Imprimer
Autres documents liés

Avis de commission | Doc. 13406 | 29 janvier 2014

Révision de la Convention européenne sur la télévision transfrontière

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : Sir Roger GALE, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12752, Renvoi 3820 du 25 novembre 2011. Commission chargée du rapport: Commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Voir le Doc. 13383. Avis approuvé par la commission le 28 janvier 2014. 2014 - Première partie de session

A. Conclusions de la commission 

(open)
1. La commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, ainsi que son rapporteur pour avis qui a déposé la proposition de recommandation intitulée «Révision de la Convention européenne sur la télévision transfrontière» en 2011 (Doc. 12752), se félicitent vivement du rapport de M. James Clappison au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
2. Le rapport tombe à point nommé pour au moins deux raisons: la convergence technique croissante de la radiodiffusion avec les médias numériques en ligne, et le prochain remaniement du Parlement et de la Commission de l’Union européenne suite aux élections législatives de mai 2014.

B. Amendements proposés 

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 2, insérer le paragraphe suivant:

«L’Assemblée rappelle l’article 24 de la Directive 89/552/CEE telle que modifiée par la Directive 2007/65/CE, qui dispose que, pour les domaines qui ne sont pas coordonnés par la présente directive, celle-ci n’affecte pas les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne qui découlent des conventions existant en matière de télécommunications et de radiodiffusion.»

Amendement B (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, dans la deuxième phrase du paragraphe 3, remplacer les mots «la situation actuelle» par les mots «le blocage actuel de la révision».

Amendement C (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 4, remplacer la deuxième phrase par la phrase suivante:

«Par conséquent, l’Assemblée partage pleinement l’intention légitime exprimée par les hautes parties contractantes à la CETT de réviser et de moderniser la CETT afin de l’adapter aux normes technologiques les plus récentes.»

Amendement D (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 5.1, remplacer les mots «qui ne relèvent pas» par les mots «qu’elle estime relever».

Amendement E (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, remplacer le paragraphe 5.3 par le paragraphe suivant:

«à réfléchir à la nécessité d’une nouvelle convention constituant un cadre juridique moderne sur les questions relatives aux médias au niveau transeuropéen.»

Amendement F (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 6.2, ajouter le texte suivant:

«ainsi que de la protection de la liberté d’expression et de la liberté de la presse par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et reflète aussi de manière satisfaisante les besoins et les intérêts des Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union européenne.»

Amendement G (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 1, après les mots «Convention européenne sur la télévision transfrontière», ajouter les mots suivants:

«et à sa Résolution 1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie»

C. Exposé des motifs, par Sir Roger Gale, rapporteur pour avis

(open)

1. Commentaires généraux

1. La régulation des médias a subi de fréquents changements au cours de la dernière décennie du fait de la convergence technique de la presse et la radiodiffusion avec internet et les autres médias électroniques. La durée moyenne d’utilisation per capita des médias a augmenté, et la concurrence économique pour gagner des clients et des recettes publicitaires est devenue plus féroce. Dans la foulée, les opérateurs internet en particulier sont devenus des acteurs mondiaux dotés de pouvoirs économiques et politiques considérables. Ils ont eu une incidence notable sur les politiques de l’Union européenne et la réglementation en général, s’attachant de ce fait davantage aux aspects économiques globaux qu’aux politiques traditionnelles concernant les médias, fondées sur des valeurs culturelles et démocratiques et tenant compte des diversités régionales.
2. La Recommandation 1855 (2009) de l’Assemblée sur la régulation des services de médias audiovisuels a réaffirmé que la directive SMAV (directive de l’Union européenne sur les services de médias audiovisuels) a pour principal objectif de garantir la liberté des services au sein du marché intérieur de l’Union européenne, conformément au droit communautaire primaire. Cette approche diffère de celle de la CETT (Convention européenne sur la télévision transfrontière) qui vise à garantir la liberté de transmission et de retransmission de services audiovisuels en Europe, sans considération de frontières, conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
3. La Convention européenne sur la télévision transfrontière est un traité existant et valide en vertu du droit international. Cependant, dans un courrier adressé le 10 décembre 2010 au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Mme Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la stratégie numérique, a déclaré que, selon elle, l’Union européenne avait seule compétence sur les questions couvertes par la Convention révisée et que les Etats membres de l’Union européenne n’étaient pas autorisés à devenir Partie à cette convention révisée. Elle a par ailleurs indiqué que l’Union européenne n’envisageait pas de devenir Partie à la convention en raison des contraintes que cela poserait à l’action de l’Union.
4. L’article 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne confère à cette dernière une compétence exclusive que dans les domaines suivants: a) l’union douanière; b) l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur; c) la politique monétaire pour les Etats membres dont la monnaie est l’euro; d) la conservation des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche; et e) la politique commerciale commune. Si l’Union européenne partage ses compétences avec ses Etats membres dans les domaines du marché intérieur et de l’espace de liberté, de sécurité et de justice en vertu de l’article 4, l’article 6 de ce traité stipule clairement que l’Union européenne dispose d’une compétence uniquement pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres dans des domaines tels que la culture et l’industrie. La radiodiffusion relève de cette dernière. Ceci ressort également de l’article 24 de la Directive 89/552/CEE de l’Union européenne qui a trait à la CETT. Les ministres européens responsables de la politique des médias ont convenu de la CETT en 1989, avant que certains d’entre eux ne s’accordent ultérieurement sur la Directive 89/552/CEE sur la télévision sans frontières.
5. Cette situation est troublante et nécessite la tenue d’un débat adéquat en Europe, car elle concerne le pouvoir des Etats membres de l’Union européenne de légiférer et d’adhérer à des traités internationaux dans un domaine de la plus haute importance nationale, mais affecte également beaucoup d’Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union européenne.
6. A l’évidence, les radiodiffuseurs et autres médias audio-visuels bénéficieraient grandement d’une révision de la CETT actuelle, conforme à la Directive 2007/65/CE sur les services de médias audiovisuels (SMAV) de l’Union européenne, qui permettrait à l’Europe d’être unie dans un domaine où les frontières nationales des 28 Etats membres de l’Union européenne n’entrent pas et ne devraient pas entrer en ligne de compte, et au-delà desquelles les directives de l’Union européenne ne s’appliquent pas.

2. Explications spécifiques

7. Amendement A: en dépit des demandes répétées du Conseil de l’Europe, la Commission européenne n’a pas clarifié la position juridique exprimée par la vice-présidente de la Commission européenne et commissaire chargée de la stratégie numérique, Mme Neelie Kroes, dans son courrier du 10 décembre 2010 au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe dans lequel elle affirmait que l’Union européenne avait compétence exclusive pour les questions couvertes par la CETT et que les Etats membres de l’Union européenne n’étaient pas autorisés à devenir partie à cette convention du Conseil de l’Europe. L'article 24 de la Directive 89/552/CEE telle que modifiée par la Directive 2007/65/CE contredit cette position.
8. Amendement B: la situation actuelle découle du blocage par la Commission européenne, dans la mesure où cette dernière a menacé ses Etats membres de sanctions s’ils signent la CETT révisée. Néanmoins, la Commission européenne a constamment refusé d’expliquer sa position juridique aux Etats membres qui ont signé la CETT actuelle. Il est judicieux de préciser les choses plutôt que de parler d’une «situation».
9. Amendement C: cet amendement ne concerne en fait que deux expressions dans la seconde phrase du paragraphe 4: l’expression «est par conséquent convaincue qu’il convient que le Conseil de l’Europe» est remplacée par «partage pleinement l’intention légitime exprimée par les hautes parties contractantes à la CETT de». En droit public international, les Parties à la CETT sont les maîtres ou propriétaires de la convention. Elles ont travaillé sur un projet de révision depuis plusieurs années et ont finalement exprimé leur intention de réviser et de moderniser la CETT. La résolution devrait en faire clairement état.
10. Amendement D: les compétences de l’Union européenne sont déterminées par les Etats membres de l’Union européenne en vertu du droit des traités, c’est-à-dire conformément au droit communautaire primaire. L’Union européenne devrait de ce fait être invitée à exprimer ses vues sur ce qui relève de sa compétence exclusive, et non sur ce qui n’en relève pas.
11. Amendement E: ce rapport porte sur la Convention européenne sur la télévision transfrontière et concerne donc aussi la radiodiffusion ou les médias audiovisuels. L’idée selon laquelle l’Union européenne devrait «examiner les autres moyens envisageables visant à l’adoption d’un cadre juridique moderne qui régisse les questions relatives à la liberté des médias à l’échelon paneuropéen» n’est pas convaincante.
12. D’abord, la liberté des médias est garantie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme à l’échelon paneuropéen, interprétée et actualisée grâce à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il ne semble pas souhaitable ou faisable d’élaborer un nouvel instrument juridique qui concurrencerait, voire affaiblirait probablement l’article 10. Deuxièmement, même en supposant qu’un nouvel instrument juridique sur la liberté des médias serait justifié, la normalisation dans ce domaine devrait relever du Conseil de l’Europe et de ses Etats membres, étant entendu également que l’Union européenne n’aurait aucun mandat pour produire ou fournir les moyens d’un cadre juridique en dehors de ses limites géographiques. Enfin, tout éventuel «cadre juridique moderne» de substitution serait probablement censé remplacer la CETT, ce qui ne va bien sûr pas dans le sens de nos propositions.
13. Amendement F: sur le plan juridique, il n’est ni faisable ni souhaitable pour les Etats membres de l’Union européenne d’œuvrer à un cadre juridique paneuropéen sans tous les Etats membres du Conseil d’Europe dans son ensemble. La liberté d’expression et la liberté des médias sont protégées par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et celle-ci ne doit en aucun cas être affaiblie par l’élaboration d’un autre cadre juridique transeuropéen.
14. Amendement G: il peut s’avérer utile pour le Comité des Ministres d’engager des travaux sur des lignes directrices relatives à la liberté des médias et destinées à ses Etats membres. A l’évidence, de telles lignes directrices devront être basées sur la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’article 10 de la Convention. Par ailleurs, il convient de rappeler au Comité des Ministres la Résolution 1636 (2008) de l’Assemblée sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie, d’une pertinence directe et qui contient une liste de principes élémentaires en matière de liberté des médias.