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Résolution 1967 (2014) Version finale
Une stratégie pour la prévention du racisme et de l'intolérance en Europe
1. Le racisme, la haine et l’intolérance
sont des problèmes de longue date en Europe. Au cours des dix dernières
années, cependant, malgré un renforcement de la législation contre
les infractions motivées par la haine et contre le discours de haine
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, les manifestations physiques
et verbales d’intolérance à l’encontre de personnes appartenant
à certains groupes ont augmenté, tant en gravité qu’en nombre.
2. Les effets de la crise économique sur le tissu social et l’échec
des gouvernements à concevoir et à mettre en application des politiques
en matière de cohésion sociale, de migration et d’inclusion des
Roms ont provoqué cette augmentation, qui a été amplifiée par l’utilisation
croissante d’internet et des médias sociaux.
3. Un rapport du Réseau européen contre le racisme a souligné
la responsabilité des décideurs politiques qui, sous couvert de
ne pas taire les vrais problèmes, diffusent des discours dangereux
et stigmatisants à l'encontre de certaines populations. La montée
de l'extrême droite et sa rhétorique peuvent également influencer
les discours politiques traditionnels.
4. Le fait que certaines législations nationales ne considèrent
pas l'insulte raciste et la discrimination comme un délit envoie de facto un signal négatif aux populations
européennes puisqu'aucune sanction formelle n'est prévue contre
ces actions.
5. L’Assemblée parlementaire estime qu’il est devenu urgent de
s’attaquer au racisme, à la haine et à l’intolérance en Europe selon
une approche stratégique plutôt qu’au cas par cas. L’urgence devient
d’autant plus impérieuse que ces phénomènes ont des effets dépassant
largement les individus directement visés: ils touchent des groupes
entiers, ce qui conduit à une victimisation collective; ils créent
des clivages au sein de la société entre différents groupes, ce
qui nuit au respect des droits de l’homme et à la cohésion sociale;
et, enfin, ils sapent davantage encore la confiance dans les pouvoirs
publics, l’Etat de droit et finalement dans la démocratie.
6. Une approche stratégique du racisme, de la haine et de l’intolérance
suppose la mise en place ou le renforcement d’un cadre juridique
de vaste portée, assorti d’efforts redoublés pour assurer sa mise
en œuvre effective. La stratégie devrait mettre l’accent sur la
prévention, la sensibilisation et l’éducation aux droits de l’homme,
tout en s’appuyant sur les précieux outils qu’offrent internet et
les médias sociaux pour toucher un plus large public.
7. Les représentants gouvernementaux et plus généralement les
responsables politiques devraient conduire avec détermination les
actions visant à éliminer le racisme, la haine et l’intolérance,
et donner l’exemple en contestant, rejetant et condamnant publiquement
les manifestations de haine, d’où qu’elles viennent. Dans cette
perspective, l’Assemblée exprime son soutien à la Déclaration de
Rome contre le racisme et l’intolérance, signée par 17 ministres
des Etats membres de l’Union européenne en septembre 2013.
8. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée appelle les
Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. concernant le cadre juridique sur le discours de haine
et sur les infractions motivées par la haine, et sa mise en œuvre:
8.1.1. à veiller à ce que le cadre juridique relatif au discours
de haine et aux infractions motivées par la haine englobe le plus
grand nombre possible de mobiles discriminatoires, notamment le
sexe, la race, la couleur, l’origine ethnique, la langue, la religion,
le handicap, la situation d’immigré, l’orientation sexuelle et l’identité
de genre;
8.1.2. à instaurer l’obligation d’enregistrer les infractions
présumées motivées par la haine, de mener une enquête à leur sujet
et de poursuivre leurs auteurs en justice;
8.1.3. à introduire des directives contraignantes à l’intention
de la police afin d’assurer que tout mobile haineux présumé, associé
à une infraction, fait l’objet d’une enquête diligente, impartiale, effective
et approfondie, et qu’il soit dûment pris en compte lors des poursuites
judiciaires et de la détermination des peines;
8.1.4. à former le personnel de la justice pénale, y compris
les procureurs et les juges, à la manière de traiter les infractions
motivées par la haine et de travailler avec les victimes;
8.1.5. à veiller à ce que les mobiles haineux associés à une
infraction soient explicitement mentionnés dans les décisions de
justice;
8.1.6. à encourager les victimes et les témoins à signaler les
propos haineux et les infractions motivées par la haine aux autorités:
8.1.6.1. en diffusant des informations, aussi largement que possible,
sur les moyens de signalement;
8.1.6.2. en veillant à ce que la démarche puisse s’effectuer via
internet et par d’autres moyens facilement accessibles;
8.1.6.3. en supprimant tout frais de signalement ou de dépôt de
plainte;
8.1.6.4. en garantissant aux personnes qui font des signalements,
lorsqu’elles se trouvent dans une situation irrégulière, qu’elles
ne pourront pas faire l’objet d’une mesure d’éloignement pendant
qu’elles coopéreront avec les services répressifs;
8.1.7. à signer et à ratifier le Protocole additionnel à la Convention
sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature
raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques
(STE n°189);
8.2. concernant la classification et la collecte des données:
8.2.1. à recueillir et à publier annuellement des données ventilées
sur le discours de haine et les infractions motivées par la haine,
afin de mieux comprendre et de comparer les phénomènes de victimisation
et les comportements délictueux;
8.3. concernant la prévention:
8.3.1. à soutenir la
campagne du «Mouvement contre le discours de haine» du Conseil de l’Europe;
8.3.2. à organiser de vastes campagnes de sensibilisation sur
la lutte contre le racisme, la haine et l’intolérance, utilisant
également internet et les médias sociaux;
8.3.3. à promouvoir la publication de supports pédagogiques et
la prestation de formations sur la lutte contre le racisme, la haine
et l’intolérance à l’école;
8.3.4. à veiller à ce que les policiers reçoivent une formation
sur les questions de diversité et d’égalité.
9. L’Assemblée invite ses membres à se joindre aux comités nationaux
mis en place dans le cadre de la campagne du «Mouvement contre le
discours de haine», et encourage la commission sur l’égalité et
la non-discrimination à donner à ses membres les moyens de lancer,
en partenariat avec leurs parlements nationaux, des activités de
campagne contre le racisme, la haine et l’intolérance. L’Assemblée
appelle également ses membres à coopérer plus étroitement avec la
Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI).
10. L’Assemblée invite les parlements nationaux à adopter des
codes de conduite pour leurs membres incluant des garanties contre
les discours de haine et les infractions motivées par la haine,
sur quelque motif que ce soit.