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Avis de commission | Doc. 13398 | 27 janvier 2014

L'évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil national palestinien

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Gülsün BİLGEHAN, Turquie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3836 du 23 janvier 2012. Commission chargée du rapport: Commission des questions politiques et de la démocratie. Voir le Doc. 13382. Avis approuvé par la commission le 27 janvier 2014. 2014 - Première partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission sur l’égalité et la non-discrimination félicite le rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie, M. Tiny Kox, pour son rapport et soutient le projet de résolution proposé.
2. La Résolution 1830 (2011) qui accorde au Conseil national palestinien le statut de partenaire pour la démocratie énumère les domaines essentiels au renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits humains en Palestine. La commission est d’avis que l’octroi de ce statut peut constituer un outil pour accompagner la Palestine dans ses efforts pour l’établissement d’un Etat démocratique fondé sur le respect de l’Etat de droit et des droits humains.
3. La commission souhaite attirer l’attention des autorités palestiniennes sur la nécessité de prendre sans attendre des mesures concrètes pour éradiquer le fléau de la violence contre les femmes.

B. Proposition d'amendement au projet de résolution

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Dans le projet de résolution, remplacer le paragraphe 9.4 par le texte suivant: «reconnaît les efforts entrepris, notamment par le ministère de la Condition féminine et les organisations de femmes, pour promouvoir la participation des femmes dans la vie politique et la vie publique; lutter contre la discrimination fondée sur le genre; assurer une égalité effective entre les femmes et les hommes; et lutter contre la violence sexiste. Elle s’inquiète cependant du regain de violence à l’égard des femmes et appelle les autorités palestiniennes à agir de manière résolue contre ce fléau, en coopération avec la société civile et plus spécifiquement les organisations de femmes;»

C. Exposé des motifs, par Mme Bilgehan, rapporteure pour avis

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1. Commentaires généraux

1. Je voudrais tout d’abord féliciter M. Kox pour son rapport détaillé sur l’état de la mise en œuvre des engagements pris par le Conseil national palestinien dans le cadre de sa demande de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée.
2. Je me félicite que le rapport de M. Kox aborde à plusieurs reprises la question des droits des femmes lesquels figurent parmi les engagements pris par le Conseil national palestinien en octobre 2011. Dans sa Résolution 1830 (2011) par laquelle l’Assemblée a octroyé au Conseil national palestinien le statut de partenaire pour la démocratie, l’Assemblée a en effet considéré que les questions spécifiques suivantes revêtent «une importance essentielle aux fins du renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les territoires palestiniens: (…) la promotion active de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans la vie politique et la vie publique; la lutte contre toutes les formes de discrimination (en droit et en pratique) fondées sur le genre; la garantie de l’égalité effective entre les femmes et les hommes, y compris en ce qui concerne le mariage, le divorce, la polygamie et le droit successoral, et si nécessaire l’initiation d’un processus de révision de la législation; la lutte contre toutes les formes de violence sexiste».
3. Je tiens à souligner d’emblée, à l’instar de M. Kox, que l’occupation israélienne et le refus du Hamas de respecter les accords de réconciliation successifs constituent des obstacles importants à la mise en œuvre des engagements pris par le Conseil national palestinien. Toutefois, malgré les circonstances difficiles, des améliorations peuvent et doivent être apportées, en particulier s’agissant de la situation des femmes.
4. Le présent avis s’attachera ainsi à apporter des éclairages supplémentaires sur les aspects les plus critiques de la situation des femmes en Palestine. Je voudrais remercier Mme Suheir Azzouni, experte consultante sur les questions de genre et les droits de l’homme en Palestine, pour sa participation à une audition organisée par la commission sur l’égalité et la non-discrimination en décembre 2013 et pour son aide dans la collecte d’informations. Je tiens également à remercier les membres de la délégation du Conseil national palestinien auprès de l’Assemblée parlementaire pour leur approche positive.

2. Promouvoir activement l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans la vie politique et la vie publique (engagement pris par le Conseil national palestinien, paragraphe 12.5 de la Résolution 1830 (2011))

5. En l’absence d’élections législatives depuis 2006, la représentation des femmes au parlement n’a pas évolué depuis l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie en octobre 2011. Par ailleurs, il doit être regretté qu’au niveau gouvernemental, le nombre de femmes soit passé de cinq à trois après le dernier remaniement de juin 2013. Leurs portefeuilles sont désormais la Condition féminine, le Tourisme ainsi que la Communication et les Technologies de l’Information.
6. Des élections locales se sont tenues à l’automne 2012 en Cisjordanie pour lesquelles 25 % des candidats étaient des femmes grâce au système de quota introduit en 2005. Il est à noter qu’une liste composée uniquement de femmes («By participating we can») s’est présentée à Hébron, sans succès cependant. La constitution d’une telle liste témoigne néanmoins du dynamisme et de l’engagement des femmes palestiniennes comme actrices du changement. A l’issue de ces élections locales, 21,1 % des élus étaient des femmes et une femme a été élue maire de la ville de Bethlehem.
7. Les femmes palestiniennes ont un rôle crucial à jouer dans les négociations de paix et la construction d’un Etat palestinien. Elles sont très engagées et actives, comme en témoignent les nombreuses associations de femmes tels que Women’s Centre for Legal Aid and Counselling (WCLAC), Women's Affairs Technical Committee (WATC), Women’s Affairs Centre (WAC), et contribuent largement au rayonnement de la Palestine à l’étranger. Pourtant, leur représentation reste marginale dans les postes décisionnels clés. La décision de 2012 du gouvernement palestinien d’instituer une Haute commission indépendante chargée de mettre en œuvre la Résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité constitue à cet égard un développement positif puisqu’elle va dans le sens d’une plus grande participation des femmes au processus de réconciliation nationale et aux négociations politiques avec Israël.

3. Lutter contre toutes les formes de discrimination (en droit et en pratique) fondées sur le genre; garantir l’égalité effective entre les femmes et les hommes, y compris en ce qui concerne le mariage, le divorce, la polygamie et le droit successoral, et si nécessaire l’initiation d’un processus de révision de la législation (engagement pris par le Conseil national palestinien, paragraphe 12.5 de la Résolution 1830 (2011))

8. Je voudrais exprimer ici mon admiration pour le courage des femmes palestiniennes qui ont été des pionnières dans la lutte pour la libération des territoires palestiniens, mais qui souffrent de multiples discriminations et formes de violence.
9. Les principes d’égalité et de non-discrimination sont inscrits dans la Loi fondamentale palestinienne (article 9), mais celle-ci dispose également que les principes de la Shari’a islamique sont une source principale de la législation (article 4), ce qui peut être interprété de manière à saper les droits des femmes en particulier dans le domaine du droit de la famille. De plus, la fragmentation du système juridique palestinien aggrave les discriminations auxquelles sont confrontées les femmes puisqu’elle les empêche de jouir des mêmes droits sur l’ensemble des territoires. En effet, les statuts personnels applicables aux femmes varient selon qu’elles vivent en Cisjordanie ou à Gaza et selon le groupe religieux auquel elles appartiennent, et sont mis en œuvre par des tribunaux religieux (tribunaux de la Shari’a pour les musulmans, autres tribunaux religieux pour les chrétiens). De la même manière, l’absence de loi palestinienne sur la nationalité crée de fortes disparités entre les femmes selon leur lieu de résidence (Jérusalem, Cisjordanie ou Gaza) et implique que des codes de la nationalité anciens (jordanien en Cisjordanie et égyptien à Gaza) et fortement discriminatoires à l’égard des femmes continuent de leur être appliqués.
10. Le statut personnel des femmes demeure une source de grave préoccupation et aucune amélioration significative n’est intervenue depuis octobre 2011. Ainsi que le constate M. Kox dans son rapport, un pouvoir législatif effectif est à l’heure actuelle inexistant en Palestine. Cette situation empêche l’harmonisation du droit de la famille et sa mise en conformité avec les standards internationaux, notamment ceux contenus dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). L’acceptation unilatérale de la CEDAW en mars 2009 par l’Autorité nationale palestinienne a une forte valeur symbolique mais doit se traduire dans la pratique par des mesures en faveur de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Or, de graves inégalités persistent en ce qui concerne le mariage, le divorce, la succession et la garde des enfants 
			(1) 
			Pour des analyses détaillées:
Independent Commission for Human Rights, The status of human rights
in Palestine, 	18th annual report, 2012; Reem Al-Botmeh, A review
of Palestinian legislation from a women’s rights perspective, mars 2012;
Suheir Azzouni, «Palestine», in Women’s Rights in the Middle East
and North Africa: Progress Amid Resistance, 	ed. Sanja Kelly et
Julia Breslin, 2010..
11. La situation générale de l’emploi en Palestine est également critique avec un taux de chômage qui atteint 23 % de la population active. Les femmes pâtissent particulièrement de ce fort taux de chômage. Leur taux d’emploi s’établit ainsi autour de 15,2 % en 2012, tandis que le taux de chômage féminin s’est aggravé, passant, d’après les chiffres de la Banque mondiale, de 23,8 % en 2008 à 32,9 % en 2012. Des mesures résolues devraient être prises afin d’encourager l’accès des femmes au marché du travail, qu’il s’agisse du marché privé ou de l’administration publique.

4. Lutter contre toutes les formes de violence sexiste (engagement pris par le Conseil national palestinien, paragraphe 12.5 de la Résolution 1830 (2011))

12. Les chiffres de la violence à l’égard des femmes demeurent extrêmement alarmants. Un Plan stratégique national de lutte contre les violences faites aux femmes pour 2011-2019 a été préparé par le ministère de la Condition féminine et adopté par le Gouvernement palestinien en janvier 2011. Il analyse la culture, les normes et les traditions comme les principaux facteurs de la violence à l’égard des femmes dans la société palestinienne, fortement marquée par la culture patriarcale. La situation politique et économique de la Palestine aggrave de surcroît le climat de violence qui se reporte sur les femmes.
13. Dans un rapport de 2012, le Bureau central palestinien des statistiques relève que 37 % des femmes mariées sont exposées à la violence en Palestine, et plus particulièrement dans la bande de Gaza où une femme mariée sur deux est victime de violence. Or, d’après ce même rapport, les deux tiers des femmes exposées à la violence préfèrent ne rien dire. La dénonciation d’actes de violence est en effet perçue par la société comme honteuse et inacceptable, en particulier quand ils sont le fait de membres de la famille. De plus, il apparaît qu’à Gaza, la police est réticente à enregistrer les plaintes et cherche avant tout à concilier les époux afin qu’ils ne divorcent pas 
			(2) 
				Rasha
Abou Jalal, «Domestic Violence Against Palestinian Women on Rise
in Gaza», Al-Monitor, 5 septembre 2013.. Par ailleurs, les refuges qui accueillent les femmes victimes de violence font cruellement défaut en Palestine: il n’y en a aucun dans la bande de Gaza et trois seulement en Cisjordanie. Il s’ensuit que les femmes ne sont pas encouragées à dénoncer les violences qu’elles subissent. La dépendance économique des femmes constitue également un obstacle à la dénonciation de ces violences. Un développement positif réside toutefois dans l’approbation en février 2013 par le Gouvernement palestinien d’un système d’orientation (referral system) pour les femmes victimes de violence afin d’améliorer la délivrance des services juridique, social et de santé.
14. Les crimes dits «d’honneur» sont en augmentation en 2013 avec 27 cas recensés, dont plus des deux tiers ont été commis en Cisjordanie 
			(3) 
				 Independent Commission
for Human Rights, Déclarations n° 3/2013 du 7 mars 2013 et n° 11/2013
du 23 septembre 	2013; Noah Browning, «Palestinians see worrisome
trend in “honor” killings rise», Reuters, 11 décembre 2013.. Ils sont le signe d’une société patriarcale fondée sur la discrimination à l’égard des femmes. Commis par des membres de la cellule familiale, ces crimes sont peu dénoncés, ce qui contribue au sentiment d’impunité de leurs auteurs. Je ne peux que m’associer à l’appel de la Commission indépendante pour les droits de l’homme de Palestine pour que les autorités palestiniennes prennent sans plus tarder toutes les mesures nécessaires pour protéger les femmes de ces violences, poursuivre les auteurs et prévenir la commission de tels crimes en imposant des peines à la hauteur de la gravité des faits. Il n’est pas acceptable que la législation en vigueur permette de justifier les meurtres commis sur le fondement de «l’honneur familial» et d’alléger ainsi les peines de prison. Le projet de code pénal, préparé en 2010-2011 sous l’égide du ministère de la Justice par un groupe d’organisations gouvernementales et non-gouvernementales, supprime la notion de «l’honneur familial», mais il n’a pas été formellement adopté et promulgué. Il est à noter que le projet de code pénal contient de nombreuses autres avancées en faveur des droits des femmes: par exemple, il criminalise le harcèlement sexuel et la violence domestique, institue des amendes pour les mariages célébrés avant l’âge de 18 ans sans l’autorisation d’un juge et du tuteur du mineur et institue une peine minimale de cinq années de prison pour meurtre. Toutefois, il est à regretter que ce même texte prévoit également une réduction de peine dans le cas d’un meurtre survenu après la découverte d’un adultère et criminalise les relations sexuelles consenties entre adultes non mariés.
15. Je me félicite par ailleurs que la délégation du Conseil national palestinien auprès de l’Assemblée parlementaire soit représentée au sein du Réseau parlementaire pour «le droit des femmes de vivre sans violence». La participation active de Mme Najat Alastal témoigne de l’engagement du Conseil national palestinien à lutter contre la violence à l’égard des femmes et rend tangibles les efforts des autorités palestiniennes dans ce domaine.

5. Lutter contre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination (engagement pris par le Conseil national palestinien, paragraphe 12.14 de la Résolution 1830 (2011))

16. Compte tenu du mandat de la commission et des engagements pris par le Conseil national palestinien en matière de lutte contre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination, je voudrais aborder la situation des personnes handicapées en Palestine qui représentent une part significative de la population. Une étude de 2011 du Bureau central palestinien des statistiques et du ministère des Affaires sociales révèle en effet que, en application d’une définition large du handicap (quelques ou plusieurs difficultés), le taux de prévalence est de 7 % en Palestine.
17. Un cadre juridique protecteur des droits des personnes handicapées existe en Palestine. La Loi fondamentale interdit toute discrimination fondée, entre autres, sur le handicap (article 9), et stipule que l’Autorité palestinienne doit garantir aux personnes handicapées l’éducation, la santé et la protection sociale (article 22). De plus, une loi de 1999 (n° 4) sur les droits des personnes handicapées prévoit qu’elles ont droit à une vie libre et décente et à l’ensemble des services sur un pied d’égalité avec les autres citoyens.
18. Toutefois, le rapport de la Commission indépendante des droits de l’homme de Palestine pour 2012 relève que la question du handicap n’est pas intégrée dans les stratégies et plans d’action des organisations gouvernementales et privées. L’accès des personnes handicapées au marché du travail demeure restreint dans la mesure où elles ne bénéficient d’aucun quota, et les personnes handicapées qui travaillent occupent souvent des emplois subalternes et subissent des attitudes négatives de la part de leurs collègues.
19. Je me félicite ainsi de la décision du gouvernement de réactiver le Haut Conseil au Handicap chargé de mettre en œuvre la loi de 1999, et que le ministère des Affaires sociales ait annoncé l’élaboration d’un cadre stratégique relatif aux questions de handicap qui sera basé sur une approche fondée sur les droits de l’homme et non plus sur une approche sociale ou humanitaire.
20. J’encourage vivement les autorités palestiniennes à utiliser la Convention des Nations Unies sur les droits de personnes handicapées comme cadre de référence afin de mettre leur législation et leurs pratiques en conformité avec les standards internationaux en la matière, et à lutter contre la perception généralement négative du handicap en Palestine. Je tiens à souligner que l’intégration des personnes handicapées dans la société ne relève pas de la seule responsabilité du gouvernement mais de la société dans son ensemble et des individus qui la composent.

6. Conclusions de la rapporteure

21. Je tiens à saluer les efforts des autorités palestiniennes qui continuent de démontrer leur attachement à défendre l’égalité entre les femmes et les hommes et à améliorer la condition de la femme en Palestine. La situation politique et juridique rend difficile l’accomplissement de réels progrès, mais il est clair que la volonté d’avancer sur la voie d’une société démocratique et inclusive demeure. Pour cette raison, je partage la recommandation de M. Kox de poursuivre le partenariat pour la démocratie avec le Conseil national palestinien et de procéder à une nouvelle évaluation dans deux ans.
22. Je souhaite également réitérer l’avis exprimé en 2011 par la commission sur l’égalité et la non-discrimination que l’obtention du statut de partenaire pour la démocratie n’est pas une fin en soi mais le début d’un processus. Les autorités palestiniennes devraient solliciter l’expertise du Conseil de l’Europe en vue de rendre le cadre juridique applicable en Palestine pleinement conforme aux normes en matière de droits de l’homme, notamment en ce qui concerne l’égalité entre les femmes et les hommes et la protection des femmes contre la violence. Des conventions clés du Conseil de l’Europe, telle que la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210), pourraient servir d’instruments de référence dans le cadre d’une assistance technique fournie par le Conseil de l’Europe.