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Résolution 1972 (2014) Version finale

Assurer que les migrants constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 janvier 2014 (6e séance) (voir Doc. 13367, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Athina Kyriakidou). Texte adopté par l’Assemblée le 29 janvier 2014 (6e séance).

1. La crise économique qui a éclaté en 2008 a eu entre autres conséquences d’inciter beaucoup d’Etats européens à examiner attentivement la question des migrations, suscitant un débat davantage fondé sur des craintes et des préjugés que sur des données factuelles.
2. Si certaines préoccupations légitimes ont été soulevées aux plus hauts niveaux politiques quant à l’expérience européenne du multiculturalisme, s’agissant en particulier de la deuxième génération de migrants, le débat devrait s’attacher à la manière d’intégrer avec succès les migrants et de faire en sorte que les bénéfices des migrations soient ressentis par les sociétés d’accueil, les pays d’origine et les migrants eux-mêmes.
3. L’Assemblée parlementaire s’inquiète de ce que, trop souvent, les migrants sont injustement présentés comme une charge pour les finances publiques et une menace pour le bien-être économique et la cohésion sociale des sociétés d’accueil. Cette vision a été exacerbée par la crise économique et les nombreuses mesures d’austérité. Fait inquiétant, ce contexte a engendré un environnement et des discours de plus en plus hostiles à l’égard de l’immigration dans bon nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe.
4. Tant les médias que les responsables politiques ont leur part de responsabilité pour avoir laissé s’installer dans bien des Etats membres certaines idées reçues concernant les migrants. Si cette situation est parfois due à une attitude passive, elle a été, dans d’autres cas, délibérée. Des points de vue de groupes d’extrême droite et néonazis trouvent de plus en plus d’écho au sein des courants politiques majoritaires, que ce soit auprès de responsables politiques jouissant d’un soutien important de l’opinion publique, ou par la reprise des discours de ces groupes par certains partis traditionnels.
5. L’Assemblée juge essentiel de dresser un tableau objectif et honnête des bénéfices que les migrants apportent aux Etats membres. Il faut faire comprendre clairement qu’il appartient aux Etats de décider s’ils souhaitent que les migrants constituent davantage une richesse ou une charge. Ce choix dépendra des mesures prises par les Etats membres à l’égard des migrants qu’ils acceptent sur leur territoire et de leur engagement en faveur de l’intégration, qui doit être un processus à double sens impliquant à la fois les migrants et la société d’accueil.
6. Les bénéfices des migrations pour les pays d’accueil sont divers et variés. Sur le plan économique, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a clairement montré que, globalement, l’immigration ne constitue pas une lourde charge pour les finances publiques. Par ailleurs, la Commission européenne a conclu que les citoyens mobiles de l’Union européenne ne constituent pas une charge pour les systèmes de sécurité sociale nationaux.
7. Les migrants contribuent grandement au marché du travail, en comblant les pénuries de main-d’œuvre qui freinent la croissance. Ils se retrouvent dans la position de devoir accepter des emplois peu rémunérés, précaires, dangereux et pénibles que nombre d’Européens refusent d’exercer. Sans les migrants, dans certains pays, des secteurs économiques entiers s’écrouleraient, par exemple celui de la construction, de l’agriculture saisonnière, du tourisme, des services de santé ou des services à domicile. Leur contribution en qualité d’entrepreneurs est également considérable, sachant qu’ils emploient 2,4 % du total de la population active dans les pays de l’OCDE. Parallèlement, les liens tissés grâce à eux avec les marchés étrangers offrent de nouvelles perspectives de croissance pour les entreprises. Il convient par ailleurs de ne pas sous-estimer la contribution des étudiants internationaux qui participent à l’économie par leurs achats et constituent un vivier de main-d’œuvre hautement qualifiée et dotée des compétences linguistiques requises.
8. L’Europe vieillit et la population en âge de travailler devrait reculer de 10,5 % d’ici à 2050 au sein de l’Union européenne. Les taux de fécondité actuels sont également faibles et en dessous du seuil de renouvellement des générations dans bon nombre de pays européens. A titre d’exemple, ils sont de l’ordre de 1,74 enfant par femme en Arménie, 1,42 en Allemagne et 1,54 en Russie. D’après les projections, l’Europe aura besoin de 40 à 60 millions de travailleurs immigrés d’ici à 2050 pour maintenir son niveau de prospérité et de bien-être.
9. Les bienfaits apportés par les migrants ne se mesurent pas uniquement sur le plan économique et démographique. Ils peuvent également être source d’enrichissement culturel, dans la littérature, le cinéma, les arts, les sports, la cuisine et la mode, et sont susceptibles de renforcer le dialogue interculturel et interreligieux.
10. L’Assemblée estime que les Etats membres devraient chercher plus activement à optimiser les bénéfices que les migrants peuvent apporter. Plus spécifiquement, l’Assemblée recommande aux Etats membres:
10.1. de combattre les idées reçues concernant les migrants et notamment celles qui les représentent comme une charge pour les finances publiques et une menace pour la prospérité économique et la cohésion sociale. Ils devraient pour ce faire:
10.1.1. dresser un tableau juste et fidèle de l’impact fiscal et autre des migrants, en matière d’emploi, d’entrepreneuriat, de démographie, d’’enseignement supérieur, de culture et de codéveloppement;
10.1.2. encourager les médias à s’appuyer sur des informations et des études impartiales et précises, à employer une terminologie appropriée et un langage moins passionnel lorsqu’ils rendent compte de la situation des migrants et des migrations;
10.1.3. exhorter les responsables politiques à faire preuve de responsabilité dans le débat sur les migrants et les migrations, et à ne pas laisser les points de vue et la rhétorique extrémistes infiltrer le discours majoritaire. Par ailleurs, les responsables politiques devraient être encouragés à débarrasser le débat public de toutes les idées reçues qui portent préjudice aux migrants et à leurs perspectives d’intégration;
10.1.4. encourager la poursuite des études et la collecte de données sur l’impact des migrations afin de promouvoir une approche de la question fondée sur des éléments factuels;
10.2. de veiller à optimiser les bienfaits apportés par les migrations et les migrants en favorisant l’intégration de ces derniers dans un processus à double sens et, pour ce faire:
10.2.1. encourager la contribution des migrants à l’économie en levant les obstacles juridiques et autres, notamment la non-reconnaissance des qualifications, qui limitent leur participation au marché de l’emploi, que ce soit en tant que salariés, travailleurs indépendants ou entrepreneurs;
10.2.2. élever leurs niveaux d’éducation et leurs résultats scolaires afin qu’ils se rapprochent de ceux de la population totale;
10.2.3. lutter contre la discrimination et promouvoir l’égalité, en prenant en compte les recommandations des organes de suivi du Conseil de l’Europe, tels que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les conclusions du Comité européen des Droits sociaux ou le Mouvement du Conseil de l’Europe contre le discours de haine;
10.2.4. faciliter leur participation démocratique, notamment en leur accordant la citoyenneté, la nationalité et le droit de vote, en particulier au niveau local, conformément aux Conventions du Conseil de l’Europe sur la nationalité (STE n° 166) et sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144);
10.2.5. promouvoir la diversité en tant qu’avantage apporté par l’immigration et l’intégration, les migrants étant considérés comme une ressource pour le développement économique, social et culturel local, et non uniquement comme des groupes vulnérables ayant besoin d’aide et de services sociaux, ni comme une menace pour la cohésion sociale;
10.2.6. encourager leur sentiment d’appartenance grâce à l’octroi de la double nationalité, en particulier à ceux qui ont contracté un mariage mixte et à leurs enfants;
10.2.7. préserver l’attractivité de l’enseignement supérieur pour les étudiants étrangers en favorisant une procédure de délivrance de visa simple et efficace;
10.3. sachant que l’intégration s’opère principalement à l’échelon local, de tirer parti de l’expérience du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ainsi que du programme «Cités interculturelles» du Conseil de l’Europe et de l’Index des cités interculturelles créé dans ce cadre;
10.4. de veiller à ce que les politiques de migration de travail tiennent compte de manière réaliste des besoins du marché du travail et gardent à l’esprit que certains types de migration ne peuvent pas être régis de la même manière que les autres, au risque d’enfreindre les droits de l’homme et les obligations humanitaires. C’est particulièrement le cas s’agissant des réfugiés et des demandeurs d’asile, mais aussi des politiques de regroupement familial.
11. L’Assemblée reconnaît que les déplacements massifs de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés imposent des responsabilités et une charge aux pays du sud de la Méditerranée, en particulier lorsqu’ils ne disposent ni des infrastructures ni des ressources économiques requises pour y faire face efficacement. Elle appelle les Etats membres à aider ces pays à mieux respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme dans la réponse qu’ils apportent aux besoins des migrants et à prévenir les idées reçues à leur égard ainsi que la propagation d’une rhétorique xénophobe dans le discours public.