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Rapport | Doc. 13338 | 22 octobre 2013

Projet de Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d’organes humains

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Liliane MAURY PASQUIER, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13289, Renvoi 3988 du 30 septembre 2013. 2013 - Commission permanente de novembre

Résumé

Le Conseil de l’Europe s’emploie depuis longtemps à combattre le trafic d’organes. Plus particulièrement, l’Assemblée parlementaire a été associée de près au processus qui a conduit à l’élaboration du projet de convention, qui est à l’origine de l’adoption de sa Recommandation (2009) 2013 «Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine».

La commission des affaires sociales, de la santé et du développement durable salue le projet de convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, qui est le premier instrument international juridiquement contraignant dans ce domaine. Compte tenu de la dimension mondiale du trafic d’organes, la commission se réjouit que la future convention soit ouverte à la signature et à la ratification des Etats non membres du Conseil de l’Europe.

Tout en soutenant le projet de convention, la commission regrette qu’il soit axé principalement sur le droit pénal et qu’il prévoit de nombreuses «clauses échappatoires». Dès lors, elle souhaite proposer des amendements afin d’en renforcer la portée et l’efficacité, notamment concernant la prévention du trafic d’organes et du «tourisme de transplantation», ainsi que le mécanisme de suivi.

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet
d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 2 octobre 2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire salue le projet de convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains. Elle rappelle qu’elle a été associée de près aux travaux d’élaboration de ce projet de convention et se réfère à cet égard à sa Recommandation (2009) 2013 «Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine», adoptée à l’unanimité le 23 janvier 2013.
2. Compte tenu de la dimension internationale du trafic d’organes, l’Assemblée se réjouit que la future convention aille au-delà des frontières du Conseil de l’Europe, en reconnaissant la possibilité pour les Etats non-membres de l’Organisation d’y devenir Partie. Elle est convaincue qu’une telle approche contribuera aussi à améliorer la pertinence et la visibilité du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits humains.
3. L’Assemblée regrette toutefois que le projet de convention soit focalisé sur les aspects pénaux du trafic d’organes, sans considération suffisante des questions telles que la prévention et la coopération. Elle déplore plus particulièrement l’absence, dans l’article 21.1 – le seul article du projet de convention qui parle des mesures nationales de prévention hors du contexte pénal – de référence à la question de pénurie d’organes, qui est pourtant une des raisons d’être du trafic d’organes.
4. L’Assemblée note que le projet de convention donne carte blanche aux Parties pour sanctionner ou non les donneurs et les receveurs impliqués dans le trafic d’organes. Elle estime que, compte tenu de la vulnérabilité de ces deux catégories de personnes, la future convention devrait garantir au moins que les sanctions susceptibles de leur être appliquées soient équitables et proportionnées. L’Assemblée note aussi que le projet de convention ne prévoit pas de disposition établissant l’élimination de la règle usuelle de la double criminalité, ce qui encourage le «tourisme de transplantation».
5. L’Assemblée se félicite que le projet de convention prévoie un mécanisme de suivi, mais regrette l’absence dans ce contexte des obligations de communications pour les Parties. Dans ces circonstances, le bon fonctionnement du mécanisme de suivi sera tributaire de la bonne volonté des Etats et, en tout état de cause, des ressources qui lui seront attribuées.
6. L’Assemblée note que le texte actuel du projet de convention est un compromis qui tente d’harmoniser les positions des différentes parties prenantes. Elle regrette toutefois que, pour obtenir un consensus suffisamment large, il ait fallu inclure les «clauses échappatoires» prévues aux articles 9.3, 10.3, 10.5 et 30.2 du projet de convention autorisant des réserves qui risquent d’affaiblir la portée de la future convention.
7. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
7.1. d’ajouter un sous-paragraphe d à l’article 21.1, libellé comme suit:
«essayer de répondre au mieux à la pénurie d’organes, qui est une des raisons principales du trafic d’organes humains.»;
7.2. d’ajouter, après la deuxième phrase du paragraphe 81 du projet de rapport explicatif relatif à l’article 12 sur les sanctions et mesures, une nouvelle phrase, libellée comme suit:
«Le terme “proportionné” figurant à cet article implique, le cas échéant, que la vulnérabilité éventuelle des donneurs et des receveurs d’organes, exposée au paragraphe 94 de ce rapport explicatif, soit prise en considération dans la détermination des sanctions qui sont susceptibles de leur être appliquées.»;
7.3. d’ajouter un nouveau paragraphe à l’article 10, après le paragraphe 3, libellé comme suit:
«Pour la poursuite des infractions établies conformément aux articles 4 à 8 de la présente Convention, chaque Partie prend les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’établissement de sa compétence au titre des paragraphes 1.d et e ne soit pas subordonné à la condition que les faits soient punissables au lieu où ils ont été commis.»; 
7.4. de prévoir un Comité des Parties indépendant, fort et efficace disposant d’une fonction claire de coordination et de suivi sur la base, entre autres, des obligations de communication pour les Parties;
7.5. de remplacer le mot «application» qui figure à l’article 25.1 par l’expression «mise en œuvre», afin d’harmoniser la terminologie utilisée à cet article;
7.6. de supprimer les possibilités de réserves prévues aux articles 9.3, 10.3, 10.5 et 30.2. A défaut, l’Assemblée invite tous les Etats à adhérer à cette convention sans émettre de réserve et appelle les parlements des Etats concernés à être vigilants par rapport aux réserves dont leurs gouvernements risquent d’assortir la signature ou la ratification, acceptation ou approbation de la future convention.
8. Pour les motifs évoqués dans les paragraphes 2 et 5 de la Recommandation 2009 (2013), l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
8.1. d’exhorter les Etats membres qui, grâce à l’article 4.2, peuvent se réserver le droit de ne pas appliquer la disposition qui qualifie d’illicite tout prélèvement d’organes réalisé sans le consentement libre, éclairé et spécifique du donneur vivant, de plutôt réviser leurs législations pour les mettre en conformité avec cette disposition et avec la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (STE n° 164);
8.2. de décider d’une feuille de route pour l’élaboration du protocole additionnel relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de cellules humains.

B. Exposé des motifs, par Mme Maury Pasquier, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Lors de leur 1176e réunion (10 juillet 2013), les Délégués des Ministres ont décidé de transmettre à l’Assemblée parlementaire, pour avis, le projet de convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains.
2. A sa réunion tenue le 9 septembre 2013, la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable m’a désignée comme rapporteure par anticipation de la saisine attendue de la commission. Le 30 septembre 2013, l’Assemblée a saisi notre commission de la demande d’avis du Comité des Ministres pour rapport et la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour avis.
3. Il convient de rappeler que l’Assemblée a été associée de près aux travaux d’élaboration du projet de convention qui vient de lui être transmis pour avis. De fait, M. Bernard Marquet, ancien membre dévoué de notre commission, a suivi les discussions sur le projet de convention tant au niveau du Comité d’experts sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules humains (PC-TO) chargé d’élaborer un avant-projet 
			(2) 
			En
juin 2012, la commission des affaires sociales, de la santé et du
développement durable a également eu l’occasion d’avoir un échange
de vues avec le Dr Hans-Holger Herrnfeld, Président du PC-TO., que du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) qui a parachevé le travail du PC-TO en approuvant le projet de convention le 7 décembre 2012. Le rapport de M. Marquet portant sur ce projet de convention a été débattu à l’Assemblée plénière le 23 janvier 2013 et a donné lieu à la Recommandation 2009 (2013) «Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine», adoptée à l’unanimité.
4. Je note que, hormis des petites modifications d’ordre technique et linguistique n’ayant pas d’incidence sur le fond des questions traitées, le projet de convention soumis aujourd’hui à l’Assemblée est identique à celui sur lequel elle s’est prononcée le 23 janvier dernier. Dès lors, dans ce rapport, je me limiterai à rappeler la position de l’Assemblée eu égard au projet de convention dans son ensemble et à revenir brièvement sur ses recommandations spécifiques, tout en les reformulant lorsque cela me paraît opportun. Il va sans dire que mon rapport doit être lu conjointement avec la Recommandation 2009 (2013) et l’exposé des motifs y afférent 
			(3) 
			Doc. 13082 et addendum..

2. Appréciation générale du projet de convention

5. Dans sa Recommandation 2009 (2013), l’Assemblée s’est félicitée du projet de convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, qui représente l’aboutissement de plusieurs années d’efforts menés par le Conseil de l’Europe dans le domaine du trafic d’organes. A cet égard, on peut citer notamment l’incorporation du principe de non-commercialisation du corps humain dans les instruments juridiques pertinents élaborés par le Conseil de l’Europe 
			(4) 
			Il
s’agit de la Convention pour la protection des droits de l’homme
et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de
la biologie et de la médecine (STE no 164)
et de son Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes
et de tissus d’origine humaine (STE no 186)
qui, sur la base dudit principe, interdit le trafic d’organes., ainsi que l’étude conjointe réalisée avec les Nations Unies 
			(5) 
			Etude conjointe sur
le trafic d’organes, de tissus et de cellules et la traite des êtres
humains aux fins de prélèvement d’organes. qui a conclu à la nécessité de préparer un instrument juridique international dans le domaine du trafic d’organes. Cette conclusion a été appuyée par l’Assemblée dans sa Résolution 1782 (2011) sur l’enquête sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo* 
			(6) 
			*Toute référence au
Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo..
6. Le projet de convention qui nous est soumis aujourd’hui est la dernière contribution du Conseil de l’Europe à la lutte contre le trafic d’organes et répond donc au besoin pressant d’un instrument international dédié exclusivement à cette question. Dans ce contexte, compte tenu du fait que le trafic d’organes est un phénomène d’envergure mondiale dépassant le territoire des Etats membres du Conseil de l’Europe, il est particulièrement réjouissant de noter que la future convention sera ouverte à la signature et la ratification des Etats non membres dès son adoption par le Comité des Ministres, c’est-à-dire avant même qu’elle ne soit entrée en vigueur. Je suis convaincue qu’une telle approche contribuera aussi à améliorer la pertinence et la visibilité du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits humains. Je tiens d’ailleurs à signaler que la Convention “Médicrime” 
			(7) 
			La Convention sur la
contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires
menaçant la santé publique (STCE no 211)., qui a adopté la même approche, compte désormais parmi ses signataires trois Etats non membres du Conseil de l’Europe 
			(8) 
			Il s’agit de la Guinée,
d’Israël et du Maroc..
7. Cependant, dans sa Recommandation 2009 (2013), l’Assemblée a critiqué le fait que le projet de convention soit axé principalement sur le droit pénal. Cela est en effet tout à fait regrettable pour une convention qui sera le premier et, très probablement, le seul instrument international juridiquement contraignant dans le domaine du trafic d’organes. En termes de prévention de ce trafic, de protection des victimes et de coopération en dehors du champ pénal, il s’agit à mon avis d’une occasion ratée, car ces questions ne sont tout simplement pas suffisamment développées dans le projet de convention 
			(9) 
			Pour
plus de détails, voir les paragraphes 3, 4 et 8.1 de la Recommandation 2009 (2013) et les paragraphes 6 à 9 de l’exposé des motifs de celle-ci.. Je reviendrai plus loin sur un aspect spécifique de la prévention (voir le point 3.2 ci-dessous).

3. Commentaires sur des questions spécifiques couvertes par les chapitres II, V et VI du projet de convention

3.1. Chapitre II – Droit pénal matériel

3.1.1. La situation des donneurs et des receveurs impliqués dans le trafic d’organes

8. En raison de la complexité des activités criminelles dont fait partie le trafic d’organes, qui implique différents acteurs et différents actes répréhensibles, au lieu d’une définition globale, les négociateurs de la convention ont préféré mentionner dans le chapitre II intitulé «Droit pénal matériel», tous les actes répréhensibles qui relèvent du trafic d’organes humains. Ces actes sont définis aux articles 4.1, 5, 7, 8 et 9.
9. Si le donneur et le receveur d’organe font partie des acteurs susmentionnés, impliqués dans le trafic d’organes, le projet de convention ne dit pas s’il faut les sanctionner ou non pour leur implication. Par contre, le paragraphe 94 du projet de rapport explicatif indique qu’ils pourraient être considérés comme des victimes en raison de leur vulnérabilité 
			(10) 
			Le
paragraphe 94 du projet de rapport explicatif se lit comme suit:
«De l’avis des négociateurs, la plupart des personnes pouvant être
considérées comme des victimes du trafic d’organes humains sont
par définition vulnérables, pour un certain nombre de raisons: par
exemple, parce qu’elles connaissent de graves difficultés financières
(ce qui est le cas de nombreuses personnes qui acceptent de se faire
prélever un organe en échange d’un profit ou d’un autre avantage
comparable) ou parce qu’elles souffrent d’une maladie grave, voire
sont en phase terminale et n’ont guère de chances de survie (ce
qui est le cas de nombreux receveurs d’organes).». La possibilité de sanctionner le donneur et/ou le receveur est laissée donc à la discrétion des Parties.
10. A cet égard, se fondant sur les mêmes arguments que ceux exposés au paragraphe 94 du projet de rapport explicatif, l’Assemblée a recommandé l’ajout d’une disposition dans le projet de convention préconisant la prise en considération de la vulnérabilité du donneur et/ou du receveur d’organe dans la détermination d’éventuelles sanctions à leur encontre. Alternativement, elle a suggéré d’intégrer une phrase dans le rapport explicatif allant dans le même sens.
11. Dans un contexte où les Etats ont carte blanche pour décider du sort des donneurs et des receveurs (i.e. sanctionner ou ne pas sanctionner), la future convention devrait garantir au moins que les sanctions susceptibles de leur être appliquées soient équitables et proportionnées. A cet égard, l’Assemblée devrait insister sur sa proposition alternative, sachant que celle-ci est facilement réalisable dans le contexte de l’article 12.1 qui traite justement des critères relatifs aux sanctions. L’article 12.1 est libellé comme suit:
«Chaque Partie prend les mesures législatives et les autres nécessaires pour que les infractions établies conformément à la présente Convention soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives …»
12. Au vu de ce qui précède, je propose que la phrase suivante soit ajoutée après la deuxième phrase du paragraphe 81 du projet de rapport explicatif à propos de l’article 12.1:
«Le terme “proportionné” figurant à cet article implique, le cas échéant, que la vulnérabilité éventuelle des donneurs et des receveurs d’organes exposée au paragraphe 94 de ce rapport explicatif, soit prise en considération dans la détermination des sanctions qui sont susceptibles de leur être appliquées.»

3.1.2. Le «tourisme de transplantation»

13. Le «tourisme de transplantation» est une pratique consistant, pour certains patients, à se rendre à l’étranger pour obtenir des organes moyennant un paiement. Ce phénomène est en pleine expansion notamment en raison des réglementations moins restrictives de certains pays qui autorisent de telles «transactions» ou ne les prohibent pas explicitement.
14. L’article 10 du projet de convention énonce les critères en vertu desquels les Parties sont tenues d’établir leur compétence relativement aux infractions visées par la convention. A cet égard, le projet de rapport explicatif précise dans son paragraphe 69 que la convention ne prévoit pas de disposition établissant l’élimination de la règle usuelle de la double criminalité, qui veut que le fait incriminé soit considéré comme une infraction tant dans le pays qui exerce la poursuite que dans celui où il a été commis. Autrement dit, il est possible pour une Partie de ne pas poursuivre un ressortissant ou une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire 
			(11) 
			Article 10.1.d et e du
projet de convention. impliqués dans une infraction relevant du trafic d’organes, tout simplement parce que cette infraction a été commise dans un pays où elle n’est pas considérée comme telle. Il me semble qu’une telle possibilité encourage le «tourisme de transplantation» et doit donc être éliminée.
15. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée devrait réitérer sa proposition quant à l’intégration dans le projet de convention d’une disposition éliminant la règle de la double criminalité, sachant qu’une telle possibilité était initialement prévue dans l’avant-projet de convention. Il est donc proposé qu’un nouveau paragraphe soit ajouté à l’article 10 après le paragraphe 3, libellé comme suit:
«Pour la poursuite des infractions établies conformément aux articles 4 à 8 de la présente Convention, chaque Partie prend les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’établissement de sa compétence au titre des paragraphes 1.d et e ne soit pas subordonné à la condition que les faits soient punissables au lieu où ils ont été commis.»

3.2. Chapitre V – Mesures de prévention

16. Comme cela a été souligné dans l’introduction, les questions concernant la prévention du trafic d’organes, la protection des victimes et la coopération internationale en dehors du champ pénal ne sont pas suffisamment développées dans le projet de convention. Dans ce contexte, on note que le chapitre V sur les mesures de prévention est particulièrement succinct – pour ne pas dire lacunaire – ainsi que la partie du rapport explicatif qui s’y rapporte. Il y consacre deux articles au total: les articles 21 et 22 sur les mesures nationales et internationales, respectivement. L’article 21 exhorte les Etats à prendre les mesures nécessaires pour assurer, entre autres, l’existence de systèmes de transplantation transparents et garantir un accès équitable à leurs services.
17. Ainsi, dans le cadre du seul article du projet de convention qui parle des mesures de prévention nationales hors du contexte pénal, aucune mention n’est faite des mesures susceptibles de répondre à la pénurie d’organes, alors même qu’une des raisons principales du trafic d’organes est justement cette pénurie 
			(12) 
			A cet égard, je note
avec satisfaction la suppression de la phrase du projet de rapport
explicatif indiquant que l’accès équitable aux services de transplantation
signifie aussi que les Parties doivent s’efforcer de disposer d’une
offre d’organes suffisante. Cela réduisait la question cruciale
de la pénurie à celle de l’accès, ce qui n’était pas approprié.. Cela me paraît tout simplement inconcevable. En conséquence, je propose qu’un sous-paragraphe d soit ajouté à l’article 21.1, libellé comme suit:
«essayer de répondre au mieux à la pénurie d’organes, qui est une des raisons principales du trafic d’organes humains.»
18. En lien avec ce nouveau sous-paragraphe, le rapport explicatif pourrait suggérer notamment que les Etats considèrent l’opportunité de mettre en place un système de consentement présumé pour le prélèvement d’organes sur les personnes décédées ou un système de registre officiel et obligatoire des volontés (quant au souhait d’être ou non un donneur), ou encore de développer la recherche sur des méthodes alternatives. Il pourrait également suggérer l’organisation de campagnes de sensibilisation des citoyens au don d’organes afin d’augmenter le nombre de donneurs.

3.3. Chapitre VI – Mécanisme de suivi

19. Le chapitre VI contient des dispositions concernant la mise en œuvre de la convention. Le mécanisme de suivi prévu par la convention est fondé principalement sur un Comité des Parties, composé des représentants des Parties à la convention. La tâche de ce comité est, entre autres, de surveiller l’application de la convention et le cas échéant, d’en faciliter l’usage et la mise en œuvre effectifs, d’exprimer un avis sur toute question relative à son application et d’adresser des recommandations spécifiques aux Parties au sujet de sa mise en œuvre.
20. Dans sa Recommandation 2009 (2013), l’Assemblée a recommandé au Comité des Ministres de renforcer les dispositions relatives au Comité des Parties de façon à prévoir un comité indépendant, fort et efficace disposant d’une fonction claire de coordination et de suivi sur la base, entre autres, des obligations de communication pour les Parties, tout en confiant aux comités compétents – le CDPC et le Comité de bioéthique (DH-BIO) – un rôle dans le suivi de la mise en œuvre de la convention. Le souci principal de l’Assemblée dans ce contexte était de s’assurer que le fonctionnement du Comité des Parties ne soit pas tributaire de la bonne volonté des Etats.
21. Je serais d’avis de réitérer cette recommandation tout en enlevant la partie concernant les comités compétents, car il me semble que les comités en question ont déjà un rôle, certes limité, dans le suivi de la mise en œuvre. En effet, le CDPC ainsi que le DH-BIO font partie des comités qui peuvent envoyer un représentant au Comité des Parties, sans droit de vote. Par ailleurs, l’article 25.4 précise que le CDPC sera tenu régulièrement informé des activités du Comité des Parties.
22. Afin d’harmoniser la terminologie utilisée à l’article 25 qui traite des fonctions du Comité des Parties, je propose aussi que le mot «application» qui figure au paragraphe 1 de cet article soit remplacé par l’expression «mise en œuvre», ce qui correspond également mieux au langage utilisé au Conseil de l’Europe.
23. Enfin, même si le Comité des Ministres venait à adopter ce chapitre tel quel, je garde mon optimisme quant au bon fonctionnement du futur Comité des Parties, tant que des ressources suffisantes lui sont attribuées. En effet, l’expérience du Comité de Lanzarote 
			(13) 
			Le Comité des Parties
à la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201)., qui fonctionne dans un cadre identique à celui prévu par le projet de convention, semble nous indiquer que les Etats sont capables d’assumer leurs engagements même en l’absence d’obligations de communication. Reste à savoir si ce mécanisme de suivi sera efficace à long terme.

4. Remarques conclusives

24. Dans sa Recommandation 2009 (2013), l’Assemblée a aussi préconisé l’interdiction du prélèvement et de l’utilisation aux fins de transplantation ou à d’autres fins d’organes de personnes privées de liberté. La lecture conjointe de la phrase qui a été ajoutée au paragraphe 33 du projet de rapport explicatif, précisant explicitement que l’article 4.1 s’applique à ces personnes, et du paragraphe 17 de l’exposé des motifs de la Recommandation 2009 (2013) suffit à mon avis, à considérer que les personnes privées de leur liberté sont suffisamment protégées par la future convention. Aussi, je ne réitérerai pas cette proposition.
25. Je voudrais aussi faire un commentaire sur l’article 30 qui récapitule les articles de la convention sur lesquels il est possible de formuler des réserves. Eu égard à la possibilité de faire des réserves à l’article 4.1 du projet de convention qui définit le prélèvement illicite d’organes, l’Assemblée s’est déjà prononcée et je me contenterai donc à cet égard de renvoyer aux paragraphes 5 et 8.7 de la Recommandation 2009 (2013) 
			(14) 
			A
noter qu’une nouvelle phrase a été ajoutée à la fin de l’article
4.2: «Toute réserve faite conformément au présent paragraphe comporte
un bref exposé du droit interne pertinent.» Celle-ci vise très certainement
à pousser les Etats à justifier leurs éventuelles réserves..
26. Toutefois, je m’interroge sur l’opportunité des autres possibilités de réserve et, notamment, de celles concernant la tentative intentionnelle (article 9.3) et les dispositions sur la compétence (articles 10.3 et 10.5). En effet, si je comprends le souci d’assurer la ratification la plus large possible de la convention avancé par les rédacteurs 
			(15) 
			Paragraphe 156 du projet
de rapport explicatif., il me semble que ces «clauses échappatoires» risquent d’affaiblir la portée de la future convention. Aussi, l’Assemblée devrait recommander en premier lieu de biffer ces clauses et, à défaut, inviter tous les Etats à adhérer à cette convention sans émettre de réserve. Elle devrait appeler en outre les parlements des Etats concernés à être vigilants par rapport aux réserves dont leurs gouvernements risquent d’assortir la signature ou la ratification, acceptation ou approbation de la future convention.
27. Pour conclure, je voudrais rappeler qu’à ce stade, il n’a pas été considéré opportun de procéder à l’élaboration d’un protocole additionnel relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de cellules humains. Toutefois, comme souligné dans la Recommandation 2009 (2013), tout comme le trafic d’organes, le trafic de tissus et de cellules humains constitue une grave menace pour les droits humains et la santé publique et individuelle. Aussi, je pense qu’il y a lieu de réitérer la recommandation exhortant le Comité des Ministres à décider d’une feuille de route pour l’élaboration d’un protocole additionnel concernant le trafic de tissus et de cellules.