pouvant donner lieu à l’extradition.
32. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour que les personnes morales déclarées responsables en application de l’article 11 soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, qui incluent des sanctions pécuniaires pénales ou non pénales, et éventuellement d’autres mesures, telles que :
a. des mesures d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale ;
b. un placement sous surveillance judiciaire ;
c. une mesure judiciaire de dissolution.
33. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires :
a. pour permettre la saisie et la confiscation des produits des infractions pénales établies conformément à la présente Convention, ou de biens d’une valeur équivalente à ces produits ;
b. pour permettre la fermeture temporaire ou définitive de tout établissement utilisé pour commettre l’une des infractions pénales établies conformément à la présente Convention, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi, ou interdire à l’auteur de ces infractions, à titre temporaire ou définitif, conformément aux dispositions pertinentes du droit interne, l’exercice d’une activité professionnelle liée à la commission de l’une des infractions établies conformément à la présente Convention.

2.1.2.10. Article 13 – Circonstances aggravantes

34. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour que les circonstances suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas déjà des éléments constitutifs de l’infraction, puissent, conformément aux dispositions pertinentes du droit interne, être considérées comme circonstances aggravantes dans la détermination des peines relatives aux infractions établies conformément à la présente Convention :
a. l’infraction a causé le décès de la victime ou a porté gravement atteinte à sa santé physique ou mentale ;
b. l’infraction a été commise par une personne abusant de sa position ;
c. l’infraction a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle ;
d. l’auteur a déjà été condamné pour des infractions établies conformément à la présente Convention ;
e. l’infraction a été commise à l’encontre d’un enfant ou de toute autre personne particulièrement vulnérable.

2.1.2.11. Article 14 – Condamnations antérieures

35. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour prévoir la possibilité de prendre en compte, dans le cadre de l’appréciation de la peine, les condamnations définitives prononcées dans une autre Partie pour des infractions établies conformément à la présente Convention.

2.1.3. Chapitre III – Droit pénal procédural

2.1.3.1. Article 15 – Mise en œuvre et poursuite de la procédure

36. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour que les enquêtes ou les poursuites concernant les infractions établies conformément à la présente Convention ne soient pas subordonnées à une plainte et que la procédure puisse se poursuivre y compris en cas de retrait de la plainte.

2.1.3.2. Article 16 – Enquêtes pénales

37. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour garantir, conformément aux principes de son droit interne, des enquêtes et des poursuites pénales efficaces concernant les infractions établies conformément à la présente Convention.

2.1.3.3. Article 17 – Coopération internationale

38. Les Parties coopèrent, conformément aux dispositions de la présente Convention, et en application des instruments internationaux et régionaux pertinents applicables, des arrangements reposant sur des législations uniformes ou réciproques et de leur droit interne, dans la mesure la plus large possible, aux fins des enquêtes et des procédures concernant les infractions établies conformément à la présente Convention, y compris à l’aide de mesures de saisie et de confiscation.
39. Les Parties coopèrent dans la mesure la plus large possible en vertu des traités internationaux, régionaux et bilatéraux applicables et pertinents relatifs à l’extradition et à l’entraide judiciaire en matière pénale concernant les infractions établies conformément à la présente Convention.
40. Si une Partie qui subordonne l’extradition ou l’entraide judiciaire en matière pénale à l’existence d’un traité reçoit une demande d’extradition ou d’entraide judiciaire en matière pénale d’une Partie avec laquelle elle n’a pas conclu pareil traité, elle peut, agissant en pleine conformité avec ses obligations découlant du droit international et sous réserve des conditions prévues par le droit interne de la Partie requise, considérer la présente Convention comme la base légale de l’extradition ou de l’entraide judiciaire en matière pénale pour les infractions établies conformément à la présente Convention.

2.1.4. Chapitre IV – Mesures de protection

2.1.4.1. Article 18 – Protection des victimes

41. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des victimes d’infractions établies conformément à la présente Convention, notamment :
a. en veillant à ce que les victimes aient accès aux informations pertinentes relatives à leur cas et qui sont nécessaires à la protection de leur santé et d’autres droits concernés ;
b. en assistant les victimes dans leur rétablissement physique, psychologique et social ;
c. en garantissant, dans son droit interne, le droit des victimes à une indemnisation par les auteurs d’infractions.

2.1.4.2. Article 19 – Statut des victimes dans les procédures pénales

42. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des victimes à tous les stades des enquêtes et procédures pénales, notamment :
a. en les informant de leurs droits et des services qui sont à leur disposition et, à leur demande, des suites données à leur plainte, des chefs d'accusation retenus, de l’état de la procédure pénale - à moins que, dans des cas exceptionnels, cette notification puisse nuire à la bonne conduite de l'affaire - et de leur rôle dans celle-ci ainsi que de l'issue de l'affaire les concernant ;
b. en leur permettant, d’une manière conforme aux règles de procédure du droit interne, d’être entendues, de présenter des éléments de preuve et de voir leur avis, leurs besoins et leurs préoccupations présentés, directement ou par le biais d’un intermédiaire, et pris en compte ;
c. en mettant à leur disposition les services de soutien appropriés pour que leurs droits et intérêts soient dûment présentés et pris en compte ;
d. en prenant des mesures effectives pour assurer leur protection et celle de leur famille contre l’intimidation et les représailles.
43. Chaque Partie garantit aux victimes, dès leur premier contact avec les autorités compétentes, l’accès aux informations sur les procédures judiciaires et administratives pertinentes.
44. Chaque Partie veille à ce que les victimes qui ont le statut de parties dans les procédures pénales aient accès à une assistance judiciaire, conformément à son droit interne et accordée gratuitement quand cela se justifie.
45. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour que les victimes d’une infraction établie conformément à la présente Convention et commise sur le territoire d’une Partie autre que celle où elles résident puissent porter plainte auprès des autorités compétentes de leur Etat de résidence.
46. Chaque Partie prévoit, au moyen de mesures législatives ou autres et conformément aux conditions définies par son droit interne, la possibilité pour des groupes, fondations, associations ou organisations gouvernementales ou non gouvernementales d’assister et/ou d’aider les victimes, si elles y consentent, au cours des procédures pénales concernant les infractions établies conformément à la présente Convention.

2.1.4.3. Article 20 – Protection des témoins

47. Chaque Partie prend, selon les moyens à sa disposition et conformément aux conditions définies par son droit interne, des mesures appropriées pour assurer une protection efficace contre des actes éventuels de représailles ou d’intimidation pour les témoins dans des procédures pénales, qui font une déposition concernant des infractions établies conformément à la présente Convention et, le cas échéant, pour leur famille et d’autres personnes qui leur sont proches.
48. Le paragraphe 1 du présent article s’applique également aux victimes lorsqu’elles sont témoins.

2.1.5. Chapitre V – Mesures de prévention

2.1.5.1. Article 21 – Mesures au niveau national

49. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour :
a. assurer l’existence d’un système interne transparent pour la transplantation d’organes humains ;
b. garantir aux patients un accès équitable aux services de transplantation ;
c. assurer, en coopération entre toutes les autorités pertinentes, la collecte, l’analyse et l’échange d’informations se rapportant aux infractions visées par la présente Convention.
50. Afin de prévenir et de combattre le trafic d’organes humains, chaque Partie prend des mesures, le cas échéant :
a. pour donner aux professionnels de santé et aux agents concernés des informations sur la prévention du trafic d’organes humains et la lutte contre celui-ci, ou pour renforcer leur formation ;
b. pour organiser des campagnes de sensibilisation du public à l’illégalité et aux dangers du trafic d’organes humains.
51. Chaque Partie prend les mesures législatives et autres nécessaires pour interdire la publicité sur le besoin d’organes humains, ou sur leur disponibilité, en vue d’offrir ou de rechercher un profit ou un avantage comparable.

2.1.5.2. Article 22 – Mesures au niveau international

52. Les Parties coopèrent dans la mesure la plus large possible afin de prévenir le trafic d’organes humains. Elles sont notamment chargées :
a. de faire rapport, à sa demande, au Comité des Parties sur le nombre de cas de trafic d’organes humains sur leur territoire respectif ;
b. de désigner un point de contact national responsable de l’échange d’informations se rapportant au trafic d’organes humains.

2.1.6. Chapitre VI – Mécanisme de suivi

2.1.6.1. Article 23 – Comité des Parties

53. Le Comité des Parties est composé des représentants des Parties à la Convention.
54. Le Comité des Parties est convoqué par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Sa première réunion doit se tenir dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente Convention pour le dixième signataire l’ayant ratifiée. Il se réunira par la suite à la demande d’au moins un tiers des Parties ou du Secrétaire Général.
55. Le Comité des Parties établit lui-même son règlement intérieur.
56. Le Comité des Parties est assisté par le Secrétariat du Conseil de l’Europe dans l’exercice de ses fonctions.
57. Une Partie contractante non membre du Conseil de l’Europe contribue au financement du Comité des Parties selon des modalités à déterminer par le Comité des Ministres après consultation de cette Partie.

2.1.6.2. Article 24 – Autres représentants

58. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), ainsi que les autres comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l’Europe désignent chacun un représentant au Comité des Parties afin de contribuer à une approche plurisectorielle et pluridisciplinaire.
59. Le Comité des Ministres peut inviter d’autres organes du Conseil de l’Europe à désigner un représentant au Comité des Parties après avoir consulté ce dernier.
60. Des représentants d’organes internationaux pertinents peuvent être admis en tant qu’observateurs au Comité des Parties suivant la procédure établie par les règles pertinentes du Conseil de l’Europe.
61. Des représentants d’organes officiels pertinents des Parties peuvent être admis en tant qu’observateurs au Comité des Parties suivant la procédure établie par les règles pertinentes du Conseil de l’Europe.
62. Des représentants de la société civile, et notamment des organisations non gouvernementales, peuvent être admis en tant qu’observateurs au Comité des Parties suivant la procédure établie par les règles pertinentes du Conseil de l’Europe.
63. Une représentation équilibrée des différents secteurs et disciplines doit être assurée lors de la nomination des représentants en application des paragraphes 2 à 5 du présent article.
64. Les représentants désignés en vertu des paragraphes 1 à 5 ci-dessus participent aux réunions du Comité des Parties sans droit de vote.

2.1.6.3. Article 25 – Fonctions du Comité des Parties

65. Le Comité des Parties surveille l’application de la présente Convention. Le règlement intérieur du Comité des Parties définit la procédure d’évaluation de la mise en œuvre de la Convention en appliquant une approche plurisectorielle et pluridisciplinaire.
66. Le Comité des Parties facilite également la collecte, l’analyse et l’échange d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques entre les Etats afin de renforcer leur capacité à prévenir et à lutter contre le trafic d’organes humains. Le Comité peut bénéficier de la compétence d’autres comités et organes pertinents du Conseil de l’Europe.
67. Le Comité des Parties est également chargé, le cas échéant :
a. de faciliter l’usage et la mise en œuvre effectifs de la présente Convention, notamment en identifiant tout problème susceptible d’apparaître, ainsi que les effets de toute déclaration ou réserve faite au titre de la présente Convention ;
b. d’exprimer un avis sur toute question relative à l’application de la présente Convention et de faciliter l’échange d’informations sur les développements juridiques, politiques ou techniques importants ;
c. d’adresser des recommandations spécifiques aux Parties au sujet de la mise en œuvre de la présente Convention.
68. Le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) est tenu régulièrement informé des activités mentionnées aux paragraphes 1, 2 et 3 du présent article.

2.1.7. Chapitre VII – Relations avec d’autres instruments internationaux

2.1.7.1. Article 26 – Relations avec d’autres instruments internationaux

69. La présente Convention ne porte pas atteinte aux droits et obligations découlant des dispositions d’autres instruments internationaux auxquels les Parties à cette Convention sont Parties ou le deviendront, et qui contiennent des dispositions relatives aux matières régies par la présente Convention.
70. Les Parties à la Convention pourront conclure entre elles des accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs aux questions réglées par la présente Convention, aux fins de compléter ou de renforcer les dispositions de celle-ci ou pour faciliter l’application des principes qu’elle consacre.

2.1.8. Chapitre VIII – Amendements à la Convention

2.1.8.1. Article 27 – Amendements

71. Tout amendement à la présente Convention proposé par une Partie devra être communiqué au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et être transmis par ce dernier aux Etats membres du Conseil de l’Europe, aux Etats ayant le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe, à l’Union européenne, et à tout Etat ayant été invité à signer la présente Convention.
72. Tout amendement proposé par une Partie devra être communiqué au Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) ainsi qu’aux autres comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l’Europe, qui soumettront au Comité des Parties leurs avis sur l’amendement proposé.
73. Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe examine l’amendement proposé et l’avis soumis par le Comité des Parties et, après avoir consulté les Parties à la présente Convention qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe, peut adopter l’amendement par la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l'Europe.
74. Le texte de tout amendement adopté par le Comité des Ministres conformément au paragraphe 3 du présent article est transmis aux Parties en vue de son acceptation.
75. Tout amendement adopté conformément au paragraphe 3 du présent article entrera en vigueur le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période d’un mois après la date à laquelle toutes les Parties auront informé le Secrétaire Général qu’elles l’ont accepté.

2.1.9. Chapitre IX – Clauses finales

2.1.9.1. Article 28 – Signature et entrée en vigueur

76. La présente Convention est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne et des Etats non membres ayant le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe. Elle est également ouverte à la signature de tout autre Etat non membre du Conseil de l’Europe sur invitation du Comité des Ministres. La décision d’inviter un Etat non membre à signer la Convention est prise à la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l’Europe, et à l’unanimité des voix des représentants des Etats contractants ayant le droit de siéger au Comité des Ministres. Cette décision est prise après avoir obtenu l’accord unanime des autres Etats/Union européenne ayant exprimé leur consentement à être liés par la présente Convention.
77. La présente Convention est soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation seront déposés près le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.
78. La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle cinq signataires, dont au moins trois Etats membres du Conseil de l’Europe, auront exprimé leur consentement à être liés par la Convention, conformément aux dispositions du paragraphe précédent.
79. Pour tout Etat ou l’Union européenne qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par la Convention, celle-ci entrera en vigueur à son égard le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date du dépôt de l’instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation.

2.1.9.2. Article 29 – Application territoriale

80. Tout Etat ou l’Union européenne peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, désigner le ou les territoires auxquels s’appliquera la présente Convention.
81. Toute Partie peut, à tout moment par la suite, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, étendre l’application de la présente Convention à tout autre territoire désigné dans la déclaration et dont elle assure les relations internationales ou au nom duquel elle est autorisée à prendre des engagements. La Convention entrera en vigueur à l’égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le Secrétaire Général.
82. Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents peut être retirée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.

2.1.9.3. Article 30 – Réserves

83. Tout Etat ou l’Union européenne peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation déclarer faire usage d’une ou plusieurs réserves prévues aux articles 4, paragraphe 2 ; 9, paragraphe 3 ; 10, paragraphes 3 et 5.
84. Tout Etat ou l’Union européenne peut également, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d’approbation, préciser qu’il se réserve le droit d’appliquer l’article 5 et l’article 7, paragraphes 2 et 3, uniquement aux infractions commises à des fins d’implantation, ou à des fins d’implantation et d’autres fins telles que spécifiées par la Partie.
85. Aucune autre réserve n'est admise.
86. Toute Partie qui a formulé une réserve peut, à tout moment, la retirer en tout ou en partie, en adressant une notification au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Le retrait prendra effet à la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.

2.1.9.4. Article 31 – Règlement des différends

87. Le Comité des Parties suivra, en étroite coopération avec le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) et les autres comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l’Europe, l’application de la présente Convention et facilitera au besoin le règlement amiable de toute difficulté d’application.

2.1.9.5. Article 32 – Dénonciation

88. Toute Partie peut, à tout moment, dénoncer la présente Convention en adressant une notification au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.
89. La dénonciation prendra effet le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.

2.1.9.6. Article 33 – Notification

90. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe notifiera aux Etats membres du Conseil de l’Europe, aux Etats non membres ayant le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe, à l’Union européenne, et à tout Etat ayant été invité à signer la présente Convention conformément aux dispositions de l’article 28 :
a. toute signature ;
b. le dépôt de tout instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation ;
c. toute date d’entrée en vigueur de la Convention conformément à l’article 28 ;
d. tout amendement adopté conformément à l’article 27, ainsi que la date d’entrée en vigueur de cet amendement ;
e. toute réserve et tout retrait de réserve faits en application de l’article 30 ;
f. toute dénonciation effectuée conformément aux dispositions de l’article 32 ;
g. tout autre acte, notification ou communication ayant trait à la présente Convention.

En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention.

Fait à […….], le [……….], en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l’Europe. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des Etats membres du Conseil de l’Europe, aux Etats non membres ayant le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe, à l’Union européenne et à tout Etat invité à signer la présente Convention.

3. Projet de rapport explicatif du projet de Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains

1. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a pris note du présent rapport explicatif lors de la réunion tenue au niveau des Délégués, le ….

2. Le texte de ce rapport explicatif ne constitue pas un instrument d’interprétation authentique de la Convention, bien qu’il puisse faciliter la compréhension des dispositions qui y sont contenues.

3.1. Introduction

3. L’existence, à l’échelle mondiale, d’un trafic illicite d’organes humains aux fins de transplantation est un fait avéré. Divers moyens ont été adoptés, tant au niveau national qu’international, pour lutter contre cette activité criminelle, qui représente un réel danger pour la santé publique et individuelle, est contraire aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales et constitue un affront à la notion même de dignité humaine et de liberté individuelle.

4. Par conséquent, le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) du 16 mai 2005 contiennent des dispositions relatives à l’incrimination de la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes.

5. De plus, la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE n° 164) du 4 avril 1997 dispose, à l’article 21, que le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit. Cette interdiction est réaffirmée dans le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine (STE n° 186) du 24 janvier 2002, dont l’article 22 interdit expressément le trafic d’organes. Selon l’article 26 dudit protocole additionnel, les Parties prévoient des sanctions appropriées dans les cas de manquement à cette interdiction.

6. En 2008, le Conseil de l’Europe et l’Organisation des Nations Unies ont décidé d’élaborer une « étude conjointe sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules (OTC) et la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes ». Cette étude conjointe, publiée en 2009, met en évidence un certain nombre de questions liées au trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine qui méritent d’être examinées de manière plus approfondie, notamment : la nécessité d’établir une distinction claire entre la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes et le trafic d’organes humains en soi ; la nécessité de respecter le principe de l’interdiction des bénéfices réalisés avec le corps humain ou ses éléments ; la nécessité de promouvoir le don d’organes ; la nécessité de collecter des données fiables sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules ; enfin, la nécessité d’établir une définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules reconnue au niveau international.

7. Surtout, l’étude conjointe recommande d’élaborer un instrument juridique international établissant une définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules (OTC) et énonçant des mesures à prendre pour prévenir ce trafic et protéger les victimes, ainsi que des mesures de droit pénal destinées à le réprimer.

8. Dans ce contexte, le Comité des Ministres a décidé, le 16 novembre 2010, d’inviter le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), le Comité directeur pour la bioéthique (CDBI) et le Comité européen sur la transplantation d’organes (CD-P-TO) à définir ensemble les principaux éléments qui pourraient faire partie d’un instrument juridique international contraignant et à en rendre compte au Comité des Ministres en avril 2011.

9. Dans leur rapport du 20 avril 2011, les trois comités directeurs susmentionnés soulignent que le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine « est un problème de dimension mondiale qui porte atteinte aux droits élémentaires et aux libertés fondamentales de l’être humain et menace directement la santé publique et individuelle ». Ils ajoutent que, « bien qu’il existe deux instruments juridiques internationaux contraignants [à savoir le protocole de l’ONU contre la traite et la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite, mentionnés plus haut], le cadre juridique international présente des lacunes importantes sur certains points ».

10. En particulier, les trois comités directeurs sont arrivés à la conclusion que les instruments juridiques internationaux en vigueur « envisagent uniquement le scénario d’un recours à divers moyens coercitifs ou frauduleux pour exploiter une personne à des fins de prélèvement d’organes. Ils ne couvrent pas suffisamment les cas dans lesquels le donneur aurait – dûment – consenti au prélèvement d’organes ou ne serait pas considéré – pour d’autres raisons – comme une victime de traite au regard des conventions ».

11. Les trois comités directeurs ont donc proposé que le Conseil de l’Europe élabore une convention internationale de droit pénal contre le trafic d’organes humains, qui pourrait aussi s’appliquer aux tissus et aux cellules, pour combler les lacunes du droit international.

12. Par des décisions du 6 juillet 2011 et des 22-23 février 2012, le Comité des Ministres a établi le Comité d’experts sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules humains (PC-TO) et l’a chargé d’élaborer un projet de convention de droit pénal contre le trafic d’organes humains et, si nécessaire, un projet de protocole additionnel au projet de convention de droit pénal précité relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de cellules humains.

13. Le PC-TO a tenu au total quatre réunions à Strasbourg, du 13 au 16 décembre 2011, du 6 au 9 mars, du 26 au 29 juin et du 15 au 19 octobre 2012, et a élaboré un avant-projet de convention contre le trafic d’organes humains. Il n’a pas élaboré de protocole additionnel sur les tissus et les cellules et a recommandé de réexaminer cette possibilité dans le futur.

14. Le projet de texte de la Convention a été parachevé par le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), qui l’a approuvé à sa réunion plénière, tenue du 4 au 7 décembre 2012.

3.2. Préambule

3.2.1. Commentaire sur le préambule :

15. Le préambule expose le but de la Convention, à savoir contribuer de manière significative à l’éradication du trafic d’organes humains en prévenant et en combattant ce crime, notamment par l’instauration de nouvelles infractions venant compléter les instruments juridiques internationaux en vigueur dans le domaine de la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes.

16. Le préambule souligne que la mise en œuvre des dispositions de la Convention relatives au droit pénal matériel devra être effectuée en tenant dûment compte du but de la Convention ainsi que du principe de proportionnalité.

17. Le préambule fait expressément référence aux textes juridiques suivants des Nations Unies et du Conseil de l’Europe :

  • la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) ;
  • la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950, STE n° 5) ;
  • la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine ;
  • le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine ;
  • le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000) ;
  • la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

3.2.2. Chapitre I – But, champ d’application et terminologie

3.2.2.1. Article 1 – But

18. Le paragraphe 1 indique les buts de la Convention, qui sont de prévenir et combattre le trafic d’organes humains, de protéger les droits des victimes et de faciliter la coopération aux niveaux et international pour la lutte contre le trafic d’organes humains.

19. Le paragraphe 2 prévoit l’établissement d’un mécanisme de suivi spécifique (articles 23 à 25) afin d’assurer l’application effective de la Convention.

3.2.2.2. Article 2 – Champ d’application et terminologie

20. L’article 2, paragraphe 1, définit le champ d’application de la Convention comme englobant le trafic d’organes humains aux fins de transplantation ou autres, ainsi que les autres formes de prélèvement illicite et d’implantation illicite. Les négociateurs ont décidé que la notion de trafic d’organes couvrait l’ensemble des actes de prélèvement illicite visés à l’article 4, paragraphe 1 d’implantation/ utilisation d’organes prélevés de manière illicite visés à l’article 5, ainsi que les autres actes visés aux articles 7, 8 et 9. Pour une explication plus détaillée de la notion de trafic d’organes humains, voir le paragraphe 23. Le libellé « autres formes de prélèvement illicite et d’implantation illicite » se réfère uniquement aux actes visés par l’article 4, paragraphe 4 et l’article 6. Le commerce légal de médicaments fabriqués à partir d’organes humains ou de parties d’organes humains (tels que les médicaments de thérapie innovante) n’est pas couvert par la Convention ni limité par celle-ci.

21. Le terme « autres fins » désigne toutes fins autres que la transplantation auxquelles des organes prélevés de manière illicite sur un donneur pourraient être utilisés, immédiatement ou plus tard. Parmi ces autres fins, les négociateurs ont notamment identifié la recherche scientifique et l’utilisation des organes pour en prélever les tissus et cellules, par exemple l’utilisation des valves cardiaques d’un cœur prélevé illicitement, ou l’utilisation des cellules d’un organe prélevé illicitement aux fins de thérapie cellulaire. Cependant, compte tenu, notamment, des progrès de la recherche et des évolutions futures concernant l’utilisation d’organes à d’autres fins que l’implantation, les négociateurs ont choisi de laisser le champ des « autres fins » ouvert. Ces exemples ne sont donc pas limitatifs. Cela étant, bien que la Convention s’applique au prélèvement d’organes humains à des fins autres que la transplantation, elle ne couvre pas le trafic de tissus et de cellules.

22. L’article 2, paragraphe 2, fournit deux définitions qui sont applicables tout au long de la Convention.

23. Définition du « trafic d’organes humains ». Vu la complexité des activités criminelles dont fait partie le « trafic d’organes humains », qui implique différents acteurs et différents actes répréhensibles, les négociateurs de la Convention ont jugé peu utile de tenter de formuler une définition globale qui servirait de base à la description des infractions spécifiques figurant au chapitre II de la Convention. Ils ont préféré mentionner, dans les dispositions contraignantes du chapitre II, intitulé « Droit pénal matériel » (article 4, paragraphe 1 et articles 5, 7, 8 et 9), les actes répréhensibles qui, commis isolément ou conjointement avec d’autres actes, relèvent tous du trafic d’organes humains. Les négociateurs ont néanmoins jugé nécessaire de considérer le « trafic d’organes humains » comme un phénomène global dans d’autres parties de la Convention. En conséquence, l’article 2, paragraphe 2, contient une définition du « trafic d’organes humains » qui consiste à faire référence aux dispositions de droit pénal matériel décrivant les différents actes répréhensibles constituant ce trafic.

24. Définition d’« organe humain ». Concernant la définition de l’« organe humain », les négociateurs ont décidé de reprendre la définition reconnue au niveau international qui est utilisée par l’Union européenne à l’article 3, alinéa (h), de sa « Directive 2010/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation ».

3.2.2.3. Article 3 – Principe de non-discrimination

25. Cet article interdit la discrimination dans la mise en œuvre de la Convention par les Parties et, en particulier, dans la jouissance des mesures visant à protéger et promouvoir les droits des victimes. La signification de la notion de discrimination à l’article 3 est identique à celle qui lui est donnée dans le contexte de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).

26. La notion de discrimination a été interprétée de manière constante par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence relative à l’article 14 de la CEDH. Cette jurisprudence a, en particulier, fait ressortir clairement que toutes les distinctions ou différences de traitement n’équivalent pas à une discrimination. Ainsi que la Cour l’a indiqué, par exemple, dans l’arrêt Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni du 28 mai 1985, « une distinction est discriminatoire si elle ‘manque de justification objective et raisonnable’, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un ‘but légitime’, ou s’il n’y a pas de ‘rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé’ ».

27. La liste des éléments ne devant pas être des motifs de discrimination qui est dressée à l’article 3 se fonde sur celle qui figure à l’article 14 de la CEDH et sur l’énumération faite à l’article 1 du Protocole n°12 à la CEDH. Cependant, les négociateurs ont tenu à mentionner des éléments supplémentaires : l’âge, l’orientation sexuelle, l’état de santé et le handicap. « L’état de santé » comprend notamment la séropositivité au VIH. La liste des éléments ne devant pas être des motifs de discrimination n’est pas exhaustive mais indicative, et ne devrait pas donner lieu à des interprétations discrétionnaires a contrario concernant la discrimination fondée sur des éléments qui n’y sont pas inclus. Il convient d’ailleurs de noter que la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que certaines notions sont couvertes par l’article 14 même si elles n’y sont pas explicitement mentionnées (elle l’a considéré, par exemple, pour la notion d’orientation sexuelle dans l’arrêt qu’elle a rendu le 21 décembre 1999 en l’affaire Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal). La clause « ou toute autre situation » pourrait s’appliquer, par exemple, aux réfugiés ou aux immigrés.

3.2.3. Chapitre II – Droit pénal matériel

28. Le chapitre II contient les dispositions de la Convention relatives au droit pénal matériel. Il ressort clairement du libellé de ces articles que les Parties ne sont tenues d’ériger en infractions pénales les actes visés dans les dispositions impératives que s’ils ont été commis intentionnellement. L’interprétation du terme « intentionnellement » est laissée à l’appréciation du droit interne, mais l’exigence d’une conduite intentionnelle porte sur tous les éléments de l’infraction. Comme toujours dans les conventions pénales du Conseil de l’Europe, cela ne signifie pas que les Parties ne sont pas autorisées à aller au-delà de cette exigence minimale en criminalisant aussi des actes non intentionnels.

29. Les négociateurs ont décidé de laisser ouverte aux Parties la décision d’appliquer ou non l’article 4, paragraphe 1 et les articles 5, 7 et 9 au donneur ou au receveur. Il n’y a donc pas d’obligation juridique pour les Etats d’appliquer ces dispositions au donneur et au receveur, alors que par exemple, le cas du chirurgien qui effectue le prélèvement ou l’implantation sera toujours couvert par l’obligation de criminalisation. Les négociateurs ont noté qu’un certain nombre d’Etats s’abstiendraient – en toutes circonstances – de poursuivre des donneurs d’organes soupçonnés d’avoir commis ces infractions. En revanche, d’autres Etats ont indiqué qu’en vertu de leur droit interne, des donneurs d’organes pourraient, dans certaines conditions, être considérés comme ayant participé à un trafic d’organes humains ou même comme étant les instigateurs de ce trafic.

30. D’une manière générale, les négociateurs ont tenu à souligner que les obligations contenues dans la Convention n’obligent pas les Parties à prendre des mesures contraires aux règles constitutionnelles ou principes fondamentaux relatifs à la liberté de la presse et à la liberté d’expression.

3.2.3.1. Article 4 – Prélèvement illicite d’organes humains

31. L’article 4, paragraphe 1, alinéas a à c, oblige les Parties à la Convention à ériger en infraction pénale le prélèvement d’organes humains de donneurs vivants ou décédés dans les cas suivants : l’absence de consentement libre, éclairé et spécifique du donneur ou l’absence d’autorisation en vertu du droit interne de la Partie en question (alinéa a) ; un profit ou un avantage comparable a été proposé ou obtenu en échange du prélèvement d’organes sur un donneur vivant (alinéa b) ou sur un donneur décédé (alinéa c). Bien que le prélèvement illicite d’organes puisse, en pratique, comprendre des éléments de tous les actes décrits aux alinéas a à c, il suffit que l’une des trois conditions soit remplie pour que l’infraction décrite à l’article 4, paragraphe 1, soit constituée. Les négociateurs ont choisi de ne pas inclure les fins d’implantation ou autres fins comme éléments de l’infraction, pour éviter qu’il ne faille apporter la preuve de la finalité du prélèvement.

32. Les négociateurs ont estimé que, d’une manière générale, la notion de consentement figurant dans la présente Convention devait être identique à celle prévue dans la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine et son Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine.

33. En ce qui concerne les donneurs vivants, l’article 13 du Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine s’inspire de l’article 5 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine concernant le consentement à une intervention dans le domaine de la santé, complété par son article 19, paragraphe 2 concernant le consentement au prélèvement d’organes sur un donneur vivant. Le premier paragraphe de l’article 13 du Protocole additionnel dispose qu’« un organe ou des tissus ne peuvent être prélevés sur un donneur vivant qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre, éclairé et spécifique, soit par écrit soit devant une instance officielle ». Son second paragraphe précise que « la personne concernée peut à tout moment retirer librement son consentement ». Le consentement devant être « spécifique et donné soit par écrit, soit devant une instance officielle », les exigences sont renforcées par rapport aux règles générales applicables à une intervention dans le domaine de la santé. Le rapport explicatif du Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine précise les moyens d’obtention et de retrait du consentement : « le consentement du donneur doit en outre être spécifique et donné, soit par écrit, soit devant une instance officielle, telle qu’un tribunal, un juge ou un notaire. La responsabilité incombe à cette instance de s’assurer que le consentement est adéquat et éclairé. Le second paragraphe prévoit la liberté de retirer le consentement au prélèvement à tout moment. Il n’est nullement exigé que la révocation soit faite par écrit ou soit formulée sous telle ou telle forme. Il suffit que le donneur dise « non » au prélèvement à un moment quelconque […]. Cependant, les normes et obligations professionnelles […] peuvent obliger l’équipe à poursuivre l’intervention, dans le cas où l’interruption de l’intervention mettrait gravement en danger la santé du donneur ». Il est clair – et c’était là une préoccupation majeure de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe partagée par de nombreuses délégations, lors des négociations – que l’article 4 s’applique également à toute personne privée de liberté, vivante ou décédée.

34. En ce qui concerne les donneurs décédés, l’article 17 du Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine dispose que « des organes ou des tissus ne peuvent être prélevés sur le corps d’une personne décédée que si le consentement ou les autorisations requis par la loi ont été obtenus. Le prélèvement ne doit pas être effectué si la personne décédée s’y était opposée ». D’après le rapport explicatif du Protocole, « sans préjuger du système à mettre en place, l’article prévoit ainsi qu’en cas de doute concernant la volonté du défunt, il doit être possible de se tourner vers la loi nationale pour connaître la procédure à suivre. Dans certains pays, la loi permet qu’à défaut de refus explicite ou implicite du don, le prélèvement puisse être effectué. Elle peut alors mettre en place des modalités d’expression de cette volonté, comme l’établissement d’un registre des refus par exemple. Dans d’autres pays, la loi ne préjuge pas des vœux des intéressés et prescrit des enquêtes auprès des parents et amis pour déterminer si le défunt était favorable ou opposé au don d’organes ».

35. Aux fins de la présente Convention, dans le cas d’un donneur vivant, le terme « spécifique » signifie que le consentement doit être donné clairement et concerner le prélèvement d’un organe « spécifique », précisément identifié. Dans le cas d’un donneur décédé, il se peut que l’intéressé ait consenti de son vivant au prélèvement d’un organe après son décès ; un tel consentement peut avoir été donné pour un organe spécifique ou avoir été formulé en des termes plus généraux. Tout prélèvement d’organe réalisé après le décès de la personne concernée doit respecter les termes de son consentement. Si le donneur n’a exprimé aucun souhait de son vivant, le prélèvement ne pourra être réalisé que si les exigences définies par le droit interne concernant l’autorisation du prélèvement d’organes sont remplies.

36. Le libellé « prélèvement […] autorisé en vertu du droit interne » à l’article 4, paragraphe 1, alinéa a englobe différentes approches prévues par le droit national, reposant sur le consentement implicite de la personne décédée ou autorisant les membres de la famille de la personne décédée à prendre la décision.

37. L’article 20 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine et l’article 14 de son Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine interdisent le prélèvement d’organes sur des personnes qui n’ont pas la capacité de consentir. La disposition contenue au paragraphe 1, alinéa a de l’article 4 de la Convention contre le trafic d’organes humains est conforme à ce principe. Comme l’indique le rapport explicatif de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine concernant l’article 6 sur la protection des personnes n’ayant pas la capacité de consentir, l’incapacité de consentir doit s’entendre à l’égard d’une intervention déterminée et elle est définie par le droit interne. Il revient à chaque droit interne de déterminer si une personne jouit ou non de la capacité de consentir.

38. Cela étant, compte tenu du but spécifique de la Convention contre le trafic d’organes humains, qui est une convention de droit pénal, l’article 4, paragraphe 2 prévoit la possibilité de formuler une réserve à la règle générale tendant à établir en infraction pénale les actes visés au paragraphe 1, alinéa a. Elle est toutefois assez restrictive, limitée aux donneurs vivants et à des cas exceptionnels uniquement. Certaines délégations ont souhaité instaurer cette réserve afin de couvrir les cas exceptionnels dans lesquels la personne sur laquelle l’organe est prélevé n’est pas en mesure de donner son consentement par elle-même, tel que prévu par le paragraphe 1, alinéa a, et lorsqu’il n’y avait pas donc d’autres solutions possibles que celle d’obtenir le consentement par une institution compétente ou une personne autorisée, comme prévu par le droit interne. Il en va ainsi par exemple des enfants, des personnes handicapées mentales, ou de toute autre personne sous tutelle. Ces Etats ont voulu prévoir dans de tels cas exceptionnels que le consentement puisse être donné par d’autres personnes autorisées, voire par d’autres instances (par exemple des tribunaux), pour la personne en question, conformément aux garanties et dispositions prévues en droit interne. La dernière phrase oblige tout Etat faisant usage de cette possibilité de réserve de fournir un bref exposé du droit interne pertinent, une mention qui figure également dans la Convention européenne des droits de l’homme (article 57, paragraphe 2) et la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (article 36, paragraphe 2).

39. L’article 4, paragraphe 3, précise que l’expression « profit ou avantage comparable », aux fins du paragraphe 1, b et c, n’inclut pas l’indemnisation du manque à gagner et de toutes autres dépenses justifiables causées par le prélèvement d’un organe ou par les examens médicaux connexes, ni l’indemnisation en cas de dommage non inhérent au prélèvement d’organes. Les négociateurs ont jugé nécessaire d’inclure cette formule, tirée du Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine, afin de faire clairement la distinction entre l’indemnisation licite pouvant être accordée à des donneurs d’organes dans certains cas et la pratique interdite consistant à tirer des bénéfices financiers du corps humain et de ses différentes parties.

40. La notion de profit ou d’avantage comparable devrait être interprétée au sens large. Le profit peut être offert au donneur ou à un tiers, directement ou par des intermédiaires. L’expression « profit ou avantage comparable » ne s’applique pas à un accord autorisé en vertu du droit interne, par exemple en vue de dons croisés.

41. Le paragraphe 4 oblige les Parties à la Convention à envisager d’ériger en infraction pénale le prélèvement d’organes humains de donneurs vivants ou décédés, s’il est réalisé hors du cadre du système interne de transplantation ou en violation des principes essentiels des lois ou des réglementations internes en matière de transplantation.

42. La dernière phrase du paragraphe 4 précise que, bien qu’il appartienne à chaque Partie de décider si elle érigera ou non – et si oui, à quel égard – en infraction pénale la conduite décrite à ce paragraphe, et bien qu’une Partie qui décide de mettre en place de telles infractions pénales ne soit pas juridiquement tenue de leur appliquer également les articles 9 à 22, la Partie est appelée à s’efforcer de le faire.

43. Les négociateurs ne sont pas parvenus à trouver un accord sur la question de savoir s’il convient d’imposer aux Parties de sanctionner le prélèvement ou l’implantation d’organes lorsque cette opération est réalisée « hors du cadre du système interne de transplantation », c’est-à-dire hors du système d’obtention et de transplantation d’organes autorisé par les autorités compétentes de la Partie en question, et/ou en violation des réglementations ou lois internes en matière de transplantation. Certains Etats ont estimé que, normalement, toute opération de prélèvement ou de transplantation d’un organe pouvant être considérée comme réalisée hors du système (ou en violation des lois sur la transplantation) constituerait aussi l’une des infractions pénales au titre du paragraphe 1 de l’article 4. D’autres Etats ne partageaient pas ce point de vue. Les négociateurs ont décidé qu’il conviendrait de traiter spécifiquement ces situations au paragraphe 4 de l’article 4 de la Convention, tout en reconnaissant que les Etats se sont dotés de systèmes internes de transplantation très différents et que la Convention n’a pas pour but d’harmoniser ces systèmes.

44. De manière analogue, les négociateurs ont reconnu que, dans certains Etats, un prélèvement d’organes réalisé hors du cadre du système interne de transplantation ne serait pas nécessairement considéré, en soi, comme plus grave qu’une infraction à la réglementation ou mineure, c’est-à-dire si le même acte ne tombe pas également sous le coup du paragraphe 1 de l’article 4.

45. Compte tenu des différences susmentionnées entre les systèmes internes de transplantation et les systèmes juridiques internes des Etats, les négociateurs ont décidé de laisser une certaine marge d’appréciation aux Parties quant à la question de savoir s’il convient d’ériger ou non en infraction pénale le prélèvement d’organes de donneurs vivants ou décédés dans les conditions décrites à l’article 4, paragraphe 4.

3.2.3.2. Article 5 – Utilisation d’organes prélevés de manière illicite à des fins d’implantation ou d’autres fins que l’implantation

46. L’article 5 oblige les Parties à la Convention à ériger en infraction pénale conformément à son droit interne l’utilisation d’organes prélevés de manière illicite – pour une implantation ou à toute autre fin. La référence à l’article 4, paragraphe 1 indique que l’article 5 s’applique à tout cas où un organe est prélevé dans l’une quelconque des circonstances décrites à l’article 4, paragraphe 1.

47. Comme dans le cas de l’implantation, l’obligation pour les Parties de criminaliser l’utilisation ultérieure de l’organe prélevé de manière illicite ne s’applique qu’aux situations dans lesquelles l’auteur agit intentionnellement.

48. Conformément à l’article 30, paragraphe 2, de la présente Convention, une Partie peut décider de limiter l’application de l’article 5 à l’utilisation pour l’implantation uniquement, ou pour d’autres usages spécifiés par cette Partie.

3.2.3.3. Article 6 – Implantation d’organes hors du système interne de transplantation ou en violation des principes essentiels des lois nationales en matière de transplantation

49. L’article 6 oblige les Parties à envisager d’ériger en infraction pénale l’implantation d’organes si celle-ci est réalisée hors du cadre de leurs systèmes internes de transplantation, ou lorsque l’implantation est effectuée en violation des principes essentiels des lois ou des réglementations internes en matière de transplantation.

50. Comme dans le cas de l’article 4, paragraphe 4, et pour les mêmes raisons, les négociateurs ont préféré laisser une certaine marge d’appréciation aux Parties quant à la question de savoir s’il convient d’ériger ou non en infraction pénale l’implantation d’organes de donneurs vivants ou décédés dans les conditions décrites à l’article 6.

51. La dernière phrase de l’article 6 précise que, bien qu’il appartienne à chaque Partie de décider si elle érigera ou non – et si oui, à quel égard – en infraction pénale la conduite décrite dans cet article, et bien qu’une Partie qui décide de mettre en place de telles infractions pénales ne soit pas juridiquement tenue de leur appliquer également les articles 9 à 22, la Partie est appelée à s’efforcer de le faire.

3.2.3.4. Article 7 – Sollicitation et recrutement illicites, offre et demande d’avantages indus

52. L’article 7, paragraphe 1, oblige les Parties à ériger en infraction pénale la sollicitation et le recrutement illicites de donneurs et de receveurs d’organes en vue d’un profit ou d’un avantage comparable, soit pour la personne qui sollicite ou recrute, soit pour une tierce personne. Le but de cette disposition est donc de criminaliser les activités de personnes qui servent d’intermédiaire entre les donneurs, les receveurs et les membres du personnel médical et qui les mettent en relation. Ces activités constituent un élément essentiel du trafic d’organes humains. Les négociateurs ont estimé que la publicité était une forme de sollicitation et décidé en conséquence de ne pas inclure de disposition spécifique à ce sujet à l’article 7. Ils ont préféré faire figurer à l’article 21, paragraphe 3, une obligation expresse pour les Parties d’interdire toute publicité sur l’offre ou la demande d’organes humains effectuée en vue d’offrir ou de rechercher un profit ou un avantage comparable. Cependant, cette mesure n’interdit pas les activités de recrutement de donneurs qui sont autorisées en vertu du droit interne.

53. Il est laissé à la discrétion des Parties, dans le respect de leur droit interne, de décider de soumettre ou non les donneurs d’organes à des poursuites en vertu de cet article (cf. paragraphe 29). L’achat d’un organe ne donnant pas lieu à un profit ou un avantage comparable pour l’acheteur, cette disposition n’est pas applicable aux actes accomplis par un receveur potentiel d’organe. Il en va de même des personnes agissant au nom d’un receveur potentiel d’organe, par exemple un membre de sa famille, si elles ne tirent pas de profit ou d’avantage comparable de cette action.

54. L’article 7, paragraphes 2 et 3, oblige les Parties à ériger en infraction pénale la corruption, active ou passive, de professionnels de la santé, de fonctionnaires ou de personnes travaillant pour une entité du secteur privé, lorsque cette corruption a pour but de faire réaliser le prélèvement ou l’implantation d’un organe humain dans les circonstances décrites à l’article 4, paragraphe 1, ou à l’article 5 ainsi que, le cas échéant, à l’article 4, paragraphe 4, ou à l’article 6. Dans ce contexte, il convient de noter que l’article 4, paragraphe 4 et l’article 6 laissent aux Parties une marge d’appréciation pour décider d’ériger ou non en infractions pénales les infractions qui y sont décrites. Par conséquent, l’expression « le cas échéant » signifie qu’en examinant s’il y a lieu d’ériger en infractions pénales les infractions visées à l’article 4, paragraphe 4 ou à l’article 6, les Parties doivent également envisager de les prendre en compte au titre de l’article 7, paragraphes 2 et 3.

55. Le libellé de l’article 7, paragraphes 2 et 3, s’inspire des articles 2 et 7 de la Convention pénale sur la corruption (STE n° 173). Les négociateurs ont jugé utile d’intégrer ces dispositions dans la Convention contre le trafic d’organes humains, car les Parties à cette Convention ne seront peut-être pas toutes parties à la Convention pénale sur la corruption.

3.2.3.5. Article 8 – Préparation, préservation, stockage, transport, transfert, réception, importation et exportation d’organes humains prélevés de manière illicite

56. L’article 8 oblige les Parties à considérer comme une infraction pénale la préparation, la préservation, le stockage, le transport, le transfert, la réception, l’importation et l’exportation d’organes prélevés dans les conditions décrites à l’article 4, paragraphe 1, et, le cas échéant, à l’article 4, paragraphe 4, lorsque ces actes ont été commis intentionnellement. Dans ce contexte, il est à noter que l’article 4, paragraphe 4 laisse aux Parties une marge d’appréciation pour décider d’ériger ou non en infraction pénale l’infraction qui y est décrite. Par conséquent, l’expression « le cas échéant » signifie qu’en examinant s’il convient d’ériger en infraction pénale l’infraction évoquée à l’article 4, paragraphe 4, les Parties doivent également envisager de la prendre en compte au titre de l’article 8.

57. En raison de différences entre les systèmes juridiques des Etats membres, certaines Parties peuvent, lorsqu’ils transposent la Convention dans leur droit interne, décider de considérer les infractions en vertu de la Convention – en particulier celles énumérées à l’article 8 – comme des infractions pénales distinctes, ou de les considérer au titre de la complicité et de la tentative conformément à l’article 9.

58. Dès lors qu’une Partie fait usage de la possibilité de réserve prévue à l’article 30, paragraphe 2, concernant l’article 5, cela aura une incidence sur la mesure dans laquelle cette Partie est tenue de criminaliser le comportement décrit à l’article 8.

3.2.3.6. Article 9 – Complicité et tentative

59. Le paragraphe 1 impose aux Parties d’ériger en infraction tout acte de complicité en vue de la perpétration des infractions établies conformément à la présente Convention. La responsabilité pour complicité est engagée lorsque la personne qui commet une infraction visée par la Convention est aidée par une autre personne qui a également pour intention la commission de l’infraction.

60. Le paragraphe 2 érige en infraction la tentative de commettre les infractions établies conformément à la présente Convention.

61. L’interprétation du terme « tentative » relève de la législation interne. Les Parties devraient prendre en compte le principe de proportionnalité, mentionné dans le préambule de la Convention, pour faire la distinction entre la notion de tentative et de simples actes préparatoires qui ne nécessitent pas d’incrimination.

62. Le paragraphe 3 permet aux Parties de formuler des réserves concernant l’application du paragraphe 2 (tentative) pour des infractions établies conformément aux articles 7 et 8, en raison des différences entre les systèmes de droit pénal des Etats membres du Conseil de l’Europe.

63. Comme c’est le cas pour toutes les infractions établies en vertu de la Convention, l’acte de complicité et celui de tentative ne doivent être criminalisés que s’ils sont commis intentionnellement.

3.2.3.7. Article 10 – Compétence

64. Cet article énonce une série de critères en vertu desquels les Parties sont tenues d’établir leur compétence relativement aux infractions visées par la Convention.

65. Le paragraphe 1, alinéa a s’appuie sur le principe de territorialité. Chaque Partie est tenue de punir les infractions établies conformément à la Convention lorsqu’elles sont commises sur son territoire.

66. Les alinéas b et c du paragraphe 1 s’appuient sur une variante du principe de territorialité. Ils imposent à chaque Partie d’établir sa compétence par rapport aux infractions commises à bord de navires battant son pavillon ou d’aéronefs immatriculés dans cette Partie. Cette obligation est déjà énoncée dans la législation de nombreux Etats, car les navires et aéronefs relèvent souvent de la juridiction de l’Etat dans lequel ils sont immatriculés. Ce type de compétence est très utile lorsqu’un navire ou aéronef ne se trouve pas sur le territoire de la Partie au moment où l’infraction est commise, le paragraphe 1, alinéa a, ne pouvant alors servir à établir la compétence. Si l’infraction est commise à bord d’un navire ou d’un aéronef se trouvant en dehors du territoire de l’Etat du pavillon ou d’immatriculation, il se pourrait qu’aucune Partie ne soit en mesure d’exercer sa compétence si cette règle n’existait pas. En outre, si l’infraction est commise à bord d’un navire ou d’un aéronef qui ne fait qu’emprunter les eaux ou l’espace aérien d’un autre Etat, ce dernier Etat peut rencontrer des obstacles concrets importants à l’exercice de sa compétence ; il est alors utile que l’Etat d’immatriculation puisse également exercer sa compétence.

67. Le paragraphe 1, alinéa d, s’appuie sur le principe de nationalité. La théorie de la nationalité est le plus souvent invoquée par les Etats de tradition civiliste. Elle dispose que les ressortissants d’un Etat sont tenus de se conformer au droit interne de cet Etat même lorsqu’ils se trouvent en dehors de son territoire. En vertu de l’alinéa d, les Parties sont tenues d’établir leur compétence pour connaître des infractions commises par leurs ressortissants à l’étranger. Les négociateurs ont estimé que cette disposition était d’une importance particulière dans le cadre de la lutte contre le trafic d’organes humains. En effet, certains Etats dans lesquels il existe un trafic d’organes humains ne disposent pas, soit de la volonté ou des ressources nécessaires pour mener à bien les enquêtes, soit d’un cadre juridique approprié.

68. Le paragraphe 1, alinéa e, s’applique aux personnes ayant leur résidence habituelle sur le territoire de la Partie. Il prévoit que les Parties doivent établir leur compétence pour connaître des faits commis à l’étranger par les personnes ayant leur résidence habituelle sur leur territoire, et contribue ainsi à la répression du trafic d’organes humains.

69. Le paragraphe 2 est lié à la nationalité ou au statut de résident de la victime. Il se fonde sur l’hypothèse que les intérêts particuliers des ressortissants victimes débordent l’intérêt général de l’Etat à poursuivre des infractions pénales commises à l’encontre de ses ressortissants ou résidents. Par conséquent, si un ressortissant ou une personne ayant sa résidence habituelle sur le territoire d’un Etat partie est victime d’une infraction à l’étranger, la Partie concernée devra s’efforcer d’établir sa compétence afin d’engager une procédure. Cependant, il ne s’agit pas d’une obligation imposée aux Parties, comme en témoigne l’emploi du terme « s’efforce ». Dans la présente Convention, il n’y a pas de dispositions établissant l’élimination de la règle usuelle de la double criminalité.

70. Le paragraphe 3 permet aux Parties de formuler des réserves relatives à l’application des règles de compétence définies au paragraphe 1, alinéas d et e.

71. Le paragraphe 4 interdit de soumettre l’engagement des poursuites, dont la compétence fait l’objet du paragraphe 1, alinéas d et e, aux conditions d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation des autorités de l’Etat dans lequel l’infraction a eu lieu. En effet, certains Etats dans lesquels il existe un trafic d’organes humains n’ont pas la volonté ou ne disposent pas des ressources nécessaires pour mener à bien des enquêtes. Dans ces conditions, l’exigence d’une dénonciation par l’Etat ou d’une plainte de la victime constitue souvent un obstacle à l’exercice des poursuites. Ce paragraphe s’applique à toutes les infractions définies au chapitre II (Droit pénal matériel).

72. Au paragraphe 5, les négociateurs ont voulu introduire la possibilité pour les Parties de limiter l’application du paragraphe 4 en émettant une réserve. Les Parties qui font usage de cette possibilité peuvent ainsi subordonner l’ouverture de poursuites pour présomption de trafic d’organes humains au dépôt d’une plainte par une victime, ou à la réception par l’Etat partie d’une dénonciation de l’Etat du lieu où les faits ont été commis.

73. Le paragraphe 6 s’appuie sur le principe « aut dedere aut judicare » (extrader ou poursuivre). La compétence établie en vertu du paragraphe 6 est nécessaire pour garantir que la Partie qui refuse d’extrader un ressortissant ait la possibilité juridique d’ouvrir une enquête et d’engager des poursuites sur son territoire si la Partie ayant sollicité l’extradition conformément aux dispositions des instruments internationaux applicables lui en fait la demande.

74. Dans certains cas de trafic d’organes humains, il peut arriver que plusieurs Parties aient compétence à l’égard de certaines ou de toutes les personnes ayant participé à la commission d’une infraction donnée. Par exemple, un donneur d’organe peut être recruté dans un pays et se faire prélever l’organe en question dans un autre pays. Afin d’éviter des procédures concurrentes et des désagréments inutiles pour les témoins, ainsi que pour renforcer à d’autres égards l’efficacité ou l’équité des procédures, les Parties concernées doivent se consulter afin de décider quelle est la juridiction la mieux à même d’exercer les poursuites. Dans certains cas, les Etats ont tout intérêt, pour des raisons d’efficacité, à choisir un lieu de poursuite unique ; dans d’autres, le mieux est qu’un Etat poursuive certains auteurs présumés, tandis qu’un autre Etat ou plusieurs autres Etats se chargent de poursuivre les autres. Le paragraphe 7 permet de recourir à l’une ou l’autre solution. Enfin, l’obligation de consultation n’est pas absolue, mais la consultation doit être menée « s’il y a lieu ». Ainsi, par exemple, si l’une des Parties sait que la consultation n’est pas nécessaire (parce qu’elle a reçu, par exemple, confirmation que l’autre Partie n’envisage pas d’engager des poursuites), ou si une Partie estime que la consultation pourrait nuire à une enquête ou à une procédure en cours, elle peut différer ou refuser cette consultation.

75. Les règles de compétence énoncées au paragraphe 1 ne sont pas exclusives. Le paragraphe 8 de cet article autorise les Parties à établir, conformément à leur droit interne, d’autres types de compétence pénale.

3.2.3.8. Article 11 – Responsabilité des personnes morales

76. L’article 11 s’inscrit dans la tendance juridique actuelle consistant à reconnaître la responsabilité des personnes morales. Les négociateurs ont estimé que, vu la gravité des infractions liées au trafic d’organes humains, il est approprié d’inclure la responsabilité des personnes morales dans la Convention. Le but est de faire en sorte que la responsabilité de sociétés commerciales, d’associations et de personnes morales similaires puisse être engagée en cas d’action criminelle commise pour leur compte par toute personne exerçant un pouvoir de direction en leur sein. L’article 11 prévoit aussi une responsabilité lorsqu’une personne exerçant un pouvoir de direction omet de superviser ou de contrôler un employé ou un agent de la personne morale, dans les cas où cette omission facilite la perpétration, par cet employé ou agent, de l’une des infractions définies dans la Convention au profit de la personne morale.

77. En vertu du paragraphe 1, quatre conditions doivent être remplies pour que la responsabilité soit engagée. Premièrement, l’une des infractions définies dans la Convention doit avoir été commise. Deuxièmement, l’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale. Troisièmement, c’est une personne exerçant un pouvoir de direction qui doit l’avoir commise (y compris en tant que complice). L’expression « personne qui exerce un pouvoir de direction » désigne une personne physique occupant un rang élevé dans l’organisation, comme un directeur. Quatrièmement, la personne exerçant un pouvoir de direction doit avoir agi sur la base de l’une de ses compétences (un pouvoir de représentation ou le pouvoir de prendre des décisions ou d’exercer un contrôle), ce qui démontre que cette personne physique a agi dans le cadre de son pouvoir d’engager la responsabilité de la personne morale. En résumé, le paragraphe 1 oblige les Parties à se doter de la capacité à imputer une responsabilité à une personne morale uniquement au titre des infractions commises par une personne physique exerçant un pouvoir de direction.

78. En outre, le paragraphe 2 oblige les Parties à se doter de la capacité à imputer une responsabilité à une personne morale lorsque l’infraction est commise, non pas par la personne exerçant un pouvoir de direction visée au paragraphe 1, mais par une autre personne agissant sous l’autorité de la personne morale, c’est-à-dire l’un de ses employés ou agents agissant dans le cadre de leurs compétences. Les conditions qui doivent être remplies pour que la responsabilité puisse être établie sont les suivantes : 1) l’infraction a été commise par un employé ou un agent de la personne morale ; 2) l’infraction a été commise pour le compte de la personne morale ; 3) la commission de l’infraction a été rendue possible par le fait que la personne exerçant un pouvoir de direction n’a pas supervisé l’employé ou l’agent en question. A cet égard, le défaut de supervision devrait être interprété comme incluant le fait de ne pas avoir pris des mesures appropriées et raisonnables pour empêcher les employés ou les agents de se livrer à des activités illégales pour le compte de la personne morale. La forme de ces mesures appropriées et raisonnables peut dépendre de plusieurs facteurs, notamment la nature de l’entreprise, sa taille, les normes applicables ou les bonnes pratiques en vigueur.

79. La responsabilité visée par cet article peut être pénale, civile ou administrative. Il est loisible à chaque Partie de prévoir l’une quelconque ou l’ensemble de ces formes de responsabilité, conformément à ses principes juridiques, dès lors que la forme de responsabilité retenue satisfait aux critères énoncés au paragraphe 2 de l’article 12, selon lesquels les sanctions ou mesures doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives » et inclure des sanctions pécuniaires.

80. Le paragraphe 4 précise que la responsabilité des personnes morales n’exclut pas la responsabilité des personnes physiques. Dans un cas concret, la responsabilité peut être établie en même temps à plusieurs niveaux : par exemple, la responsabilité d’une composante de la personne morale, à distinguer de la responsabilité de la personne morale dans son ensemble et de la responsabilité individuelle, qui peut se combiner avec l’une ou l’autre.

3.2.3.9. Article 12 – Sanctions et mesures

81. Cet article est étroitement lié aux articles 4 à 9, qui définissent les différentes infractions qui doivent être punissables au titre du droit interne. Conformément aux obligations imposées par ces articles, l’article 12 oblige les Parties à tirer les conséquences de la gravité de ces infractions en prévoyant des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives ». En ce qui concerne les infractions établies en vertu de l’article 4, paragraphe 1, et le cas échéant de l’article 5 et des articles 7, 8 et 9 commises par des personnes physiques, les Parties doivent prévoir des sanctions privatives de liberté pouvant donner lieu à extradition. Il convient de noter qu’aux termes de l’article 2 de la Convention européenne d’extradition (STE n° 24), donneront lieu à extradition les faits punis par les lois de la Partie requérante et de la Partie requise d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins un an ou d’une peine plus sévère.

82. Les personnes morales dont la responsabilité doit être établie en vertu de l’article 11 doivent également être exposées à des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives », pouvant être pénales, administratives ou civiles. Les Parties sont tenues, en application du paragraphe 2, de prévoir la possibilité d’imposer des sanctions pécuniaires aux personnes morales.

83. En outre, le paragraphe 2 prévoit d’autres mesures qui pourraient être prises à l’encontre de personnes morales et donne des exemples précis : des mesures d’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale ; un placement sous surveillance judiciaire ; ou une mesure judiciaire de dissolution. La liste des mesures n’est ni obligatoire ni exhaustive et les Parties sont libres de n’appliquer aucune de ces mesures ou d’envisager d’autres mesures.

84. Le paragraphe 3 prévoit l’obligation pour les Parties de permettre la saisie et la confiscation des produits des infractions pénales. Ce paragraphe doit être lu à la lumière de la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE n° 141) et de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE n° 198). Ces deux conventions reposent sur l’idée que la confiscation des produits du crime est un moyen efficace de lutte contre la criminalité. La plupart des infractions pénales relatives au trafic d’organes humains étant commises en vue d’un bénéfice matériel, il est clair que des mesures aboutissant à la privation d’un bien lié à l’infraction ou en résultant doivent être prévues dans ce domaine également.

85. L’alinéa a du paragraphe 3 prévoit la saisie et la confiscation des produits des infractions, ou de biens d’une valeur équivalente à ces produits.

86. La Convention ne contient pas de définition des termes « confiscation », « produit » et « bien ». Cependant, l’article 1 de la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime donne des définitions de ces termes utilisables aux fins de la Convention contre le trafic d’organes humains. Ainsi, le terme de « confiscation » désigne une peine ou une mesure ordonnée par un tribunal à la suite d’une procédure portant sur une ou des infractions pénales, peine ou mesure aboutissant à la privation permanente du bien. Par « produit », il faut entendre tout avantage économique ou gain financier tiré d’infractions pénales. Il peut consister en tout « bien » (voir l’interprétation de ce terme ci-dessous). Dans le libellé de l’alinéa a du paragraphe 3, il est tenu compte du fait qu’il peut exister des différences entre les législations internes quant aux types de biens qui peuvent être confisqués à la suite d’une infraction. Il peut être possible de confisquer les avoirs qui constituent les produits (directs) de l’infraction, ou d’autres biens appartenant aux auteurs de l’infraction qui, sans résulter directement de l’infraction commise, sont d’une valeur équivalente aux produits directs (ces biens sont dits « de substitution »). Le terme de « bien » doit donc être interprété, dans ce contexte, comme désignant tout bien, matériel ou immatériel, meuble ou immeuble, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant d’un titre ou d’un droit sur le bien.

87. L’alinéa b du paragraphe 3 de l’article 12 prévoit la fermeture de tout établissement utilisé pour commettre l’une quelconque des infractions pénales établies en vertu de la Convention. Cette disposition est presque identique à l’article 23, paragraphe 4, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) et à l’article 27, paragraphe 3, alinéa b, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201). Selon une autre option, les Parties peuvent prévoir des dispositions permettant d’interdire, à titre temporaire ou définitif, à l’auteur de l’infraction, conformément aux dispositions pertinentes du droit interne, l’exercice de l’activité professionnelle à l’occasion de laquelle cette infraction a été commise. Les négociateurs ont estimé nécessaire de faire référence au droit interne des Parties, compte tenu des différences concernant les mesures exactes à appliquer et les procédures à suivre pour interdire à une personne d’exercer une activité professionnelle. Il existe en outre des différences quant à l’assujettissement ou non de l’exercice de certaines professions à la délivrance d’une licence ou d’une autre forme d’autorisation par les pouvoirs publics.

3.2.3.10. Article 13 – Circonstances aggravantes

88. L’article 13 impose aux Parties de veiller à ce que certaines circonstances (mentionnées aux alinéas a à e) soient considérées comme des circonstances aggravantes dans la détermination de la sanction appliquée aux infractions établies conformément à la Convention. Cette obligation ne s’applique pas aux cas où les circonstances aggravantes font déjà partie des éléments constitutifs de l’infraction dans le droit interne de l’Etat.

89. En employant l’expression « puissent […] être considérées », les négociateurs ont voulu souligner que la Convention crée l’obligation pour les Parties de faire en sorte que les juges puissent tenir compte de ces circonstances aggravantes lors de la condamnation des auteurs d’infractions, sans être pour autant obligés de les appliquer. La clause « conformément aux dispositions pertinentes du droit interne » a pour but de refléter le fait que les divers systèmes juridiques européens ont une approche différente des circonstances aggravantes et permet aux Parties de respecter leurs concepts juridiques fondamentaux.

90. La première circonstance aggravante (a) s’applique lorsque l’infraction a causé le décès de la victime ou a porté gravement atteinte à sa santé physique ou mentale. Etant donné que toute transplantation comporte un risque non négligeable pour la santé physique du donneur et du receveur, c’est aux juridictions nationales des Parties qu’il doit revenir de déterminer s’il existe un lien de causalité entre une conduite incriminée en vertu de la Convention et un décès ou des lésions subies du fait de cette conduite.

91. La deuxième circonstance aggravante (b) s’applique lorsque l’infraction a été commise par des personnes abusant de la confiance que leur confère leur position. Cette catégorie de personnes comprend à l’évidence en premier lieu les professionnels de la santé, mais aussi les fonctionnaires (lorsqu’ils agissent en leur qualité officielle). Toutefois, l’application de la circonstance aggravante n’est pas limitée aux professionnels de la santé et aux fonctionnaires.

92. La troisième circonstance aggravante (c) s’applique lorsque l’infraction a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle. La Convention ne définit pas ce qu’est une « organisation criminelle ». Cependant, pour mettre en œuvre cette disposition, les Parties peuvent s’appuyer sur d’autres instruments internationaux qui définissent cette notion. Ainsi, l’article 2, paragraphe a, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée définit un « groupe criminel organisé » comme un « groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies conformément à la […] Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel ». La Recommandation Rec(2001)11 du Comité des Ministres aux Etats membres concernant des principes directeurs pour la lutte contre le crime organisé et la Décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil de l’UE relative à la lutte contre la criminalité organisée, adoptée le 24 octobre 2008, donnent des définitions très semblables des notions de « groupe criminel organisé » ou d’« organisation criminelle ».

93. La quatrième circonstance aggravante (d) s’applique lorsque l’auteur de l’infraction a déjà été condamné pour des faits visés par la Convention. En prévoyant cette circonstance aggravante, les négociateurs ont voulu souligner la nécessité d’un effort concerté pour combattre la récidive dans le domaine à faibles risques et à gains élevés qu’est celui du trafic d’organes humains.

94. La cinquième circonstance aggravante (e) s’applique lorsque l’infraction a été commise à l’encontre d’un enfant ou de toute autre personne particulièrement vulnérable. De l’avis des négociateurs, la plupart des personnes pouvant être considérées comme des victimes du trafic d’organes humains sont par définition vulnérables, pour un certain nombre de raisons : par exemple, parce qu’elles connaissent de graves difficultés financières (ce qui est le cas de nombreuses personnes qui acceptent de se faire prélever un organe en échange d’un profit ou d’un autre avantage comparable) ou parce qu’elles souffrent d’une maladie grave, voire sont en phase terminale et n’ont guère de chances de survie (ce qui est le cas de nombreux receveurs d’organes). De même, les enfants sont particulièrement exposés à cette forme de criminalité. Par conséquent, l’intention des négociateurs est de réserver la circonstance aggravante mentionnée à l’alinéa e aux situations où la victime est un enfant ou est « particulièrement vulnérable » pour une autre raison, telle que son âge, son stade de développement mental ou sa dépendance familiale ou sociale envers le ou les auteurs de l’infraction. Le terme « enfant » n’est pas expressément défini dans la Convention, mais il doit être entendu dans le même sens que dans la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197), à savoir « toute personne âgée de moins de 18 ans ». Cette définition est tirée initialement de l’article 1 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989).

3.2.3.11. Article 14 – Condamnations antérieures

95. Le trafic d’organes humains est fréquemment pratiqué à l’échelle transnationale par des organisations criminelles ou des personnes dont certaines ont été jugées et condamnées dans plusieurs pays. Au niveau interne, de nombreux systèmes juridiques prévoient une peine différente, souvent plus sévère, lorsqu’une personne a déjà fait l’objet de condamnations antérieures. En général, seule une condamnation prononcée par une juridiction nationale est considérée comme une condamnation antérieure. Traditionnellement, une condamnation pénale par une juridiction étrangère n’était pas prise en compte comme condamnation antérieure en raison du champ d’application national du droit pénal, des différences entre les législations et d’une certaine méfiance des Etats à l’égard des décisions de justice étrangères.

96. Ces arguments sont moins pertinents aujourd’hui dans la mesure où l’internationalisation des normes de droit pénal – qui répond à l’internationalisation de la criminalité – tend à harmoniser les différentes législations. De plus, en quelques décennies, les Etats se sont dotés d’instruments, telle la CEDH, dont la mise en œuvre a contribué à l’édification d’un socle de garanties communes propres à inspirer davantage confiance dans les systèmes judiciaires de l’ensemble des Etats qui y participent.

97. Le principe de la récidive internationale est déjà établi dans certains instruments juridiques internationaux. Ainsi, l’article 36, paragraphe 2 (iii) de la Convention de New York sur les stupéfiants du 30 mars 1961 prévoit que les condamnations prononcées à l’étranger seront prises en considération aux fins d’établissement de la récidive, sous réserve des dispositions constitutionnelles de chaque Partie, de son système juridique et de sa législation interne. Autre exemple : l’article 1 de la Décision-cadre du Conseil du 6 décembre 2001 modifiant la Décision-cadre 2000/383/JAI visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux-monnayage en vue de la mise en circulation de l’euro prévoit l’obligation, pour les Etats membres de l’Union européenne, de reconnaître comme génératrices de récidive les condamnations définitives prononcées par un autre Etat membre pour des infractions relatives à la contrefaçon de monnaie.

98. Force est de constater qu’il n’existe pas de conception harmonisée de la récidive au niveau international et que certaines législations nationales ne connaissent pas cette notion. Le fait que les condamnations prononcées à l’étranger ne sont pas toujours portées à la connaissance du juge appelé à déterminer la peine constitue une difficulté pratique supplémentaire. Toutefois, dans le contexte de l’Union européenne, l’article 3 de la Décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil du 24 juillet 2008 relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les Etats membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale a établi d’une manière générale – sans la limiter à des infractions spécifiques – l’obligation de prendre en compte une condamnation antérieure prononcée dans un autre Etat (membre de l’UE).

99. Par conséquent, l’article 14 de la Convention prévoit la possibilité de prendre en compte, au moment de l’appréciation de la peine, les condamnations définitives prononcées par une autre Partie. Afin de mettre en œuvre cette disposition, les Parties ont la possibilité de prévoir dans leur législation interne que les condamnations antérieures étrangères peuvent, dans la même mesure que le feraient les condamnations antérieures prononcées par des juridictions internes, emporter une aggravation de la peine. Les Parties peuvent également faire en sorte que les juges prennent en compte ces condamnations dans le cadre de la compétence générale leur permettant d’évaluer les circonstances individuelles pour déterminer le niveau de la peine. Cette possibilité devrait inclure aussi le principe selon lequel l’auteur de l’infraction ne doit pas être traité d’une façon moins favorable que si la condamnation antérieure avait été prononcée par une juridiction nationale.

100. L’article 13 de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE n° 30) permet aux autorités judiciaires d’une Partie de demander à une autre Partie les extraits du casier judiciaire d’une personne en cause et tous renseignements relatifs à ce dernier pour les besoins d’une affaire pénale. Dans le cadre de l’Union européenne, les questions liées aux échanges d’informations extraites des casiers judiciaires entre les Etats membres sont régies dans deux instruments juridiques, à savoir la Décision 2005/876/JAI du Conseil du 21 novembre 2005 relative à l’échange d’informations extraites du casier judiciaire et la Décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 concernant l’organisation et le contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les Etats membres. Cependant, l’article 14 n’implique pas l’obligation positive pour les tribunaux ou les parquets d’entreprendre des démarches afin d’établir si les personnes poursuivies ont déjà fait l’objet de condamnations définitives prononcées par une autre Partie.

3.2.4. Chapitre III – Droit pénal procédural

3.2.4.1. Article 15 – Mise en œuvre et poursuite de la procédure

101. L’article 15 vise à permettre aux pouvoirs publics de poursuivre de plein droit les infractions établies conformément à la Convention, sans qu’il soit nécessaire qu’une victime porte plainte. Cette disposition a pour but de faciliter les poursuites, notamment en assurant la continuation de la procédure en cas de pressions ou de menaces à l’égard des victimes de la part des auteurs de l’infraction.

3.2.4.2. Article 16 – Enquêtes pénales

102. L’article 16 énonce que chaque Partie doit prendre des mesures pour assurer l’enquête et la poursuite efficaces des infractions définies dans la Convention, conformément aux principes fondamentaux de son droit interne. La notion de « principes de son droit interne » doit être comprise comme englobant aussi les droits humains fondamentaux, y compris les droits énoncés à l’article 6 de la CEDH. Les négociateurs ont noté que, pour conduire des enquêtes pénales efficaces, il pouvait être nécessaire de recourir à des techniques d’investigation spéciales conformément au droit interne de la Partie concernée, telles que des enquêtes financières, des opérations sous couverture et des livraisons contrôlées, en tenant compte du principe de proportionnalité.

3.2.4.3. Article 17 – Coopération internationale

103. Cet article énonce les principes généraux devant régir la coopération internationale en matière pénale.

104. Le paragraphe 1 fait obligation aux Parties de coopérer, en application des instruments internationaux pertinents et de leur droit interne, dans la mesure la plus large possible, aux fins des enquêtes et des procédures concernant les infractions établies conformément à la Convention, y compris de l’exécution de mesures de saisie et de confiscation. Dans ce contexte, il convient de faire référence notamment à la Convention européenne d’extradition (STE n° 24), la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE n° 30), la Convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées (STE n° 112), la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE n° 141) et la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE n° 198).

105. A l’instar du paragraphe 1, le paragraphe 2 fait obligation aux Parties de coopérer dans la mesure la plus large possible en vertu des instruments juridiques internationaux, régionaux et bilatéraux relatifs à l’extradition et à l’entraide judiciaire en matière pénale concernant les infractions établies conformément à la Convention.

106. Le paragraphe 3 invite une Partie qui subordonne l’entraide judiciaire en matière pénale et l’extradition à l’existence d’un traité à considérer la Convention comme la base légale pour accorder la coopération judiciaire à une Partie avec laquelle elle n’aurait conclu aucun instrument de ce type. L’intérêt de cette disposition tient à la possibilité offerte à des Etats tiers de signer la Convention (cf. article 28). La Partie requise répondra à une telle demande conformément aux dispositions pertinentes de son droit interne qui pourra prévoir des conditions ou des motifs de refus. Toute action qu’elle prendra devra respecter pleinement ses obligations découlant du droit international, y compris les obligations en vertu des instruments internationaux en matière de droits de l’homme.

3.2.5. Chapitre IV – Mesures de protection

107. La protection et l’assistance aux victimes d’infractions sont depuis longtemps une priorité de l’action du Conseil de l’Europe.

108. L’instrument juridique horizontal dans ce domaine est la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes (STE n° 116) de 1983, qui a depuis lors été complétée par une série de recommandations, en particulier la Recommandation n° R (85) 11 sur la position de la victime dans le cadre du droit pénal et de la procédure pénale, la Recommandation n° R (87) 21 sur l’assistance aux victimes et la prévention de la victimisation et la Recommandation Rec(2006)8 sur l’assistance aux victimes d’infractions.

109. Par ailleurs, la situation des victimes a également été abordée dans plusieurs conventions spécialisées telles que la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196), la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197), toutes deux de 2005, et la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201) de 2007.

110. Compte tenu des conséquences potentiellement graves du trafic d’organes humains pour les victimes, les négociateurs ont estimé qu’une protection spécifique de ces victimes était justifiée ; il convient selon eux de garantir que les victimes des infractions établies conformément à la Convention aient accès aux informations pertinentes relatives à leur cas et à la protection de leur santé et d’autres droits par les autorités nationales compétentes, et de leur offrir la possibilité, dans le respect du droit interne des Parties, d’être entendues et de fournir des éléments de preuve.

111. Il est rappelé que le terme « victime » n’est pas défini dans la Convention ; en effet, les négociateurs ont estimé qu’il était préférable de laisser les Parties déterminer elles-mêmes, dans le respect de leur droit interne, les personnes pouvant être considérées comme victimes du trafic d’organes humains.

3.2.5.1. Article 18 – Protection des victimes

112. L’article 18 prévoit la protection des droits et des intérêts des victimes, notamment en demandant aux Parties de veiller à ce que les victimes aient accès aux informations qui concernent leur cas et qui sont nécessaires à la protection de leur santé et d’autres droits concernés, d’assister les victimes dans leur rétablissement physique, psychologique et social, et de s’assurer que leur droit interne prévoit un droit des victimes à une indemnisation par les auteurs d’infractions. En ce qui concerne le droit à une indemnisation, les négociateurs ont aussi noté que des fonds nationaux pour les victimes existent déjà dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Toutefois, cette disposition n’oblige pas les Parties à mettre en place un tel fonds.

113. L’article 18, alinéa c, prévoit en faveur des victimes le droit à l’indemnisation. Le concept d’indemnisation vise la réparation pécuniaire du préjudice subi. Ce préjudice recoupe à la fois le préjudice matériel (par exemple, le coût des soins médicaux) et le préjudice moral (la souffrance endurée). Au titre de cet alinéa, le droit à l’indemnisation des victimes est un droit qui s’exerce à l’égard des auteurs de l’infraction. Ce sont donc ceux-ci qui ont la charge d’indemniser les victimes. Dans l’hypothèse où les tribunaux pénaux saisis des poursuites pénales n’ont pas compétence pour se prononcer également sur la responsabilité civile des intéressés à l’égard des victimes, il convient de s’assurer que celles-ci peuvent adresser leur réclamation à des tribunaux civils ayant compétence pour statuer sur ce point et leur allouer des dommages et intérêts compensatoires.

3.2.5.2. Article 19 – Statut des victimes dans les procédures pénales

114. Cet article contient une liste non exhaustive des mesures nécessaires pour protéger les victimes des infractions établies conformément à la Convention au cours de l’enquête et de la procédure. Ces mesures générales de protection s’appliquent à tous les stades de la procédure pénale, tant durant la phase d’investigation (conduite par un service de police ou par une autorité judiciaire) que pendant la procédure de jugement pénal.

115. L’article 19 énonce tout d’abord le droit des victimes à être informées de leurs droits et des services auxquels elles peuvent avoir accès et, à leur demande, des suites données à leur plainte, des chefs d’accusation retenus, de l’état de la procédure pénale (à moins que, dans des cas exceptionnels, cette notification puisse nuire à la bonne conduite de l’affaire), de leur rôle dans celles-ci et de la décision rendue.

116. L’article 19 énumère ensuite un certain nombre de règles de procédure visant à mettre en œuvre les principes généraux énoncés : la possibilité pour les victimes (d’une manière conforme aux règles de procédure du droit interne de la Partie) d’être entendues, de présenter des éléments de preuve, de voir leur avis, leurs besoins et leurs préoccupations présentés et pris en compte, directement ou par le biais d’un intermédiaire et, en tout état de cause, le droit d’être protégées contre tout risque d’intimidation et de représailles.

117. Le paragraphe 2 vise également les procédures administratives car, dans certains Etats, les procédures d’indemnisation des victimes revêtent cette nature. En outre, de manière plus générale, il existe des situations dans lesquelles les mesures de protection, même dans le cadre de la procédure pénale, peuvent être déléguées aux autorités administratives.

118. Le paragraphe 3 garantit aux victimes du trafic d’organes humains l’accès, conformément au droit interne, à une assistance judiciaire, accordée gratuitement quand cela se justifie. Les procédures judiciaires et administratives sont souvent très complexes. Pour cette raison, l’assistance d’un conseiller juridique est une mesure nécessaire pour permettre aux victimes de faire valoir utilement leurs droits. Cette disposition n’accorde pas à la victime un droit automatique à l’assistance judiciaire. Les conditions dans lesquelles cette assistance est accordée doivent être déterminées par chaque Partie à la Convention, lorsque la victime peut obtenir la qualité de partie à la procédure pénale.

119. Outre l’article 19, qui porte sur le statut des victimes en tant que parties prenantes aux poursuites pénales, les Etats Parties doivent tenir compte de l’article 6 de la CEDH. Même si l’article 6, paragraphe 3, alinéa c de la CEDH ne prévoit l’assistance gratuite d’un avocat commis d’office qu’à l’accusé en matière pénale, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (arrêt Airey c. Irlande, 9 octobre 1979) reconnaît aussi, en certaines circonstances, le droit à l’assistance gratuite d’un avocat commis d’office en matière civile en se fondant sur l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH interprété comme consacrant le droit d’accès à un tribunal en vue d’une décision sur des droits et obligations de caractère civil (arrêt Golder c. Royaume-Uni, 21 février 1975). La Cour estime en effet que l’accès effectif à un tribunal peut nécessiter l’assistance gratuite d’un avocat. Ainsi, la Cour considère qu’il faut établir si la comparution sans l’assistance d’un conseil serait efficace, en ce sens que la personne concernée serait à même de présenter ses arguments de manière adéquate et satisfaisante. Pour ce faire, la Cour tient compte de la complexité de la procédure et du caractère sensible d’une situation – qui peut être incompatible avec le degré d’objectivité requis pour plaider en justice – afin de déterminer si une personne est en mesure de plaider utilement sa propre cause. Dans la négative, la personne concernée doit obtenir l’assistance gratuite d’un avocat commis d’office. Ainsi, même en l’absence de législation octroyant le bénéfice d’un avocat commis d’office en matière civile, il appartient au juge d’apprécier si l’intérêt de la justice commande qu’un plaideur indigent se voie octroyer une assistance judiciaire lorsqu’il est incapable d’assumer les honoraires d’un avocat.

120. Le paragraphe 4 se base sur l’article 17, paragraphe 2, de la Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité. Il est conçu pour permettre aux victimes de porter plainte plus facilement en leur donnant la possibilité de saisir les autorités compétentes de l’Etat de résidence. Une disposition similaire figure également à l’article 38, paragraphe 2, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201) du 25 octobre 2007 et dans l’article 20, paragraphe 4, la Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE n° 211) du 28 octobre 2011.

121. Le paragraphe 5 prévoit la possibilité pour des organisations diverses de soutenir les victimes. La référence aux conditions prévues par le droit interne souligne le fait qu’il incombe aux Parties de permettre cette assistance ou soutien, mais qu’elles sont libres de le faire suivant les règles prévues dans leurs systèmes internes, par exemple en exigeant la certification ou l’agrément des organisations, fondations, associations ou autres groupes concernés.

3.2.5.3. Article 20 – Protection des témoins

122. L’article 20 s’inspire de l’article 24, paragraphe 1, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme) de 2000. Le paragraphe 1 fait obligation aux Parties d’assurer une protection efficace contre l’intimidation et les représailles aux témoins qui font une déposition dans le cadre d’une procédure pénale relative au trafic d’organes humains. Le cas échéant, la protection devrait s’étendre à la famille et aux proches des témoins. Le paragraphe 2 de l’article 20 précise que les victimes, lorsqu’elles sont témoin, doivent également bénéficier de la protection décrite au paragraphe 1.

123. Il convient de noter que l’étendue de l’obligation faite aux Parties de protéger les témoins trouve ses limites dans les termes « selon les moyens à sa disposition et conformément aux conditions définies par son droit interne ».

3.2.6. Chapitre V – Mesures de prévention

124. Les récentes conventions pénales du Conseil de l’Europe comportent en règle générale des dispositions visant à prévenir les actes criminels. Cette Convention ne fait pas exception à cette règle et les négociateurs ont estimé que les mesures préventives, pour être efficaces, devraient être mises en œuvre au niveau national et au niveau international.

3.2.6.1. Article 21 – Mesures au niveau national

125. L’article 21 a pour objet de prévenir le trafic d’organes humains en obligeant les Parties à en traiter certaines causes profondes. Les Parties doivent ainsi, en vertu du paragraphe 1, assurer l’existence de systèmes internes transparents pour la transplantation d’organes ; garantir aux patients un accès équitable aux services de transplantation et, enfin, assurer la collecte, l’analyse et l’échange d’informations utiles sur le trafic d’organes humains parmi toutes les autorités pertinentes du pays. Lorsqu’elles examineront leur système de transplantation à la lumière de cet article, les Parties pourront prendre en considération les dispositions des articles 3 à 8 du Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine.

126. Le fait que les systèmes doivent être « transparents » est important, car cela réduit le risque que des organes prélevés de manière illicite soient introduits dans le système légal de transplantation. L’« accès équitable aux services de transplantation » signifie que les Parties doivent traiter tous les patients en attente d’un organe sur un pied d’égalité lors de l’affectation des organes. L’instauration d’une coopération étroite entre les nombreuses autorités compétentes concernées est une condition de tout succès dans la lutte contre le trafic d’organes humains. A cet égard, les négociateurs ont décidé d’insister particulièrement sur la collecte, l’analyse et l’échange d’informations entre ces autorités, leur permettant ainsi de prendre des mesures en temps utile pour prévenir les infractions décrites dans la Convention.

127. Le paragraphe 2 alinea a oblige les Parties à prendre des mesures, selon les besoins, pour communiquer des informations et dispenser des formations, par exemple sur les indices permettant de déceler le trafic d’organes humains, aux professionnels de santé et aux agents concernés. En vertu de l’alinéa b, les Parties sont en outre tenues, le cas échéant, d’organiser des campagnes pour sensibiliser le public à l’illégalité et aux dangers du trafic d’organes.

128. Enfin, le paragraphe 3 oblige les Parties à interdire toute publicité sur l’offre ou la demande d’organes humains effectuée « en vue d’offrir ou de rechercher un profit ou un avantage comparable ». Les négociateurs ont jugé cette disposition nécessaire compte tenu de l’existence, par exemple, de sites web sur lesquels des organes humains sont mis en vente. La mise en œuvre de cette disposition est laissée à l’appréciation des Parties, ces dernières devant évidemment s’assurer qu’il y est procédé dans le respect des obligations qui leurs sont applicables en matière de droits de l’homme, telles qu’énoncées notamment par la CEDH, le Pacte international sur les droits civils et politiques et toute autre obligation découlant du droit international. Les Parties concernées doivent particulièrement tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui, sur le fondement de l’article 10 de la CEDH, garantit le droit à la liberté d’expression, dont l’exercice peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale. Voir aussi le paragraphe 30. L’interdiction de toute publicité sur l’offre ou la demande d’organes humains effectuée en vue d’offrir ou de rechercher un profit ou un avantage comparable vise principalement les personnes servant d’intermédiaire entre les donneurs et les receveurs.

3.2.6.2. Article 22 – Mesures au niveau international

129. L’article 22 oblige les Parties à coopérer, dans la mesure la plus large possible, dans le but de prévenir le trafic d’organes humains : (i) en faisant rapport, à sa demande, au Comité des Parties sur le nombre de cas de trafic d’organes humains sur le territoire de chaque Partie ; (ii) en désignant un point de contact national responsable de l’échange, entre les Parties, d’informations de nature générale se rapportant au trafic d’organes humains.

130. Les négociateurs ont estimé que ces mesures sont nécessaires pour pouvoir apprécier l’impact de la Convention et pour garantir une coopération internationale efficace.

3.2.6.3. Chapitre VI – Mécanisme de suivi

131. Le chapitre VI de la Convention contient des dispositions qui visent à garantir la mise en œuvre efficace de la Convention par les Parties. Le mécanisme de suivi prévu par la Convention se fonde principalement sur le Comité des Parties, organe composé des représentants des Parties à la Convention.

3.2.6.4. Article 23 – Comité des Parties

132. L’article 23 prévoit la création d’un comité aux termes de la Convention, le Comité des Parties, organe dont la composition est indiquée ci-dessus et qui est responsable de diverses missions de suivi relatives à la Convention.

133. Le Comité des Parties sera convoqué pour la première fois par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la Convention pour la 10e ratification. Il se réunira par la suite à la demande d’un tiers des Parties ou du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

134. Il convient de souligner que les négociateurs ont essayé de faire en sorte que la Convention entre en vigueur rapidement, tout en différant l’introduction du mécanisme de suivi jusqu’à ce que la Convention soit ratifiée par un nombre suffisant d’Etats pour pouvoir fonctionner dans de bonnes conditions, avec un nombre suffisant de Parties représentées pour garantir sa crédibilité.

135. La mise en place de cette instance garantira la participation de toutes les Parties, sur un pied d’égalité, au processus de décision et à la procédure de suivi de la Convention, et renforcera en outre la coopération entre les Parties, assurant ainsi une mise en œuvre adéquate et efficace de la Convention.

136. Le Comité des Parties doit adopter un règlement qui définit les modalités de fonctionnement du mécanisme de suivi, étant entendu que cet instrument doit être rédigé de façon à ce que la mise en œuvre de la Convention par les Parties, y compris l’Union européenne, fasse l’objet d’un suivi efficace.

137. Le Comité des Ministres décidera des modalités selon lesquelles les Parties non membres du Conseil de l’Europe devront contribuer au financement de ces activités. Le Comité des Ministres devra demander l’avis des Parties non membres du Conseil de l’Europe avant de décider des crédits budgétaires à attribuer au Comité des Parties.

3.2.6.5. Article 24 – Autres représentants

138. L’article 24 contient un message important, qui concerne la participation d’organes autres que les Parties au mécanisme de suivi de la Convention dans le but de garantir une approche véritablement multisectorielle et multidisciplinaire. Il fait référence, en premier lieu, à l’Assemblée parlementaire et au Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), puis, de manière moins spécifique, à d’autres comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l’Europe qui, compte tenu de leurs responsabilités, peuvent apporter une précieuse contribution au suivi de la Convention. Ces comités sont le Comité de bioéthique (DH-BIO) et le Comité européen sur la transplantation d’organes (CD-P-TO).

139. L’importance accordée à la participation de représentants d’organes internationaux pertinents et d’instances officielles des Parties, ainsi que de la société civile, aux travaux du Comité des Parties, est sans aucun doute l’un des plus grands atouts du mécanisme de suivi prévu par les négociateurs. L’expression « organes internationaux pertinents » du paragraphe 3 doit être comprise comme désignant des organes intergouvernementaux œuvrant activement dans le domaine couvert par la Convention. L’expression « organes officiels et pertinents » du paragraphe 4 fait référence à des organes d’experts nationaux ou internationaux officiellement reconnus, exerçant des fonctions consultatives auprès des Parties dans le domaine couvert par la Convention, notamment en ce qui concerne la bioéthique et la transplantation d’organes humains.

140. La possibilité d’admettre en tant qu’observateurs des représentants d’organisations intergouvernementales, gouvernementales ou non gouvernementales, et d’autres organes œuvrant dans la prévention et la lutte contre le trafic d’organes humains, a été considérée comme une condition importante pour que le mécanisme de suivi de la Convention soit véritablement efficace.

141. Le paragraphe 6 impose que la désignation des observateurs, en vertu des paragraphes 2 à 5 (organes du Conseil de l’Europe, organes internationaux, organes officiels des Parties et organisations non gouvernementales), assure une représentation équilibrée des différents secteurs et disciplines impliqués (autorités d’application de la loi, système judiciaire, autorités en matière de santé et groupes d’intérêts de la société civile).

3.2.6.6. Article 25 – Fonctions du Comité des Parties

142. Lors de la rédaction de cette disposition, les négociateurs ont voulu se fonder sur la disposition similaire de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201), en mettant sur pied un mécanisme aussi simple et flexible que possible, basé sur un Comité des Parties jouant un rôle accru dans les travaux juridiques du Conseil de l’Europe sur la lutte contre le trafic d’organes humains. Le Comité des Parties est par conséquent censé servir de centre pour la collecte, l’analyse et la mise en commun d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques entre les Parties, dans le but d’améliorer leurs politiques dans ce domaine par l’adoption d’une approche multisectorielle et multidisciplinaire.

A l’égard de la Convention, le Comité des Parties exerce les compétences de suivi traditionnelles et :

  • contribue à une mise en œuvre efficace de la Convention en formulant des propositions qui visent à faciliter ou améliorer l’utilisation et l’application efficaces de cet instrument, y compris en identifiant les problèmes et les effets des déclarations ou réserves formulées en vertu de la Convention ;
  • joue un rôle consultatif général pour ce qui est de la Convention, en exprimant un avis sur toute question relative à son application, y compris en adressant aux Parties des recommandations spécifiques à cet égard. Cette activité n’implique pas d’évaluation mutuelle ni de suivi intrusif similaire ;
  • sert d’organisme centralisateur des données et facilite la mise en commun des informations sur les importantes avancées juridiques, politiques ou technologiques relatives à l’application des dispositions de la Convention. Dans ce contexte, le Comité des Parties peut bénéficier de la compétence d’autres comités et organes pertinents du Conseil de l’Europe.
144. Le paragraphe 4 prévoit que le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) sera tenu régulièrement informé des activités mentionnées aux paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 25.

3.2.7. Chapitre VII – Relations avec d’autres instruments internationaux

3.2.7.1. Article 26 – Relations avec d’autres instruments internationaux

145. L’article 26 concerne les relations entre la Convention et d’autres instruments internationaux.

146. Conformément à la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, l’article 26 vise à assurer la coexistence de la Convention avec d’autres traités – multilatéraux ou bilatéraux – ou instruments traitant de matières qui sont aussi couvertes par la Convention. Le paragraphe 1 de l’article 26 a pour objet d’établir que la Convention ne porte pas atteinte aux droits et obligations découlant d’autres instruments internationaux auxquels les Parties à cette Convention sont également Parties ou le deviendront, et qui contiennent des dispositions relatives aux matières régies par cette Convention.

147. Le paragraphe 2 de l’article 26 mentionne de façon positive la possibilité pour les Parties de conclure des accords bilatéraux ou multilatéraux – ou tout autre instrument international – relatifs aux questions réglées dans la Convention. Toutefois, la rédaction du texte montre clairement que les Parties ne peuvent conclure aucun accord dérogeant à cette Convention.

148. A la suite de la signature d’un mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne le 23 mai 2007, le CDPC a pris note qu’une « coopération juridique devrait être encore développée entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne en vue d’assurer la cohérence entre la législation de la Communauté et de l’Union européenne et les normes des conventions du Conseil de l’Europe. Ceci n’empêchera pas la Communauté et l’Union européenne d’adopter dans leur législation des règles de plus grande portée ».

3.2.8. Chapitre VIII – Amendements à la Convention

3.2.8.1. Article 27 – Amendements

149. Des amendements aux dispositions de la Convention peuvent être proposés par les Parties. Ils doivent être communiqués à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, aux Etats non membres ayant le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe, à l’Union européenne ainsi qu’à tout Etat invité à signer la Convention.

150. Le CDPC et tout autre comité intergouvernemental ou scientifique compétent du Conseil de l’Europe rédigeront des avis sur l’amendement proposé, avis qui seront soumis au Comité des Parties. Après examen de l’amendement proposé et de l’avis soumis par le Comité des Parties, le Comité des Ministres peut adopter l’amendement à la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l’Europe. Avant de prendre une décision quant à l’amendement, le Comité des Ministres devra consulter et obtenir l’assentiment unanime de toutes les Parties. Cette disposition confirme que toutes les Parties à la Convention doivent pouvoir participer au processus de décision concernant les amendements, et sont sur un pied d’égalité.

3.2.9. Chapitre IX – Clauses finales

151. A quelques détails près, les articles 28 à 33 s’inspirent essentiellement du Modèle de clauses finales pour les conventions et accords conclus au sein du Conseil de l’Europe, approuvé par le Comité des Ministres lors de la 315e réunion des Délégués tenue en février 1980.

3.2.9.1. Article 28 – Signature et entrée en vigueur

152. La Convention est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne et des Etats ayant le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe. En outre, afin d’encourager la participation à la Convention d’un nombre aussi élevé que possible d’Etats non membres, cet article leur donne la possibilité, sous réserve d’une invitation de la part du Comité des Ministres, de signer et ratifier la Convention avant même son entrée en vigueur. La Convention s’éloigne ainsi de la pratique antérieure selon laquelle les Etats non membres n’ayant pas participé à l’élaboration d’une convention du Conseil de l’Europe ne pouvaient y adhérer qu’après son entrée en vigueur. Cependant, une disposition identique a déjà été adoptée dans la Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE n° 211).

153. Le paragraphe 3 de l’article 28 fixe à cinq le nombre des ratifications, acceptations ou approbations requises pour l’entrée en vigueur de la Convention. Ce nombre n’est pas très élevé afin de ne pas retarder inutilement l’entrée en vigueur de la Convention, mais traduit néanmoins la conviction qu’un nombre minimal de Parties est nécessaire pour pouvoir commencer à relever le défi important que pose la lutte contre le trafic d’organes humains. Parmi ces cinq Parties qui feront entrer la Convention en vigueur, trois au moins doivent être membres du Conseil de l’Europe.

3.2.9.2. Article 29 – Application territoriale

154. Cette disposition vise uniquement certains territoires au statut particulier, tels que les territoires d’outre-mer ou les îles Féroé et Groenland pour le Danemark ou Gibraltar, l’île de Man et les bailliages de Jersey et de Guernesey pour le Royaume-Uni.

155. Il a été entendu qu’il serait contraire à l’objet et au but de la Convention qu’une Partie exclue de l’application de cet instrument des parties de son territoire métropolitain et qu’il n’était pas nécessaire de préciser ce point explicitement dans la Convention.

3.2.9.3. Article 30 – Réserves

156. Les réserves figurant au paragraphe 1 de cet article concernent les dispositions de la Convention pour lesquelles aucun accord unanime n’a pu être trouvé parmi les négociateurs, malgré les efforts accomplis en faveur d’un compromis. Ces réserves ont pour but d’assurer la ratification la plus large possible de la Convention, tout en permettant aux Parties de préserver certains de leurs concepts juridiques fondamentaux.

157. Par ailleurs, l’article 30, paragraphe 2 autorise les Etats et l’Union européenne à formuler une réserve limitant le champ d’application de l’article 5 et de l’article 7, paragraphes 2 et 3, uniquement aux infractions commises à des fins d’implantation et à d’autres fins, telles que spécifiées par eux dans leur réserve.

158. Le paragraphe 3 précise qu’aucune réserve n’est admise aux dispositions de la Convention, à l’exception de celles prévues aux paragraphes 1 et 2 de cet article.

159. Le paragraphe 4, en permettant de retirer une réserve à tout moment, a pour objectif de réduire les futures disparités entre les législations ayant intégré les dispositions de cette convention.

3.2.9.4. Article 31 – Règlement des différends

160. L’article 31 prévoit que le Comité des Parties, en coopération étroite avec le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) et d’autres comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l’Europe, suivra l’application de la Convention et facilitera le règlement de tout litige pouvant apparaître à cet égard entre les Parties. La coordination avec le CDPC sera normalement assurée par la présence d’un représentant du CDPC au Comité des Parties.

3.2.9.5. Article 32 – Dénonciation

161. L’article 32 prévoit la possibilité pour une Partie de dénoncer la Convention.

3.2.9.6. Article 33 – Notification

162. L’article 33 énumère les notifications que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe est tenu de faire, en qualité de dépositaire de la Convention, et désigne les destinataires de ces notifications (les Etats et l’Union européenne).